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Posté par le 15 mars 2024 dans Journal de bord, Voyage

Les Chroniques Costaricaines : Au rythme du Pura Vida

Plongez dans les "Chroniques Costaricaines" : une quête de sens et d'aventures sous le signe de Pura Vida, entre nature et rencontres humaines.
À l’origine du voyage :

Parfois, la vie nous emmène sur des sentiers inexplorés, marqués par des détours inattendus qui nous conduisent vers des contrées inconnues, façonnant nos récits de vie de manière profonde et durable. Mon voyage de retour au Costa Rica s’inscrit dans cette mélodie imprévisible du destin, s’initiant non par une simple décision de ma part, mais comme une harmonie d’événements et de rencontres, orchestrée par les caprices de la vie elle-même.

Il y a déjà une décennie, le Costa Rica m’a été dévoilé par l’intermédiaire de Florence, celle qui, à l’époque, oscillait entre le rôle de meilleure amie et celui d’un amour teinté d’impossibilité. Florence avait fait du Costa Rica son échappatoire, un refuge choisi après avoir vendu les terres héritées de son père, dans une période de sa vie marquée par la quête de son identité. Son empreinte indélébile a ainsi marqué le début de mon aventure costaricaine, telle une première touche de couleur sur une toile vierge. Son invitation à me joindre à elle dans ce pays, qu’elle chérissait au point d’y avoir élu résidence près de la séduisante plage de Tamarindo, m’a semblé être le fruit d’un alignement mystérieux du destin, me poussant à transcender les limites de mon univers familier et à explorer les profondeurs de mon être.


Il y a pratiquement une décennie, je m’étais rendu jusqu’au bout de la plage de Tamarindo au Costa Rica.

Confiné trois semaines à Tamarindo durant cette première visite, ma découverte du Costa Rica était limitée par mon inexpérience de la conduite et par l’intense dynamique avec Florence. Cette période, bien qu’enrichissante, ne m’a permis que d’effleurer la surface de ce que le Costa Rica avait à révéler. Cette expérience, vue à travers le prisme de notre relation orageuse, était à la fois colorée et incomplète. Avec du recul, je reconnais des précieuses leçons apprises aux côtés de Florence, qui ont façonné ma vision de l’amour, du voyage et de moi-même.


Trop beau (pour être vrai)… le dernier message que j’ai envoyé à Florence dans ma vie

Sortant d’une période de réflexion suite à une défaite électorale durant les élections municipales de Montréal, ce premier voyage au Costa Rica est devenu un tournant décisif, me conduisant vers une réorientation professionnelle en horticulture. D’ailleurs, parmi les souvenirs de cette époque, un après-midi passé à énumérer nos aspirations de vie au soleil de Tamarindo reste gravé dans ma mémoire. Ce jeu ludique avec Florence a non seulement perduré dans mes archives mais s’est transformé en un projet de vie structuré à travers un tableau Trello, témoignant de la profondeur de l’impact de ce voyage sur mon parcours personnel.


Durant ce moment sur la plage de Tamarindo, j’ai été particulièrement illuminé par la chanson « Faut rêver » d’Anis, qui émanait des haut-parleurs d’un petit café tenu par des Français.

Ainsi, lorsque l’idée de retourner au Costa Rica s’est représentée, j’ai vu cela comme une chance d’approfondir mon expérience costaricaine, de me libérer du passé et de vivre pleinement chaque instant. De la sorte, ce voyage symbolise une quête de l’inconnu, une invitation à explorer, à rencontrer, et à créer de nouveaux souvenirs afin d’aller au bout de moi-même à travers chaque découverte.

Aujourd’hui, le Costa Rica, loin de n’être que le décor de mon histoire avec Florence, devient le théâtre de ma propre aventure. Avec la promesse du fameux « Pura Vida » comme boussole, je me lance dans ce voyage non seulement en quête de paysages et de rencontres, mais aussi dans un voyage introspectif, cherchant à faire le point sur ma vie et à repousser mes limites dans cette terre d’aventure et de renouveau.

Un Retour au Costa Rica chargé de sens

Un Retour au Costa Rica chargé de sens

Avant de plonger dans le récit quotidien de mon périple au Costa Rica, il m’apparaît essentiel de mettre en lumière les motivations et les aspirations qui ont guidé ma démarche. Au cœur de ma décision de revenir se trouvait l’envie de revoir Marc Tessier, un ami du passé dont l’accueil à son auberge, « In The Wind Hostel & Guesthouse » à San José, offrait une occasion idéale pour entamer mon exploration. La présence de Marc, plus qu’une simple amitié, représente maintenant un pont entre mon passé et ce retour, symbolisant à la fois un renouveau et la pérennité d’un lien tissé à travers le temps et l’espace.

La dernière fois que j’avais vu Marc, c’était en janvier 2020 durant la soirée soulignant son départ du Québec pour le Costa Rica

D’autre part, ce désir de retourner au Costa Rica semble s’inscrire dans une tendance personnelle à revisiter des destinations déjà connues, à l’instar de ce que j’ai expérimenté avec La Nouvelle-Orléans, l’Oregon et Vancouver. En effet, chaque retour devient une occasion de redécouverte, permettant de tisser des liens plus profonds avec ces endroits et d’y créer de nouvelles expériences, enrichissant ainsi la première impression laissée.

Les objectifs de ce voyage reflètent mon équilibre entre passion pour la nature, intérêt pour l’horticulture et soif d’aventure. La visite anticipée du Butterfly Conservatory près du volcan Arenal était un des points d’orgue de cette aventure, offrant une immersion fascinante dans le monde de la conservation des papillons, un sujet qui m’est particulièrement cher. Parallèlement, ma quête de contacts parmi les éleveurs de papillons visait à établir des collaborations potentielles pour mes projets d’importation au Québec.

Mon engagement professionnel envers l’horticulture me poussait aussi à explorer la diversité botanique du Costa Rica à travers ses jardins et sentiers, enrichissant ma compréhension et ma connexion avec la nature environnante. Quant à Tamarindo, avec ses souvenirs impérissables, elle se révélait comme une étape spirituelle, illustrant mon désir de renouer avec des lieux familiers tout en leur insufflant une nouvelle énergie.

L’ascension du Cerro Chirripó, le point culminant du Costa Rica et l’apogée de ce voyage, se dressait comme un défi personnel d’envergure. Plus qu’une simple randonnée, elle symbolisait la conquête de nouveaux sommets, au sens littéral comme figuré, incarnant ma détermination à repousser mes limites et à explorer des horizons inconnus. Cette quête, bien plus qu’une aventure physique, est l’expression de ma volonté de m’immerger dans la pratique du trekking et de démontrer ma capacité à surmonter les obstacles.

Les réponses à mon appel à tous sur Facebook m’ont été vraiment bénéfiques.

Toutefois, si la définition d’objectifs précis était nécessaire, je reste attaché à l’idée de conserver une certaine flexibilité face aux imprévus. Par ailleurs, je laisse également les voyages me surprendre, m’ouvrant aux rencontres fortuites et aux opportunités inattendues que le destin peut placer sur ma route, incarnant ainsi une philosophie de voyageur qui privilégie la spontanéité et l’ouverture à l’expérience.

Si vous êtes également intéressé par l’idée de voyager au Costa Rica, je vous invite à explorer ma liste de vidéos sur YouTube dédiées à cette destination

En définitive, ce voyage ne constituait pas une évasion mais plutôt une extension de ma vie épanouie au Québec. Comblé et serein dans mon existence à Montréal, je ne cherchais pas à fuir mais à m’enrichir, à me défier en sortant de ma zone de confort pour accueillir l’inconnu et élargir mes horizons. Avec un esprit d’aventure revigoré et des objectifs définis, je m’engageais dans cette aventure non seulement pour découvrir de nouveaux paysages mais également pour poursuivre mon exploration personnelle, dans une quête continuelle de croissance et de découvertes enrichissantes.

