Lettre d’amour non conventionnelle
Montréal le 19 septembre 2002
Chère Constance!
Je pense trop… je pense à toi. Je ne sais pas trop par où commencer, mais je suis sûr de tenir à t’écrire. En effet, mon esprit est tellement captivé par ton être que j’en arrive à entretenir un discours interne complètement délirant avec ta personne. Alors, je crois que c’est la moindre des choses de finalement partager réellement quelques-unes de ces pensées. Par ailleurs, je dois te dire aussi que je suis anxieux de te revoir sans préalablement avoir fait le point sur notre relation. En effet, il s’est peut-être avéré lors du dernier party qu’un événement compromette mes espoirs d’ascension vers ta perspective. Vois-tu, j’ai peur d’avoir peut-être perdu à tes yeux la crédibilité de l’amour que je te porte. Je suis mal à l’aise à l’idée de te décevoir, je crains tellement une détérioration de notre relation. J’essayerai donc par cette lettre de relativiser le tout, d’expliquer ma perception de la réalité pour mieux définir l’avenir tel que je le souhaite. Tu sais, je n’ai pas à te dire à quel point je tiens à toi. Il va de soi que je prends le temps de bien t’expliquer le pourquoi du comment. J’en conclus donc qu’il y a de ma part un besoin fondamental de te garder dans ma vie, de te transmettre une partie de moi-même; L’amour pourrait-il n’être que la résultante d’une simple équation mathématique? Est-ce que le temps investi dans cette lettre équivaudrait à l’énergie nécessaire pour te garder dans ma vie? Alors puisque j’essaye de toujours tout rationaliser, même l’amour, je me prête en t’écrivant à cet exercice de réflexion.
Subséquemment, ta pendaison de crémaillère était une vraie réussite. La « vibe » était dès plus positives, tout le monde était heureux. Nous avions tous en appartenance le fait d’être des relations des colocataires de votre appartement, nous avions donc tous des affinités culturelles en commun. Il va s’en dire alors que le mélange pour moi ne fût pas compliqué. De la sorte, j’ai évidemment rencontré des personnes intéressantes. Pourtant, mon intérêt dans la soirée avait indubitablement pour nom celui de Constance. Même si j’avais l’air occupé par mon rôle de photographe, même si je n’étais pas omniprésent à tes côtés, mes sens étaient en alerte quand à savoir ce que tu faisais et où tu étais. À bien y penser, ne sachant trop comment me définir à tes côtés, j’étais même un peu mal à l’aise dans ma façon d’agir par rapport à toi. Tu étais rayonnante, remplie d’attention, entourée d’énergie positive, le sourire collé en permanence aux lèvres. J’étais vraiment enchanté de te voir si heureuse, de vivre dans ta réalité sociale, de contribuer à ton succès et de partager ce moment avec toi. Toutefois, j’étais entravé dans mon désir de me rapprocher de toi. En effet, je ne peux trop forcer pour notre rencontre; il y a des règles tacites à ne pas enfreindre sous peine d’aller à l’encontre de l’objectif initial. Ainsi, à mes yeux, la réciprocité est nécessaire pour l’équilibre d’une relation. Or, la liberté est pour moi un indice d’authenticité pour jauger la direction de la volonté d’une personne. Alors, tu comprendras que pouvant allègrement me projeter en toi, je suis des plus réceptifs à ta volonté. Je ne peux donc aller à l’encontre de ta volonté, même si c’était pour favoriser mes propres intérêts. Bref, faute de pouvoir aller souvent vers toi dans le party, je souhaitais ardemment ta présence… en quelque sorte j’attendais que tu viennes à moi. Pourtant, étant moi-même social et des plus libertaires dans mes communications avec les individus, je n’ai jamais été possessif avec personne. Mais toi tu n’es pas personne.
Tu sais, tout comme toi je suis curieux et j’adore la communication, je pense, donc qu’il faut partager spirituellement les gens qu’on aime avec notre entourage. Par ailleurs, au nom de la force sociale, je préconise aussi le maximum d’interactions entre les individus dans un groupe donné. Or, l’énergie sexuelle est une dynamique naturelle et fondamentale, une énergie transcendant notre volonté; nos relations sociales en sont inévitablement influencées. Je dirais même que la sexualité serait peut-être l’intérêt majeur dans un party et la référence identitaire du groupe. Vu globalement, j’illustrerais un party comme une grande concentration d’atomes, qui sous l’effet de la gravité et de certaines règles électrochimiques, se combineraient à qui mieux mieux pour former des molécules. Tant qu’à faire dans l’allégorie, je rajouterais aussi que par la concentration des individus dans un espace donné, un party serait également une vision accélérée de nos déplacements dans la vie… un genre de célébration métaphorique de la vie elle-même.
Peu importe, tout cela pour dire que je cherchais profondément l’union avec ton espace-temps. Je n’y peux rien… je suis irrésistiblement attiré vers toi. Cependant, comme je l’expliquais plus haut, quelques règles sociales font résistance à ma volonté de fusion avec ton être: je crois à la liberté, tu ne me donnes pas assez de réciprocité… je ne suis pas ton chum. À partir de là, comment devais-je réagir? La question peut paraître malhabile à poser, mais ma position par rapport à toi est fondamentale pour définir mes actions par rapport aux autres, principalement vers ceux partageant, disons, mon intérêt pour toi.
C’est ainsi qu’à quelques reprises, j’allais rencontrer mon espace-temps zéro. Mes va-et-vient vers toi étaient comme une danse, chacune de mes approches était l’histoire d’un déchirement entre une tentative de séduction et le respect du rythme imposé, d’un déchirement entre l’expression de mes sentiments et la rétention de ceux-ci. Tu sais, j’aime bien te flirter et étirer le temps avec toi. J’adore te faire vibrer et vivre le présent en ta compagnie. Concrètement, je ne suis pas pressé d’arriver à un résultat. Mon seul problème est lorsqu’il y a de l’interférence. Ma cour ne s’adresse qu’à toi, je ne veux pas faire part à l’entourage de cette énergie si particulière tant que je ne serai pas certain d’être ton élu. Je suis donc littéralement jaloux pour ta présence. Or, même si je suis normalement un fier compétiteur, je refuse catégoriquement de me battre pour l’amour. C’est non seulement une question de principe (je t’expliquerai un peu plus loin), mais aussi une question de statut. Je suis un prétendant de premier ordre Constance, je n’ai pas à partager ma présence devant toi avec de simples curieux postulants n’importe où, je n’ai pas à tolérer une dynamique de compétition directe pour avoir ton attention. Et ce n’est pas parce que tu m’es indifférente que je délaisse la bataille, mais bien parce que je ne veux pas corrompre mes sentiments pour toi. L’amour, selon ma définition, ne devrait pas être une « game » de pouvoir.
De la sorte, lorsque je me suis aperçu de ton départ à 5 heures au carré Saint-Louis j’ai comme dirait-on paranoïé. Je ne sais trop que l’ABC pour se « pogner » une fille dans un party c’est de l’isoler, considérant surtout que j’étais dans le décor. Or je ne voulais pas vérifier mes appréhensions, l’expérience m’a trop souvent été douloureuse par le passé (je me suis retrouvé si souvent dans cette situation… mon père à peut-être raison quand il dit que l’amour nous met dans une condition de faiblesse, que les filles sont instinctivement séduites que par ce qui est « supérieur » à elles, c’est-à-dire ce qui ne leur est pas acquis). Par ailleurs aussi, nous ne nous devons rien. Tu branles dans le manche pour ma présence, je n’ai pas à attendre ta décision pendant que tu prospectes un peu partout les gars susceptibles de t’intéresser. Je dois moi aussi vivre ma vie et combler ce que tu n’es pas en mesure de me donner. De par mon désir pour toi, la soirée m’avait rempli d’énergie sexuelle. Déjà que normalement ma libido est défaillante, cette pulsion était pour moi un signe de vitalité fascinante que je devais écouter. C’est pourquoi, même si je te réservais cette énergie, j’ai finalement accepté moi aussi d’être réceptif aux approches d’une fille dans le party. Stéphanie s’est avérée gentille et intelligente, j’aurais été niaiseux de passer mon tour.
Où en serons-nous quand nous nous reverrons Constance? Je suis tout mêlé quant à la position que je dois prendre avec toi. D’un côté, j’aimerais pousser sur tous les fronts pour encourager l’évolution de notre relation, de l’autre, je laisserais l’initiative au destin et à ta volonté de choisir ce qui adviendra de notre histoire. Il y a aussi cette option… celle de couper les ponts. En effet, même si je suis des plus fidèles à ce que j’aime, je suis paradoxalement aussi un être épris d’indépendance et de liberté. Or, je peux quitter une relation aussi facilement que le vent disparaît; normalement, je ne m’ennuie jamais de personne tellement j’aime la vie. Bref, il y a toujours des moments où nous remettons en question le sens de nos motivations. Si mon amour par rapport à toi ne peut évoluer, que tu n’es pas en mesure d’apprécier adéquatement mes attentions les plus positives, que je suis confiné à vivre avec toi que des frustrations… à quoi bon continuer de m’investir dans notre relation. Or le problème c’est que j’y perdrais ma meilleure amie. La situation est si simple et si complexe à la fois. En tant qu’ami, je me dois d’être un acquis inconditionnel, en tant que prétendant, je ne peux accepter d’être un acquis.
