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Posté par le 27 janvier 2018 dans En primeur, Récit Personnel, Souvenirs

Capotage sur la route d’une deuxième vie

Honda Element noire accidentée

En me préparant à vous dévoiler les péripéties d’une année 2017 particulièrement éprouvante, cette image de ma voiture renversée se présente maintenant comme une métaphore poignante : parfois, la vie elle-même semble prendre les contours imprévus d’un accident.

Une réorientation bien fragile

D’entrée, je décrirais cette dernière année de 2017 comme éprouvante et chaotique pour moi. Bien qu’au printemps dernier j’ai pratiquement terminé un nouveau DEP en aménagement paysager, une entorse lombaire m’a toutefois amené à quitter un premier emploi comme paysagiste à Laval. Cette période d’inactivité forcée m’a permis de me consacrer à la remise en état de ce blogue, victime d’un piratage sévère par des hackers russes en 2014. Cette restauration fut ardue. Privé d’accès à ma console d’administration, je ne pouvais même plus publier d’articles depuis quelques années. Par conséquent, sa remise en ligne s’apparente à une véritable renaissance. Cependant, conscient de la constante évolution des menaces sur internet, je me suis rendu compte que la pérennité de mon blogue était incertaine. Il finira logiquement par disparaître le jour où je ne serai plus en mesure d’assurer son hébergement. Néanmoins, pour l’instant, je m’accroche encore à ma présence numérique.

Yeah ! Je suis de retour au Centre Saint-Pierre :/

Au début de l’été, ayant retrouvé ma mobilité, je suis retourné travailler au Centre Saint-Pierre, mais cette fois en tant que réceptionniste, un rôle principalement sédentaire convenant à ma convalescence. Ma priorité, outre ma réhabilitation physique, était d’organiser le déménagement de mes affaires, car je devais quitter d’urgence la coopérative d’habitation du Mile-End dans laquelle j’habitais. La cause était malheureuse : mon colocataire de l’époque, Jean-Pierre Douville, est gravement malade et doit progressivement se préparer à un transfert en soins palliatifs. Face à cette situation, j’ai donc choisi de voir cette contrainte comme une opportunité pour planifier un voyage. L’idée était d’utiliser mes modestes économies pour acheter ma première voiture à vie, me permettant ainsi de déménager à mon rythme tout en prévoyant un road trip vers la côte ouest. Ironie du sort, bien que j’aie économisé 5 000 $ en travaillant assidûment des soirs après mes cours… je suis contraint de rembourser ma bourse d’études de 3 000 $, requalifiée en prêt, pour avoir trop travaillé pendant mon dernier semestre académique. Finalement, j’aurais peut-être dû me limiter à étudier et me reposer après les cours, au lieu de courir comme un fou à la poursuite d’un rêve. Beau système !

La quête de liberté

Durant cette période, je chassais ainsi des voitures d’occasion aux quatre coins de Kijiji. Cependant, je n’arrivais pas à trouver de Subaru Outback convenable à mon budget. L’échéance du déménagement me pressant, j’arrêtai finalement mon choix en août pour une Honda Element; la voiture que je rêvais d’acquérir lorsque j’étais dans la vingtaine. À défaut d’être aussi fiable que les modèles de Subaru, ce modèle a l’avantage de contenir davantage d’espace pour transporter diverses choses, puis ultimement, de pouvoir dormir dans la voiture. Malheureusement, bien que je sois arrivé à tout entreposer mes avoirs par moi-même grâce à ce versatile véhicule… il s’avéra toutefois que ce fut le pire achat de ma vie. Une course sans fin pour toujours faire réparer cette vieille voiture dans l’espoir de la remettre à flot; un vrai gouffre financier qui a mis fin mon projet de voyage et finalement a hypothéqué mon année au complet; au point même d’être quasiment devenu un sans-abri.

Sur Facebook, j’avais partagé ce sentiment d’espoir : ‘De la lumière au bout du tunnel ! La vie n’est pas un chemin linéaire ; il est essentiel de savoir s’adapter aux aléas pour rester fidèle à ses objectifs. À défaut d’avoir pu partir vers l’Ouest en septembre, j’ai, en revanche… bénéficié d’une formation express en mécanique automobile. En effet, une inspection CAA de ma voiture a révélé que celle-ci avait été accidentée par le passé et n’était pas apte à entreprendre de longs voyages. Entre une multitude de petits soucis, des freins et des pneus usés, et l’absence de catalyseur, sans oublier les fuites d’huile du moteur, le diagnostic n’était guère encourageant. Fort heureusement, grâce à une amie, j’ai rencontré un mécanicien du Plateau, aussi sympathique que pédagogue et ingénieux, qui m’a redonné espoir en me persuadant qu’il était possible de remettre à flot ce véhicule, symbole de ma quête d’une nouvelle vie.

Pour faire court au dur sujet de cette voiture moribonde, disons qu’après son achat, j’ai passé l’essentiel de mes temps libres à faire la navette entre mes lieux d’entreposages et divers garages. Or, pour arriver à soutenir la cadence financière imposée par les réparations mécaniques, je me rajoutai un deuxième emploi comme horticulteur à Sherbrooke. De prime abord, le plan m’apparaissait bon. Étant pour ainsi dire devenu sans domicile fixe, je dormais alors dans ma voiture dans l’idée de renflouer mon budget de voyage.

