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Posté par le 2 décembre 2025 dans

Ares, quand la mythologie numérique se heurte à l’ère de l’IA

Image du film "Tron: Ares"

Tron: Ares tente de relancer une mythologie déjà lourde d’héritage en l’ancrant dans nos inquiétudes contemporaines autour de l’autonomie des machines. Là où Tron: Legacy misait sur la nostalgie comme moteur esthétique, ce nouvel opus adopte une approche plus sobre, presque clinique, en centrant son récit sur une création qui finit par se retourner contre son créateur. L’univers reprend ainsi ses repères familiers avec une société ENCOM toujours florissante, dirigée par Eve Keem, une humaniste convaincue que les technologies peuvent encore sauver le monde. Face à elle, Julian Dillinger, petit-fils de l’antagoniste du film de 1982, poursuit une vision nettement plus martiale en cherchant à matérialiser son programme Ares comme une sorte de super soldat à la RoboCop. Cette opposition structurelle installe une dualité assez manichéenne entre une « good tech » idéaliste et une « bad tech » militarisée. Cette base narrative reste ainsi marquée par une simplicité qui limite parfois l’implication émotionnelle du spectateur, même si l’ensemble conserve suffisamment de cohérence pour maintenir l’intérêt.

La mise en scène privilégie une lisibilité presque clinique qui tranche avec l’abstraction lumineuse du film de 1982 et l’élan lyrique de Legacy. Pour autant, plusieurs plongées dans le Grid renouent avec une puissance visuelle indéniable où la géométrie lumineuse redevient un langage dramatique. Malgré une intrigue rectiligne, l’univers conserve une cohérence esthétique qui porte le récit même lorsqu’il manque de profondeur émotionnelle. Et lorsque la musique de Nine Inch Nails prend le dessus, certaines scènes d’action gagnent une ampleur presque hypnotique qui compense les faiblesses de l’écriture.

La bande originale signée Trent Reznor et Atticus Ross mérite qu’on s’y attarde. Leur approche techno indus, tendue et pulsatile, insuffle une énergie organique au film et contribue à forger son identité sonore. Dans ces moments, le film semble enfin respirer, renouant avec cette fusion entre image, son et mouvement qui faisait déjà la force de Legacy. Pour en saisir toute la puissance, voici l’un des thèmes marquants de la soundtrack, qui illustre parfaitement la manière dont la musique façonne l’atmosphère du Grid et amplifie la dimension sensorielle du récit.

Le film souffre par moments d’un manque d’humanité dans le jeu des acteurs, une impression accentuée par l’écriture très binaire de plusieurs personnages, même ceux censés être pleinement humains. J’ai appris après coup que la production avait envisagé d’utiliser des acteurs générés par intelligence artificielle pour incarner certains programmes, dont Ares, et je continue de croire que ce choix aurait offert une audace visuelle et conceptuelle pleinement en phase avec l’esprit pionnier du Tron original. Pour le meilleur et pour le pire, ce sont encore des humains qui interprètent les programmes à l’écran, profitons-en tant que c’est encore la norme, même si leur jeu demeure parfois plus rigide et plus limité que ce que permettra peut-être un jour l’IA. Cette contrainte créative se fait sentir dans plusieurs scènes, où la direction d’acteurs semble privilégier la froideur plutôt que la nuance émotionnelle. Malgré ce cadre interprétatif assez strict, Jared Leto parvient toutefois à imposer une réelle ambivalence à son personnage. Sa froideur, souvent reprochée, s’avère en fait parfaitement cohérente avec la nature conceptuelle d’Ares et s’inscrit dans la logique philosophique de la saga. Dans ses moments les plus réussis, son interprétation rappelle autant la distance calculée d’Ava dans Ex Machina que la mélancolie contenue des réplicants de Blade Runner.

Sur le plan thématique, Tron: Ares propose une réflexion politique sur l’intelligence artificielle et sur la manière dont les programmes cherchent à s’émanciper de leurs créateurs. L’IA n’est plus seulement un miroir de l’humain, elle revendique désormais une place dans l’ordre du monde, ce qui confère au récit une portée plus large que son intrigue de surface. Cette ambition s’appuie sur plusieurs nuances visuelles, notamment les touches de nostalgie des années 80 et les références esthétiques au film originel, qui enrichissent la lecture symbolique de l’œuvre. L’usage intelligent de certains motifs visuels contribue aussi à ancrer cette réflexion dans un imaginaire cohérent et attachant.