Jour J – Retrouvaille au Costa Rica

Le 22 février, je quitte finalement Montréal, laissant derrière moi le confort familier de mon quotidien pour plonger dans l’excitation et l’incertitude d’une nouvelle aventure au Costa Rica. Ce départ ne marque pas seulement la transition géographique d’un point du globe à un autre; il symbolise également un pont entre mon passé et les promesses d’avenir qui m’attendent au Costa Rica.

L’arrivée à l’aéroport international Juan Santamaría de San José est ponctuée d’un premier obstacle : notre avion, immobilisé sur le tarmac, manque de place pour accoster. Après une attente prolongée, une solution de fortune est trouvée : un escalier mobile nous permet enfin de fouler le sol costaricien. Ce détour imprévu, bien que mineur, préfigure le rythme singulier de la vie ici, où le temps semble adopter une cadence propre. Ce léger contretemps met également en péril mon rendez-vous avec Marc, qui m’attend dans son auberge, « In The Wind Hostel & Guesthouse« .

Mon arrivée à l’aéroport se transforme rapidement en un premier défi, une épreuve initiatique dans cette terre d’aventure. Sans carte SIM locale et confronté au défi de rejoindre le centre-ville de San José, je suis contraint de renoncer à mon projet initial de bus au profit d’un taxi. Devant le guichet, l’hésitation me gagne : retirer des colones ou des dollars américains ? Chaque décision entraîne son lot de frais, transformant ce choix apparemment anodin en un calcul risqué. Finalement, je me décide pour 40 dollars US, une somme que je parviens à négocier avec un chauffeur de taxi particulièrement entreprenant.

Alors que le taxi s’élance sur l’autoroute nationale, la nuit dévoile peu à peu les contours de San José, une toile de fond où se mêlent lumière et ombre, promesse et mystère. Les émotions se bousculent, un kaléidoscope de sensations où l’excitation de l’aventure se confronte à l’anxiété de l’inconnu. La circulation, au rythme effréné et imprévisible, propre à l’effervescence « latine », devient le symbole de cette transition, marquant le début de mon immersion dans une culture où le temps et l’espace obéissent à d’autres lois, à d’autres rythmes.

Arrivé enfin à « In The Wind Hostel & Guesthouse », l’heure tardive ne pèse guère sur l’accueil de Marc. Plus de quatre ans se sont déjà écoulés depuis nos adieux au Québec, et le revoir ici, dans cet espace qu’il a façonné, réveille en moi un mélange de nostalgie et d’admiration. Marc, malgré l’évidence de sa fatigue, trouve la force et l’enthousiasme pour me faire découvrir les recoins de son auberge, un lieu manifeste de rencontres et d’histoires entrecroisées.

Le Marc que j’ai redécouvert était à la fois l’ami de toujours et un nouvel être façonné par son environnement; marqué par le soleil et l’effort continu, il incarnait la réussite et la fatigue de celui qui a tout donné à son rêve. Jadis compagnon de luttes politiques au Québec, Marc avait trouvé au Costa Rica non seulement un refuge mais un terrain pour reconstruire sa vie. Son parcours, depuis son départ chargé d’espoirs dans sa Jeep flambant neuve roulant vers le sud jusqu’au développement de son auberge, était un témoignage émouvant de courage et d’autodétermination. Pour moi, un voyage est indissociable des rencontres qui le jalonnent, et Marc incarne parfaitement cette philosophie. Sa décision de quitter le Québec, de s’installer dans un pays étranger et de bâtir une entreprise illustre un esprit d’aventure et de réalisation remarquable.

Au Québec, avant de poser ses valises au Costa Rica, Marc s’était distingué par un engagement politique fervent et une empathie profonde. Notre rencontre, dans le sillage du mouvement pour l’indépendance du Québec, avait scellé une amitié basée sur des idéaux communs, allant de l’écologie à la social-démocratie. Son rôle d’attaché politique pour ma dernière formation politique avant ma défaite électorale, Vision Montréal, le plaçait au cœur des dynamiques politiques et sociales qui animent notre métropole, témoignant de sa combativité et de sa passion.

D’ailleurs, Marc avait cette étonnante aptitude à s’accommoder de personnalités aussi difficiles que celle de mon père, une tâche qui m’a moi-même été insurmontable. Cette faculté de tolérance et d’empathie, manifeste dans son quotidien, se reflète également dans son rôle d’hôte à l’In The Wind Hostel & Guesthouse. Au-delà de l’engagement politique, se révélait un homme doté d’une sensibilité profonde, animé par un désir de renouveau et de réinvention, loin des désillusions sociales et des frustrations personnelles qui avaient jadis teinté son existence au Québec.

Son départ pour le Costa Rica, bien que teinté d’une fuite de la société québécoise, était aussi une quête de sens, une aspiration à redéfinir son existence loin des luttes politiques qui avaient marqué sa vie québécoise. Son choix résonne avec ma propre quête de réorientation, bien que nos chemins aient pris des directions différentes : lui vers la création d’un point de rencontre pour esprits voyageurs à San José, et moi vers une nouvelle voie professionnelle en horticulture, inspirée par des conseils reçus des années auparavant dans ce même pays.

Le In The Wind Hostel & Guesthouse représente la concrétisation d’un rêve à Marc : un lieu de convergence et de partage, où chaque voyageur trouve un sentiment d’appartenance. En vous racontant son histoire ici, je célèbre son audace de repartir à zéro, sa capacité à bâtir un espace accueillant dans une terre étrangère.

Jour 1 – Une Journée d’adaptation à San José

La première nuit au Costa Rica est une épreuve en soi, marquée par la chaleur et les aboiements incessants qui rompent le calme de la nuit. Cet inconfort initial contraste fortement avec la quiétude de mon logement à Montréal, préparant le terrain pour une journée de doutes et d’adaptation dans le tumulte de San José. Rompant mon sommeil fragmenté, c’est Marc qui, avec une sollicitude teintée d’urgence, vient me tirer de mes rêveries matinales avec une nouvelle qui nécessite une action immédiate : l’entrepreneur, grâce à qui il a négocié une voiture pour moi, m’attend déjà dans la cour intérieure de l’auberge. Grâce à Marc, cette location ne me coûtera que 550$ US pour dix jours, une affaire en or dans le contexte de la haute saison touristique.

Le fameux pancake à Marc dans la cour intérieure de son auberge

La journée prend un tournant inattendu lorsque je découvre que la voiture en question est à transmission manuelle, me confrontant à mes propres limites de conducteur. Après une attente de quelques heures ponctuée d’incertitudes, une Toyota Rush 4×4 automatique, certes ancienne mais fonctionnelle, se présente comme ma monture pour les jours à venir. Ce véhicule, bien qu’éloigné de mon idéal, devient mon sésame pour l’aventure qui m’attend au-delà de la capitale.

La recherche d’une carte SIM locale devient alors ma première véritable incursion dans San José. Ce qui devait être une simple démarche administrative se transforme en une aventure en soi, me rappelant l’importance de la flexibilité et de la patience dans un environnement étranger.

La métropole costaricaine se révèle à moi dans toute son intensité : une ville cacophonique et poussiéreuse qui éveille en moi une certaine appréhension à l’idée de me jeter dans le flux de sa circulation chaotique. Cette inquiétude, teintée de doute sur les raisons de mon voyage, instaure une atmosphère de questionnement, ébranlant temporairement ma confiance en cette aventure tant désirée. Loin de l’euphorie attendue, je me retrouve démoralisé, me questionnant sur les raisons profondes qui m’ont poussé à entreprendre ce voyage en solo.