Je me pensais alors si proche de partir en voyage

Durant cette période, je travaillais donc 7 jours sur 7 : la semaine en Estrie, puis à partir du vendredi après-midi, je descendais à Montréal en direction du Centre Saint-Pierre afin d’y travailler du vendredi au dimanche soir… avant de reprendre la route vers minuit pour l’Estrie. Concrètement durant mes fins de semaine, je dormais dans le stationnement du Centre St-Pierre, je me douchais dans une toilette du Centre St-Pierre, je mangeais dans la cafétéria du Centre Saint-Pierre. Mon seul loisir était de regarder jouer mes Saints de La Nouvelle-Orléans durant mon horaire du dimanche à la réception du Centre Saint-Pierre. Il va sans dire, j’étais à deux doigts du burn-out. Mais bon, j’avais un objectif à atteindre et ce rêve m’habitait; et même si je ratais l’échéance d’un road trip automnal, je me devais de continuer à travailler pour avancer.

Marie-Patricia Boileau

Un malheur n’arrive jamais seul, et fin septembre, le destin a marqué ma vie d’une empreinte indélébile : ma grand-mère paternelle, âgée de 103 ans, nous a quittés, emportée par une pneumonie. J’ai eu la chance, quelques jours avant qu’elle ne tombe malade, de lui rendre visite au CHSLD pour lui dire adieu, pensant alors partir vers l’Ouest. Ce fut un moment poignant, où je croyais prendre congé d’elle pour un nouveau chapitre de ma vie, mais c’est finalement elle qui a entrepris son dernier voyage, me laissant ancré dans les souvenirs et les liens qui nous unissaient

Le poids du passé

Émotionnellement à l’envers et passablement déprimé, le rythme imposé par mon horaire professionnel m’empêchait toutefois de réfléchir sur le sens de mon existence. Puis, l’actualité montréalaise vibrant au rythme de l’élection municipale, je développai une étrange fascination pour cette campagne électorale. J’avais beau vouloir tenter de fuir mon ancienne vie politique et ignorer ce contexte social, j’évoluais encore physiquement dans l’environnement ayant amené Projet Montréal au monde; de surcroît en plein centre du district électoral de mon ancien chef. Littéralement pourchassé par les pancartes électorales de Richard Bergeron, il m’était difficile de faire abstraction qu’il était dorénavant flanqué du maire Denis Coderre dans sa pitoyable poursuite du pouvoir. A cet effet, l’ensemble des fibres composant mon corps étaient éprouvées par cette image.

Surtout, ne soyons pas cynique

Qui se souvient encore de ma croisade en 2005 pour le faire siéger et permettre à un nouveau Parti de s’introduire au Conseil de ville ? Qui se souvient encore des raisons militantes m’ayant amené à sacrifier un an de ma vie pour aller gagner cette élection improbable sur le terrain ? Qui se souvient encore que j’ai été le premier élu dans l’histoire de Projet Montréal ? ( Ironiquement, tandis que ma fiche Wikipédia en français a été effacée par des révisionnistes, celle en anglais demeure encore active). Quand je considère que Richard Bergeron a fini par rejoindre l’administration politique que nous combattions fondamentalement, il n’a pas juste trahi les idéaux du Parti qu’il a co-fondé avec Claude Mainville, il m’a personnellement aussi subtilisé un an de travail militant. Et pendant que lui accumule grassement les primes pour augmenter sa pension de retraite, de mon côté je suis redevenu un ouvrier anonyme. Franchement, une question se pose ici… que m’est-il arrivé en cours de route pour en être arrivé là ? À tellement maudire la perversion des égos œuvrant en politique, aurais-je fini par en oublier le mien… au point même de le laisser se faire écraser à tout vent ?

Nous sommes à l’apogée du narcissisme triomphant, fruit d’une dérive néolibérale fondée sur la performance individuelle et la consommation. Tel est le propos de la psychiatre, psychanalyste et victimologue Marie-France Hirigoyen, ici dans l’article « Le narcissisme au pouvoir ».

Mais bon, je relativise. C’est vrai qu’avant de devenir un conseiller municipal, j’étais avant tout un idéaliste militant. Si bien qu’en tant que colistier de Richard Bergeron durant l’élection de 2005, j’étais habité par le sens historique de ma mission et saisissais que l’avenir de Projet Montréal prenait alors racine dans mon travail de porte-à-porte sur le terrain. Or, pendant que je militais bénévolement à lui construire un chemin victorieux jusqu’au Conseil de ville, Richard Bergeron dédaignait à venir m’aider dans le Plateau puisqu’il croyait pouvoir gagner la mairie de Montréal à sa première tentative. D’ailleurs, mon fait d’armes accompli, Bergeron a vite fait d’accaparer médiatiquement mon extraordinaire victoire. Pour ma part, comme un bon soldat avec le sens du devoir accompli, j’acceptais silencieusement mon sort politique… non sans préalablement me réserver un poste de conseiller en vue de l’élection de 2009 (quand même).


Extrait du documentaire au sujet de l’histoire de Projet Montréal : La fin du Néandertal (documentaire de B. Dubuc). Ironiquement, je me faisais élire en tant que colistier dans la salle 100 du Centre St-Pierre… la même salle dont je m’occupais anonymement depuis plusieurs mois

Tout ça pour dire que j’ai toujours préféré cette liberté d’œuvrer dans l’ombre que d’avoir à être médiatiquement exposé. Ensuite, comme je l’ai évoqué dernièrement à ce journaliste de Radio-Canada, la politique professionnelle n’était probablement pas faite pour moi. Je suis bien trop anticonformiste, de nature rebelle, indépendant d’esprit, intègre et franc pour pouvoir m’épanouir dans la très superficielle et hypocrite arène politique. Et j’avouerai aujourd’hui, de caractère, je n’ai vraiment de social qu’une certaine conception collective de la société… voire finalement qu’un profil Facebook. Puis, au-delà de l’histoire personnelle des fondateurs de Projet Montréal (de simples individus), il faudra réaliser le sens global de l’histoire dans un objectif de résultat collectif. Or, justement, voilà qu’en octobre dernier, mes antennes me disaient que Projet Montréal avait le vent dans les voiles et que mes anciens collègues étaient aux portes du pouvoir politique de notre métropole.

