La Presse
Actuel, jeudi 3 janvier 2002, p. B6

Les nouveaux leaders
"La politique, c'est mon rêve"

Authier, Philip
The Gazette

NOM: Nicolas Tétrault ÂGE: 27 ans OCCUPATION: CONSEILLER MUNICIPAL

À 27 ANS, Nicolas Tétrault a déjà le charme politique du gagnant. Quand il entre dans un café, il serre même la main du chef cuisinier.

Le plus jeune élu au nouveau conseil municipal montréalais n'a toutefois rien d'un novice quand il s'agit de faire des mondanités ou de mettre les gens à leur aise. "J'aime rallier les gens", dit-il, lors d'une entrevue accordée au moment du déjeuner, dans un café de son district du Plateau Mont-Royal. "Je ne suis d'aucune façon un radical. Je ne suis pas le gars le plus partisan au monde. La politique, c'est mon rêve. Je vis, je respire la politique, mais je veux aider les gens."

Rien dans sa liste de promesses électorales ne laisse suggérer qu'il rêve en couleurs. Nicolas Tétrault a promis de faire réduire à 40 km/h la vitesse maximale dans les rues transitaires du Plateau. Il veut renforcer la sécurité dans les parcs et autour des stations de métro, pour que les aînés se sentent à l'aise dans les rues, le soir. Il a proposé la construction de logements coopératifs, un plus grand soutien aux artistes locaux et, pour les commerces, plus d'espaces de stationnement dans les rues congestionnées.

"Je mets l'accent sur les mesures qui peuvent être réalisées et qui ne coûtent pas cher", indique-t-il. Pas mal, comme programme, dans un monde politique souvent sans-coeur. Nicolas Tétrault a plus d'expérience que la plupart des politiciens de son âge. À 19 ans, il a tenté de se faire élire à l'Assemblée nationale sous la bannière du Parti québécois dans la circonscription de Robert-Baldwin, dans l'Ouest-de-l'Île. Conformément aux attentes, il a été battu à plate couture. En 2000, lors des élections fédérales, il a défendu les couleurs du Bloc québécois dans Brossard-La Prairie. Nouvelle défaite, mais par une marge considérablement réduite.

Sa victoire aux élections municipales de novembre dernier fut aigre-douce. Nicolas Tétrault a beau avoir vaincu un vétéran de 15 ans au conseil, André Cardinal, il se retrouve dans l'opposition, puisqu'il a concouru dans le camp de Pierre Bourque. "Chanceux la troisième fois", dit-il en blaguant.

Nicolas Tétrault se dit fier des records qu'il a établis. Quand il s'est présenté sous la bannière péquiste en 1994, il était le plus jeune candidat du parti souverainiste depuis sa fondation. Les dirigeants l'ont fait défiler d'un bout à l'autre du Québec, comme une mascotte de sa génération.

Lors des élections municipales, il était de nouveau le plus jeune candidat de l'équipe Bourque, et ce dernier tenait à côtoyer ce membre de "la relève", cette indéfinissable jeune génération de politiciens que courtisent les grandes formations en vue de se rallier les jeunes électeurs indécis.

Le principal intéressé s'identifie à cette relève. Loin de l'aile dure du PQ, il estime représenter l'avenir. Il croit que la vieille garde du parti a perdu contact avec le Québec moderne et pourrait écoper à la prochaine élection.

Parlant couramment l'anglais- il a grandi à Pierrefonds- Nicolas Tétrault fait partie d'une génération de francophones qui voit dans les communautés anglophone et ethniques un atout pour le Québec.

"Ce fut une merveilleuse expérience, affirme-t-il, en parlant de sa campagne électorale dans Robert-Baldwin. C'était constructif parce que pour moi, les anglophones sont aussi Québécois que les francophones, et nous ne pourrons les oublier si le Québec devient souverain. Ils sont chez eux ici, et je suis fier de leur présence. Ils nous ont aidés à construire le Québec."

La politique n'a pas été la première carrière de Nicolas Tétrault. Ennuyé par ses cours de comptabilité, il s'est réorienté vers un baccalauréat en sciences politiques à l'Université de Montréal. Aujourd'hui, il est à la fois politicien professionnel et propriétaire de Hubris, entreprise de consultation en marketing-multimédia.

Tantôt il présente au gouvernement québécois des projets de cabinets privés, tantôt il prépare des campagnes publicitaires ou assigne des travaux aux nombreux contractuels employés par son entreprise. Il hésite aujourd'hui entre un projet d'usine d'embouteillage à Chandler, en Gaspésie, et un projet d'usine de disques compacts dans la même région.

Où sa carrière le mènera-t-il? Mystère et boule de gomme. Il voit grand, et n'écarte pas la possibilité de postuler un jour pour la mairie de Montréal.

"Nicolas, c'est un gars qui sait déchiffrer une carte politique", blague Benoît Corbeil, ancien directeur général des libéraux fédéraux au Québec et lui-même candidat aux élections municipales. "Il est plus souverainiste que fédéraliste, mais il respecte les points de vue des autres... Il a un bel avenir politique devant lui."