Devotion. Un hommage aérien entre mémoire et classicisme militaire

À première vue, Devotion semble vouloir s’inscrire dans le sillage direct de Top Gun, en transposant la mythologie du pilote héroïque dans le contexte plus feutré de la guerre de Corée. Le risque est évident, celui d’un simple recyclage patriotique modernisé par l’ajout d’un personnage noir afin de répondre aux sensibilités contemporaines. Or, le film de J.D. Dillard s’éloigne assez rapidement de cette impression initiale pour proposer un récit plus intimiste, fondé sur une amitié réelle, celle de Jesse Brown, premier pilote afro-américain de l’US Navy, et de son ailier Tom Hudner. Le conflit devient alors un arrière-plan presque discret, parfois trop, ce qui pourra frustrer le spectateur en quête d’une lecture géopolitique plus appuyée de cette guerre souvent reléguée à l’ombre du Vietnam.
Le scénario privilégie clairement l’émotion et la dynamique psychologique entre les deux hommes plutôt que la fresque militaire. Cette approche évoque davantage Tuskegee Airmen ou Memphis Belle que l’exubérance héroïque de Top Gun. Le racisme institutionnel auquel Brown se heurte est traité avec retenue, conférant au film une dimension politique discrète mais essentielle, sans jamais sombrer dans la démonstration. Jonathan Majors impose une présence habitée, intériorisée, tandis que Glen Powell incarne l’allié loyal avec une sincérité qui, sans être flamboyante, demeure crédible.
Sur le plan du spectacle, Devotion trouve ses plus belles envolées dans le ciel. Les séquences aériennes constituent le véritable cœur battant du film. Le Chance Vought F4U Corsair, avec sa silhouette immédiatement reconnaissable, y est filmé avec un respect presque fétichiste. Ces scènes rappellent à la fois la rigueur technique de The Right Stuff et, dans une moindre mesure, la sobriété immersive de Dunkerque. L’appontage raté sur le porte-avions, d’une grande tension, illustre avec précision les risques extrêmes liés à cet appareil capricieux, réputé pour sa dangerosité à l’atterrissage.
Pour qui, comme moi, a grandi avec Buck Danny entre les mains et un Corsair en modèle réduit trônant dans une vitrine au fond de sa chambre, ces images ne peuvent qu’éveiller une nostalgie profonde. L’une des activités de mon père, lorsque j’étais enfant, consistait à assembler patiemment des maquettes d’avions. Une fois terminées, il les exposait fièrement, puis m’en racontait l’histoire, les batailles aériennes, les pilotes et leurs exploits. Parmi ces récits, celui du mythique Corsair occupait une place à part. Devant Devotion, ce souvenir s’est imposé à moi avec une force inattendue, comme si le film faisait dialoguer l’imaginaire de la bande dessinée avec la mémoire intime transmise au fil des soirs.
Cependant, cette réussite visuelle ne suffit pas toujours à masquer un certain manque de souffle narratif. Le rythme demeure très académique, parfois trop sage, et le film n’ose jamais véritablement sortir des balises du biopic militaire classique. Là où Top Gun Maverick assumait une forme d’opéra mécanique spectaculaire, Devotion choisit la pudeur, au prix d’une émotion qui reste contenue plutôt que pleinement libérée.
Au terme du visionnement, Devotion s’impose comme un hommage sincère au courage, à l’amitié et au dépassement de soi, davantage qu’un grand film de guerre au sens épique du terme. Il touche juste par fragments, impressionne par ses scènes aériennes et par l’iconographie du Corsair, mais reste prisonnier d’un classicisme qui bride son potentiel. Un film respectable, porté par de nobles intentions, qui parlera surtout aux amateurs d’aviation et aux spectateurs sensibles aux destins individuels inscrits dans la grande Histoire.
Ma cote est de 6 étoiles sur 10. Un film pas mal, sans être pleinement marquant.

Devotion
- -Jonathan Majors et Glen Powell sont les vedettes de l'histoire vraie, épique et inspirante de deux pilotes de chasse d'élite de la marine américaine qui ont contribué à renverser le cours de la bataille la plus brutale de la guerre de Corée : Jesse Brown, le premier aviateur noir de l'histoire de la marine, et son collègue pilote de chasse et ami, Tom Hudner. Leurs sacrifices héroïques et leur amitié tenace ont fait d'eux les pilotes d'élite les plus célèbres de la marine.


