Ironiquement, le destin faisait alors en sorte que l’ex-bête en porte-à-porte que je fus… était assise confortablement à la réception d’un centre social névralgique au cœur du district de Richard. Hahaha, une ultime mission politique avant de m’affranchir vers une deuxième vie semblait naturellement se dessiner devant moi; j’allais donc faire le nécessaire pour convaincre mes nombreux clients à ne pas voter pour cet homme indigne. En effet, n’est-ce pas une finale épique que de contribuer à la défaite de l’homme politique que tu as pratiquement mis au monde ? Finalement, Projet Montréal gagna l’élection tandis que Richard Bergeron fut parallèlement battu dans le district St-Jacques. En conclusion, de Carl Boileau à Jeanne Krieber en passant par Nimâ Machouf, Richard Bergeron aura toujours été élu via des colistiers… et donc jamais par lui-même. Quant à Projet Montréal, l’histoire nous dira si c’est la révolution écologique que nous attendions tant ou simplement une émule verte qui coulera naturellement vers le courant multiculturaliste du pouvoir libéral.

Qui bientôt se souviendra des origines de ce Parti ? Faudrait-il que je me consacre à l’écrire ? En effet, je pourrais me servir de cette année merdique comme cadre spatio-temporel original pour y narrer mes mémoires politiques. Ce serait l’histoire d’un ancien conseiller municipal, qui, au milieu de sa vie et en quête d’affranchissement, s’apprêterait à définitivement quitter le quartier dans lequel il a toujours vécu. Tiens, justement, ce livre s’intitulerait « La Deuxième vie du colistier ». Mais bon, ai-je vraiment le goût de me ramener la tête dans cette époque ? Peut-être, après tout, devrais-je lâcher prise sur le passé et simplement disparaître de cet environnement pour pouvoir vivre une nouvelle vie. Car, à force de déambuler anonymement dans les couloirs du Centre Saint-Pierre au point même d’y dormir dans les limbes de son stationnement… peut-être suis-je littéralement devenu une âme-en-peine hantant sa propre vie. Si bien qu’au lendemain de cette élection historique, je décidai qu’il en était fini de mon passage temporel au Centre Saint-Pierre.

La Sallle 100 du Centre St-Pierre

La boucle est désormais bouclée. Dans cette soirée historique marquant la victoire de Projet Montréal et sa prise de contrôle de notre métropole, je fermais, quant à moi, un chapitre significatif de ma vie. C’était là, dans ce lieu symbolique où, il y a douze ans, ce même parti avait élu son premier conseiller. Je tiens à féliciter mes anciens collègues et à souhaiter bonne chance aux nouveaux arrivants. Nos attentes envers eux sont grandes, à la mesure de nos espoirs pour notre ville et pour le rayonnement du Québec sur la scène internationale. Et pour le premier colistier à l’origine de cette aventure maintenant, il est temps d’éteindre les lumières sur le passé et de laisser la place à l’avenir.

Exil du Plateau

Perdant de facto mon espace de stationnement pour dormir à Montréal, j’ai eu cependant la chance de revenir dans les grâces de ma Stéphanie chérie. Elle m’a offert ainsi la possibilité de réchauffer son nid douillet dans le West Island en attendant que je restaure ma « navette de sauvetage » vers cette deuxième vie tant souhaitée. Pour ce faire, je me suis ainsi trouvé un autre emploi en aménagement paysager à Pointe-Claire. Il faut le vivre pour le réaliser, mais d’avoir à traverser l’entonnoir de l’échangeur Turcôt est littéralement un mur virtuel entre l’Ouest de Montréal et le Centre-Ville, si bien que pour la première fois de ma vie, je me suis concentré sur l’essentiel de mes déplacements dans la partie anglophone de notre métropole.


L’épicentre du mal ! L’échangeur Turcôt illustre à mes yeux tout ce qui ne fonctionne pas au Québec

Bien que j’ai passé la quasi-entièreté de ma vie dans le Plateau Mont-Royal, le choc linguistique d’avoir à essentiellement travailler en anglais ne fût pas si brutal. En effet, puisque depuis une dizaine d’années j’assistais déjà à l’anglicisation de mon quartier, disons que j’ai pu graduellement m’habituer à vivre dans un environnement anglophone. D’ailleurs, avec du recul, je pense même que les hipsters du Mile-End sont encore bien moins respectueux de la langue officielle du Québec que les résidents anglophones du West Island. Aussi ouverts à la différence qu’ils puissent prétendre l’être, le fait français est à leurs yeux de suprémaciste culturel l’expression tribale d’une résistance à l’ouverture au monde qu’ils s’arrogent incarner. Dans les faits toutefois, en repoussant les citoyens locaux vers les banlieues avec mépris, ils agissent concrètement en colonisateurs. Mais bon, vous me direz ici que l’embourgeoisement des quartiers centraux est un phénomène mondial en occident et que les hipsters ne sont en faits que des enfants de riches internationalement mobiles, mais costumés en artistes progressistes. Et dire que pour l’administration bobocrate de Luc Ferrandez dans le Plateau, cette dynamique sociale serait l’une des fondations sur laquelle doit s’appuyer la grande révolution du progrès urbain.

murale en l'honneur de Mordecai Richler.