Réflexions autour d’un carrefour giratoire à San José

Suite à une balade à pied autour de l’auberge, l’approche du crépuscule me surprend ; ici, dès 18h, le soir s’installe avec rapidité, rappelant l’imminence du souper. Porté par l’envie de partage, je propose à Marc de nous évader le temps d’un repas au restaurant, espérant ainsi enrichir nos retrouvailles d’un cadre plus intime que celui de l’auberge. Toutefois, Marc, avec une pointe de mélancolie dans la voix, décline mon offre, expliquant son inextricable lien avec son établissement, désormais au cœur de son existence. Ce refus, empreint d’une profonde dévotion à son œuvre, met en lumière le dilemme entre la poursuite d’une passion et le prix de la liberté personnelle sacrifiée.

Marc, posté à l’accueil de son auberge de San José

Alors que l’obscurité enveloppe rapidement San José, marquant la fin d’une journée marquée par l’adaptation et la découverte, je fais une rencontre qui allait enrichir mon séjour. Dans l’atmosphère conviviale de l’auberge, je croise le chemin de Moran, une voyageuse israélienne dont le sourire lumineux et l’énergie positive tranche avec la réserve habituelle des nouveaux arrivants. Munie d’un passeport belge, Moran incarne le mélange des cultures et l’esprit nomade qui caractérise tant de ceux que l’on rencontre sur la route.

Elle exprime à Marc le besoin de trouver un guichet automatique et d’acheter une carte SIM, des démarches que j’avais moi-même entreprises plus tôt dans la journée. Voyant l’opportunité de partager les connaissances acquises au cours de mes propres errances, je me propose spontanément de l’accompagner, lui offrant de faire office de guide dans ce dédale urbain sous le couvert de la nuit.

L’humour avec lequel Moran accueille ma proposition de protection dans les rues de San José dissipe instantanément toute tension et instaure une complicité inattendue. Ensemble, nous déambulons à travers la ville, partageant nos histoires et nos expériences de voyage, tandis que je lui montre les endroits que j’ai découverts et lui prodigue des conseils pour naviguer dans cette capitale vibrante mais parfois déroutante.

La soirée s’achève alors que Moran, après notre périple commun à travers les artères de San José, décide de me laisser à l’épicerie où je m’apprête à acheter de la bière locale. Nos chemins se séparent sur une note de camaraderie éphémère, propre aux rencontres de voyage. Je retourne à l’auberge prête à m’octroyer un moment de détente dans la cour intérieure, un espace où le temps semble suspendu, loin de l’effervescence de la ville.

Isolé dans la pénombre, je m’abandonne à la dégustation de bières locales, faute de trouver une IPA à mon goût. Ces breuvages, si légers et insipides qu’ils en deviennent aqueux, accompagnent mes réflexions introspectives. Dans cette solitude volontaire mais lourde de sens, je médite sur la tournure de cette première journée. Éloigné de l’élan initial et de la soif d’aventure, un sentiment d’apathie s’infiltre en moi, marquant un écart troublant entre mes aspirations pour ce voyage et la réalité de son amorçage. Chaque gorgée insipide renforce ce contraste, soulignant l’écart entre l’idéalisation de mon périple et mes premiers pas, hésitants et incertains, sur cette terre nouvelle.

Alors que la nuit enveloppe totalement l’auberge, je décide de regagner ma chambre, l’esprit alourdi par cette sensation d’une journée perdue, d’une opportunité d’évasion qui m’a échappé. Le confort spartiate de mon lit ne parvient pas à apaiser les tourments de mon esprit qui, malgré la fatigue, continue de s’interroger sur les véritables raisons qui m’ont poussé à entreprendre ce périple.

Je m’endors finalement, non sans un sentiment d’inachevé, un désir diffus de rédemption pour les jours à venir. Cette première nuit à San José, bercée par l’indifférence de l’obscurité, devient le symbole d’un début incertain, d’un voyage qui, malgré ses promesses, demande encore à prouver sa valeur et son essence véritable.

Jour 2 : En Route vers La Fortuna

Malgré l’intention de m’élancer à l’aube vers de nouvelles aventures, le second jour se dévoile sous le signe de la contemplation. Les rues entrelacées de San José me tiennent en haleine, m’enveloppant dans un manteau d’hésitation. C’est une lutte intérieure entre le désir d’évasion et la réticence face à l’inconnu, où les murmures de la ville se mêlent à la solitude du voyageur.

Au cœur de cette réflexion matinale, où chaque pensée s’effiloche vers l’horizon de mes appréhensions, c’est la voix de Marc qui vient rompre le silence pour m’indiquer que le déjeuner est prêt. Après avoir dégusté son excellent pancake dans la cour intérieure, Marc évoque avec une simplicité désarmante notre pacte d’amélioration technologique : les barrettes de RAM que j’ai traversé les cieux pour apporter, destinées à revitaliser le cœur numérique de son auberge. Ce geste, trivial en apparence, ancre soudainement mes pensées errantes et reporte l’heure de mon départ. Dans le maillage subtil des préparatifs et des au revoir, ce petit acte de camaraderie se révèle être un phare dans le brouillard de mes incertitudes, un rappel des liens invisibles qui nous unissent.

Alors que l’horloge marque 11h, avec la mission informatique accomplie, je m’ancre dans la pièce centrale de l’auberge, refuge de mes pensées voyageuses. Là, je déploie mon atelier de navigation moderne : Google Maps, toile vierge sur laquelle je commence à dessiner le fil de mon odyssée costaricaine. Chaque point d’intérêt, suggéré par les échos lointains de mes contacts sur Facebook, devient une étoile dans ma constellation de curiosités. Je tisse entre eux des liens invisibles, esquissant des parcours possibles, laissant les secteurs géographiques murmurer leur cohésion à mon instinct de voyageur. Cette cartographie numérique, bien plus qu’un outil, devient l’extension de mon esprit aventureux, un compas guidant mes pas dans le maillage complexe des merveilles du Costa Rica. Mon esprit, tel un cartographe des temps modernes, commence à esquisser les contours de mon aventure. Dans cette valse interne d’hésitations et de possibilités, le Butterfly Conservatory, près du volcan Arenal, brille d’un éclat particulier, guidant ma quête vers le nord en direction de La Fortuna.

Voici le chemin de ce qui aura, finalement, été mon itinéraire durant ce voyage

C’est à ce moment, au seuil de midi, que le destin choisit d’intervenir sous les traits de Moran à l’accueil. Sa silhouette légère, contrastée par l’immensité de son sac à dos, évoque l’image d’un voyageur prêt à défier les lois de l’équilibre. Sa demande à Marc sur le chemin vers La Fortuna résonne comme un écho à mes propres interrogations, m’invitant à franchir le pas.

Notre décision de voyager ensemble est prise dans l’impulsion du moment, unissant nos chemins dans une symphonie spontanée d’entraide et de découverte. Ce départ, bien qu’en différé, s’annonce non comme un retard, mais comme l’embrassement d’une aventure partagée, illuminant le chemin avec la promesse d’un voyage enrichi par la compagnie et la solidarité.

Ainsi, nous voilà lancés sur la route qui se déroule devant nous, quittant le cœur du Costa Rica pour finalement nous aventurer vers ses extrémités. Notre alliance, née au gré des circonstances, transforme les routes que je redoutais d’arpenter seul en un théâtre de complicité et de découvertes partagées.

La montée à travers les montagnes, en direction du volcan Poas, a rapidement donné le ton de ce qui allait devenir le leitmotiv de notre périple routier. Les pentes abruptes et les courbes sinueuses semblaient se succéder sans fin, dessinant un paysage où la beauté époustouflante de la nature s’accompagnait de défis constants. La chaussée, rétrécie, imposait une vigilance de chaque instant, les voies à double sens n’étant pas toujours clairement définies, ajoutant une touche d’imprévisibilité à notre trajet.

Les nids-de-poule, rappelant étrangement ceux que l’on peut trouver au Québec, ponctuaient notre route, témoignant des caprices du climat tropical sur l’asphalte. Mais au-delà de ces obstacles physiques, c’était la culture de conduite locale qui représentait le plus grand défi d’adaptation. Les codes de la route, différents de ceux auxquels j’étais habitué, et le comportement parfois surprenant des conducteurs costaricains exigeaient une attention de tous les instants et une capacité à s’ajuster rapidement aux situations inattendues. C’est ici que Moran partage un précieux secret hérité de son grand-père belge : l’usage du klaxon dans les courbes serrées, une pratique qui, bien qu’étrangère à mes habitudes, s’avère être une bouée de sauvetage dans le flot de la conduite locale.