Ce n’est pas d’hier que la question me tourmente, à vrai dire depuis notre première rupture (rupture qui était toutefois inévitable vu ton jeune âge à l’époque). Ma situation est le paradis et l’enfer en même temps. Quand tu es avec moi, peu importe la façon, je suis littéralement dans un état second… un véritable état de béatitude. Notre interaction spirituelle est si naturelle, si intense, si positive. Tous les aspects de ta vie m’intéressent. Je bois tes paroles comme du vin, je lis ton regard comme de la poésie. Être devant toi à te vivre, c’est ce qui me donne le plus de présence au monde. Tellement que, lorsque tu quittes mon espace-temps, j’en arrive à me sentir dépossédé. La simple perspective de vouloir te revoir m’incite à participer à la construction du monde, car je ne peux accepter l’idée de ne plus te revivre. Tu es une drogue dont je ne peux plus me passer. Tu es, à ce jour, l’amour de ma vie…
Je suis donc prisonnier de mon amour pour toi, en quelque sorte, je suis pris sur ton orbite. Tant que je serai soumis à ta gravité, je ne pourrai pas me libérer l’esprit pour aimer pleinement une autre fille. Je suis donc dans un état circulaire, à tourner autour de toi, sans jamais pouvoir vraiment t’approcher, sans jamais pouvoir vraiment m’en aller. Je suis prisonnier d’un amour virtuel que j’espère concrétiser. Or, je suis en train de perdre espoir dans la réalisation de ce rêve. Cette incertitude m’épuise Constance, je dois finir par savoir quelle est la place que tu souhaites me donner dans ta vie. Je présume que cette affection vive que je te porte, c’est cela le mal d’aimer. Comment puis-je gérer cette situation? Dois-je me contenter d’être cet excellent ami en me comportant adéquatement au rôle en question, ou dois-je me libérer de cette situation en brusquant le destin? Je crois devoir analyser le passé pour pouvoir vraiment y trouver une réponse.
Je me rappelle en effet d’une certaine soirée à tes côtés qui avaient suscité en moi beaucoup d’émotions, il y a de cela trois ou quatre mois avant le party. De cette soirée, je pourrais en tirer pour moi-même l’analyse de mes conclusions, je pourrais poursuivre ma vie comme si de rien n’était, je pourrais choisir cette option et laisser mourir notre relation… sans rien te dire. Mais ce serait manqué de respect à toi, à notre confiance l’un envers l’autre, à notre amitié… au désir que tu suscites en moi. Tu comprendras que je te dois des explications ; car après cette soirée Vanilla Sky, il est vrai, j’avais perdu le goût de partager à nouveau ton intimité.
Effectivement, lors de cette fameuse soirée, je croyais que tous les ingrédients étaient réunis pour nous emmener ensemble au bonheur : bonne bouffe, bon Porto sur l’oreiller, excellent film suscitant la réflexion… moi et toi. Pourtant, la situation fut plutôt à mon avis un moment de vérité que le début d’un nirvana. En effet, je crois que cette soirée fut pour nous révélatrice dans la mesure qu’elle atteignit un niveau de plaisir assez haut pour nos capacités présentes. Or si je ne peux me rapprocher davantage de toi avec l’ensemble de ces ingrédients, je pense que jamais je ne le pourrai… Pour l’instant du moins, je ne peux faire mieux. Par ailleurs, parce qu’il doit toujours y avoir une suite évolutive des événements pour entretenir une relation, je pense que nous sommes rendus dans un cul-de-sac.
Rationnellement, je pense aussi que nous sommes dans cette impasse du fait qu’il y a conflit des intentions de l’un par rapport à l’autre. Je cherche à partager l’ensemble des dimensions de ma vie avec toi, alors que pour ta part tu me confines à ne partager que la dimension cérébrale; outre cette dimension, tu es pleine de barrières et de zones interdites. Ce qui m’emmène à te poser encore la question : que suis-je pour toi? De toute évidence je suis un ami, peut-être aussi un genre d’âme sœur comme je me complais à penser. Nous nous confions l’un à l’autre en toute aisance, nous nous réconfortons réciproquement des angoisses quotidiennes simplement en étant ensemble, nous nous comprenons mutuellement… C’est ce que tu entends par les axes tête et cœur que nous partageons intensivement, je crois. Mais, à suivre cette logique, il me manquerait un troisième axe pour pouvoir ouvrir la combinaison du coffre magique de ton être absolu… celui du physique. Dois-je comprendre que si l’amour est la combinaison de ces trois axes, je ne suis pas aimé absolument par ta personne, qu’il y a des aspects de mon être, aspects principalement de nature physique, voir superficielle, te poussant constamment à rejeter mes avances.
Je comprends donc que je suis un bon ami et que tu tiens à me garder comme tel. Pour ma part je pourrais en faire autant si ce n’était de ce désir qui m’inflige les pires frustrations. Encore une fois ici, je suis donc pris entre deux rôles, celui de l’ami confident, et celui du prétendant à ton cœur. Comme tu l’as dit si bien en cette soirée, la solution résiderait pour te citer dans l’amour (ayoye!), concrètement ici, la conciliation de mes deux rôles par une intégrale dynamique amoureuse. C’est une situation tellement clichée quand j’y pense, mais elle est malheureusement très vraie.
Même si c’était sans trop de conviction de par ton manque d’enthousiasme, j’ai probablement trop poussé lors de cette soirée pour débloquer la situation. C’est pourquoi je pense que tu t’es sentie brusquée, acculée. Tellement que je n’ose plus te faire d’avance concrète. Que de barrières pour m’empêcher de te transmettre les forces qui m’habitent, que de fermetures pour m’éviter d’exprimer intégralement mes sentiments! De sorte que j’en suis peut-être arrivé à comprendre tes vrais sentiments pour moi. D’ailleurs, ne m’as-tu pas dit sur un ton aussi bête que sceptique : « Penses-tu vraiment que je suis la fille qu’il te faut». Pour ton information personnelle, je te le répète encore une fois, je suis tellement heureux avec toi. Pourquoi j’irais commencer à me casser la tête à répondre à cette question, à trop m’en faire pour un éventuel futur commun. Le futur c’est intelligent de l’aménager, mais concrètement l’amour cela se vit au présent. Ce qui me fait penser que je ne devrais pas avoir à te convaincre de ce qui m’apparaît si évident concernant notre amour. À moins que je sois littéralement en train de m’inventer une histoire. Je commence à douter Constance, non de mon amour pour toi, mais du contraire. Présentement, une partie de moi se bat pour la sauvegarde de notre amour, l’autre se remplit de ressentiment.
À bien réfléchir, j’ai le goût de te donner le coup de grâce quand je me rappelle que tu affirmas être en deuil de P.O. Imagine un peu qu’en cette soirée je vivais mon présent intensément, et toi de me dire que tu avais la tête au passé, un passé de surcroît évacuant totalement ma présence… et donc mon propre amour. C’est carrément me dire que tu aurais préféré vivre ce moment avec lui plutôt qu’avec moi. Ainsi, je crois que mes énergies amoureuses envers toi étaient complètement ignorées, voire rejetées. Je crains donc que tu ne sois pas capable de jouir adéquatement de ma présence et de mes attentions. Je serais aveugle de continuer à investir dans une personne qui n’est pas en mesure de pouvoir apprécier le meilleur de moi-même (pourtant, malgré cette révélation, j’ai bizarrement et intensivement continué à te donner des produits dérivés de mon amour. L’amour est si incohérent). Tu comprendras donc mon écoeurement, je ne sais plus sur quel pied danser, je suis déprimé et fatigué. Mon amour-propre a été blessé, je me sens tellement dévalorisé que je ne suis plus capable de me regarder dans le miroir. Je devrais te laisser vivre ton deuil, et toi, du devrais me laisser vivre le mien.
Comme toujours en amour, je suis si maladroit. Mais à bien y penser, cette maladresse est volontaire, car je recherche l’amour authentique, et puisque pour moi le véritable amour doit se manifester naturellement sans aucune forme de technique ou de stratégie, je suis toujours pris dans le même « pattern » depuis des lustres. En effet, mon approche amoureuse étant avant tout cérébrale, je m’avance toujours incessamment dans la pensée de mon interlocutrice… jusqu’à ce que je décroche ou que j’y frappe un mur. Je suis donc extrêmement envahissant pour les personnes intellectuellement faibles. Pourtant, je ne cherche pas à dominer, je recherche l’authenticité, l’intelligence, l’amour, l’équilibre… le bonheur mutuel. Or, n’y a-t-il pas une parfaite compatibilité entre nos deux esprits? Si on prend en considération notre plaisir d’être ensemble et notre difficulté à se laisser au téléphone, je pense que oui.
Tu vois, en me définissant davantage par ma pensée que pour mon corps (corps qui est par ailleurs pour moi qu’accessoire à la vie), j’en arrive à être principalement apprécié que dans les dimensions dans lesquelles j’ai investi… je suis donc en quelque sorte un peu victime de mes qualités. Il faut dire aussi que lorsque j’en arrive à comprendre que j’aime une fille, mon sens du respect s’y développe proportionnellement, et je me sens donc obligé de lui démontrer que j’aime réellement sa présence en banalisant sa dimension physique. En résumé, j’atténue en quelque sorte la dynamique sexuelle pour instaurer un climat d’amitié et de confiance. Il est en définitive intéressant pour une fille d’être avec un gars au-delà du plancher des vaches, un gars qui ne s’intéresse pas qu’à son cul. Cependant, en banalisant la dimension sexuelle, j’en arrive à devenir dépourvue d’intérêt physique. Or il s’avère que cette dimension est une partie intégrante d’une réelle dynamique amoureuse. Bien que l’amour soit pour moi vraiment spirituel, la mise en pratique du don de la vie est nécessairement physique. J’ai donc au nom de la spiritualité longtemps rejeté à tort l’importance de la dimension physique de l’amour. Effectivement, ce besoin pour moi n’était que la manifestation d’une force primaire de la nature conditionnant nos comportements. De toute façon, peu importe notre interprétation de la sexualité, cette dynamique est fondamentale à la vie elle-même; elle est aussi par ailleurs notre faiblesse de mortel.