Alors que je tourne la page sur mon quartier d’enfance, l’administration locale de Projet Montréal, où j’ai autrefois œuvré, célèbre l’inauguration d’une murale en l’honneur de Mordecai Richler. Face à cette murale du Mile-End, mon malaise est palpable. Comment honorer un homme dont les écrits ont souvent peint les Québécois sous des traits de racisme ? Tandis que Projet Montréal lui consacre une bibliothèque à sa mémoire, l’héritage francophone du Plateau se retrouve parallèlement occulté de l’histoire culturelle tel que définie par des agents fédéralistes. Pendant ce temps là, les Bobos francos du Plateau applaudissent leur colonisation à une identité présentée comme supérieure (c.à.d. « progressiste »). Ils peuvent bien vouloir m’oublier ces cons !

Bref, tout ça pour dire qu’il m’est psychologiquement plus facile d’évoluer dans un environnement anglophone en tant qu’étranger plutôt que d’en arriver à se faire considérer comme un étranger dans son propre quartier. En fait, je ne sais pas si c’est parce je pratique mon anglais avec eux (afin de me préparer pour mon voyage), mais les anglophones du West Island s’avère finalement sympathiques. Contrairement aux hipsters du Mile-End, ils ont une grande tolérance à la différence en valorisant les libertés individuelles… et sont donc aussi plus enclins à te ficher socialement la paix.  Je dirais même qu’ils se démarquent des Franco-québécois dans la mesure qu’ils semblent moins prédisposés aux petites luttes de positionnement social. D’un point de vue sociologique justement, ce trait de caractère pourrait s’expliquer parce qu’ils sont généralement plus riches, mieux instruits, culturellement disciplinés… et donc davantage socialement matures.

Pendant que des Québécois s’énervent par rapport à la formule de bilinguisation se développant à Montréal, dans le West Island « on » ne se fait plus chier avec le folklorisé « bonjour » administrativement imposé par l’État.

Le mirage du travail acharnée et de la liberté illusoire

Pour revenir à mes moutons, j’ai ainsi travaillé jusqu’au début des gels du mois de décembre. Les froids déjà présents et sans plus aucune source de revenus, je devais donc me rendre à l’évidence que j’avais complètement passé à côté de mon road trip vers l’Ouest. Car tel un gambler qui voulait récupérer sa mise et « se refaire », je finis par dilapider l’intégrité de mes économies en réparations mécaniques sans même au final arriver à remettre ma voiture à flot. Mais bon sang, encore une fois, comment en suis-je arrivé là ? Je n’ai jamais autant travaillé, je n’avais quasiment pas de loyer à payer, je n’ai pas de problèmes de consommation de drogue, je n’ai jamais fumé de cigarettes, je ne joue à aucun jeu de hasard, je n’ai même plus d’endroits pour accumuler de nouveaux objets matériels… et je me retrouve quand même dans une précarité extrême. Entre vous et moi ici, si ce n’était pas du bon cœur et de la compassion de Stéphanie, je serais peut-être aujourd’hui dans la rue. Si bien que malgré de durs sacrifices, non seulement je n’ai même pas réussi à pouvoir partir en road trip, mais je termine mon année, exténué, dépossédé et endetté. Disons que c’est un lourd « prix » après avoir autant donné à l’univers du travail. Comme me l’a fait déjà réaliser ma belle « amie » fédéraliste, peut-être suis-je finalement un loser… de nationaliste ( c’est à dire que je paye sociologiquement le prix de ne jamais jouer pour l’équipe au pouvoir). Or, maintenant que j’ai finalement du temps pour réfléchir, une introspection semble s’imposer.

Absurde mais vrai, je tolérais d’être « prisonnier » au travail afin de pouvoir avoir assez de ressources économique pour quitter ma « prison » du travail. Mais le piège ici c’est de se faire enchaîner virtuellement par le crédit

Oui, j’ai certainement fait des mauvais choix; mais diantre, il me semble aussi avoir eu beaucoup de malchance dans mon histoire. En effet, des fois j’ai l’impression que le destin s’acharne sur moi afin que je paye « karmatiquement » pour quelque chose m’échappant toujours. Je ne voudrais ici pas me complaire dans cette mode victimaire mise de l’avant par la nouvelle-gauche. Car, non seulement je suis simplement incapable de me considérer comme une victime, mais cette position psychologique dédouane à mes yeux tous sens de responsabilité personnelle face aux problèmes inhérents de la vie en société. Puis, parlant de karma, je ne voudrais pas non plus sombrer dans l’ésotérisme. Effectivement, lorsque par le passé j’ai pu être un gagnant, je ne croyais pas à la chance… alors depuis que les dés ne tournent plus pour moi, pourquoi devrais-je maintenant croire davantage en la malchance? Disons donc que d’un point de vue rationnel, il y a forcément un pattern qui part de moi-même. Et si l’origine de mes problèmes se trouvait en rapport avec mes exigences au bonheur incompatible avec les valeurs dominantes du système néolibéral ?


Échos du néolibéralisme ambiant – 3D VFX animation

Il est vrai que depuis ma défaite électorale, j’ai entamé une radicale réorientation professionnelle avec la perspective de finalement quitter la métropole et de changer ma vie. Suivant ainsi cet objectif de me trouver un métier pouvant me rapprocher de la vie avec la nature, je suis ainsi retourné sur les bancs d’école quelques années tout en travaillant parallèlement pour subvenir à mes frais de subsistance. Mais c’est ici une formule risquée dans la mesure où tu peux ainsi tomber dans le piège du pauvre travailleur qui s’endette continuellement dans l’espoir d’atteindre à une vie meilleure… sans pour autant ne jamais arriver à vivre de son nouveau domaine. Et le pire dans ce cercle vicieux, c’est qu’à force de travailler pour tenter de rejoindre les deux bouts, tu n’as plus le temps pour accéder aux loisirs, pour te cultiver et participer convenablement à la société. Au final, tu n’as même plus assez d’espace mental pour réfléchir aux bons choix à faire… et t’en arrive à littéralement devenir un rat qui court dans un labyrinthe à la recherche d’une sortie. D’ailleurs, qui respecte les rats/travailleurs dans une société libérale basée sur l’exploitation de son prochain ? En tout cas, rarement les petits employeurs intégrés aux valeurs du système en question.


