Cargo, entre apocalypse zombie et drame familial
Avec Cargo, les réalisateurs Ben Howling et Yolanda Ramke proposent une relecture intimiste du film de zombies, centrée moins sur l’effondrement du monde que sur la cellule familiale. Le récit suit Andy, un père infecté qui traverse l’Australie pour mettre sa fillette en sécurité avant sa transformation inévitable. Le dispositif narratif est simple, presque minimaliste, et repose largement sur la performance tout en retenue de Martin Freeman.
Cette sobriété structurelle place le film dans une continuité où l’itinérance devient un parcours initiatique. Les rencontres ponctuant la route d’Andy apparaissent comme autant de fragments d’un monde brisé, un procédé déjà présent dans The Road ou Children of Men, deux œuvres où la parentalité se heurte à la désagrégation du réel. Ici, l’enjeu émotionnel est clairement posé dès les premières minutes, ce qui réduit l’effet de surprise et installe un rythme uniforme. Les différentes étapes du parcours s’enchaînent de façon très régulière et donnent l’impression d’une progression sans véritable montée dramatique. Le film privilégie l’intime plutôt que le spectaculaire, un choix cohérent, mais qui limite les ruptures capables de relancer l’attention du spectateur.
Visuellement, Cargo mise sur les paysages australiens pour créer un contraste puissant entre la tranquillité apparente du bush et la violence souterraine de l’épidémie. La caméra observe plus qu’elle n’intervient et cette volonté de laisser respirer chaque plan évoque parfois la douceur contemplative de Leave No Trace. Toutefois, ce naturalisme assumé ralentit la tension dramatique et accentue une forme de dérive monotone. L’esthétique fonctionne et crée une identité forte, mais elle enferme parfois la mise en scène dans un registre trop homogène.
Malgré ces qualités, je me suis surpris à me demander à qui ce film s’adresse réellement. Les amateurs de films d’action centrés sur les zombies risquent de rester sur leur faim, tandis que les spectateurs attirés par les drames familiaux pourraient trouver l’enveloppe horrifique trop présente. L’œuvre se situe entre deux publics sans jamais choisir complètement son camp, ce qui crée une distance involontaire et contribue à un certain ennui, même si l’authenticité du projet est indéniable.
Sur le plan thématique, Cargo s’intéresse à la transmission, à la responsabilité et au sacrifice, des enjeux qu’explorent aussi A Quiet Place ou Leave No Trace, quoique dans des registres différents. Tout converge vers cette idée douloureuse d’un père condamné qui tente d’organiser le futur de son enfant au-delà de sa propre fin. Le titre Cargo prend alors tout son sens, car Andy devient littéralement le porteur de la survie de sa fille, un corps voué à disparaître qui transporte encore, pour quelques jours, l’espoir d’une continuité.
Au final, Cargo est une œuvre sincère, soigneusement façonnée et habitée par une ambition clairement plus humaine que spectaculaire, mais sa retenue constante et son rythme très homogène m’ont laissé à distance. Une proposition singulière et belle à sa manière, mais difficile à aimer pleinement, ce qui m’amène à lui accorder 5 étoiles sur 10.
Cargo
- -Un père s'aventure dans la nature australienne dans l'espoir de trouver un gardien pour sa fille alors qu'une mystérieuse épidémie décime peu à peu la population.