Mon comportement amoureux me met donc hors-jeu. Pas étonnant donc que je n’ai jamais trouvé une réciprocité équilibrée en amour. Alors dans ce domaine, je suis toujours accroché à la même étape de mon développement personnel. Mon comportement est tellement marginal à l’air du temps, normal qu’il me soit difficile de trouver ce que je recherche. Je suis un puriste, un intégriste, un radical, un extrémiste. Je veux être aimé pour ce que je suis, et pour ce faire je m’acharne contre vent et marée à demeurer vrai dans un monde qui me demande constamment de modifier mon sens de l’identité. En effet, le monde passe leur temps à s’ajuster pour atteindre leur but que trop souvent conditionné. Pour ce faire ils trompent, manipulent et utilisent l’apparence allègrement. Ce qui me fait penser encore à cette idée (probablement dérivée de mes lectures de Darwin) que j’associe maintenant à n’importe quel domaine : « La survie est un équilibre entre l’adaptation à son environnement et la résistance pour son identité ». Moi je résiste toujours jusqu’à la dernière minute avant de m’adapter. Je suis complètement à contre-courant. Je dois donc me battre incessamment à coup de justification pour être accepté… et donc quelque part aussi pour être aimé. L’amour devrait être un authentique échange pour se ressourcer, pas un combat adaptatif pour demeurer en vie. Je suis désespéré Constance, je me demande vraiment si j’ai ma place dans cette société complètement aliénée par la télévision et l’argent.
Je porte en moi cette frustration de ne jamais avoir reçu l’amour que je suis capable de donner. Pourquoi ne puis-je être aimé quand je suis ce qu’il y a de plus sincère chez l’être humain. Pourquoi est-il si facile d’être désiré pour des gens simplement qualifiés de beaux par l’air du temps. Pourquoi cette « game » d’apparence et de pouvoir pour la séduction. Peut-être suis-je trop honnête, trop authentique… trop faible pour vivre dans ce monde où l’illusion est roi. Avec moi tout est franc et clair, il n’y a pas de mystère. Je ne suis pas ce mâle en quête de domination, je ne veux pas « fourrer » personne. Il est vrai que le pouvoir ne se demande pas, il se prend; mais l’amour lui n’est pas le pouvoir, il est l’essence de la vie même. Malheureusement, dans un monde capitaliste, « l’amour » n’est plus que la manifestation du pouvoir individuel d’attraction, et ce pouvoir pour se concrétiser n’est plus qu’une image en interaction avec l’entourage, image de surcroît conditionnée à coup de mode et de pub. Effectivement, beaucoup de personnes ne vivent que pour leur image et ne se sentent exister qu’en se démarquant aux yeux des autres (et dans ce besoin primaire, toutes les façons sont bonnes pour y arriver). Quoi de plus harassant qu’une personne tentant d’impressionner l’entourage sans jamais s’adresser à quelqu’un spécifiquement? C’est un signe équivoque pour moi d’individualisme narcissique où le développement des relations interpersonnelles n’est ici que dans le but de se mettre en valeur. Malencontreusement, cette attitude est l’une de celle encouragée par la société de consommation, car nous devons tous investir monétairement pour être aptes à la séduction. (Aussi, comme c’est politiquement plus facile à gérer une société où l’ensemble des citoyens est conditionné par la mode et en compétition les uns avec les autres…). D’ailleurs les publicitaires le savent parfaitement; hommes et femmes achètent des vêtements, des voitures, des mets savoureux pour attirer, se démarquer et trouver des partenaires sexuels. La télévision nous montre des jeunes cadres au volant de voitures à faire rêver, des filles sveltes entourées d’une foule d’admirateurs, dans des robes que toutes les femmes devraient porter. Déodorants, lotions capillaires, rasoirs, pâtes dentifrices parfums, vitamines, exerciseurs, Viagra, aphrodisiaques, aliments, drogue, sport, loisirs, musique pop, cellulaire, bijoux, vêtements, mode. Tout pour faire rouler l’économie aujourd’hui fait allusion au sexe, dimension purement physique de l’amour et symbole social de notre « pouvoir »; les autres dimensions de l’amour n’étant plus qu’un concept secondaire délavé à l’eau de rose et relégué aux individus dysfonctionnels, mésadaptés et physiquement moins attrayants. L’argent est Dieu, l’individu doit s’assujettir à sa conquête pour exaucer ses propres désirs matériels, seules sources de bonheur reconnu. Le bien-être des autres, l’amour et le souci de l’environnement ce n’est maintenant que pour ces « faibles » socialistes.
Or comme tu le sais très bien, je suis vraiment en réaction contre les valeurs issues du système socio-économique nous dominant. C’est donc dire en quelque sorte que respecter mes valeurs et ma manière d’être c’est rejeter comme moi le conformisme de la masse aliénée. De sorte que mon simple comportement dénonce. Bizarrement, la résultante est d’en arriver à être considéré aux yeux de monsieur tout le monde comme un perdant, même si je suis un résistant, même si cela est par choix, même si c’est parce que je priorise le bien-être de l’environnement sur les intérêts pour ma propre vie. Mais je suis loin de me complaire dans ce statut de faible. Et d’ailleurs je préfère me battre à promouvoir ma façon d’être que d’accepter faiblement la défaite. C’est bizarre comment ma philosophie politique a conditionnée mes déboires en amour, à moins que ce ne soit le contraire. Cette relation étonnante mérite d’être analysée d’un peu plus près.
Depuis le début de mon secondaire, j’étais tracassé par mon pouvoir de séduction anémique. Je voulais être choisi pour qui j’étais, et ce que je considérais être ce n’était pas mon apparence, mais ma conscience, la façon dont je pilotais. Je ne comprenais pas pourquoi c’était les tapageurs-superficiels, tous aussi systématiques dans leur vulgaire parade nuptiale, qui avaient le plus de succès avec les filles. Je les détestais, parce que plus petit, en retard sur ma puberté et différent, j’avais été constamment harcelé et persécuté par ces programmes adeptes de la force brute. Ainsi, avant l’étape où je pris mon courage à deux mains et décidai de gagner le respect par la combativité, j’étais ignoré par les filles du simple fait que j’étais une cible de prédilection. C’était absurde, mais je devais me battre dans le vrai sens du mot pour avoir le droit d’approcher en paix une représentante de la gente féminine; un vrai zoo! D’ailleurs Charles Darwin a écrit dans la descendance de l’homme et la sélection naturelle que : « Dans de nombreuses espèces animales, les mâles qui attirent les femelles sont les plus prétentieux, souvent plus grands et plus colorés ou s’affichant par des comportements de parade plus vigoureux. Les femelles s’accoupleraient plutôt avec ces mâles bruyants ou vivement colorés parce qu’ils sont faciles à localiser : la diminution du temps nécessaire à la localisation d’un mâle diminue la probabilité que la femelle soit tuée par un prédateur. » (Remplace maintenant le prédateur par un concept plus évolué comme le temps d’étude, le temps étant à mes yeux la ressource premier de nos vies). Bref, j’étais là, cheveux en bataille, plus ou moins discret à analyser la vie et ces mécanismes… et dire que je m’attendais à être remarqué pour mes valeurs et mes idées. Or si j’écoute Darwin, il aurait fallu à mon tour jouer le jeu et devenir animal pour avoir l’attention des filles, au risque de rester parmi les faibles, car il est vrai, il faut croire à ce moment-là qu’on ne me donnait ni le droit à la parole ni le droit à l’amour. Ma révolte grandissant, je voulais déjà commencer à changer le monde.
J’aurais dû fuir cet environnement pourri (de toute façon aurait-ce été différent ailleurs), mais je sentais que je devais franchir cette étape de ma vie, là-bas, à Outremont. Ma réputation me dépassant, je ne pouvais même plus me présenter comme je l’entendais, je perdais le contrôle de mon identité. Or c’est ainsi que je compris que notre identité sociale était déterminée par l’autre, car c’est par lui que je gagne ma réalité extérieure. Alors puisque je ne voulais pas être dépendant d’une image de moi dénaturée par les sots, ma raison d’être à l’école ne fut plus la réussite académique, mais mon influence sociale : je voulais changer le monde pour y prendre place avec mes valeurs. Ainsi commence ma croisade pour l’intelligence, la vérité et l’authentique amour. J’idéalisais au plus haut point l’amour, l’état qui me sauverait de ma solitude et de mes souffrances, l’état qui me reconnaîtrait enfin socialement (comme la souffrance peut nous rendre égocentriques). Or puisque j’étais obsédé par l’amour, j’ai grandi dans un état permanent d’attente face à lui. En quelque sorte, je me suis spécialisé par mes fantasmes à définir cette émotion si profondément passionnante. Mes rêves d’amour étaient en quelque sorte une pratique quitte à pouvoir vraiment vivre un jour l’amour. C’est peut-être pathétique de par le manque certain qui est à la source de cet idéal, mais c’était une solution, aussi puérile qu’elle puisse être, pour me démarquer du programme des communs des mortels, de fuir un peu les comportements conditionnés par la nature. J’essayais ainsi en magnifiant l’amour, de troquer mes désirs sexuels, ce carburant élémentaire, par un concept plus évolué rejoignant mes valeurs fondamentales de ce qui est bienfaisant (ce qui implique le contrôle de mon énergie sexuelle). Le rêve d’un idéal n’est-il pas de tout temps ce qui a permis à l’homme de persévérer et d’évoluer ?
Je décidai donc, fort de mon pouvoir de ne pas craindre le combat, de dénoncer à voix haute les comportements que je jugeais mauvais ou stupides, et les systèmes qui nous abrutissent au nom du pouvoir d’une poignée d’entre nous. Même sachant que ces attributs sont le propre de l’homme en général, j’ai toujours su que l’homme est aussi directement influencé par son environnement, un environnement toutefois contrôlé par des maîtres de jeu. Je me devais donc de changer l’environnement à mon avantage même si pour tous il est évidemment tellement plus facile d’accepter les règles établies et de se laisser aller dans le sens du courant. D’ailleurs, il est tellement plus simple de chercher à s’amuser et se divertir que d’essayer de comprendre.
