Late Night with the Devil : Quand la télévision devient cauchemar

Late Night with the Devil s’inscrit dans la tradition des drames psychologiques qui empruntent les atours du cinéma d’horreur pour mieux ausculter les mécanismes de la manipulation et de la mise en scène médiatique. Le film prend pour point de départ une émission de télévision diffusée en direct qui bascule progressivement dans le chaos, une prémisse efficace pour interroger la fragilité de la vérité lorsqu’elle est soumise aux impératifs du spectacle. Ce dispositif rappelle autant la satire corrosive de Network que certaines expériences télévisuelles troublantes comme Ghostwatch, où le direct devient un espace de danger plutôt qu’un gage d’authenticité.
La réalisation se révèle habile dans sa manière d’exploiter le cadre confiné du studio, transformant un décor banal et rassurant en véritable chambre d’écho de la paranoïa collective. En limitant presque entièrement l’action à cet espace clos, le film accentue le sentiment d’isolement des personnages et installe une tension sourde qui repose moins sur les sursauts que sur l’attente. Le choix de filmer en temps quasi réel renforce cette impression d’urgence et d’irréversibilité, piégeant le spectateur dans un engrenage où chaque minute en ondes semble rapprocher un peu plus les protagonistes du point de non-retour, à l’image de certains huis clos verbaux comme Pontypool.
Sur le plan formel, le film se distingue par une esthétique soigneusement ancrée dans les années 70, tant par la texture de l’image que par le rythme très codifié de l’émission. L’usage de la transition entre la couleur et le noir et blanc, marquant le passage du direct à une réalité altérée ou dissimulée, constitue l’une des idées visuelles les plus intéressantes du film. Ce choix accentue l’étrangeté de la situation et souligne l’ambiguïté constante entre réalité et fiction, une frontière déjà explorée par des œuvres comme Videodrome, où l’écran devient un seuil instable entre le monde tangible et la psyché.
L’exploration de cette zone grise entre le rêve et la réalité, entre la vie et la mort, confère au récit une dimension presque métaphysique. Le film invite le spectateur à douter de ce qu’il voit, mais aussi de ce qu’il accepte de croire, tant les personnages eux-mêmes semblent prisonniers d’une mise en scène qui les dépasse. Cette réflexion sur la perception et la croyance aurait toutefois gagné à être approfondie, car elle demeure souvent suggérée plutôt que pleinement développée.
Le fil conducteur du pacte faustien, où un succès médiatique éphémère est obtenu au prix d’une compromission morale et spirituelle, apporte une couche de critique sociale évidente. À travers la figure de l’animateur prêt à tout pour sauver sa carrière, le film esquisse un portrait acerbe de l’industrie télévisuelle et de sa logique sacrificielle, dans la lignée de The King of Comedy. Or, cette idée forte se trouve affaiblie par une accumulation de clichés propres au cinéma d’horreur, qu’il s’agisse des invités stéréotypés ou de rebondissements trop lisibles. La structure même de l’émission fictive « Night Owls with Jack Delroy » devient à la fois le moteur et la limite du récit, servant de prétexte à une succession de situations attendues.
Malgré certaines audaces formelles et une atmosphère indéniablement travaillée, Late Night with the Devil laisse finalement une impression de neutralité. L’usage répétitif de codes connus, même lorsqu’il semble volontairement critique ou parodique, ne parvient pas toujours à maintenir l’intérêt ni à susciter la réflexion espérée sur le rôle des médias et la responsabilité du spectacle. Le film intrigue, parfois captive, mais échoue à transformer pleinement son concept en expérience marquante.
En conclusion, Late Night with the Devil demeure une proposition respectable mais inégale, prisonnière de son propre dispositif. S’il séduit par son esthétique, son cadre et certaines idées visuelles inspirées, il peine à s’extraire d’un genre horrifique saturé et à exploiter jusqu’au bout son potentiel critique. Une œuvre qui mérite d’être vue pour ses intentions et son ambiance, mais qui m’a laissé sur une impression d’occasion manquée, ce qui justifie une appréciation de 5 étoiles sur 10.

Late Night with the Devil
- -31 octobre 1977. Autrefois étoile montante du petit écran, Jack Delroy est confronté à la chute vertigineuse de l’audience de son émission. Déterminé à retrouver sa gloire perdue et à marquer les esprits, il planifie un show en direct « spécial Halloween » où il convie une série d’experts du paranormal, tous plus énigmatiques les uns que les autres. Mais sur le plateau, l'atmosphère festive fait rapidement place à l'angoisse. Durant cette nuit fatidique, Jack réalisera que le prix du succès peut être bien plus effrayant que ce qu'il avait imaginé…


























