Greyhound, plongée dans le trou noir de l’Atlantique
Greyhound s’inscrit dans cette mouvance de films cherchant à revisiter la Seconde Guerre mondiale en explorant ses zones d’ombre, mais en adoptant un angle résolument maritime. Aaron Schneider propose une immersion où la mer devient un personnage à part entière, une étendue glaciale et hostile dans laquelle les hommes ne sont que des silhouettes fragiles. Le film trouve ainsi sa singularité dans sa manière de ne pas glorifier la guerre, mais plutôt de la montrer comme une mécanique impitoyable qui engloutit les individus. Cette approche rappelle certaines séquences de Dunkerque, où Christopher Nolan privilégiait déjà la tension sensorielle et la conscience aiguë du danger imminent.
Tom Hanks, qui signe également le scénario, campe un commandant Krause à la fois discipliné et profondément humain, un homme qui s’efface derrière le devoir. Son interprétation évoque ces figures de chefs militaires que le cinéma américain aime convoquer, mais avec une sobriété qui rappelle davantage Il faut sauver le soldat Ryan ou encore Capitaine Phillips, deux films où l’acteur portait déjà la vulnérabilité comme moteur dramatique. Ici, chaque décision prise à la passerelle du Greyhound devient une lutte intérieure, comme si le personnage tentait de racheter une faute ancienne que le scénario ne fera qu’esquisser.
L’un des éléments les plus fascinants du film demeure la représentation du fameux “trou noir de l’Atlantique”, une zone stratégique dépourvue de couverture aérienne. Ce détail historique ajoute une dimension quasi métaphysique à la traversée, car les hommes y entrent comme dans un purgatoire où la survie ne dépend plus que d’eux. Cette idée rappelle la claustrophobie psychologique de Das Boot, classique du cinéma allemand qui explorait déjà la guerre navale en la réduisant à une succession d’attentes et de décisions fatidiques. En comparaison, Greyhound préfère la concision et le rythme plutôt que l’introspection, ce qui lui confère un souffle efficace, mais parfois trop mécanique.
Malgré sa maîtrise technique, le film peine à donner corps à ses personnages secondaires, réduits à des fonctions opérationnelles. Cette limite affaiblit la portée émotionnelle du récit, surtout dans un contexte historique où la guerre reposait autant sur les compétences individuelles que sur les solidarités humaines. Le montage nerveux et la mise en scène rigoureuse créent une tension constante, mais cette urgence prive parfois le spectateur de respirations nécessaires pour s’attacher aux individus. Cette impression de distance contraste avec des œuvres comme Fury, qui captait mieux les liens fragiles unissant les membres d’un équipage condamné à avancer.
Au final, Greyhound demeure un film solide et instructif, capable de mettre en lumière un front souvent oublié du conflit mondial. Sa rigueur, son souci du détail et la présence de Tom Hanks suffisent à en faire une proposition valable, même si l’ensemble manque de densité émotionnelle pour s’élever au rang des grandes fresques guerrières. Une œuvre utile et bien réalisée, mais qui reste un peu sage pour marquer durablement la mémoire du spectateur. Une appréciation honnête, que je situerais à cinq étoiles sur dix.
Greyhound
- -Un capitaine novice mène un convoi de navires alliés transportant des milliers de soldats à travers les eaux périlleuses du "Trou Noir" jusqu'aux lignes de front de la Seconde Guerre mondiale. Sans protection aérienne pendant 5 jours, le capitaine et son convoi doivent combattre les sous-marins ennemis nazis environnants afin de donner aux alliés une chance de remporter la guerre.