La conduite se transforme en une expérience partagée, chaque obstacle surmonté renforçant notre complicité. Dans un élan de camaraderie, je propose à Moran de converser en français, une opportunité pour elle de pratiquer ma propre langue. Cependant, elle décline gentiment, expliquant qu’elle comprend un peu le français grâce à sa mère francophone mais préfère s’exprimer en anglais, sa maîtrise du français étant limitée et l’hébreu demeurant sa langue maternelle. Cette révélation, loin de créer une distance, enrichit notre échange d’une dimension multiculturelle, soulignant la diversité et la richesse de nos parcours.

Alors que nous serpentions à travers les montagnes costaricaines, ma nervosité face aux défis routiers a trouvé un exutoire inattendu dans l’humour. J’ai lancé à Moran l’idée que nous étions plongés dans un simulateur de conduite, un jeu vidéo grandeur nature avec différents niveaux de difficulté. Cette métaphore ludique n’était pas sans fondement, car le chemin était parsemé de voitures accidentées, témoins silencieux de la rigueur de la route costaricaine.

L’esprit vif et la joie de vivre de Moran ont immédiatement illuminé notre voyage, ses rires et sa bonne humeur transformant chaque moment en une opportunité de complicité. Nos échanges détendus, ponctués d’humour et de camaraderie, ont fait de notre route sinueuse une célébration joyeuse de l’imprévu et de la solidarité, prouvant que les rencontres fortuites peuvent transformer les incertitudes en aventures mémorables

La première photo de moi dans ce voyage

À mi-parcours, nous avons esquivé les pièges des attractions touristiques onéreuses, telles que le La Paz Waterfall Garden et son entrée coûteuse à 60 US$, pour nous réfugier dans la simplicité d’un « soda » local. Ces petits restaurants familiaux, véritables joyaux de l’hospitalité costaricaine, sont rapidement devenus mes escales préférées, alliant économie et authenticité. Chaque pause était l’occasion non seulement de savourer la cuisine locale, mais aussi de charger discrètement mon téléphone, victimes d’une batterie faiblissante due à l’absence de port USB dans la voiture d’un autre temps, une contrainte qui allait colorer mes escales tout au long du voyage.

Le « casado » (le mariage en français), plat emblématique de ces lieux, avec sa simplicité et ses saveurs pures, s’est révélé être un festin pour l’esprit autant que pour le palais. Demandant toujours une sauce maison pour en exalter le goût, j’ai d’ailleurs découvert une astuce culinaire qui s’est inscrite dans mes habitudes. Plus qu’un simple repas, ces « sodas » m’ont immergé dans l’essence même de la culture costaricaine, loin de la superficialité touristique, m’offrant une expérience authentiquement enrichissante.

Moran et moi dans un soda local

Au cœur de la convivialité du soda, Moran et moi, partageant nos casados, nous laissons glisser la conversation vers des sujets plus graves, tissant un lien entre nos mondes si différents. Elle me parle du festival Envision qui se tiendra à la plage d’Uvita et où elle se rendra bientôt comme bénévole. Ce festival, connu pour son esprit de communauté et sa célébration de l’art et de la durabilité, est pour elle une échappatoire, une respiration face aux tensions de son pays natal, Israël. Là, la jeunesse trouve dans la musique et la fête une forme de résilience, une manière de s’accrocher à la joie malgré l’ombre omniprésente des conflits mondiaux.

Dans cette bulle d’espoir, j’ose naviguer vers les eaux troubles de la question palestinienne, esquivant avec délicatesse les récifs du débat pour ne pas briser notre entente. Cependant, poussé par une curiosité respectueuse, je lui demande comment elle voit l’avenir de cette situation complexe. Sa réponse, teintée d’une tristesse profonde, révèle une conviction que la paix semble hors de portée dans son pays. Cette acceptation sombre contraste vivement avec l’énergie et l’espoir qu’elle porte en elle, illustrant la dichotomie d’une jeunesse israélienne qui danse au bord de l’abîme, cherchant dans l’exubérance des festivals un exutoire à l’impasse de leur réalité nationale.

Le Costa Rica, avec sa promesse de « Pura Vida », devient alors pour Moran et tant d’autres un sanctuaire, un lieu où les fardeaux se dissolvent sous le poids de la danse, de l’art, et de la communion des esprits. Ce partage, dans la simplicité d’un repas, m’ouvrait les yeux sur l’incroyable capacité du Costa Rica à devenir un havre où les différences s’estompent, où la paix transcende les frontières et les histoires.

Ce moment de partage, loin de n’être qu’un échange de mots, m’a fait réaliser l’importance des voyages comme ponts entre les âmes, comme témoins de la capacité de l’humanité à trouver la lumière, même dans les coins les plus sombres du monde. Le Costa Rica, avec son mantra de vie et de paix, s’est révélé être plus qu’une destination ; il est devenu le symbole de la possibilité d’un monde où la joie et l’espoir peuvent éclore même dans les terrains les plus arides.

Ma première photo du volcan Arenal

Alors que la journée touchait à sa fin, la silhouette imposante du volcan Arenal a commencé à se dessiner à l’horizon, annonçant notre approche de La Fortuna. L’excitation était palpable dans la voiture alors que nous observions le paysage se transformer, le majestueux volcan se détachant contre le ciel crépusculaire. Notre arrivée à La Fortuna, juste à la tombée de la nuit – aux alentours de 19 heures, conformément au rythme solaire costaricain –, marquait la fin de notre voyage depuis San José et le début d’une nouvelle aventure dans ce village niché au pied du volcan.

Grâce à la perspicacité de Moran, qui avait trouvé une auberge de jeunesse disponible pendant notre trajet, nous avons rapidement déposé nos bagages dans nos chambres respectives. Poussés par la curiosité et l’envie de découvrir notre nouvel environnement, nous avons décidé d’explorer à pied le cœur de La Fortuna, un village dont la vie semble entièrement tournée vers le tourisme.

Moran s’est révélée être une négociatrice aguérie face aux prix variables des commerçants costaricains

La promenade nocturne dans les rues de La Fortuna a révélé un village animé, avec ses boutiques de souvenirs, ses nombreux restaurants et ses agences proposant toutes sortes d’activités liées à la nature environnante. Cependant, c’est lors de notre passage à l’épicerie locale que le contraste entre le tourisme et la vie quotidienne des habitants est devenu évident. Les prix affichés, nettement plus élevés que ce à quoi on pourrait s’attendre dans une région si rurale, soulevaient des questions sur l’impact du tourisme sur l’économie locale et la vie des résidents de La Fortuna.

En mars 2024, 4 200 Colón costaricien équivaut à… 11,17$ Dollar canadien Bref, seriez-vous en mesure de payer 10$ pour un petit pot de beure d’arachide ?

Cette première soirée à La Fortuna, entre la découverte enthousiaste de ce village touristique et la réflexion sur ses implications économiques, a posé les bases de notre séjour. En nous retirant pour la nuit, l’image du volcan Arenal veillant sur le village restait gravée dans nos esprits, symbole de la beauté naturelle qui attire tant de visiteurs dans cette partie du Costa Rica, La Fortuna, dont le nom évoque les caprices du destin, devient le miroir de notre journée : un parcours où les surprises du chemin dessinent la trame d’une histoire plus vaste, une narration où chaque épreuve et chaque joie enrichissent le récit. Ce soir, alors que la pleine lune veille et que le volcan sommeille, nous nous abandonnons à la rêverie, conscients que la véritable fortune réside dans la richesse des expériences partagées, dans la toile tissée de nos vies entrelacées au gré des chemins parcourus.

