Black Rain, une relecture nostalgique qui ne tient plus la route

Revoir « Black Rain » relevait pour moi d’un geste de mémoire, puisque la toute première cassette que j’ai achetée fut sa bande originale, ce qui me portait à croire que cette relecture réveillerait quelque chose de précieux. Or, cette nostalgie musicale contraste vivement avec la sécheresse narrative qui m’a frappé lors de ce nouveau visionnement. Le film de Ridley Scott possède certes un vernis esthétique irrésistible, avec son Osaka nocturne où les néons découpent la pluie comme dans un mirage, mais ce décor séduisant masque difficilement les failles structurelles d’un récit qui tourne en rond.
La mécanique dramatique suit une trajectoire trop balisée pour vraiment surprendre. On y retrouve le fantasme de l’étranger plongé dans un univers hostile, un procédé déjà exploré dans des œuvres plus nuancées comme « The Year of Living Dangerously » ou plus récemment « Lost in Translation » où la rencontre avec l’altérité mène à des révélations intimes plutôt qu’à une simple accumulation de clichés. Ici, le film enferme ses personnages dans des archétypes figés. Michael Douglas reprend le rôle du policier américain impulsif et rugueux, sans que son arc ne donne lieu à la moindre transformation intérieure. Les figures japonaises ne sont pas mieux servies, souvent réduites à des silhouettes hiératiques ou des antagonistes interchangeables, une approche qui rappelle les maladresses culturelles de certaines productions hollywoodiennes des années 80 comme « Rising Sun ».
Le traitement des rapports entre les cultures manque d’ampleur et de respect. Le Japon devient un décor exotique où les traditions semblent figées dans une rigidité quasi folklorique, tandis que les Américains apparaissent comme des cowboys décidés et individualistes. Cette simplification nuit à tout effort de réalisme et évacue toute possibilité de tension morale ou psychologique. Même les personnages féminins, pourtant essentiels pour équilibrer un récit, se voient confinés à des rôles accessoires, un héritage d’une époque où les enjeux sociaux liés à la représentation étaient trop souvent relégués au second plan.
Reste la mise en scène, impeccable sur le plan visuel mais étrangement creuse sur le plan émotionnel. Ridley Scott excelle à composer des atmosphères comme il l’avait démontré dans « Blade Runner », pourtant ici cette virtuosité stylistique s’apparente davantage à une coquille vide. Les scènes d’action, bien que découpées avec rigueur, manquent de souffle dramatique en raison d’un scénario qui peine à générer de réels enjeux. J’avoue même m’être ennuyé plus d’une fois, malgré mon attachement passé à cet univers sonore.
La seule dimension qui résiste à l’usure du temps demeure la composition d’Hans Zimmer. Cette musique synthétique et enveloppante porte en elle la mélancolie et la tension que le film n’arrive pas à dégager par ses images, à l’image de ce qui se produit parfois dans des œuvres inégales comme « The Peacemaker » ou « Mission: Impossible 2 » où la trame sonore transcende le matériau narratif. En définitive, « Black Rain » se révèle être une œuvre au charme limité, visuellement séduisante mais dramaturgiquement pauvre, une expérience que je ne peux évaluer qu’à 4 sur 10 étoiles.

Black Rain
- -Un policier new-yorkais est chargé d'escorter à Osaka un criminel japonais. Rapidement, ce dernier s'échappe. Le représentant de l'ordre va alors avoir beaucoup de mal à le retrouver dans un pays dont il ignore les us et coutumes.


























