Silent Night de John Woo, un plaisir coupable assumé
Visionner Silent Night de John Woo fut pour moi un plaisir coupable assumé, un de ces moments où l’on accepte volontairement de se laisser porter par une mécanique de cinéma plus grande que son propre appétit pour ce genre. Je ne suis généralement pas attiré par les films d’action, pourtant j’ai été frappé par l’assurance stylistique de Woo, un cinéaste qui, même loin de ses grandes années, continue de dicter les règles du genre comme s’il en réinventait encore les fondations.
Dès les premières séquences, le film s’impose par son découpage clair et nerveux, ses transitions millimétrées et son montage parfaitement cadencé. Ce sens aigu du mouvement rappelle autant la fluidité opératique de Face/Off que la poésie violente de The Killer, tout en évoquant une modernité plastique qui se rapproche parfois du travail de Gareth Evans dans The Raid. On sent Woo habité par l’envie de prouver qu’il n’a rien perdu de son instinct de chorégraphe, comme si chaque plan cherchait à faire oublier un Hollywood depuis longtemps formaté par les images de synthèse.
L’histoire repose sur une base minimaliste, presque volontairement dépouillée. Pourtant, ce dépouillement permet à l’acteur principal, Joel Kinnaman, de déployer une vérité émotionnelle surprenante. Sa performance, muette mais profondément expressive, rappelle par moments l’économie de jeu de Ryan Gosling dans Drive, un personnage façonné par la douleur, le silence et une détermination brute. Woo exploite cette intériorité pour offrir une rare respiration dans un genre souvent obsédé par la démonstration plutôt que par l’incarnation.
Cela ne veut pas dire que le film échappe aux écueils du cinéma d’action contemporain. Les clichés abondent et la ligne narrative demeure prévisible, parfois trop sage pour ses propres ambitions. Pourtant, cette simplicité devient presque un choix esthétique, un canevas sur lequel Woo peut déployer sa virtuosité. La scène finale en est l’exemple parfait, construite comme un niveau de jeu vidéo où chaque pièce, chaque couloir et chaque accélération dramatique répondent à une logique d’escalade visuelle. On pense à John Wick pour la stylisation ou à Hardcore Henry pour l’énergie brute, mais ici tout reste filtré par l’œil d’un maître vieillissant qui refuse de renoncer à sa signature.
L’un des aspects les moins satisfaisants demeure le rôle du détective noir, personnage introduit avec potentiel, mais sous-exploité. En voulant en faire un moteur moral du récit, Woo oublie de lui donner la trajectoire nécessaire pour que son intervention finale soit crédible. Cette faiblesse rappelle certaines caricatures secondaires qu’on voyait encore dans les films d’action des années 90, époque où la figure du policier marginal servait de symbole social sans jamais être pleinement développée.
Au final, Silent Night n’est ni un film révolutionnaire ni un retour triomphal, mais il fonctionne avec une efficacité désarmante. C’est un divertissement direct, sans détour, un film que l’on consomme avec l’abandon coupable d’un repas de fast-food, simple mais étonnamment satisfaisant. Avec le recul, j’y accorde deux étoiles et demi sur cinq, pour ce mélange imparfait mais attachant où la maîtrise formelle de John Woo l’emporte sur les faiblesses scénaristiques.
Silent Night
- -Un père tourmenté assiste à la mort de son jeune fils, pris dans un échange de tirs entre gangs la veille de Noël. Alors qu'il se remet d'une blessure qui lui coûte sa voix, il fait de la vengeance la mission de sa vie et entame un entraînement rigoureux afin de venger la mort de son fils
