Kingdom of the Planet of the Apes : L’Héritage de César revisitée

Kingdom of the Planet of the Apes s’inscrit comme un passage obligé pour une franchise qui cherche à survivre à la figure écrasante de César. Réalisé par Wes Ball, le film assume d’emblée sa position intermédiaire, souvent perçue comme un épisode de transition plus que comme une œuvre réellement fondatrice. Il ne cherche ni à égaler la puissance émotionnelle et politique de la trilogie précédente, ni à rompre radicalement avec son héritage. Située plusieurs générations après la mort de César, l’histoire observe un monde où sa mémoire est devenue un récit malléable, transformé en dogme par ceux qui exercent le pouvoir. Ce déplacement du mythe vers l’idéologie devient l’un des axes les plus pertinents du film, en rappelant à quel point les figures révolutionnaires finissent souvent récupérées, simplifiées, puis trahies par les régimes qui leur succèdent.
Le récit suit Noa, un jeune chimpanzé issu d’un clan pacifique, confronté à une organisation simiesque hiérarchisée et expansionniste. Ce choix d’un protagoniste moralement hésitant permet au film de s’éloigner du modèle du leader charismatique incarné par César, pour privilégier une trajectoire d’apprentissage plus fragile, plus humaine dans ses contradictions. En parallèle, Mae, humaine silencieuse et ambiguë, s’impose comme une figure charnière du récit. La révélation de son identité comme Nova établit un lien direct avec Planet of the Apes de 1968. Ce rapprochement dépasse la simple nostalgie et inscrit le film dans une continuité thématique où la question centrale n’est plus seulement celle de la domination, mais celle de la transmission du sens et de la mémoire. À l’image de Dawn of the Planet of the Apes, le film montre comment une révolution peut se fossiliser en dogme, et comment des idéaux émancipateurs peuvent être vidés de leur substance afin de justifier une nouvelle forme d’oppression.
Sur le plan formel, Kingdom of the Planet of the Apes impressionne par l’excellence de sa mise en scène et par la sophistication de ses effets visuels. La capture de mouvement atteint ici un niveau de précision qui permet aux singes d’exister comme de véritables personnages dramatiques, capables de transmettre des émotions complexes sans recourir à un dialogue appuyé. Le film privilégie souvent les silences, les regards et les gestes, une approche qui donne à certaines scènes une tonalité plus contemplative que strictement spectaculaire. Noa n’est pas un héros flamboyant, mais un personnage en devenir, traversé par le doute et la peur. Il se distingue de César par son refus instinctif de la violence comme mode d’organisation sociale, ce qui confère au film une dimension plus introspective que réellement épique. À l’opposé, Proximus Caesar, incarné par Kevin Durand, représente une caricature volontairement inquiétante du chef charismatique. Son rapport au passé relève presque du culte religieux, une métaphore transparente des dérives autoritaires contemporaines, qui évoque autant Children of Men que la logique de classes rigide de Snowpiercer.
Malgré ces qualités, Kingdom of the Planet of the Apes peine à maintenir une densité dramatique constante. Sa durée de 145 minutes accentue une sensation d’étirement narratif qui s’impose comme son principal point faible. Certaines séquences, pourtant spectaculaires et techniquement irréprochables, semblent davantage conçues pour installer un futur univers étendu que pour enrichir immédiatement les personnages ou les enjeux. Le personnage de Mae souffre particulièrement de ce déséquilibre. Son potentiel symbolique est indéniable, mais son écriture demeure en retrait, ce qui affaiblit l’impact émotionnel de ses choix et réduit sa fonction à un rôle essentiellement conceptuel. Là où War for the Planet of the Apes parvenait à conjuguer intimité, tragédie et commentaire politique avec une rare cohérence, ce nouvel opus donne parfois l’impression de retarder ses propres résolutions.
En définitive, Kingdom of the Planet of the Apes est un film de transition honnête, parfois inspiré, parfois excessivement prudent. Il propose une réflexion pertinente sur la récupération politique des mythes fondateurs, sur la fragilité des idéaux transmis sans esprit critique et sur la manière dont l’histoire est réécrite par les vainqueurs. S’il n’atteint jamais la puissance mémorable de ses prédécesseurs, il demeure suffisamment solide pour relancer la saga sur des bases thématiques cohérentes. Un chapitre imparfait, mais prometteur, qui agit davantage comme une mise en place idéologique que comme une œuvre pleinement accomplie, et qui mérite au final ★★★★★★☆☆☆☆, soit 6 sur 10 étoiles.

La Planète des singes : Le Nouveau Royaume
- -Plusieurs générations après le règne de César, les singes ont définitivement pris le pouvoir. Les humains, quant à eux, ont régressé à l'état sauvage et vivent en retrait. Alors qu'un nouveau chef tyrannique construit peu à peu son empire, un jeune singe entreprend un périlleux voyage qui l'amènera à questionner tout ce qu'il sait du passé et à faire des choix qui définiront l'avenir des singes et des humains…


























