F1 de Joseph Kosinski, quand Brad Pitt réinvente le drame sportif
F1 de Joseph Kosinski s’impose comme une surprenante réussite dans un genre souvent miné par la redondance. Le réalisateur exploite ici son sens aigu du rythme et du mouvement pour offrir une immersion presque tactile dans l’univers hyper compétitif de la Formule 1, un monde où la vitesse devient langage et où chaque virage incarne une lutte contre soi-même. Je suis d’autant plus surpris d’avoir tant apprécié ce film, probablement l’un de mes favoris en 2025, que je ne suis ni un adepte de course automobile ni un amateur de films d’action. Pourtant, F1 s’impose moins comme un spectacle mécanique que comme un drame humain d’une grande sensibilité. Brad Pitt y trouve l’un de ses rôles les plus cohérents depuis des années. Son pilote vétéran, Sonny Hayes, usé mais encore habité par une flamme indomptable, fonctionne comme un miroir de sa propre carrière. À soixante et un ans, Pitt transcende ce personnage conçu pour lui, portant dans chaque geste une fragilité qui évoque les trajectoires crépusculaires vues dans The Wrestler ou Gran Torino. Sa prestation, d’une justesse remarquable, ancre le film dans un territoire émotionnel authentique où la transmission et la renaissance deviennent les véritables moteurs du récit.
La mise en scène privilégie la présence physique du danger et la perception subjective de la course. On ressent les vibrations du cockpit, la fatigue musculaire et l’érosion psychologique que provoque la compétition, ce qui confère au film une puissance d’évocation rare. Cette immersion est d’autant plus saisissante que Kosinski tourne sur de véritables circuits, au cœur de véritables week-ends de Grand Prix, avec la complicité d’une foule de pilotes réels qui apparaissent à l’écran, de Max Verstappen à Fernando Alonso en passant par Hamilton, Russell, Norris et bien d’autres. Certaines séquences utilisent même des images authentiques où l’on voit Verstappen en action, ce qui permet au film de jouer avec le réel tout en enrichissant la fiction. À un moment, Sonny Hayes laisse même échapper, admiratif, « Damn, he’s good! », un clin d’œil délicieux pour les amateurs du sport. Cette authenticité est largement due à Lewis Hamilton, producteur passionné du projet, dont le rôle fut déterminant. Le septuple champion du monde a offert un accès inédit aux écuries, conseillé les équipes sur l’exactitude des sons, de la physique des voitures et de la réalité du pilotage, tout en supervisant la crédibilité des comportements en piste. Grâce à lui, F1 devient probablement le film le plus réaliste jamais réalisé sur la discipline.
Cette densité émotionnelle s’appuie sur un montage nerveux mais jamais gratuit, créant un arc narratif limpide qui épouse les trajectoires des personnages tout en exposant les enjeux politiques des écuries. Ici, l’idée de suivre une équipe fictive située au fond du classement, l’APXGP, ajoute une dimension profondément humaine. Cette écurie n’a jamais inscrit un seul point de son histoire, ses pilotes partent systématiquement en dernière position malgré leur talent propre, et l’ensemble du personnel vit sous une pression constante. Voir la F1 du point de vue des perdants ouvre le récit à une vulnérabilité rare. Rien n’est gagné d’avance, tout est fragile, et le drame repose moins sur la victoire que sur la résilience, le courage et l’improbable capacité de ces personnages à tenir debout dans un univers qui les dépasse. Aborder la course depuis l’angle des outsiders rend chaque interaction plus touchante, chaque compromis plus lourd, chaque réussite plus émouvante.
La dimension humaine du récit culmine dans un troisième acte vibrant où l’éthique et l’ambition se heurtent frontalement. Kosinski capture magnifiquement cette tension entre loyauté et nécessité stratégique, rappelant que l’objectif réel n’est pas tant de monter sur le podium que de rester fidèle à soi-même. Pitt y livre un jeu d’une sobriété remarquable, capable de condenser en un regard les doutes et le poids des années, et cette profondeur donne au film une maturité rarement atteinte dans le cinéma consacré au sport motorisé. F1 pourrait bien être le meilleur film jamais réalisé sur la Formule 1, voire sur la course automobile elle-même, car il conjugue adrénaline, précision technique et véritable humanité. Je ne serais même pas surpris de le voir figurer parmi les nominations au meilleur film de l’année. Pour ma part, F1 est mon champion 2025 et mène actuellement la course de mon petit palmarès maison pour l’année. C’est précisément ce mélange de vitesse, d’intimité et de maîtrise narrative qui m’amène à accorder au film huit étoiles sur dix, une réussite solide qui élève le genre et confirme la puissance de cinéma que Joseph Kosinski peut atteindre lorsqu’il met toute son intelligence formelle au service d’un récit profondément humain.
F1® Le Film
- -Sonny Hayes était le prodige de la F1 des années 90 jusqu’à son terrible accident. Trente ans plus tard, devenu un pilote indépendant, il est contacté par Ruben Cervantes, patron d’une écurie en faillite qui le convainc de revenir pour sauver l’équipe et prouver qu’il est toujours le meilleur. Aux côtés de Joshua Pearce, diamant brut prêt à devenir le numéro 1, Sonny réalise vite qu'en F1, son coéquipier est aussi son plus grand rival, que le danger est partout et qu'il risque de tout perdre.