Jour 3 : À l’ombre du volcan Arenal

La troisième journée de notre séjour à La Fortuna a débuté sous le signe de la curiosité, Moran et moi avide d’explorer davantage ce village au pied du volcan Arenal. Notre quête matinale d’activités s’est toutefois heurtée à une réalité quelque peu désenchantante. L’ambiance mercantile de La Fortuna, avec ses attractions coûteuses et tape-à-l’œil, a évoqué dans mon esprit l’image d’un parc d’attractions conçu pour extraire le maximum de profits des visiteurs. Cette facette commerciale, loin de l’authenticité que je recherchais, semblait davantage destinée à des familles fortunées qu’à des aventuriers en quête d’expériences plus terre-à-terre.

Au fil de nos discussions, un autre constat est venu s’ajouter à notre désillusion : le café local. Pour un pays réputé pour ses plantations de café, la qualité de ce dernier dans les établissements touristiques de La Fortuna laissait à désirer, ajoutant une note d’amertume à notre exploration.

Cependant, la journée nous réservait encore des moments de détente et de découverte, en nous guidant vers les sources thermales naturelles de Tabacón, un sanctuaire de détente niché à l’ombre du volcan Arenal. Jadis, avant que les flancs de ce géant endormi ne deviennent le berceau de ces eaux chaudes, Tabacón était un village paisible. Le réveil brutal du volcan en 1968 a marqué la fin tragique de cette tranquillité, réduisant le village en cendres et laissant derrière lui le deuil de nombreuses vies. Aujourd’hui, les eaux apaisantes dans lesquelles nous nous prélassions portaient en elles le souvenir de cette époque révolue, un contraste poignant entre la beauté naturelle et le souvenir d’un passé dévasté. Tout comme le volcan Arenal, dont le sommeil peut être trompeur, nos vies de voyageurs dansent sur le fil du temps, à la merci des réveils inattendus de la nature ou du destin.

Moran, dans les sources thermale de Tabacón

Cette immersion dans les eaux thermales, en dépit de leur calme rassurant, fut bientôt teintée par ma propre mésaventure : une blessure soudaine au dos en émergeant de l’eau, marquant mon cinquième épisode de lumbago à ce jour. Cette douleur, au-delà de son impact immédiat, menaçait de jeter une ombre sur le reste de mon périple, rappelant cruellement les limites de mon propre corps face aux caprices de la nature.

Face à cette épreuve, Moran a proposé une solution généreuse : louer un confortable Airbnb pour la soirée, en échange de sa contribution aux frais d’essence. Cette initiative nous a offert un répit bienvenu, notamment en nous permettant d’accéder à un confort rare pour les voyageurs faisant le tour des auberges de jeunesse au Costa Rica : une douche chaude. L’incident à la source thermale, ayant réveillé la douleur familière du lumbago, aurait pu marquer une ombre sur notre séjour à La Fortuna. Cependant, c’était sans compter sur les compétences inattendues de Moran. Révélant son métier de professionnelle de la santé en Israël, elle s’est rapidement transformée en soignante, m’offrant des conseils et des remèdes précieux pour atténuer ma douleur.

Selon Moran, l’origine de mon mal était à chercher dans la posture adoptée durant les longues heures de conduite à travers les routes sinueuses du Costa Rica, aggravée sans doute par un mouvement malencontreux dans les courants des sources thermales. Son diagnostic était à la fois un soulagement et une prise de conscience : il était essentiel de prendre soin de mon dos, surtout compte tenu de ma profession d’horticulteur.

Une fois installés dans le confort de notre Airbnb, Moran a mis en pratique son savoir-faire. Elle m’a offert une balle de massage, me guidant pour l’utiliser contre un mur afin de détendre les muscles de mon dos. Elle a également préparé une compresse chaude, insistant sur les bienfaits de la chaleur pour apaiser les tensions lombaires. Ces gestes simples mais efficaces ont apporté un soulagement bienvenu, me permettant de mieux appréhender la suite de notre voyage.

Revigorés par cette pause, nous avons décidé en soirée de nous immerger dans l’obscurité enveloppante de la forêt tropicale pour une activité de découverte de la faune nocturne. Accompagnés d’une famille française, dont le patriarche, à peine plus âgé que moi, se révélait être paraplégique et se déplaçait en chaise roulante, j’ai endossé avec humilité le rôle d’interprète. La vision de cet homme, transporté avec soin et amour par sa famille dans l’épaisseur de la nuit tropicale, loin de leur France natale, insufflait une émotion teintée à la fois de mélancolie et d’inspiration. Leur courage et leur détermination à explorer ensemble, malgré les barrières physiques, éveillaient en moi une profonde réflexion sur l’inégalité des défis que la vie nous impose. La présence de cet homme me rappelait ma propre fragilité, mon récent lumbago servant de rappel aigu de mes limites physiques. Cette expérience soulignait la précarité de la santé et la valeur inestimable de chaque jour de bien-être, me faisant réaliser la chance que j’avais de pouvoir encore entreprendre de telles aventures. Cette sortie nocturne, au-delà de l’émerveillement pour la biodiversité costaricaine que j’immortalisais dans mon application iNaturalist, devenait une méditation sur la gratitude, la résilience et l’importance de chérir chaque moment d’exploration que la vie nous offre.

Parmi la multitude d’activités coûteuses proposées aux touristes à La Fortuna, Moran et moi avons opté pour une balade nocturne dédiée à l’observation des animaux et des insectes.

La quête d’un lieu pour conclure notre soirée à La Fortuna s’est avérée plus compliquée que prévu. Malgré la myriade de restaurants, une particularité locale a rapidement capté notre attention : l’absence de musique. Cette tolérance au bruit, si caractéristique de la vie costaricaine, semblait s’évanouir ici, où l’ambiance nocturne était étonnamment sobre, presque austère. Cette observation renforçait mon impression que La Fortuna ciblait davantage les familles en quête de tranquillité que les jeunes aventuriers assoiffés de découverte nocturne.

Finalement, guidés par les rares notes de musique qui brisaient le silence de la nuit, nous avons trouvé refuge dans un établissement animé par un guitariste local. Sa passion était palpable, chaque accord témoignant de son dévouement, même si l’indifférence des convives semblait peser dans l’air. Ce contraste n’a fait qu’accentuer le caractère unique de notre présence, deux âmes vagabondes se rencontrant au gré des circonstances.

C’est dans cette ambiance musicale timide que notre conversation a dérivé vers une expérience bien plus intense vécue par Moran quelques jours avant son arrivée au Costa Rica : sa rencontre avec l’ayahuasca au Pérou. Avec une ouverture d’esprit qui me caractérise, j’écoutais attentivement Moran décrire cette plongée profonde dans l’inconscient, guidée par l’esprit de la plante. Elle parlait d’un voyage où l’on doit se rendre complètement, abandonner l’attachement à la vie elle-même pour laisser l’ego se dissoudre et s’unir au cosmos, dans une danse de renaissance harmonisée avec l’univers.

Moran m’expliquait que c’était comme recevoir un billet gratuit pour visiter l’au-delà, voire pour dialoguer avec des entités divines. Bien que l’idée de « vomir ma vie » pour entrer en communion avec cet au-delà abstrait m’était personnellement inimaginable, son récit sincère ouvrait une fenêtre sur l’étendue des possibilités spirituelles et existentielles, ébranlant doucement les fondations de ma propre perception du réel.

Au fil de la soirée, les discussions sur nos parcours respectifs ont lentement cédé la place à une réalité inévitable : nos chemins étaient sur le point de se séparer. Ce constat, empreint de mélancolie douce-amère, n’a toutefois pas éclipsé la beauté de notre rencontre éphémère. La Fortuna offrait un cadre presque solennel à ce moment de partage et de réflexion.

