Yes Man : la recette Carrey, efficace mais sans éclat

Sous ses airs de comédie légère, Yes Man cache une réflexion lucide sur l’angoisse moderne du renoncement et la peur du vide. Jim Carrey y incarne Carl Allen, un homme paralysé par la routine et le désenchantement qui, à la suite d’un séminaire de développement personnel, décide de dire « oui » à tout. Ce postulat simple devient une allégorie de la servitude volontaire, une métaphore sur la société du bonheur obligatoire où le refus est perçu comme une faute morale. Le film s’inscrit dans l’arc classique du Jim Carrey comique, celui qui, depuis The Mask jusqu’à Bruce Almighty, explore le rapport entre le contrôle et le lâcher-prise, entre la contrainte sociale et la libération individuelle.
La mise en scène de Peyton Reed reste fonctionnelle, sans grande audace, mais efficace. Elle accompagne la transformation du protagoniste avec une rigueur visuelle qui traduit bien la mécanique hollywoodienne de la rédemption personnelle. Les cadres statiques et les tons pastel du début cèdent la place à une caméra plus libre à mesure que Carl s’émancipe. Cette construction, typique des récits initiatiques à la Frank Capra, illustre le passage d’une vie subie à une vie choisie. Pourtant, la libération promise demeure ambiguë : le film démontre que dire oui à tout revient à se soumettre à une autre forme de contrainte.
Jim Carrey, dans un registre plus contenu que dans ses débuts tonitruants, livre une performance solide, bien que formatée. Son expressivité légendaire, entre clown et mélancolie, rappelle la fragilité de Truman dans The Truman Show, mais avec une dimension plus mécanique, moins métaphysique. On sent chez lui la volonté de rester fidèle à un humour grand public tout en cherchant à insuffler une gravité nouvelle à ses personnages. Face à lui, Zooey Deschanel incarne une figure de légèreté, une muse fantaisiste qui sert davantage de symbole que de personnage réel, rappelant le charme distant de Eternal Sunshine of the Spotless Mind sans en retrouver la profondeur émotionnelle.
Le film ne surprend jamais vraiment. Sa structure est prévisible, sa morale attendue. Pourtant, cette prévisibilité même témoigne d’une maîtrise du modèle : Yes Man fonctionne comme une comédie calibrée, propre à une époque où Hollywood misait sur le feel-good movie introspectif. Derrière les gags et les bons sentiments, Reed glisse une critique douce du positivisme marchand et du culte de la performance émotionnelle. Comme Groundhog Day ou Liar Liar, le film interroge la tension entre spontanéité et discernement, entre désir de plaire et besoin d’être soi.
Dans sa simplicité, Yes Man reste une œuvre cohérente, plaisante et représentative d’une phase de transition dans la carrière de Jim Carrey. Ni totalement subversif ni purement commercial, il occupe cet entre-deux confortable où la comédie populaire frôle parfois la réflexion existentielle. Une formule éprouvée, bien huilée, mais sans vertige. Une comédie honnête, solide dans ses lignes conductrices, à laquelle j’accorde un trois étoiles sur cinq.

Yes Man
- -Carl Allen est au point mort. No future, jusqu'au jour où il s'inscrit à un programme de développement personnel basé sur une idée toute simple : dire oui à tout ! Carl découvre avec éblouissement le pouvoir magique du « Yes », et voit sa vie professionnelle et amoureuse bouleversée du jour au lendemain : une promotion inattendue, une nouvelle petite amie. Mais il découvrira bientôt que le mieux peut être l'ennemi du bien, et que toutes les occasions ne sont pas bonnes à prendre…

