Ainsi, les maîtres de mon école, les mâles principaux pour reprendre le langage darwinien, pouvaient littéralement capter à peu près toutes les filles de leur choix tellement leur pouvoir était grand. Étaient-ils si irrésistibles ou les femelles tiennent-elles compte du choix des autres femelles lorsqu’elles sélectionnent leur partenaire ? N’as-tu pas remarqué que vous les femmes êtes généralement intéressées par un homme quand on vous dit que d’autres femmes le trouvent aussi séduisant ? (Finalement est-ce que tout ne serait que Marketing ?). Or si les filles à mes yeux n’étaient pas souillées par la violence gratuite, ou plutôt instinctive de mes agresseurs, je les responsabilisais de se donner si facilement à eux. Darwin, pour le reprendre encore, dit d’ailleurs ceci : « L’imitation semble avantageuse parce qu’elle fait gagner du temps : une femelle qui s’en remet au jugement des autres choisit plus rapidement, de sorte qu’elle a plus de temps pour rechercher de la nourriture ou se cacher d’un prédateur. » C’est ce comportement qui est à la base de notre bêtise, je crois.
Et parce que je refusais de me conformer, on me considérait parmi les faibles ; pourtant. J’ai n’ai jamais eu peur de dire différemment des autres, je n’ai jamais eu peur de faire autrement, je n’ai jamais eu peur de me compromettre, je me suis toujours foutu de toute forme de mode, je ne me suis jamais senti obligé de m’intégrer coûte que coûte à un groupe, je n’ai jamais essayé d’imiter un mâle principal… J’ai toujours été une menace à toute forme d’autorité. Simplement du fait que je pense par moi-même ; j’aimerais tellement que tout le monde en fasse autant. Alors je confronte systématiquement chaque entité à ce quelle est et à la raison d’être de ce qu’elle fait. Je crois sincèrement que je n’ai jamais mérité ce statut de faible, ou marginal, que socialement ont me donnait.
J’étais… marginal, que parce que ma manière d’être n’était pas à la mode, mais qu’est-ce que la mode. Être à la mode c’est accepter bêtement les règles du jeu, c’est rejeter son identité au nom d’une autre imposée par l’environnement. C’est vouloir se distinguer… en étant pareil aux autres !?! Vouloir être à la mode c’est un comportement de putain, de « wanna be« , de profiteur et de suiveur ; parce que c’est essayer de devenir ce que nous ne sommes pas à priori. Or c‘est exactement cette attitude, celle de vendre son identité au nom de l’adaptation, qui fait rouler notre société de CONsommation capitaliste. Le système nous programme par l’image vers ce que nous devons refléter et devenir. Mais pourquoi est-il si important pour les ados de s’identifier à des manières d’agir et de penser convenues par des modes? Je crois simplement que c’est pour se sentir inclus à une communauté… se sentir reconnu et protégé dans un groupe donné; moi je n’étais protégé que par moi-même, ce qui expliquerait ma faiblesse sociale d’antan. (En passant, crois-tu que nous québécois, pourraient être moins vendus si notre identité n’était pas si constamment attaquée). Maintenant, histoire de continué mon parallèle entre l’homme et l’instinct animal, je rajouterai qu’arborer une marque coûteuse doit être inconsciemment dans nos petites têtes un indicateur fiable des hommes les plus adaptés, puisque c’est un comportement coûteux à produire et à maintenir. Avoue que ce n’est pas très loin de la sélection naturelle animale ou le mâle est choisi pour ses pigments plus lumineux, démontrant une meilleure alimentation. Pourtant, l’originalité est bien plus difficile à générer, elle demande du temps alloué à la réflexion et doit constamment se réinventer puisque copiée par ceux en manque d’identité. Peut-être un jour serai-je assez fort pour influencer à mon tour la mode et l’environnement? Cependant, avant de devenir un modèle, il faut commencer par être à priori désiré. Or je suis plus un abrupt combattant qu’un mielleux séducteur.
Il est vrai que ma manière d’être, de par mon extrême sensibilité, n’est pas des plus faciles à côtoyer. Disons qu’en ayant les nerfs à fleur de peau je suis un être extrêmement réactif. Or je suis porté à « contre-attaquer » un peu trop rapidement. (Comme une personne allergique, à force de lutter contre le non-soi qui est potentiellement un ennemi, le système immunitaire finit parfois par tirer sur tout ce qui bouge. Le mien est tellement développé que de temps en temps, comme n’importe quelle nation qui se défend, il souhaite détruire une cible inutile et s’en trouve pénalisé). Aussi, parce que je suis une personne envahissante qui peut potentiellement changer les perceptions d’autrui, on m’apprécie en général que de loin. (En réalité, je pense que nous n’écoutons pas les autres parce que nous n’avons que faire de leurs vies, à moins de les aimer ou de leur porter intérêt). J’ai dû donc pour performer socialement me résigner à m’adapter en modifiant ma stratégie comportementale. Cependant j’ai remarqué qu’en changeant l’un de mes caractères, j’arrivais des fois à transformer le paysage adaptatif des autres individus, ce qui obligeait ceux-ci à s’adapter à leur tour. C’est là une sorte de mouvement perpétuel… nous courons que pour rester à la même place comme le dit la reine rouge à Alice aux pays des merveilles. Toutefois je me devais de faire attention, car vouloir trop changer, c’est tomber dans un drôle de piège, le nouveau modèle ne devant pas être trop loin de l’original au risque de rejeter sa substance même. Quand tu connais tes défauts, les traits de caractère qui au bout de compte finissent plus par te nuire qu’à te démarquer positivement, tu peux réussir à bien te modifier. Mais quand tu passes ton temps à convertir ta façon d’être et d’agir pour plaire aux autres, à faire trop de concessions à l’environnement, tu perds l’intégrité de ton âme et le respect d’autrui ; cela en devenant plus facile à être manipulé de par l’instabilité comportementale. Les défauts sont des qualités dans la mesure que c’est aussi des qualificatifs. (Ainsi la différence entre le terme défaut et qualité est relative du point de vue que veut donner celui qui utilise le terme). Une personne doit pour bien évoluer se connaître profondément, ce qui implique des traits de caractère stables, qui sont une base sur laquelle elle peut se développer en vivant dessus des expériences. Il vaut mieux donc améliorer un comportement que de le modifier complètement et repartir à zéro.
Mais résister aux changements imposés implique d’être capable de s’expliquer, et s’expliquer c’est se battre pour avoir l’attention; donc, devenir dérangeant pour plusieurs, particulièrement pour ceux qui convoitent aussi cette ressource, le temps d’écoute. Tu comprends maintenant pourquoi j’ai cette prédisposition à vouloir toujours parler; cette énergie à vouloir diffuser est aussi très sexuelle, car elle est fondamentalement liée à la promotion de ce que je suis. Ainsi ma particularité pour la communication répond à un besoin de sortir de ma solitude et justifie ma façon hors norme de réagir. En effet, si tu souffres en silence, ta souffrance est imperceptible. Mais la compréhension demande que le récepteur s’arrête pour écouter, et l’individu n’en a pas souvent l’occasion dans une société qui lui demande de donner la majorité de son temps dans une fonction précise pour elle. Je me devais donc pour attirer l’attention, de finalement séduire parce que personne a priori ne voulait m’écouter. De la sorte que faute d’être un bellâtre, un symbole de succès ou d’avoir un gros compte en banque, je devais compenser par ma culture, ma finesse d’esprit et mon extravagance. Histoire de théâtraliser mes atouts, je me mis aussi à canaliser ma pensée et mes émotions à travers mon regard pour accentuer l’impact de mes propos et transcender mes paroles. Mes yeux se veulent ainsi vifs pour attendrir, frapper et étourdir.
Tu vois, je suis comme à la guerre Constance, je milite pour un monde meilleur… et le salaire du militant n’est pas l’argent ou la gloire, mais la reconnaissance. Or j’ai besoin de reconnaissance, à commencer par celle des gens que j’aime… à commencer par la tienne. Je suis épuisé d’avoir à tirer moi-même l’amour de ce que je représente. Dire que je ne suis même pas narcissique! Seulement, je suis bien obligé de m’aimer moi-même pour trouver l’énergie de continuer (j’ai un sens de la conservation assez développé, disons). Bref, mon concept plutôt romantique de l’amour me coûte moralement cher à entretenir, car il n’est généré qu’à sens unique. En effet, l’amour en arrive actuellement plutôt à me détruire : à chaque fois je m’y brûle en me donnant inconditionnellement, pour finalement en récolter le rejet. Dans ce monde individualiste, il est qualifié inférieur que de penser globalement à l’environnement avant de prendre en compte ses propres intérêts. Ainsi, dans un même ordre d’idée, valoriser un autre être que soit serait de manifester son infériorité à celui-ci. Peut-être aussi que le fait d’être acquis à quelqu’un par amour dans ce monde égocentrique, c’est devenir en quelque sorte un être indésirable.
Tu comprendras donc à quel point je crois à l’acquis, c’est-à-dire à l’influence de l’environnement. En serait-il de même pour l’amour? Se pourrait-il que nous nous conditionnions à décider d’aimer quelqu’un? Mmh… Plus j’y pense et plus je crois que c’est souvent le cas. Nous avons des critères de sélection et des attentes face au partenaire que nous recherchons, mais après ces critères de sélection passés, une fois les avantages de l’autre assimilés, je crois que nous essayons tant bien que mal de nous assurer des plaisirs de l’amour, et nous finissons par apprécier l’entourage qui interagit avec nous, car nous sommes confinés à nous adapter à notre environnement. Faute de ne pas avoir ce qu’on aime, on aime ce qu’on a. vois-tu, j’ai souvent observé des gens qui de mon point de vue se croyaient être en amour. Je ne sais trop que l’amour n’est parfois qu’une illusion entretenue par une des deux personnes du couple, ou les deux en même temps qui la font devenir « réalité. » Mais qu’est-ce que serait alors vraiment l’amour ?