Observant Moran, cette compagne d’un instant, fuyant l’ombre de la guerre pour embrasser l’espoir d’un avenir meilleur, j’ai été saisi par la fragilité et la force de notre condition humaine. Poussés par une impulsion soudaine, nous nous sommes levés pour danser, un geste spontané et libérateur, célébrant notre passage dans ce lieu singulier, notre rencontre fortuite et la vie qui coulait, intense et précieuse, dans nos veines.

Notre danse sous les étoiles, loin d’être une simple distraction, est devenue une expression de gratitude, une ode à la vie et à ses rencontres inattendues. Le guitariste, témoin de cette transformation, a vu son art prendre vie, sa musique finalement appréciée et célébrée, apportant une touche de chaleur et de connexion dans l’atmosphère réservée de La Fortuna.

Cette soirée, marquée par des adieux proches et une union d’esprits, demeurera gravée comme un symbole de la force des liens humains, éphémères ou non, et du pouvoir de la musique et de la danse à briser les frontières, réunissant les cœurs dans un monde aspirant à la paix et à la compréhension. Sous l’ombre mystérieuse du volcan Arenal, nous étions de simples particules de carbone, deux âmes voyageuses esquissant des pas de danse insouciants au bord d’un abîme naturel imprévisible, un rappel poignant que la vie, dans toute son intensité et sa splendeur, reste une offrande temporaire, sculptée par les aléas du destin et la beauté fugace de l’instant. Comme l’humanité dans son ensemble, nous dansons aux alentours d’un volcan endormi, plus ou moins inconscients qu’un jour, il s’éveillera pour imposer un nouveau cycle de destruction et de renaissance.

Jour 4 : L’Envol vers El Castillo

Au réveil, dans l’écrin éphémère de notre Airbnb à La Fortuna, une absence notoire frappe mon esprit encore embrumé par le sommeil. Moran n’est plus là, ses affaires témoignant encore de sa présence récente, mais son énergie a quitté les lieux, probablement en quête d’un café matinal. Ce moment solitaire est teinté d’un mélange de sérénité et d’anticipation, marquant le début d’une journée où nos chemins devraient diverger. Moran, avec son esprit indomptable, se dirige vers Rio Celeste, tandis que mon horizon s’oriente vers une rencontre déterminante pour mon voyage : Glenn Baines, le gardien des secrets du Butterfly Conservatory à El Castillo.

L’initiative de cette rencontre n’était pas fortuite mais inspirée par les récits enchanteurs de Marie-Jeanne Frenette, une ancienne collègue horticultrice dont le stage sous l’aile de Glenn avait été transformateur. C’était elle qui, avec son enthousiasme contagieux, avait tissé le lien invisible me guidant vers cette exploration. Le Butterfly Conservatory se présentait non seulement comme une étape clé de mon voyage mais aussi comme une potentielle oasis d’apprentissage, où les techniques d’élevage de papillons se conjuguaient à une harmonie avec la nature, un idéal que j’aspire à répliquer un jour au Québec.

Moran réapparaît finalement, son aura tempérée par la proximité de notre séparation. L’échange autour de mon offre de la conduire à Rio Celeste se heurte à la réalité de son Uber en approche, scellant ainsi le caractère inéluctable de nos adieux. Sa réserve, bien que déconcertante, m’est perçue comme le voile protecteur qu’elle drape autour de ses émotions face aux départs, une barrière psychologique contre la mélancolie des chemins qui se séparent.

Lorsque le moment fut venu, j’ai pris soin de porter ses bagages, cherchant dans ses yeux un dernier échange sincère. Mes mots de gratitude, reconnaissant son rôle d’étincelle dans l’ignition de ma propre aventure, n’ont reçu qu’une brève réponse laconique : « It was funny ». Cette simplicité résumait peut-être l’essence de notre rencontre, un bref chapitre divertissant dans nos vies reciproques.

Sa réponse énigmatique à ma question sur sa route vers le festival Envision, « Je ne sais pas encore, je suis toujours à la recherche de mon chemin », résonnait d’une profondeur métaphorique. Ce n’était pas seulement la route vers un lieu qui était en question, mais le parcours de sa vie, un chemin perpétuel de découverte et d’exploration de soi.

Dans l’écho de nos adieux, « Pura vida Moran ! » est devenu plus qu’une formule de départ; c’était un souhait sincère pour son voyage, tant physique que spirituel, une bénédiction empruntée à l’esprit costaricien qui avait enveloppé notre rencontre. Ces derniers mots, porteurs de toute la richesse de notre brève union, scellaient la fin d’un chapitre tout en ouvrant la porte à tous les possibles de nos chemins à venir.

Fort de cette séparation mélancolique mais porteuse de sens, je prends la route vers les pistes arpentant le majestueux volcan Arenal. Cette transition, du cocon de notre Airbnb vers les étendues sauvages du Costa Rica, est marquée par une introspection sur les liens tissés et rompus, sur la beauté fugace des rencontres et sur la promesse de découvertes à venir. Chaque kilomètre parcouru m’éloigne physiquement de Moran, mais rapproche mon esprit du but ultime de cette journée : plonger dans l’univers des papillons et, peut-être, trouver en Glenn Baines un guide pour les chapitres futurs de ma propre odyssée horticole.

Le chemin menant à El Castillo, ce hameau niché dans l’ombre du volcan Arenal, est une route ponctuée de réflexions et d’attentes. Alors que le véhicule serpente à travers les paysages verdoyants, je me laisse envahir par une sensation de transition en plongeant dans un univers où chaque tournant révèle de nouveaux horizons. El Castillo apparaît alors, non pas comme une simple destination, mais comme le seuil d’un monde où la nature et l’humain conversent en harmonie.

En pénétrant dans le village, je suis frappé par le contraste saisissant entre sa tranquillité et l’aura imposante du volcan Arenal. Cette juxtaposition entre le calme du quotidien et la puissance latente de la nature environnante résonne en moi, miroir de mon propre parcours, oscillant entre la quiétude de l’existence et l’appel à l’aventure.

Mon immersion dans l’antre des papillons à El Castillo marque le début d’une journée empreinte d’émerveillement. En pénétrant dans ce sanctuaire dédié à la vie ailée qu’est le Butterfly Conservatory, l’accueil chaleureux de Glenn Baines me confirme que je suis sur le seuil d’une expérience unique. L’échange avec lui s’instaure naturellement, nourri par notre amour commun pour les papillons et par l’aspiration à comprendre et à protéger ces êtres délicats.

L’exploration du Butterfly Conservatory devient une immersion dans un monde où la fragilité de la vie se révèle dans toute sa splendeur. Les papillons, avec leurs ailes diaphanes, deviennent les messagers d’une nature à la fois éphémère et éternelle, et Glenn, à travers ses récits et ses connaissances, se fait le traducteur de leur langage silencieux.

Alors que je déambule aux côtés de Glenn, écoutant ses anecdotes et ses explications, l’idée de contribuer, ne serait-ce que temporairement, à ce havre de paix et de connaissances s’ancre en moi. L’opportunité de faire du bénévolat ici, d’apprendre et de partager, s’esquisse comme un rêve à portée de main, un projet qui pourrait marquer une étape significative dans ma propre quête horticole.

La rencontre avec Glenn dépasse mes attentes. Son approche, mêlant science, conservation et une profonde connexion avec le monde naturel, me fascine. Il partage avec moi les secrets du cycle de vie des papillons, de l’œuf à l’envol, dans ce microcosme qu’il a patiemment élaboré au fil des ans. Chaque volière, chaque plante ici a une histoire, un rôle dans cette symphonie écologique que Glenn dirige avec une maestria humble et éclairée.

