Élections municipales à Montréal
Richard Bergeron se prépare à... perdre
Le chef de Projet Montréal ne sera ni maire ni chef de l'opposition, mais il espère tout de même faire élire quelques candidats
Corriveau, Jeanne
Richard Bergeron ne sera pas le prochain maire de Montréal, mais le chef de Projet Montréal est convaincu que son parti réussira à faire son entrée à l'hôtel de ville en raflant quelques sièges au conseil municipal le 6 novembre. L'ardent défenseur des transports en commun et du développement durable, qui rêve d'un réseau de tramways à l'échelle de la métropole, estime que la bonne parole qu'il répand depuis plus d'un an est bien accueillie par les Montréalais. Les électeurs consentiront-ils à accorder une première chance à ce parti? La réponse viendra dimanche.
S'il n'a pas bénéficié, au cours de la campagne, de la même attention médiatique que ses opposants, le chef de Projet Montréal ne s'en formalise pas. «Il faut reconnaître qu'on est un nouveau parti et que c'est la première fois qu'on participe à des élections.» Même le fait d'être exclu des deux débats télévisés ne l'a pas rendu amer, au contraire. «Notre exclusion des débats nous a bien servis car cela a beaucoup fait parler de Projet Montréal», a noté M. Bergeron.
L'essentiel de la plate-forme électorale de ce parti fondé à l'automne 2004 mise sur le développement durable et un réseau de tramways de 250 kilomètres qui étendrait ses ramifications sur tout le territoire de la métropole. Estimée à 15 milliards de dollars, la construction de ce réseau pourrait s'échelonner sur une période de 15 ans. Projet Montréal propose aussi de transformer en artères piétonnières les rues Sainte-Catherine et Saint-Paul ainsi que l'avenue du Mont-Royal et de réduire le coût de la carte autobus-métro (CAM) à 40 $ (20 $ pour les étudiants). Pour financer ces mesures, Projet Montréal propose d'instaurer un péage sur tous les ponts ceinturant l'île, de hausser la taxe sur les carburants et d'imposer une taxe sur les stationnements.
À ceux qui lui reprochent de se cantonner dans ces thèmes et de faire des transports une obsession au détriment des autres aspects de la vie municipale, Richard Bergeron rétorque: «Pour nous, le tramway est la clé qui nous amène à de nouveaux mécanismes de développement, vers une meilleure qualité de vie urbaine et vers une nouvelle prospérité pour Montréal. On insiste beaucoup sur la clé parce que, sans clé, on ne va nulle part. Après ça, on peut parler interminablement des autres aspects de la vie de la ville.»
Un réseau de tramways moderne, similaire à ceux qu'on retrouve dans certaines villes d'Europe, dont Strasbourg, permettrait aux Montréalais de se réapproprier leur ville, croit M. Bergeron, qui devient intarissable au sujet de ce mode de transport écologique et silencieux. Selon lui, il faut repenser tout l'aménagement de la ville et appliquer de nouveaux concepts dans une perspective à long terme. Même ses deux adversaires reconnaissent les vertus de son programme, affirme-t-il, mais la classe politique actuelle, dit-il, appréhende une «résistance féroce» de la population face à de tels projets. Pour Richard Bergeron, il importe d'opérer un premier virage pour que cette façon de faire devienne la normalité au bout de quelques années.
Architecte, urbaniste et spécialiste en aménagement, M. Bergeron a été au ministère de la Métropole et a occupé le poste de responsable des analyses stratégiques à l'Agence métropolitaine de transport (AMT). Quand il a eu l'idée, en 2003, de fonder un parti municipal, il ne pensait pas en devenir le chef. Faute d'avoir pu attirer de gros noms, parmi lesquels Louise Harel, Richard Bergeron s'est finalement fait à l'idée de diriger lui-même le parti. «La politique, c'est quand même un peu intimidant. Ça prend tout ton petit change de confiance en toi pour dire: "j'ose m'avancer", confie-t-il. Mais je m'aperçois que j'aime ça. C'est l'fun à mort!»
L'objectif de Richard Bergeron est d'obtenir l'appui d'au moins 10 % des électeurs à la mairie et de faire élire entre trois et huit candidats dimanche. Est-ce réaliste? Certainement, répond-il d'emblée. Sauf qu'un sondage réalisé par Léger Marketing lui accorde un maigre taux de 4 % d'intentions de vote. Richard Bergeron refuse de croire que ces résultats puissent être fiables.
N'empêche que ce sondage dévastateur a fait mal au parti. «Ce fut une douche d'eau froide, avoue-t-il. Du jour au lendemain, le membership a cessé de rentrer. Alors qu'on avait entre 10 et 15 membres tous les jours, on n'en a eu que sept ou huit depuis la publication du sondage. C'est d'une redoutable efficacité pour démobiliser.»
Faire une première incursion à l'hôtel de ville permettrait de consolider les assises du parti et de préparer le terrain en vue des élections de 2009. Le verdict du 6 novembre sera donc crucial non seulement pour lui mais pour l'avenir du parti. «À la mairie, je vais être battu, mais il faut que je sois battu la tête haute, sans que ça mette en cause ma crédibilité comme chef de parti, comme idéateur d'une nouvelle politique urbaine», explique-t-il.
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