Analogie avec la vie sur Terre, Happiness de Steve Cutts raconte l’histoire de la quête incessante d’un rongeur pour le bonheur et l’épanouissement.

Après tout, si l’on en croit la propagande de nos élites économiques, ne vivrions-nous que pour travailler, et non l’inverse ? Devrais-je donc me réjouir de la simple « chance » d’avoir pu travailler ? (Dans cette veine, un futur député du gouvernement caquiste a suggéré que les semaines de travail de 60 heures ne sont pas suffisamment valorisées au Québec). De toute façon, puisque nous devons payer notre loyer, nos factures, notre nourriture et participer à l’économie, la majorité de mes « con-citoyens » s’endettent pour poursuivre le rêve américain, si conditionné soit-il. Alors, qui suis-je pour m’interroger sur le sens de cette marche collective, ou même pour tenter de m’échapper de ce troupeau d’esclaves modernes ? Je ne suis probablement qu’un agnostique qui réalise qu’on n’a sans doute qu’une seule vie biologique à vivre… et que je suis justement en train de gaspiller la mienne à travailler pour les autres.

Drive to work / work to drive

Dans notre société capitaliste, la voiture est un puissant symbole de liberté. Cependant, il y a un paradoxe évident à être pris quotidiennement dans les embouteillages pour aller travailler, dans le seul but de payer l’essence d’une voiture achetée à crédit. Ironie du sort, dans mon cas, j’ai acquis ma toute première voiture précisément pour pouvoir quitter la ville et me rapprocher de la nature.

Pour conserver un sens moral dans le labyrinthe du travail, il était essentiel pour moi de viser un objectif tangible. Le projet de m’évader en road trip était cette cible ; il symbolisait non seulement une évasion salvatrice de ma vie d’ouvrier solitaire mais aussi une fuite en avant, une quête de sens au-delà de l’absurde quotidien. L’état de ma voiture, cette incarnation de « liberté », devenait une obsession, un moyen envisagé pour prendre la fuite, pour me propulser hors de l’atmosphère étouffante de la société québécoise. Cette aspiration était double : une lutte personnelle contre le risque de burn-out et une réponse à une dépression sociale qui m’écrasait depuis des années.


Le film « Into the wild » illustre bien l’état d’esprit qui m’habitait à ce moment de ma vie

La perte de mes repères… la perte de mon identité

En réalité, j’ai perdu la foi dans la capacité de la politique québécoise à effectuer un changement significatif. La désintégration de notre société nationale, aggravée par une colonisation culturelle du Québec, m’affecte profondément. Alors que le Printemps érable m’avait rempli d’espoir pour un renouveau politique, je constate désormais que la nouvelle génération semble avoir dévié, oubliant nos repères historiques et s’égarent, peut-être inconsciemment, dans le néolibéralisme dominant. De façon paradoxale, tandis que notre jeunesse semble vouloir se détacher de son identité nationale, je ressens aussi le besoin de me distancer de notre société en perte de vitesse. Pourtant, même en m’éloignant de ma terre natale, je suis tourmenté par le deuil d’un Québec qui aurait pu s’épanouir sur la scène internationale… un nouveau pays justement où j’aurais pu trouver ma place au monde. C’est comme si graduellement, je devenais un fantôme errant dans une société aliénée qui a capitulée face à son assimilation.

Génération X-Y-Z… De la révolution à la démission tranquille

Depuis la rédaction de cet article : « Génération X-Y-Z… De la révolution à la démission tranquille », j’ai intégré une perspective pessimiste quant à la nouvelle génération dite milléniale… que je pourrais dénommer les enfants du néolibéralisme.

Lorsque j’y réfléchis, mon conflit avec les valeurs fondamentales du néolibéralisme, tant dans le milieu professionnel que dans la société en général, ne date pas d’hier. Comment rester intègre quand la corruption est érigée en valeur cardinale par nos élites libérales ? Comment conserver son honnêteté quand la fourberie hypocrite est normalisée à tous les échelons ? Comment s’adapter quand la solidarité est bafouée au profit d’une compétition individuelle pour des emplois précaires ? Comment s’ajuster quand, en tant qu’introverti, on constate que le succès dépend de l’image superficielle véhiculée sur les réseaux sociaux ? Comment porter le poids de son identité quand sa propre nationalité est étouffée dans son pays par la propagande d’un État colonisateur ? Comment continuer à vivre quand on est convaincu que le système capitaliste mène l’humanité à une destruction environnementale inexorable ?

La survie, semble-t-il, réside dans un équilibre délicat entre l’adaptation aux changements et la préservation de son identité. L’enjeu est de trouver un emploi aligné avec ses valeurs, idéalement un métier permettant de s’épanouir pleinement. Dans mon passé de militant politique, j’étais en harmonie avec mes principes, luttant pour le changement et le bien commun, avec l’indépendance du Québec comme idéal suprême, au point parfois de m’oublier moi-même. Cependant, maintenant libéré de ce devoir national – le projet de pays semblant moribond – et revenu à l’anonymat politique, il est temps de me recentrer sur moi-même et de me rapprocher de ce que j’aime le plus, à savoir la nature. Pourtant, aussi proche que l’horticulture et l’aménagement paysager puissent me mener à elle, le travail acharné ne me laisse guère de temps pour me consacrer à moi-même. Ainsi, à la fin de mon contrat d’horticulture en fermeture de terrain à Pointe-Claire, interrompu par le gel, j’ai décidé de prendre une pause salvatrice et de bénéficier de mon assurance chômage. Car, l’un des avantages du travail saisonnier au Québec est justement la possibilité de transformer l’hiver en une période de repos bien méritée.