Pour la majorité des psychologues, l’amour au sein de la culture occidentale moderne serait une approche de jeux de rôles. Ainsi, selon eux, pour être en mesure de jouer efficacement le rôle d’une personne qui est en amour, l’amant doit appartenir à priori à une culture qui idéalise ce concept. L’amour ne refléterait alors pour eux aucun état naturel inné si ce n’est qu’en forme de pathologie de par la dépendance neurophysiologique qu’elle peut générer. L’amour ne serait dans cette perspective qu’un mensonge de la nature pour procréer ?!? Cette vision de l’amour me donne froid dans le dos, car elle serait comme le sexe qu’un autre état de programmation. Si en plus je considère la force de nos instincts sexuels, il y a de quoi angoisser. En effet, notre sexualité, cette volonté de transmettre nos gènes et la vie, n’est-elle pas la meilleure preuve de notre mortalité ; une entité immortelle n’aurait point le besoin d’éprouver cet instinct. Tout être sexué ne peut être logiquement une finalité en soi; la vie poursuit la perfection qu’elle ne pourra jamais atteindre. Toutefois, en tant qu’espèce, cette formule de la nature d’exiger deux sexes distincts pour engendrer une descendance demeure la meilleure, car elle assure aux futures générations d’être mieux adaptées à l’environnement et plus performantes de par la sélection naturelle. L’amour ne serait-il qu’une manifestation de la sélection naturelle par la perception d’une force quelconque chez la personne aimée ? À vrai dire, pas nécessairement. Si je me sers comme exemple de ma propre attirance par rapport à toi, je crois contrevenir à la règle ci-haut. En effet, je pense que plutôt d’être complémentaire, nous partageons en gros les mêmes forces et faiblesses. Alors, même si tu es décidément dans mes critères physiques de beauté, mon attirance pour toi serait due à une profonde correspondance; je me reconnais en toi. Tu n’es donc pas ce que je tends à devenir, mais bien l’essence de ce que je suis déjà. De là qui expliquerait peut-être mon aptitude à vivre le bonheur à tes côtés ? Avec toi, je suis apaisé, car je suis conforté dans moi-même. Or justement voilà la clef de mon attirance pour toi, la recherche du bonheur. Mais quel est le rapport entre le bonheur et la sélection naturelle? Peut-être après tout sommes-nous la volonté d’expression d’une mutation psychologique chez notre espèce. Peut-être que la sélection naturelle est un concept en voie de disparition.
Ce qui m’amène à me demander à l’aube de la révolution génétique où l’humain pourra choisir ses mutations en fonction de ses besoins, à quoi servira la sexualité. Si cette révolution se concrétise dans l’ensemble de notre société, il est fort à parier que la sélection naturelle sera rendue évidemment obsolète. Or à ce moment, nous pourrons alors évaluer si l’amour entre en ligne de compte dans la théorie darwinienne puisque nous n’aurons plus vraiment besoin de l’acte sexuel pour faire des enfants. On peut même commencer à concevoir un avenir où nous n’aurons plus besoin d’être humains pour engendrer une descendance. Que devient alors la sexualité? Je pense qu’elle devient une chose que l’on doit réinventer: une force qui ne sera plus liée à sa fonction originelle et qui demande donc à être repensée de A à Z. Elle peut devenir un art, une performance… ou une arme. Mais faire l’amour demeurera le ciment et carburant du couple actif; la forme de communication parfaite pour exprimer le non verbal… de jauger l’amour de son partenaire. Ce qui me fait dire que l’amour est bien réel et existe autrement que par l’illusion. De toute manière, même si l’amour n’existait pas, je l’inventerais, car j’ai besoin d’y croire. Et de toute façon, il va de soi pour moi que l’amour existe puisque mes sentiments pour toi sont bien réels.
Amour par ici, amour par là. Mais quand est-il donc vraiment pour moi d’aimer ? Avant tout, je dirais que c’est premièrement de défendre les intérêts de la personne aimée, quitte à en être près de sacrifier les siens. Étant à priori absurde et totalement anti-évolutif d’aller à l’encontre de ses propres intérêts, l’amour serait un processus d’identification à ce que représente la personne aimée, qui alors jouirait d’une approbation tacite de l’être aimant. Subséquemment, l’amour pourrait se mesurer à ce que l’on sacrifierait pour lui. Alors de mon point de vue, la vie se calculant en temps, le plus grand sacrifice qui demeure est justement la dépense de cette matière première, impossible à produire et non renouvelable, qu’est le temps. Effectivement, le temps est l’unité que nous dépensons pour investir dans ce que nous voulons évolué ou la direction vers où nous voulons aller, il est ce qui donne une mesure à nos mortelles vies. Voilà d’ailleurs pourquoi, vu notre dépense de temps limité, que nous ne pouvons entretenir qu’un nombre restreint d’amitiés profondes (ce qui me laisse dire que les gens ayant plus de temps à leur disposition sont dans une meilleure position pour aimer… j’éviterai ici, pour ne pas m’éterniser, de faire le parallèle, quoiqu’intéressant, entre le rapport temps et argent). L’amour serait donc d’investir son temps pour le développement d’une autre personne. Ainsi donner de l’attention, ses pensés les plus intimes et être capable de revivifier l’amour en posant des gestes concrets pour le faire grandir sont tous des formes d’exemple de dépense de notre ressource de vie pour l’amour d’une personne.
Évidemment l’amour, nonobstant le coup de foudre, est provoqué par une seule personne au début, mais doit par après être un sentiment partagé équitablement au risque de corrompre et déséquilibrer la relation à l’avantage d’un des deux protagonistes. Or l’élément clef de l’exaltation de l’amour est justement le partage; n’as-tu pas remarqué qu’une expérience est toujours plus intense et significative lorsqu’elle est partagée avec une personne aimée? C’est, je crois, que le partage nous rapproche de l’absolu en perpétuant le moment dans la mémoire de la personne qu’on aime… et la mémoire est la base de toute éternité. De ce fait, je trouve que les possibilités intellectuelles, principalement mémorielles chez une personne me séduisent beaucoup, car elles sont d’autant d’atouts à injecter dans une relation. Ainsi il est préférable d’investir chez les gens dotés de plus d’esprit. La vie est si courte, je n’ai pas vraiment de temps à perdre avec les autres. Tu comprendras alors maintenant le pourquoi de mon élitisme intellectuel, je crois en effet que la vie habite plus ceux affectés d’esprit. Pour sûr mes sentiments sont amplifiés en ta présence. Pour sûr j’ai l’impression que tu reçois mes idées… filtrées par ta conscience bien sûr. Ta réceptivité intellectuelle redoublée de ton esprit critique si spontané a eu raison de mon âme… et est sans doute la raison pour laquelle c’est à toi que j’ai choisi d’écrire par cette lettre mes pensées. Avec toi je me sens enfin potentiellement accepté dans ma folie. Je souffre tellement quand je ne peux échanger adéquatement mes raisonnements, ou quand on oublie mes propos. Comme j’aime voir une de mes idées évoluer dans l’esprit d’autrui pour me revenir par après complètement enrichi. Pour moi, les facultés d’apprentissages, de perceptions et d’analyse sont nécessaires pour que je veuille investir profondément dans une relation. Notamment parce que ces capacités permettent d’alimenter la relation une fois le tour du jardin de l’autre personne visitée. Mais l’aspect intellectuel le plus important sur le plan relationnel demeure pour moi comme je l’expliquais la mémoire. Il s’avère, je pense, nécessaire que ne disparaissent pas les références partagées entre deux individus puisqu’elles sont les liens équivoques les unissant dans le temps. Aussi, si la mémoire vient à être défaillante chez mon partenaire, je m’en trouve pénalisé de par la perte de temps, d’énergie, que j’ai investie en elle; si les sujets qui m’animent en viennent à expirer de la mémoire de mon interlocuteur, à quoi bon continuer à les lui donner. La mémoire est de plus tout aussi importante sur le plan individuel, car elle est la base de données sur laquelle s’appuie l’individu. En effet, si les idées et les expériences sont bien compilées par leur propriétaire, elles deviennent les assises de son évolution de par le fait qu’il peut revenir à tout moment dans les archives de sa vie. Ainsi, une personne détenant une bonne mémoire pourra non seulement s’adonner à bien relier ses nouvelles connaissances aux anciennes (ce qui permet une plus grande flexibilité pour réagir aux situations de la vie), mais pourra se permettre aussi une meilleure compréhension de l’évolution de son environnement en plaçant dans le temps plusieurs événements, quitte à pouvoir d’ailleurs se permettre quelques prédictions. Le parallèle est un peu le même que celui qui conceptualise l’espace-temps comme formant un tout. On comprend la relation provoquée comme suite de toute chose et d’autres.
Je m’écarte un peu de la définition de l’amour en m’attardant précédemment sur la mémoire, mais je n’ai que glissé vers un des nombreux aspects du tout que je veux te dépeindre et donner: ma pensée, qui n’est après tout qu’une myriade d’informations biochimiques reliées entre elles. Mais la pensée n’est-elle- pas le don le plus exclusif qu’il soit… le don de soi? Voilà un peu pourquoi je suis mêlé, préoccupé, direct, chaotique, distrait, inconstant, rêveur, et lunatique : probablement dans ma volonté d’expression que j’essaye de tout relier en regardant de haut mon environnement, un peu comme quelqu’un regardant au microscope pour comprendre et expliquer certains mécanismes de la vie. Or, de ce point de vue aérien, je peux me permettre bien des constats en regardant autant vers le futur que vers le passé. Toutefois, la contrepartie c’est que trop souvent je m’oublie dans l’action du moment présent. Alors puisque le présent ne prend pour moi toute sa signification que lorsque je suis avec une personne que j’aime, je travaille beaucoup présentement pour occuper ton âme et conscience… ton présent (présent qui me manque beaucoup d’ailleurs). Mon amour est mon carburant, ma source de motivation numéro un dans la vie. Ai-je les priorités à la mauvaise place? C’est affirmatif pour tous les adeptes du capitalisme et de la majorité de la populace-programme s’étant intégrés à ce système.
Néanmoins, en relisant ces derniers paragraphes, nonobstant celui sur la mémoire, tu t’apercevras que mes analyses de l’amour peuvent aussi s’appliquer autant à nos amants, qu’à nos amis. Non que je mêle l’amitié profonde à l’amour, mais plutôt que l’amitié est, je crois, la composante affective nécessaire de l’authentique attachement amoureux; et donc le socle sur lequel tient la relation entre amants. Or je me sens avec toi en communion sur le plan des échanges affectifs et intellectuels, comme avec mes vrais amis. Cependant, mon désir pour toi et le besoin de ta présence ajoutent une dimension que je n’éprouve pas avec mes amis. Il est vrai qu’en ta présence j’éprouve un genre d’ivresse, un état d’esprit unique où je me sens vraiment… bien et heureux.
