Commission Taylor-Bouchard : le débat qui aurait dû avoir lieu
Dans quelques minutes aujourd’hui, la Commission Taylor-Bouchard sur les pratiques d’accommodements raisonnables fera finalement connaître ses conclusions. En attendant, donc, la conférence de presse à 12:30, je vous propose la lecture de deux textes sur le sujet. Le premier, paru hier dans Le Devoir, est de mon ami Charles Courtois (maintenant papa et docteur en histoire) : Un Québec multiculturel ou multiethnique ? En effet, Charles y explique très bien la distinction entre l’interculturalisme et le multiculturalisme. Puis, ce dernier développe les deux modèles s’opposant dans ce débat. C’est à dire celui du multiculturaliste anglais, qui accorde une place favorable aux religions dans l’espace public, à celui du modèle interculturel français, qui valorise un étatique espace public au-dessus de la religion.
De mon côté, puisque je me retrouve peu dans le débat entourant les accommodements raisonnables, je ne vous cacherai pas être d’entrée irrité par ce que j’entends d’une part et d’autre. En effet, étant autant laïc que partisan des mélanges culturels, je n’apprécie guère la confusion entre le rejet des religions à celui de l’immigration. Voyez-vous, si d’un côté je repousse intrinsèquement les règles religieuses et que je suis totalement contre toute forme d’accommodements (dé)raisonnables, je valorise aussi les échanges culturels, voire, carrément le métissage. Pour les Québécois, l’objectif ne doit pas être de se refermer au reste du monde (c’est d’ailleurs ce que souhaite générer les stratèges fédéralistes), mais bien d’intégrer son immigration dans sa société francophone et laïque… prémisse de l’éventuelle république que sera celle offerte par le Québec en tant que pays.
De la sorte, ce débat aurait dû s’orienter sur la laïcité (la place de la religion dans l’espace public) plutôt que la xénophobie à la sauce adéquiste. Si bien que durant ce débilitant roman-feuilleton des accommodements raisonnables, des questions importantes n’auront été qu’effleurées.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=_ArecT-gdoU[/youtube]La « conne-mission » du petit peuple
À ce sujet, je lisais hier dans la Cyberpresse, ce texte de Dennis Lessard : Bouchard-Taylor: un rapport dénaturé par les médias ? Dans ce texte, ce dernier réfère aux propos du professeur de philosophie Marc Weinstock. Or, ce dernier ayant lu la conclusion du rapport, ira d’un commentaire assez choquant pour le laïc que je suis :
« Les tenants de la laïcité absolue des institutions publiques resteront sur leur faim tout autant que les partisans de l’expression sans balises des convictions religieuses. Les extrémistes des deux côtés vont être déçus, mais chez les gens de bonne foi, ce rapport aidera à la compréhension mutuelle ».
En effet, je pense qu’il est très partisan en soit (et malhonnête) d’associer la laïcité au qualificatif d’extrémiste. De mon point de vue, ce qui est extrémiste (et dangereux), c’est plutôt ces diverses religions sectaires voulant imposer leurs dogmes délirants à la société civile. De la sorte, en guise de contre-attaque, je vous proposerai la lecture d’un excellent texte que j’ai lu, le 8 novembre dernier dans le courrier des lecteurs du journal Métro. Or, j’adhère tellement aux propos de ce texte, que je vous l’ai entièrement retapé, ci-dessous, à votre disposition .
L’intégrisme laïc n’existe pas (un texte de Francis Lagacé)
Les autorités ecclésiastiques ont toujours excellé dans l’art sournois d’accuser les autres de leurs propres vices et d’inventer des torts qui nous distraient de leurs propres turpitudes.
De tout temps, quand on a questionné la pertinence des croyances inconditionnelle en un dieu et des principes difficilement justifiables d’un point de vue rationnel, les autorités religieuses se sont complu à rejeter par avance toute discussion en s’écriant : « C’est le diable qui parle. Ne vous laissez pas séduire par lui. Contester l’autorité, c’est écouter le diable! »
Inventer une cause existante (le diable) de la contestation d’une réalité inexistante (dieu) est une façon habile d’esquiver la critique, car on doit obliger le contestataire à prouver la non-existence du principe positif (dieu), ce qui scientifiquement est impossible : on ne prouve pas la non-existence. Seule l’existence peut-être prouvée, et c’est à celui qui affirme de faire ses preuves. Celui qui doute a tous les droits si on ne lui fournit pas d’arguments suffisants. L’argument d’autorité est toujours le dernier refuge de ceux qui ont tort et les églises ne s’en privent jamais.
Alors, maintenant que l’on veut retirer les privilèges indus d’un groupe religieux sur les autres, les intégristes de tout poil invoquent un supposé intégrisme laïc. Il faut vraiment nous prendre pour des imbéciles pour utiliser pareil argument. La laïcité n’oblige personne à suivre des dogmes. Elle ne demande pas aux gens de changer leur croyance et rien ne les oblige à accepter des croyances aberrantes. Au contraire, la laïcité permet à tout le monde d’exercer son libre arbitre dans le respect des différences individuelles. Elle oblige cependant à ne pas imposer ses croyances aux autres. Cela s’appelle le respect. C’est ce respect élémentaire que les autorités ecclésiastiques osent appeler intégrisme… alors que leur oppression aberrante, elles l’appellent liberté religieuse.
Maintenant, quand Mgr. Ouellette dit qu’on devrait « réévangéliser » le Québec, c’est d’un absurde consommé. Voulez-vous bien me dire pourquoi on devrait privilégier une religion plutôt qu’une autre? Laquelle enseigner de toutes ces croyances aberrantes? Battez-vous entre vous, toutes religions du monde, et quand vous aurez la preuve que l’une est meilleure que l’autre, nous verrons s’il est nécessaire de l’enseigner. En attendant, ne demandez pas au système public de faire le travail des églises. Enseignez vos croyances dans vos temples et n’essayez pas de les imposer à tout le monde.
Bonjour Carl,
Merci de vos élogieux commentaires et de votre suggestion. Pour l’instant, le site me convient ainsi, mais qui sait, plus tard?
Au plaisir,
Francis
Comme je l’expliquais dans cet article, Google Alert, c’est carrément une nouvelle façon de communiquer. En effet, j’ai remarqué (via Google analytic) que Francis Lagacé, l’auteur du génial de l’article que j’ai incorporé ici (L’intégrisme laïc n’existe pas), est venu visiter mon blogue. Or, une courte requête dans mon moteur de recherche préféré m’a amené à découvrir son site Web personnel. Vraiment, ce type est un champion de la laïcité. Toutefois, ce genre de citoyen engagé gagnerait à se développer un blogue plutôt qu’un site Web de première génération.
Bon, je viens de lire le résumé du rapport de la Commission, et je suis agréablement surpris même si je trouve l’ensemble des mesures proposées trop faibles.
Alors, maintenant, puisque la conclusion est tout le contraire de ce qui avait été annoncé à la une dans La Gazette, je me demande bien les raisons (politiques) ayant amené ce journal à mentir ouvertement. Comme quoi la Gazette tient à entretenir une image déformée des Québécois francophones à son lectorat.
À ce sujet, une théorie intéressante se retrouve ici.
En tout cas, si cette commission peut aboutir sur des changements concrets au Québec, voir unir l’ADQ au PQ afin de mettre en place une constitution québécoise, je pense que nous avons finalement évolué par cet épisode.