Retour aux racines

Ainsi, au lieu de partir seul en road trip, comme je l’avais tant rêvé, j’ai choisi de rapatrier ma chatte Jade (qui était alors en pension chez Anne-Marie) et de rejoindre Stéphanie dans sa maison de campagne nichée au cœur de l’Outaouais. Mais là encore, le destin m’attendait dans un détour tortueux des Montagnes Noires : ma voiture a fait une embardée dans un virage enneigé et s’est renversée, juste à quelques pas de notre destination. Heureusement, j’ai eu de la « chance dans ma malchance », m’en sortant complètement indemne de cet accident spectaculaire, bien que ma voiture fût irrémédiablement endommagée. Une fois de plus, la vie a pris une décision cruciale à ma place. Libéré du fardeau financier que représentait ce véhicule, j’ai enfin pu couper le moteur… puis m’arrêter. Au final, ce n’est pas ma voiture qui a terminé sa course dans un garage, mais c’est moi qui me suis retrouvé à faire une pause pour se réparer; disons le temps de me reconstruire et de redéfinir ma trajectoire sur la carte routière de ma vie.

La route glissante de la résilience dans un virage de la vie : Cet accident s’est finalement transmuté pour moi en catalyseur de changement

Cet accident survenu au début de l’hiver, à l’autre bout de mon ancienne vie, a imposé une pause obligatoire dans le cours de mon destin. Malgré les mésaventures de cette année difficile qu’a été 2017 pour moi, je me considère privilégié d’avoir été accueilli par ma douce Stéphanie. Entouré de l’amour de nos chats respectifs et blotti dans un nid douillet, réchauffé par le crépitement apaisant du poêle à bois, j’ai trouvé un havre de paix.

Comment mieux illustrer le bonheur que par l’image d’un chat heureux au bord d’un foyer ?

Autour de cette maison, édifiée par les grands-parents paternels de Stéphanie, règne un silence profond, sans bruit de voitures ni de foule ; un calme absolu contrastant avec le tumulte de nos existences agitées en ville.

L’atmosphère paisible qui prévaut actuellement dans notre cocon de l’Outaouais :

Pendant ces moments magiques que nous passons actuellement à la campagne, nous avons finalement l’opportunité de nous ressourcer pleinement et de se consacrer à nos projets personnels. En effet, nous disposons ici de tout le loisir nécessaire pour nous reposer, lire et bien manger. Pour ma part, je travaille (encore) sur le développement d’un portail Web et rédige enfin quelques articles pour mon blogue… dont ce journal de bord que vous lisez en ce moment. J’ai même pu me détendre en jouant à mon jeu vidéo favori du moment, X-Com 2, et en perfectionnant l’utilisation de mon GPS lors de nos balades quotidiennes en forêt. Avec du recul, il semble évident que plus je m’éloigne de la société des hommes, mieux je me porte.

À chaque jour, Stéphanie et moi allons faire de la raquette aux alentours de ce nouveau territoire qui s’offre maintenant à notre exploration

Cependant, un malheur n’arrivant jamais seul, un imbroglio avec la remplaçante de ma patronne au Centre St-Pierre a compromis mes prestations d’assurance-emploi potentielles. Frustrée de perdre l’utilisation de son « meilleur employé » – celui qui acceptait toujours les doubles quarts et pouvait remplacer à tout moment ses collègues en vacances payées – elle a refusé de fournir le relevé d’emploi nécessaire pour me permettre d’accéder à l’assurance-emploi. Puis, comme elle disposait de quelques heures de travail à m’offrir à Montréal, je devais les accepter pour devenir éligible à l’assurance-emploi. Ironiquement, lorsque j’ai expliqué à l’agente fédérale responsable de mon dossier que j’habitais maintenant dans le fin fond de l’Outaouais et que je ne pouvais pas travailler à Montréal faute de véhicule, elle a alors statuée que je refusais de travailler et que je n’étais pas en mesure de me chercher du travail. Bref, même si j’avais travaillé plus de 1500 heures en 2017, j’ai finalement dû, trois mois après la fin de mon dernier contrat en automne, me résigner à demander l’aide sociale.


Cette vidéo sur le syndrome du larbin évoque pour moi le comportement de mon ancienne patronne. Anciennement chômeuse, elle semblait croire que sa détermination à bloquer l’accès à l’assurance-emploi pour ses employés pourrait lui permettre de sécuriser définitivement le poste qu’elle occupait temporairement pendant le congé de maternité de sa prédécesseure

Live and learn, mon cher Carl. Dans une société régie par le néolibéralisme, la règle fondamentale semble être « chacun pour soi et au plus fort la poche… même dans un lieu communautaire officiellement dédié à la solidarité sociale comme au Centre St-Pierre ». À ce titre, voici la première leçon de vie que je retiens de mon histoire : les vendeurs de voitures sont pour la plupart indignent de confiance (oui, je sais, c’est un euphémisme). Donc, si tu envisages d’acheter un véhicule, fais-toi conseiller par des personnes expérimentées et, s’il est d’occasion, fais-le inspecter par la CAA avant l’achat. Deuxièmement, être serviable au travail ne garantit pas la reconnaissance de ton employeur. Troisièmement, en politique comme au travail, plus tu donnes de ton énergie généreusement, plus tu risques d’être exploité par un manipulateur en position d’autorité. Ce dernier constat s’accompagne aussi d’une réalisation amère : ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire, et la contribution des miens à la culture de mon lieu d’origine sera éclipsée au profit des forces politiques qui nous colonisent méthodiquement. Enfin, il faudra arrêter de croire en l’idée de l’État providence ; car malheureusement, le gouvernement n’agit pas toujours dans l’intérêt de « ses » citoyens et peut même chercher à les duper.