Ainsi, si ce n’était pas de cet aspect qui n’est peut-être que neurochimique, j’aurais affirmé sans hésitation que l’activation du désir sexuel et d’exclusivité serait la mince ligne qui sépare l’amitié de l’amour, l’amour n’étant dans cette perspective que la dimension sexuelle, donc physique de l’amitié profonde. D’ailleurs, cette interprétation justifierait l’expression ambiguë qu’est de faire l’amour. En effet, si on prend l’expression au mot, il s’agirait plutôt de fabriquer de l’amour (serais-je donc en train de te faire l’amour Constance ?). Peu importe, en acceptant ici le vrai sens de l’expression, faire l’amour serait donc la fusion momentanée de deux entités sur les plans spirituel et intellectuel, comme pour l’amitié, mais en ajoutant le plan physique.
D’ailleurs c’est la dimension physique qui nous sépare présentement quand tu me lis. Dire que j’ai autrefois tellement banalisé cette dimension. Probablement parce qu’elle m’infériorisait par rapport aux autres, que je méconnaissais le merveilleux contact physique de l’amour. Maintenant je crois plutôt que le rapprochement sexuel entre deux êtres est avant tout physique tant qu’il n’est pas question de faire des enfants. En effet, les enfants sont les témoins d’une rencontre, le fruit de l’amour véritable s’ils sont désirés. L’amour a donc aussi cette dimension spirituelle, car en voulant assurer son prolongement et celui de la personne aimée dans la chair, siège de l’esprit, nous en arrivons à nous identifier spirituellement à notre partenaire. Encore une fois, j’en conclus ici que nos instincts sexuels sont la preuve de notre mortalité.
Je comprends alors maintenant un peu plus l’importance de la dimension matérielle dans notre monde. La « réalité » étant la convergence du point de vue de la majorité (la démocratie n’est donc pas nécessairement la vérité) le physique se trouverait à être sa manifestation, puisqu’étant la dimension qui rejoint l’ensemble des individus, notre univers visuel, le plan que nul ne peut ignorer et disconvenir. Ainsi, bien que pouvant être perçu et interprété différemment, le physique rallierait indubitablement la définition de la réalité des hominidés de notre espèce. Le premier contact sur la réalité de l‘autre étant donc visuel (l’allure, la démarche, les gestes, l’habillement, la voix, le regard), je crois que c’est généralement le physique d’une personne qui nous attire dans le processus du rapprochement amoureux, les autres dimensions n’assurant qu’ultérieurement les attaches nécessaires à la viabilité de la relation.
Voilà donc ce qui expliquerait d’après moi l’extrême contraste d’intelligence chez les gens beaux. En effet, l’attention suscitée de par un physique attrayant, l’énergie sexuelle, peut être canalisée de deux façons par le récepteur. Soit il se spécialise sexuellement et ne se contente de cette énergie que pour survivre et assurer ses besoins primaires (comme pour beaucoup de gens stéréotypés comme beaux par la mode), soit au contraire il assimile l’énergie du donneur (connaissances, intelligence, culture, humour, argent, pouvoir) son essence de séduction, et s’en sert pour évoluer. D’ailleurs, voilà qui expliquerait généralement la réceptivité des femmes à tout séducteur potentiel; une femme ne rejettera jamais complètement une source de valorisation sociale.
Et moi, ne suis-je qu’une source de valorisation pour toi. Un genre d’acquis servant à te remonter le moral dans tes moments de déprime. Est-il possible que ce ne soit pas moi que tu aimes, mais l’amour que je te donne? N’est-il pas vrai lorsque tu es ressourcée que ton énergie te sert à rencontrer de nouvelles personnes… à voyager. À constater les faits, tu entretiens la compétition pour l’accès à ta dimension physique. Serait-ce pour compenser ton manque d’ardeur sexuel? À moins que l’ardeur ne te manque que pour moi. Pourquoi j’en arrive à me poser ces questions destructrices?
Après tout, peut-être que certains de mes amis ont raison, que je suis pathétique en perdant mon temps avec une jeune agace. Que je ne suis tout juste bon qu’à valoriser ton ego… ego se construisant dans la perspective de séduire des mâles « supérieurs » à moi. Je suis ton ami, cet acquis sur qui tu peux compter, cette base d’amour inconditionnel. Tes aventures ont cet avantage qu’elles appartiennent au vaste monde. En quelque sorte je représenterais en amour ta maison et eux le voyage. Et puisque tu recherches à vivre des histoires avec l’inconnue j’en conclue qu’il y aura toujours des gars plus beaux, plus aptes à te séduire, meilleurs que moi du simple fait qu’ils ne te sont pas acquis, qu’ils puissent t’amener à vivre du changement … qu’ils peuvent t’amener en voyage. Si tu savais comment je me sens insulté d’être moins intéressant de ce qui n’est pas encore dans ta vie. Il y aura plusieurs hommes pour t’aimer; et il est vrai, je n’ai pas le monopole de l’amour. Finalement, à quoi bon continuer de rêver à une fille pour qui je suis moins intéressant que Pierre-Jean-Jacques d’à côté.
Pourtant, la vraie nouveauté pour moi ce serait de vivre avec l’amour… ce rêve de partager le quotidien dans une perspective commune avec l’être aimé, de se construire entouré d’énergie formidablement positive. Quand je pense que je m’empêche de faire plein d’activités simplement parce que je suis célibataire, que je ne suis pas avec toi, j’en conclus que le vrai changement pour moi passe par l’amour. Tu es une fille éprise de liberté et fondamentalement curieuse Constance… tout comme moi. Quoique l’amour est effectivement une contrainte pour vivre pleinement une relation avec d’autres personnes du sexe opposé, il n’en demeure pas moins qu’il peut tout aussi être la dynamique par lequel s’opère le changement. Dans le cas de l’amour, la différence du changement est simplement qu’il s’opère à deux. Or n’est-il pas vrai que la multiplication de deux forces distinctes donne beaucoup plus de possibilités que la volonté d’une seule source d’énergie. Je suis convaincu que la vie prend des proportions d’aventure lorsqu’elle est partagée avec une personne aimée, principalement parce que le partage accentue l’importance du présent, que l’amour donne des ailes à l’action. Par ailleurs, le couple est un genre d’embarcation flottant sur le fleuve de l’existence, un voyage à deux de la vie elle-même. De découvrir à tes côtés le maximum des dimensions que la vie peut apporter, voilà mon rêve. Imagine ce que ce serait, d’explorer ensemble l’univers du cinéma, du voyage, de la science, de la politique, de la musique, de la gastronomie… de l’amour. Imagine les possibilités exponentielles que pourrait nous amener le partage de nos activités sociales, de nos rêves, de nos idées, de nos passions, de nos projets, de nos intérêts et de nos ressources. Comme j’aimerais pouvoir partager intégralement tes joies, tes peines et tes espoirs. Comme j’aimerais être ton meilleur complice. Comme j’aimerais pouvoir tout te dire sans entrave. Comme j’aimerais pouvoir t’aimer sans limites. Comme j’aimerais tellement tout faire avec toi… comme j’aimerais tellement être plus qu’un ami. Je t’aime Constance; simplement, authentiquement et intensivement.
Tu vois, je suis têtu et obstiné. Même si je n’ai jamais réussi à trouver l’amour réciproque, ma philosophie de combattant me pousse à donner toujours et encore mon amour. Il est tellement rare d’aimer indubitablement quelqu’un que quand l’occasion survient de manifester son amour, il ne faut pas la rater. Ça vaut la peine d’aimer même si ça peut faire mal, même si c’est à sens unique, même si la frénésie de l’amour peut mener à la folie. L’amour demeure le sentiment le plus fort et le plus important que l’on puisse vivre sur terre; Il est l’ultime témoignage de nos futiles vies. Jamais je ne me sentirai mal de l’avoir recherché ou entretenu.
Cependant, mes ressources internes sont limitées. J’ai beau vouloir continuer à donner mon amour sans condition, j’ai beau vouloir prioriser les besoins de l’aimée devant les miens, j’ai beau me complaire dans le travail intellectuel plutôt que dans l’acte sexuel, j’ai beau investir mon temps sur mon évolution personnelle plutôt que dans la séduction d’autrui, j’ai beau essayer de me convaincre que je n’ai besoin de personne en tant qu’entité spirituellement autonome… je suis affligé d’une affection vive pour ta personne; je suis complètement drogué à ta présence. Ce désir m’indispose, car il me ramène à ma réalité physique de par la compétition pour ton être. Tellement, qu’avec toi je commence à moins me foutre de mon apparence. Est-ce dire ici que le processus de séduction qui s’opère en moi serait un instinct de survie? En définitive, je dois donc me résoudre finalement à l’idée que je suis un homme et non un ange. J’ai avec les filles été que trop souvent l’ami et le confident, je veux maintenant prendre toute ma masculinité en accaparant l’intégrité des dimensions de l’amour. Finies les demi-mesures, j’ai le droit moi aussi à prendre ma place au monde, de participer à la danse de la vie.
Mon problème est que je ne veux pas faire une version humaine de la parade nuptiale du pigeon que nous regardions dans le Carré St-Louis (ah pis criss que j’hais les pigeons en passant!). Je trouve en effet totalement primaire et ridicule d’en arriver à s’abaisser ouvertement devant nos instincts, d’avoir à développer des indicatifs visuels démontrant notre volonté sexuelle. Moi je me connais, je sais ce que je veux. Pareillement en amour, car je sais ce que c’est d’aimer… alors je n’ai rien à prouver à l’entourage lorsque je veux séduire une fille. L’amour ne devrait pas être pas être un ego-trip, un pathétique rapport d’intérêt s’adressant par l’entourage aux disponibles les plus offrants. L’amour c’est un privilège, c’est une reconnaissance, c’est une énergie orientée positivement vers les intérêts de l’autre. L’amour est la plus grande force qui existe, c’est un pouvoir qui ne peut être que donné inconditionnellement, il ne se gagne pas vraiment, même s’il peut se perdre puisque retiré à volonté. L’amour ne devrait donc pas se gagner, il est naturel comme lorsque deux éléments se combinent en chimie… comme la première nuit où tu es venue à moi.