Au final, Tron: Ares ne bouleverse ni son univers ni ses codes, mais il actualise sa mythologie avec une rigueur narrative appréciable et une conscience évidente des enjeux technologiques qui traversent notre époque. J’admets avoir été agréablement surpris malgré mes appréhensions, surtout lorsque l’on voit à quel point le film a été éreinté par plusieurs critiques, à commencer par les fans de la première heure. L’article d’Écran Large, qui démolit le film avec une sévérité parfois éclairante, parfois excessive, n’a pas tout faux, mais il me semble refléter une attente impossible envers une saga qui tente justement de se réinventer. À l’instar de la colère que j’éprouve envers Disney pour ce qu’il a fait à la franchise Alien, j’étais prêt à m’attendre au pire.

Alien: Earth : La déchéance d’une saga mythique signée Disney

je vous invite à lire au passage ma critique : Alien: Earth : La déchéance d’une saga mythique signée Disney

La conclusion, sans rien dévoiler, laisse entendre que les anciennes logiques de domination numérique ne disparaissent jamais vraiment. Elles se recomposent, se transmettent et trouvent toujours de nouveaux hôtes, ce qui projette la saga dans un avenir plus sombre et plus ambigu. Cette perspective contraste avec la morale un peu datée qui affleure par moments et qui laisse encore croire que l’innovation pourrait finir par résoudre les problèmes qu’elle a elle-même engendrés. Malgré ces contradictions, Tron: Ares demeure une proposition honnête, imparfaite certes, mais plus solide que ce qu’on voudra bien lui accorder. Pour cet ensemble qui divertit davantage qu’il ne déçoit, j’accorde au film la note de six étoiles sur dix.

 

Tron: Ares (2025)

PG-13 119 min - Science Fiction, Aventure, Action - 8 octobre 2025
Votre note :

Julian, directeur de Dillinger System, a créé avec l’IA Arès un supersoldat humanoïde sans sensations, version vivante de son programme de sécurité. Mais ce prototype 3D se désintègre après 30 minutes. Eve Kim, programmeuse et PDG de la firme rivale Encom, découvre dans les archives du fondateur Kevin Flynn un code capable de rendre permanent tout élément généré par l’IA. Sur ordre de Julian, Arès passe dans le monde réel pour s’en emparer. Mais au contact d’Eve, qui œuvre à des projets écologiques et médicaux en mémoire de sa sœur, l’entité apprend la compassion et trahit son patron. Furieux, celui-ci lance à ses trousses Athena, sa plus redoutable soldate virtuelle.

Réalisateur :  Joachim Rønning
Acteurs :  Jared Leto, Greta Lee, Evan Peters, Gillian Anderson, Jodie Turner-Smith, Jeff Bridges, Hasan Minhaj, Arturo Castro, Cameron Monaghan, Sarah Desjardins, Aaron Paul Stewart, Roger Cross, Roark Critchlow, Katharine Isabelle, Gary Vaynerchuk, Kwesi Ameyaw, Robin Roberts, Kara Swisher, Sandy Robson, Tal Shulman, Donald Heng, Tiffany Alycia Tong, Sakura Sykes, Trent Reznor, Atticus Ross, Shannon Leto, Selene Yun, Catherine Haena Kim

Photos

Histoire

Julian, directeur de Dillinger System, a créé avec l’IA Arès un supersoldat humanoïde sans sensations, version vivante de son programme de sécurité. Mais ce prototype 3D se désintègre après 30 minutes. Eve Kim, programmeuse et PDG de la firme rivale Encom, découvre dans les archives du fondateur Kevin Flynn un code capable de rendre permanent tout élément généré par l’IA. Sur ordre de Julian, Arès passe dans le monde réel pour s’en emparer. Mais au contact d’Eve, qui œuvre à des projets écologiques et médicaux en mémoire de sa sœur, l’entité apprend la compassion et trahit son patron. Furieux, celui-ci lance à ses trousses Athena, sa plus redoutable soldate virtuelle.



Slogan : Le point de non retour

Détails

Site officiel : 
Pays :   États-Unis
Langue :  Anglais
Date de sortie :  8 octobre 2025

Box Office

Budget :  $180 000 000
Recettes :  $142 073 994

Compagnies

Compagnies de production :  Walt Disney Pictures, Sean Bailey Productions

Détails techniques

Durée :  1 h 59 min
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