Lors de cette année éprouvante, où chaque espoir semblait se dissoudre comme neige au soleil, suivre avec ferveur mes Saints de la Nouvelle-Orléans constituait mon unique échappatoire. Mais, dans un ironique tour du destin, semblable à la trame de ma propre année désastreuse, ils ont été éliminés ‘miraculeusement’ lors du tout dernier jeu d’un match haletant contre les Vikings du Minnesota. Ce match, désormais ancré dans l’histoire de la NFL, a été pour moi l’épitaphe d’une année jonchée de défaites. Dans ce jeu final, où je me suis moi-même surpris à prier, j’ai vu se refléter ma propre lutte contre un destin moqueur. Étendu sur le dos dans le salon, accablé de déception et d’incrédulité, ce moment a marqué pour moi la fin symbolique de tous mes espoirs pour l’année 2017. Stéphanie, me découvrant dans cet état d’abattement profond, m’a rappelé, quelque peu perplexe, que ‘ce n’était qu’un jeu’. En réponse, je lui ai murmuré, avec une pointe d’amertume : ‘Dans le grand jeu de la vie, même les Saints peuvent être à la merci des tours du destin.
Visualisez ici mon fameux cauchemar sportif en question : The Minneapolis Miracle!

Une nouvelle direction

Alors que je fais le bilan de cette année tumultueuse, une réalisation s’est imposée à moi avec une clarté déconcertante : quelque chose n’allait pas dans ma démarche. J’ai toujours cru en l’importance de poursuivre ses rêves, mais il arrive un moment où il faut savoir lâcher prise, surtout quand cette poursuite nous éloigne paradoxalement de nos objectifs. Or, j’ai peut-être identifié l’un de mes gros problèmes : l’entêtement. Une ténacité qui, tel un double tranchant, m’a conduit certes à des victoires… mais aussi à des impasses et de nombreuses déconvenues. Ainsi, il est temps pour moi de reconnaître que cet entêtement, bien que source de certaines réussites passées, est aussi à l’origine de mes tourments actuels.

Carl Boileau en porte à porte pour Projet Montréal

Mon engagement en politique, notamment à travers mes campagnes de porte-à-porte victorieuses pour Projet Montréal, était empreint de cette détermination inflexible, qui m’avait autrefois valu la réussite mais qui désormais semble me desservir.

Parallèlement, depuis près de vingt ans, je m’accrochais obstinément à l’idée d’aller au bout d’un amour non partagé avec Florence, ma supposée meilleure amie, espérant vainement un retour d’affection qui ne venait jamais. Cet entêtement m’a justement maintenu captif dans une relation toxique, dans une quête sans fin en Estrie, m’entraînant dans un cycle de répétitions sombres et stériles. Mon acharnement à réparer cette vieille voiture moribonde, symbole d’un rêve illusoire de liberté, reflétait cette même opiniâtreté. À y regarder de plus près, je réalise que cette obstination m’a souvent laissé « la tête dans le sac », comme au poker, me faisant miser aveuglément sur les mauvaises cartes. Bien sûr, l’ombre des pervers narcissiques, notamment Florence et mon père, plane sur mes mauvaises décisions. Leur influence négative et mon incapacité à les faire évoluer a exacerbé mon entêtement, me poussant à aller jusqu’au bout de chemins sombres, à la manière de ma voiture noire, ultime espoir d’une échappée qui n’a jamais eu lieu.

À 42 ans, me voici sans enfants, sans économies, sans logement fixe et dépourvu d’amis proches. Je suis confronté à la dure réalité des choix que j’ai faits. Toutefois, même si je ne peux revenir en arrière, j’ai encore le pouvoir de façonner mon avenir. Il est désormais clair que je dois apprendre à lâcher prise, pas seulement dans ma vie personnelle, mais également dans mes engagements professionnels et politiques. Il est temps pour moi de me libérer des entraves psychologiques qui m’obstruent l’esprit. Il est temps pour moi de me sortir le crabe dans ma tête.

Un crabe dans la tête

Je dois prendre mes distances avec l’omniprésente actualité, les médias sociaux, mes relations interpersonnelles infructueuses, mon attachement à mon Plateau d’origine… et surtout, à ce passé qui me retient psychologiquement prisonnier. En brisant les chaînes de l’entêtement, je peux espérer commencer à tracer la voie vers une nouvelle existence, libérée des ombres de mon passé. Aujourd’hui, je dois apprendre à renoncer aux combats inutiles et toxiques, et à laisser les pervers narcissiques que j’ai aimé à leur propre sort. Je dois faire le deuil de Florence, de mon père et de Richard Bergeron. Il est temps de me détacher de Projet Montréal, du rêve d’un Québec libre et de mon ancienne vie. Il est temps de tourner la page de mes anciens combats et des fantômes du passé.

En quittant le labyrinthe de mon passé, je choisis de fermer définitivement le livre de mon ancienne vie pour en entamer un nouveau, actuellement aussi blanc que le paysage de neige infini qui se déploie devant mes yeux par la fenêtre aujourd’hui.