Je t’aime Constance, je n’y peux rien. J’ai beau essayer de me résigner à ne demeurer qu’un ami, je suis beaucoup plus qu’un ami. J’ai 27 ans de vécu et j’ai fait ma part de rencontres dans la vie. Je sais que tu es celle qui m’intéresse, la seule pour qui je quitterais mon château du Plateau Mont-Royal, la seule présentement que je suivrais autour du monde. Le problème c’est que nous n’avons pas les mêmes références. Toi tu as 20 ans et à cet âge le monde est devant nous. À cet âge, la majorité de nos rencontres devraient appartenir au futur. Alors, une rencontre, aussi formidable qu’elle puisse être, en arrive à devenir banalisée du fait que l’avenir est une surprise. Et toi tu es fondamentalement curieuse, tu aimes les surprises et les voyages. La situation ressemble à une personne qui pige rapidement un gros lot à l’émission La poule aux œufs d’or. Concrètement, tu as encore sept ans de rencontres à faire pour détenir mon point de vue et évaluer par rapport au temps la valeur de notre relation. Mais je n’ai pas sept ans à attendre pour que tu réalises la valeur de mon amour.
Finalement, je pense que tu n’en as peut-être pas besoin de mon amour. En effet, le simple fait d’être une jolie femme a de quoi intéresser une ribambelle de prétendants … et à tes yeux, je ne suis peut-être que l’un des leurs. En tant que femme, tu es désirée et valorisée, tes actions sont une continuité des énergies sexuelles des hommes… Tu fais partie du monde. De la même façon, tu es ressourcée après l’une de nos rencontres, tandis que moi je suis souvent vidé; et je me recharge que trop souvent par moi-même (même le chat de la maison me donne de ces temps-ci plus d’affection que toi). En général, les hommes se réservent la guerre, les luttes de pouvoir et les grandes confrontations. Forts de ces luttes, les vainqueurs sont prêts à dépenser beaucoup de richesses pour gagner les faveurs d’une belle femme. De la sorte, la femme n’est que trop souvent valorisée que par sa beauté et son potentiel sexuel, nous vivons donc en quelque sorte dans un monde où la femme survit grâce à cette émule de la règle de l’offre et de la demande. Voici toute l’essence de la valeur d’une fille dans une société patriarcale, un monde superficiel où les relations ne sont principalement qu’un rapport d’intérêt. De sorte que je pense que la révolution sociale doit passer en partie par le féminisme. En effet, une société commandée par les femmes serait plus sensible, donc plus représentative aux besoins de tous. Le paradoxe c’est que finalement la majorité des femmes est séduite par les valeurs dont elles sont issues, c’est-à-dire pour la plupart du patriarcat. Dans cet ordre des choses, il est quelquefois bizarre d’être considéré par certaines femmes comme un faible en les respectant.
Et pourtant, aimer, désirer et comprendre la femme c’est tout le contraire de l’homosexualité (comme certains sots s’amusaient à me suspecter comme tel au secondaire par leur incompréhension de l’amour romantique). La vie pour l’homme passe nécessairement par la femme. Le pôle féminin vit en moi, car je peux donner la vie. Je m’intéresse à la continuité de mon espèce moi. Même si j’assume pleinement mon sexe, que j’ai une prédisposition nette pour la guerre, j’ai cette admiration pour le pôle féminin de notre espèce : si beau et raffiné, si sensible et délicat, si intuitif et subtil… trop souvent innocent des grands conflits d’influence.
La vie n’est elle que combat et confrontation ? Dans la lutte sans merci entre les molécules d’ADN agissant par l’intermédiaire des organismes qu’elle fabrique, la notion de bien et de mal n’est déterminée que par l’efficacité à survivre. Pour l’évolution, les individus ne comptent pas. L’homme souffre de cette observation, parce qu’il en est conscient, et il ne peut justifier de manière rationnelle la raison apparente de son existence. Pour ma part, j’ai vite défini le mal comme étant les comportements gratuitement destructeurs, anti-évolutifs et nuisant au bonheur de l’homme. Je vis donc avec l’idéal de créer de nouvelles lois pour le monde, des lois favorisant une évolution plus « humanitaire », par conséquent moins compétitive, donc… contre nature. Mais la nature de l’homme n’entendra pas me laisser faire, car chacun des dominants veut influencer le monde pour lui. Comme dit Sartre, en considérant nos choix individuels comme valables pour tous les autres hommes, nous devenons une image de l’homme tel que nous estimons qu’il doit être, nous commandons donc implicitement par notre modèle l’existence à autrui. Or, il a autant de modèles qu’il y a d’humains sur terre. Les luttes de pouvoir sont la mise de tous ceux qui veulent imprégner leur vision à l’avenir, et au nom de notre raison d’être, je crois qu’il est dans notre responsabilité de prendre en charge notre destin. Le paradis est ici sur terre, mais c’est à nous de le gagner en nous battant pour, tel est, je crois, le sens de la folie humaine.
Comment dire que tu es l’une de mes destinations paradisiaques… mais je ne veux pas me battre pour gagner ton coeur, car je ne veux pas jouer l’amour comme une vulgaire lutte de pouvoir; et au nom de l’authenticité, je ne peux combattre la volonté de ma douce moitié, je ne peux essayer de te persuader, je suis un homme de conviction, pas un solliciteur. Comment puis-je faire pour atteindre l’amour puisque se battre pour l’avoir c’est altérer son essence même. Suis-je confiné à la passivité moi qui aime l’action? Et dire que, mon paradis est si proche; je suis comme sur un bateau attendant l’autorisation pour mettre pied à terre… Oh terre promise, j’aimerais tellement que tu puisses toi-même réaliser mon désir! J’aimerais tellement que tu puisses encore une fois me reconnaître.
Tu es ma définition du bonheur Constance. La vie à tes côtés a quelque chose de plus, un intense goût de vitalité qui me donne l’impression de vraiment vivre le présent dans le monde. Je savoure tellement l’interaction avec ton esprit, j’aime tellement nous vivre en temps réel. Comme j’aime me mêler à ton toi, comme j’aimerais lui rendre vraiment hommage en célébrant son corps avec l’affection de tout mon être. Et te regarder, jamais je ne m’y lasserai. Le fond de tes yeux est mon sanctuaire et nirvana. Comme j’aimerais que tu soi lié à moi autant que je le suis pour toi.
Imagine Oh jeune lunatique parfumée de douceur toutes les formes subtiles et versatiles de l’art d’aimer! Imagine découvrir ensemble des chemins discrets et anonymes en travers ce monde sans limites. Pour qu’un sourire éclaircisse nos visages… il ne suffirait que d’un brin d’imagination, d’un peu de fantaisie, d’une poussière d’extravagance, d’une conversation animée, d’un geste spontané, d’un regard intense, d’une idée révélatrice, de petites attentions, de la chaleur du café au lait sur nos lèvres le matin, de la première gorgée d’une bonne bière froide en soirée, d’une discussion philosophique blottie sous les étoiles, d’un lever de soleil au bord de la mer, d’une rencontre avec des amis, d’une musique envoûtante, d’un film captivant où le temps n’existe plus. À tes côtés, nous pourrions toucher de manière intrinsèque le moindre détail aussi simple soit-il de la vie. Nous pourrions assister ensemble au grand théâtre de l’humanité et commenter ses splendeurs, ses intrigues et ses aberrations. À tes côtés, je ne fermerais jamais bien longtemps les paupières à moins que ce ne soit pour rêver.
Si comme moi tu es pourvue d’une sensibilité autant intellectuelle que sensorielle, si dans mes songes tu as pu entrevoir des visions avec celui-là même qui t’imagine en ce moment, tu sauras sans doute entreprendre le sentier qui te mènera à la réalisation de ce que j’ai évoqué.
Mais tout cela n’est qu’un espoir incertain, un hypothétique rêve. Mon amour pour toi a déclenché chez moi une génération de fantasmes. Et même s’il ne suffisait que de ta volonté pour leur donner vie, je ne sais trop que le cinéma interne est prédisposé à altérer la réalité… l’amour est un miroir déformant, en mode onirique, il se refuse à concevoir une réalité s’opposant à son existence. Toutefois, je dois faire face à la situation et affronter la réalité. Je dois revenir sur terre, je ne peux que me faire mal en allant trop loin dans la projection d’un futur commun non conforme à ta volonté. Parce qu’à dire vrai, j’ai perdu foi de traverser tes barrières. Encore une fois, je suis blessé, l’ego meurtri pour m’être trop donné. En amour, je n’ai jamais eu le sens inné du dosage et de ma protection.
J’accepte maintenant mes 27 ans… mon adolescence est terminée. Je ne veux plus perdre mon temps avec des amourettes. Je pensais pouvoir exorciser mon passé et donner à mon alter ego féminin l’amour que je n’ai jamais reçu. Je ne vivrai probablement jamais par toi la période de ma vie que j’ai manquée. Il est temps maintenant pour moi d’entamer ma vie d’adulte et de regarder vers l’avant. Je risque encore une fois de digérer mon amour inexprimé. Mais si je ne peux partager l’amour que tu suscites en moi, à quoi bon continuer à souffrir de désir, à vivre la frustration du rejet et de la dévalorisation. C’est triste, parce que c’est le meilleur de moi-même quelque part qui est repoussé, c’est-à-dire mon amour intégral.