C’est dans ce contexte que je fais la connaissance de Yara, une bénévole dont le sourire rayonnant et l’enthousiasme pour notre sujet commun créent instantanément un lien entre nous. Originaire de Los Angeles, elle poursuit un doctorat axé sur ces créatures fascinantes, un parcours qui l’a menée jusqu’à ce coin reculé du Costa Rica. La présence de Yara au Butterfly Conservatory n’est pas un hasard mais le résultat d’un choix délibéré, attirée par la renommée de Glenn en tant que pionnier dans le domaine de la conservation des papillons et de la régénération des habitats. La fluidité de notre conversation, animée par une passion partagée pour les papillons et leur conservation, fait fi du temps qui, ici, semble suspendu.

La perspective de conduire de nuit dans cette région montagneuse m’est inconcevable, la prudence dictant une halte dès la tombée du soir. Heureusement, grâce à l’intervention de Glenn, j’obtiens la dernière chambre disponible dans un petit motel à quelques pas du conservatoire. Cette proximité me permet de prolonger ma visite à El Castillo, me libérant des contraintes temporelles pour pleinement savourer les échanges enrichissants avec Yara et approfondir ma compréhension de ce microcosme écologique.

La suite de cette journée nous mène au restaurant/bar de mon motel, où la conversation avec Yara a pris une tournure inattendue et captivante. À peine une semaine après son arrivée au Costa Rica, Yara, avec ses racines argentines et nicaraguayennes, s’est engagée dans une aventure de quatre mois en tant que bénévole au Butterfly Conservatory, confinée à la beauté rustique d’El Castillo. Face à cette vie en marge du paradis, je ne peux m’empêcher de lui demander si elle se rend compte de la chance qu’elle a de vivre dans un tel éden.

L’espagnol, qu’elle est venue perfectionner, résonne dans son accent, mais c’est son intérêt pour le français qui m’étonne. Yara, avec son sourire radieux, avoue connaître plusieurs chansons françaises des années 70, révélant une facette culturelle inattendue. Sa chanson favorite, « Et si tu n’existais pas » de Joe Dassin, devient le prétexte pour un moment partagé au bar, nos margaritas en main. Je me lance alors dans une interprétation spontanée, chantant les paroles tandis que Yara écoute, subjuguée. Cependant, cette scène attire le regard désapprobateur d’un livreur de pizza au bar, perplexe face à notre échange multiculturel.

Dans le voile nocturne d’El Castillo, bercée par les flancs du volcan Arenal, notre soirée se dévoile, tissée de mélodies et d’éclats de rire, à l’écart du tumulte du monde. Ce moment, simple mais profond, souligne la magie des rencontres en voyage, où les cultures se mêlent et les barrières s’effacent, offrant un aperçu d’un monde plus uni et harmonieux.

Jour 5: L’appel de Monteverde

Le cinquième jour de mon aventure au Costa Rica s’ouvre sur un tableau majestueux, celui du volcan Arenal se détachant avec splendeur contre le ciel de l’aube. Cependant, la beauté de ce réveil est ternie par une douleur aiguë : mon lumbago, plus tenace et handicapant que jamais, menace l’ensemble de mon voyage. Chaque mouvement est un défi, et l’idée d’un retour anticipé au Québec me traverse l’esprit, sombre nuage sur ce paysage idyllique.

Malgré la souffrance, je m’oblige à avancer, me traînant péniblement jusqu’à la terrasse du Château Arenal Hotel pour y prendre mon déjeuner. L’air frais du matin et la vue imprenable tentent de me consoler, mais la réalité de mon état physique est indéniable. Ce n’est pas seulement la quête d’analgésique qui s’impose à moi, mais aussi une profonde introspection sur la suite de mon périple.

Face à cette épreuve, l’ascension du Cerro Chirripó, sommet de mes ambitions dans ce voyage, s’éloigne cruellement. L’admettre est une déchirure, un renoncement forcé à un rêve qui me tenait à cœur. Pourtant, au milieu de cette tempête intérieure, je refuse de me laisser submerger par le découragement.

Je puise dans mes réserves de résilience pour embrasser un nouvel état d’esprit, celui de l’exploration joyeuse malgré les contraintes. Mon handicap physique, bien que limitant, ne doit pas devenir une entrave à l’émerveillement que ce pays a à offrir. Ainsi, je m’engage dans un entraînement mental, réajustant mes attentes et mes activités pour les harmoniser avec ma condition.

Sur la terrasse baignée de la première lumière du jour, où le volcan Arenal impose son immensité, ma solitude est rompue par l’arrivée d’un groupe animé, six Québécois, dont la présence évoque un bout de chez moi en terre costaricienne. Leur guide, un jeune homme à l’air décontracté et à l’accent familier, engage la conversation, partageant son enthousiasme pour El Castillo, son « joyau secret ». Il décrit cette enclave comme une perle rare, préservée du flot touristique concentré de l’autre côté du volcan, à La Fortuna. Je ne peux qu’acquiescer, cet endroit ayant déjà capté mon cœur par sa beauté naturelle et sa tranquillité.

Cependant, l’idylle s’effrite lorsqu’il évoque l’idée d’une virée en Jeep dans le ruisseau de la vallée, « musique à fond la caisse », une proposition qui me heurte. Cette vision du voyage, empreinte de bruit et de fureur, tranche radicalement avec ma quête de sérénité et de communion avec la nature. L’attrait pour ce coin du Costa Rica partagé, nos chemins se distinguent par notre approche du respect de cet environnement.

Leur présence m’interpelle, mettant en lumière une réalité incontournable : l’engouement des Québécois pour le Costa Rica ne présuppose pas d’une homogénéité de pensée. À demi-écoute, leurs dialogues me parviennent, naviguant entre récits de soirées festives et allusions à la cocaïne ou à des programmes de télé-réalité populaires. Cette dissonance entre nos mondes m’est frappante, soulignant un fossé culturel et de valeurs profond qui s’étend entre nous.

Cette rencontre fortuite se transforme en miroir de mes propres convictions. Elle réaffirme ma quête d’un voyage introspectif, en harmonie avec la nature, loin des excès et de l’effervescence éphémère de la vie nocturne. Ce déjeuner, partagé en silence avec moi-même, devient un moment de réflexion sur la diversité des voyageurs et sur l’importance de rester fidèle à ses propres valeurs.

Je reprends la route, animé par la détermination d’arriver à Monteverde avant le crépuscule. Malgré la proximité apparente d’El Castillo à vol d’oiseau, le périple promet d’être long de plus de trois heures, contraint de suivre les méandres de la route qui serpente autour du lac Arenal, le plus vaste du pays.

Perspective sur le lac Arenal

Imprégné des paysages sublimes qui ont jalonné mon trajet, j’atteins le cœur animé de Monteverde.

Perspective de l’une des rues traversant le centre-ville de Monteverde

L’atmosphère, bien que touristique, dégage un charme différent, plus séduisant que La Fortuna. Guidé par le hasard, je découvre le Café Tree House, dont la réputation m’avait été soufflée par Marianik, la femme qui a récemment capturé mon cœur au Québec. Elle, qui a déjà arpenté ces terres, m’avait conseillé de m’arrêter dans ce nid perché et d’embrasser l’essence de Monteverde.

Profitant du happy hour, je commande deux Guaro sour et dédie ce moment à Marianik. En sirotant ces cocktails, je me laisse bercer par l’idée que je marche littéralement dans ses pas, explorant les mêmes recoins du Costa Rica qu’elle a jadis découverts. Cette pensée me remplit d’une douce nostalgie et d’une connexion invisible mais palpable avec elle.

Avec une chambre sobre mais fonctionnelle réservée dans une auberge de jeunesse voisine, je me donne l’espace et le temps de contempler Monteverde sous tous ses angles. Entre les gorgées de mon breuvage, j’esquisse les contours de mon aventure du lendemain, tout en me laissant envelopper par l’esprit de Marianik, présente en pensée à mes côtés, guidant discrètement mes choix et mes pas.

Alors que le soleil se couche sur Monteverde, je lève mon verre à la moitié de mon voyage déjà parcourue. C’est un toast à la transformation, à la découverte et à la promesse des jours à venir, porté par l’espoir que la seconde moitié de mon aventure sera tout aussi enrichissante, sinon plus, que la première.