Vers un nouveau départ… sur la route d’une deuxième vie

Alors que je termine ce récit, je me trouve à un carrefour de ma vie. Fraîchement diplômé en horticulture et en aménagement paysager, je suis à l’aube de réinventer ma vie dans un domaine qui correspond davantage à ma nature profonde que la politique. En politique, j’étais comme une plante pionnière, capable de trouver et de développer de nouveaux territoires, de s’épanouir dans des environnements inexplorés. Mais, tout comme certaines plantes pionnières cèdent la place une fois que l’écosystème devient plus dense et compétitif, je me rends compte que je ne suis pas fait pour endurer la compétition sournoise et gérer le pouvoir lorsque l’environnement devient trop populaire. Je dois écouter ma nature sauvage et m’orienter vers de nouveaux horizons, vers des terres inconnues à défricher et à cultiver, laissant derrière moi la carcasse de ma vieille vie, symbolisée par ma voiture accidentée au bord de la route – un rappel poignant de mon ancienne existence.

Dans la neige se repose, morceau de métal froissé,
Un rêve égaré, une course inachevée.
L’huile se mêle au blanc, tel le sang de mes veines,
Marquant le chemin parcouru, tracé de peines.
L’antigel se disperse, larmes figées dans le froid,
Chaque goutte, un souvenir, une part de moi.
Carcasse silencieuse, témoignage des espoirs déchus,
Porteur de rêves brisés, sous le ciel reclus.
Ô chariot de mes aspirations, repos maintenant abandonné,
Ton essence se dissipe, comme mon passé effacé.
Là, au creux de l’hiver, ta fin est mon début,
Je laisse derrière, pour s’envoler, mon dernier salut.
Dans la solitude de ce virage, le destin a parlé,
Forgeant dans l’accalmie d’une ère nouvelle, un esprit libéré.
De ces fragments éparpillés, je me lève, renouvelé,
Vers un avenir inexploré, un homme transformé.

Les épreuves de ces dernières années, aussi pénibles qu’elles aient été, ont sculpté un homme nouveau, prêt à embrasser cette nouvelle vocation qui me rapproche de la nature et de mes véritables passions. Chaque défi, chaque revers, chaque moment de désespoir a contribué à forger ma résilience. Ce n’est pas simplement la fin d’une époque difficile, mais le début prometteur d’un nouveau chapitre, tel une chenille se transformant enfin en papillon.

Dans le silence de la campagne, loin du tumulte de la ville et des échos de mes anciennes luttes politiques, j’ai trouvé une paix inattendue. La maison de campagne de Stéphanie, telle un cocon, m’offre un refuge où je peux me métamorphoser en toute sérénité. J’y ai redécouvert la valeur de choses simples : la chaleur d’un feu de bois, la compagnie fidèle d’un chat, les conversations profondes avec Stéphanie, et le calme réparateur de la nature. Ces plaisirs simples, souvent négligés dans le tourbillon de la vie moderne, sont devenus mes ancrages dans un monde en constante mutation.

Dans les méandres d’une année qui aurait pu me submerger, Stéphanie s’est révélée être ma bouée de sauvetage à travers la tempête. Sa présence, bien plus qu’un soutien, a été une bénédiction providentielle. Dans ses bras, j’ai trouvé un refuge où guérir et reprendre des forces. Sa compréhension, son amitié et son amour ont été des cadeaux précieux, m’aidant à traverser les moments les plus sombres. Je serai à jamais reconnaissant de sa bienveillance et son accueil chaleureux qui m’ont servi de socle pour me reconstruire

J’ai appris que la véritable liberté ne réside pas dans l’évasion ou le renoncement, mais dans l’acceptation et la transformation. Chaque échec, chaque perte, n’est pas une fin en soi, mais une opportunité de grandir, de se réinventer. Je comprends maintenant que mon chemin n’est pas linéaire, mais un tissu complexe de détours, de retours en arrière, et de nouveaux départs. Ma quête d’indépendance, bien que détournée, reste vivante. Elle a simplement changé de forme.

En écrivant ces lignes, je réalise que mon nouveau voyage ne fait que commencer. Je ne suis plus le militant politique ni l’ouvrier solitaire que j’étais. Je suis devenu un homme transcendé, explorant les possibilités infinies de la vie. Je ne cours plus après des rêves inaccessibles, mais je forge mon propre chemin, à mon rythme, en accord avec mes valeurs profondes et ma nouvelle passion pour l’horticulture.

Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais une chose est sûre : je ne suis plus le même homme qu’hier. Et pour la première fois depuis longtemps, je contemple l’avenir non pas avec appréhension, mais avec espoir et curiosité. Peut-être que la deuxième vie dont je rêvais est déjà là, se dévoilant lentement à travers les brumes de mon passé.

La route est encore longue, les défis ne manqueront pas, mais je suis prêt. Prêt à accueillir chaque lever de soleil comme une nouvelle chance, chaque obstacle comme une leçon, chaque instant de bonheur comme un cadeau précieux. C’est ainsi, armé de ma plume et de mon expérience, que je continue mon voyage, en route vers une vie renouvelée, une vie où chaque pas compte, une vie où chaque moment est un pas de plus vers une liberté véritable, dans l’harmonie avec la nature.

Maintenant, je laisse derrière moi l’ombre de l’ancien politicien, le colistier oublié… tandis que je marche vers la lumière de ce que je vais devenir. En route vers une deuxième vie, je me trouve enfin libéré, prêt à m’envoler au printemps prochain, tel un papillon émergeant de son cocon… vers ce que j’espère une nouvelle existence resplendissante de lumière et de paix.

Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal : c’est le courage de continuer qui compte
– Winston Churchill

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Jacques Roussel
Jacques Roussel
3 mois il y a

On ne ferme jamais complètement la porte sur son passé comme sur celle de sa mémoire. Heureuse réalité qui nous permet d’avancer et renforce de ce fait un retour possible dans un univers pour lequel nous serons mieux équipés. Ça s’appelle prendre un recul salutaire…

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