Mes rêves m’habitent, si je veux en réaliser quelques-uns un jour je me dois d’essayer d’avancer vers leur rencontre. Je crois qu’il est temps pour moi de confronter la réalité, de faire des choix, histoire de me situer, histoire de savoir vers où mettre mes énergies. Toutefois, te poser un ultimatum ne serait pas en accord avec ma philosophie. En effet, l’amour n’est pas un jeu de pouvoir, l’amour n’est pas conditionnel. En amour, la volonté de l’autre devrait prédominer sur l’orgueil, c’est une question de maturité émotionnelle. Il serait stupide de détruire notre amitié parce que je veux pousser plus loin notre relation. Au risque de contredire Dédé Fortin, j’aime mieux être ton copain qu’être tout seul. Je préfère la passivité du rêve inaccessible au vide sentimental. Par amour pour toi, je suis prêt à prendre la place que tu veux bien me donner dans ta vie. Mais le potentiel de notre relation sera plafonné, je n’aurai pas le même intérêt, pas la même attention à te porter. Puis, lorsqu’un de nous deux ne sera plus disponible pour faire évoluer notre relation, nous serons alors plus distants et notre connexion spirituelle s’évaporera tranquillement dans les brumes du temps. Si tu m’aimes vraiment, tu te dois de réaliser que nous n’avons même pas que le temps d’une vie pour saisir l’amour. Mais comprends-moi, je ne suis pas un quêteux non plus. Je ne te demande absolument rien. Le but de cette lettre n’est que de te faire réaliser ma situation par rapport à toi. Je ne veux pas te mettre de pression. Je ne veux pas te troubler négativement. Je veux juste te faire comprendre que je suis en train de lâcher prise, que je suis épuisé de toujours donner en amour sans rien recevoir. J’ajusterai donc mes sentiments en conséquence de tes réactions. Je suis assez mature pour savoir maintenant me protéger… même si cela implique de réduire mes sentiments par rapport à toi. Après tout, ce ne serait que la mort d’un rêve.
Je partage avec toi notre amitié profonde, mais la contrepartie de l’amour me blesse. J’ai besoin d’amour, et contrairement à moi, tu n’es pas en mesure d’en donner; tu n’es qu’axée sur tes propres besoins. Ce moment est critique pour moi… je suis à l’heure des grandes décisions, à la frontière entre la politique et le multimédia, entre l’amour et les études. Comme tu sais, je m’apprête à jouer mon avenir politique. Or actuellement, je n’ai pas le moral adéquat pour entreprendre un projet politique; je ne fais que penser à toi. Je suis en effet tracassé par notre relation, et de surcroît, je suis déprimé de par mon inaction. J’ai tellement été loin dans mes fantasmagoriques espoirs que j’ai de la misère à revenir dans la réalité. Je devrais commencer ma campagne et faire mes devoirs. À la place, je suis en train de t’écrire une lettre; drôle de priorité. Toutefois, nous ne pouvons décider du moment où l’amour se manifeste; ce sentiment est une pulsion de vie m’amenant directement au sens de toute action. Mon manque de motivation actuel m’a amené à m’accrocher à ce que j’ai de plus cher au monde… mon amour pour toi. J’ai de la misère à l’écrire, mais il est vrai, ta présence à mes côtés m’aiderait tellement à foncer au front.
L’insatisfaction, l’envie, le désir, la recherche du bonheur et l’ambition ont toujours été les principaux moteurs de l’évolution. Pour ma part, l’amour fait aussi partie de la liste. Tu vois, il est la plus grande faiblesse de mon armure; mais cette faiblesse est aussi ma force, car je crois profondément au pouvoir de ce concept. À quoi servirait de s’investir dans un monde sans amour. L’amour est le concept à la base de la vie, il donne une volonté de continuité, une raison d’être à notre espèce doué de conscience. D’ailleurs, ne sommes-nous pas nés en théorie de l’acte d’amour de nos parents? L’amour est aussi ce concept qui nous amène à souhaiter un monde meilleur de par le processus d’identification à autrui qu’il engendre. L’envers de la médaille, c’est que l’amour est un rapport privilégié. Cela implique que plus la définition de l’amour est précise chez un individu, plus son amour s’écarte de la majorité. Aimer, c’est donc aussi haïr les forces s’opposant à ce que nous aimons. Cela rejoint en quelque sorte mon paragraphe sur l’esprit fondamental de la vie pour les luttes d’influence. L’amour n’est-il finalement qu’un concept illusoire pour apaiser notre conscience de l’angoisse existentielle. Effectivement, qu’est-ce que serait la vie sans amour?
Avoir confiance en l’amour, c’est donc en quelque sorte avoir confiance en la vie. Et pour toi la partisane de l’extrême centre, quand est-il de ta confiance envers la vie? Quand j’y pense vraiment, ce souci à te placer obligatoirement au milieu d’un débat doit être la manifestation du manque d’assurance de tes opinions. (Dire que mon travail politique constitue justement à influencer la population vers la gauche du spectre politique, d’orienter le centre vers ma direction). Comment peux-tu accepter d’être dépendante du cadre imposé en te positionnement automatiquement au centre de deux pôles que tu ne contrôles pas? Pourtant, tu as l’intelligence requise pour argumenter, une intelligence de surcroît doublée d’un excellent esprit critique. Pourquoi Constance t’obliger à suivre cette règle erronée? Pourquoi Constance cette castration psychologique, cette peur de t’affirmer réellement. Est-ce à cause du contexte politique propre au Québec ou à cause d’un flagrant manque de confiance en toi? Tu sais, il est important des fois de remettre sa réalité en question, mais il est totalement anti-évolutif de constamment remettre toujours tout en question. C’est comme si chaque jour tu changeais le plan de la maison que tu voulais construire. Pour construire, l’esprit de confiance est nécessaire. Pour évoluer, il faut des fois prendre le courage d’appliquer ses certitudes. Pour ma part, j’ai cette certitude de t’aimer… pour moi, c’est une référence en soi. Or pour toi, comment peux-tu avoir confiance envers l’amour si tu hésites constamment dans toutes les dimensions de la vie. Serait-ce aussi à cause d’un manque d’assurance envers là vie elle-même que tu manifesterais justement des problèmes d’émancipation dans une certaine dimension de la vie? Je te connais Constance, tu as tellement de potentiel enfoui au fond de toi-même. Il ne suffirait peut-être que d’une étincelle pour te faire réaliser l’immensité du talent qui t’habite. Comme pour moi, tu as l’intelligence émotionnelle pour comprendre notre monde, tu as aussi l’intelligence rationnelle nécessaire pour conquérir notre monde. Avec plus de confiance en toi, tu pourrais conceptualiser toute la puissance de ton charme et de ton charisme. J’aimerais tellement que tu puisses puiser dans mon amour l’assurance nécessaire pour te dépasser, j’aimerais tellement contribuer à l’émergence de ta confiance. Dire qu’il ne te suffirait que de croire pleinement en mon amour pour toi.
En hésitant pour tout à cause de tes incertitudes existentielles, toutes dimensions confondues, une relation avec toi ne pourra jamais être vraiment stable. Ce qui me fait dire que même comme ami, si je ne peux pas faire évoluer notre amour, notre relation peut-elle survivre à l’usure du temps? Qu’adviendra-t-il de nous lorsque tu auras trouvé un nouveau chum? Si l’amour est cette force qui unit l’amitié dans le temps, comment puis-je envisager l’avenir de notre relation puisqu’avec toi tout est incertain. Comme lors de notre première rupture, j’ai pour espoir qu’avec le temps, par le jeu des comparaisons, tu réalises que nous deux c’est fort, hors du commun et authentique. À ce moment seulement, tu pourras alors comprendre tout le potentiel de notre relation… s’il n’est pas trop tard. D’ici là, je me dis que tu dois vivre ta part d’expériences. S’il s’avère finalement que je suis vraiment l’homme de la situation, je suis sûr que la vie te ramènera à moi. Quoique j’hésite toujours entre orienter l’avenir vers une direction, ou attendre une volonté extérieure, j’ai finalement confiance au destin. Je présume que toute relation est un équilibre entre ces deux pôles. Qui vivra verra comme dirait le dicton. Pourtant, mon côté logique me dit que s’il y a un moment pour brusquer notre relation, c’est maintenant, en effet, tu as aujourd’hui vingt ans, tu es comme moi célibataire, nous habitons l’un à côté de l’autre, nous commençons tranquillement nos vies professionnelles… et surtout, je t’aime plus que jamais. Être épris d’astrologie, je dirais que les planètes sont présentement alignées pour provoquer le changement attendu.
Mais pourquoi les gens comprennent l’importance du soleil que lorsque celui-ci a disparu? La comparaison est belle, il est néanmoins vrai que dans ton ciel je ne suis pas le soleil, mais seulement une étoile parmi tant d’autres… un ami quoi. Dans la vie, tout contact n’est qu’une question de proximité. Or c’est au contact de la parole que l’on se met à parler, c’est au contact des concepts qu’on se met à conceptualiser… c’est au contact de l’amour qu’ont se met à aimer. Finalement, l’amour est-il naturel (inné) ou provoqué (acquis) ? Je crois qu’il est lui aussi une force en équilibre entre ces deux pôles. L’amour ne pourrait donc être pleinement reçu que s’il est compatible à la fois avec la substance de ce que nous sommes et l’essence de ce que nous décidons de devenir.
C’est ainsi qu’étant naturellement bien ensemble, je me sentais obligé pour l’avenir à davantage te redonner le goût de moi, à t’amener à regarder vers ma lumière. Cette lettre est ma volonté de préserver et faire évoluer notre amour. Cette lettre est un peu ma dernière munition. En t’écrivant, j’ai canalisé mes pensées et mes sentiments vers un objectif précis, celui d’atteindre toutes les dimensions de ton être. Même si je ne souhaite pas pour l’instant de changement radical dans notre relation, la balle est maintenant dans ton camp. À toi de décider ce qui adviendra de nous. Je connais la définition du bonheur pour l’avoir déjà expérimenté à tes côtés. Pourra-t-on saisir notre chance de se vivre à nouveau, ensemble, sans aucune résistance? Vivre la vie avec toi, voilà le nom du prochain chapitre que j’aimerais écrire dans le grand livre de notre histoire.
Peu importe ce qui adviendra de nous Constance, à bientôt. Aux plaisirs d’assister à ton introduction dans la merveilleuse vingtaine. Que le meilleur arrive à toi. Tu le mérites tellement plus que tu penses.
Ton inqualifiable ami