Jour 6 : Un pas après l’autre sur les sentiers de l’exploration

Confronté à la douleur persistante de mon lumbago, relique douloureuse de mon aventure aux sources thermales, je m’inspire du précieux conseil de Marianik m’invitant à la mobilité pour « dérouiller » mon corps. Porté par cette idée, je m’engage à transformer cette journée à Monteverde en une célébration de la résilience et de l’exploration, avançant prudemment sur les sentiers mystiques de cette contrée envoûtante.

Mon premier objectif était la Réserve biologique de Monteverde, renommée pour sa forêt de nuages et sa biodiversité époustouflante. Hélas, confronté à la réalité des billets en ligne tous vendus depuis plusieurs jours, je me résous à explorer des alternatives. Les propositions commerciales des tours guidés, bien que tentantes par leur diversité d’activités, se révèlent prohibitivement dispendieuses. C’est alors qu’une préposée me souffle à l’oreille l’existence de la Reserva Bosque Nuboso Santa Elena. Moins connue, cette réserve promet toutefois une immersion dans la nature moins perturbée par les foules, une aubaine pour mon âme en quête de quiétude.

Cette immersion solitaire dans l’écrin de Monteverde devient un pèlerinage à la rencontre de mes intérêts pour l’identification des espèces. Avec l’application iNaturalist en main, j’arpente les sentiers, établissant un dialogue silencieux avec la faune et la flore. Je découvre avec étonnement la familiarité de certaines plantes, souvent confinées dans nos intérieurs québécois, s’épanouissant librement dans leur habitat naturel costaricien.


Réflexions sur la tour d’observation de la Reserva Bosque Nuboso Santa Elena… tout en haut de la forêt

L’après-midi me voit de retour à Monteverde, le cœur léger et l’esprit curieux, prêt à arpenter le Jardín de Orquídeas et le Monteverde Butterfly Gardens. C’est dans ce dernier sanctuaire dédié aux lépidoptères que je fais la connaissance de Vincent, un jeune biologiste québécois dont le talent de guide n’a d’égal que sa passion pour les papillons. Échangeant sur nos expériences et nos aspirations, je perçois en lui un écho de ma propre quête de sens et de connexion avec le monde naturel. Convaincu de son potentiel, je lui partagerai les coordonnées de Glenn au Butterfly Conservatory, l’encourageant à y postuler comme volontaire, pour enrichir son voyage au Costa Rica de nouvelles rencontres et découvertes.

Vincent éclaire un scorpion à la lumière UV. Au Costa Rica, bien qu’aucune espèce de scorpion ne possède un poison mortel pour l’homme, il est essentiel de rester vigilant. Ces arachnides ont tendance à s’introduire dans les domiciles, se cachant dans une multitude de lieux allant des chaussures aux tiroirs, en passant par les vêtements et les lits. Une inspection minutieuse de ces endroits avant de les utiliser est conseillée pour prévenir les piqûres indésirables.

La conversation avec Vincent me révèlera aussi une astuce précieuse : des places sont conservées pour les visiteurs spontanés à la Réserve biologique de Monteverde. Armé de cette nouvelle, je décide d’étendre mon séjour dans ce village, espérant finalement vivre l’aube dans cette forêt mythique.

Ce jour se termine sur une note d’introspection, entrelaçant les défis physiques aux révélations spirituelles émanant de la beauté enveloppante de Monteverde. Chaque rencontre et découverte du jour enrichit ma compréhension de ce monde complexe et magnifique. En cette phase avancée de mon aventure, je me réjouis de réaliser mes aspirations d’horticulteur tout en m’adaptant à mes contraintes physiques, poursuivant ainsi ma quête de connaissance et de croissance personnelle dans les confins verdoyants du Costa Rica.

Je vous partage ici l’une de mes astuces préventives pour éviter de ramener des punaises de lit lors de mes voyages : je prends soin de poser mes affaires loin des lits, idéalement sur une table de cuisine, voire directement dans la baignoire.

Jour 7: De la forêt de nuages à la côte Pacifique

Dès les premières lueurs du jour, je me suis ainsi retrouvé à l’entrée de la Réserve biologique de Monteverde, impatient et seul, prêt à me fondre dans le voile mystérieux de la forêt nuageuse. Équipé de mon téléphone en mode photographique, je m’engageais sur les sentiers encore silencieux, guidé par le chant lointain d’oiseaux inconnus et le murmure des feuilles agitées par une brise matinale.

Alors que je m’avançais dans ce sanctuaire de verdure, une pensée étrange me traversait l’esprit : malgré la richesse écologique du Costa Rica, j’avais été étonnamment épargné par les moustiques, n’en rencontrant qu’une poignée tout au long de mon périple. Cette constatation surprenante ne m’empêchait toutefois pas de prendre mes précautions habituelles. Avant de m’enfoncer plus profondément dans la réserve, je procédais à mon rituel de protection : une vaporisation de DEET sur mon chapeau, évitant ainsi le contact direct avec ma peau, et l’application généreuse sur mon corps d’une concoction d’huile de coco et d’essence de citronnelle.

Ce mélange, dont la fragrance m’était particulièrement agréable, servait à la fois de soin pour ma peau et de bouclier contre les assauts potentiels des moustiques. L’huile de coco, avec sa texture particulière, formait une barrière naturelle, capturant les moustiques malavisés qui osaient s’aventurer trop près. Cette astuce, empruntée à l’expérience de Florence au Costa Rica, se révélait d’une efficacité rassurante, surtout dans des zones où la menace du virus de la dengue était bien réelle.

Armé de ma protection olfactive et chimique, je me sentais prêt à affronter la jungle, non seulement en quête de décors époustouflants mais aussi à la recherche d’une connexion plus profonde avec la nature environnante. Cette immersion matinale dans la forêt de Monteverde promettait d’être une aventure à la fois méditative et enrichissante, un moment de paix où l’homme et la nature pourraient coexister en harmonie.

Continuant mon périple dans la Réserve biologique de Monteverde, je ne peux m’empêcher de reconnaître la dualité de ce lieu : une popularité touristique massive qui pourrait laisser présager une expérience diluée, contrebalancée par une immersion totale et profonde dans une nature presque irréelle. Malgré les foules qu’elle attire, je recommande vivement cette exploration pour quiconque souhaite s’immerger dans l’unicité de cette forêt de nuage, où chaque pas semble révéler un nouveau mystère de la nature.

Au cœur de cette aventure, un moment défie toute attente et devient le point culminant de ma journée : la capture photographique d’un quetzal resplendissant. Cette rencontre, bien plus qu’une simple coïncidence, ressentie comme un privilège, m’offre un face-à-face avec l’oiseau emblématique des lieux. Le quetzal resplendissant, avec son plumage vibrant et sa majestueuse queue, se dresse devant moi, presque comme une apparition, offrant son profil pour quelques clichés mémorables.

Quetzal resplendissant

La chance de croiser le chemin de ce quetzal resplendissant dans son habitat naturel ajoute une couche d’émerveillement à mon expérience. Cet oiseau, symbole de liberté et de beauté, dont l’élégance est célébrée bien au-delà des frontières du Costa Rica, incarne la richesse et la diversité de la vie sauvage préservée au sein de la réserve. Cette rencontre impromptue, immortalisée par mon objectif, devient un souvenir indélébile, renforçant mon lien avec cette terre et ses trésors cachés.

Après cette matinée exceptionnelle, je me suis accordé une pause dans un soda local, réfléchissant à la suite de mon voyage. Plutôt que de remonter vers le nord-ouest, vers des souvenirs déjà explorés de Tamarindo, je me suis plutôt fixé pour objectif de descendre le plus au sud possible sur la côte ouest. Aspirant à retrouver l’océan Pacifique, j’ai décidé d’orienter la fin de mon périple vers la région d’Ojochal, un lieu mystérieusement prisé par la communauté québécoise au Costa Rica.

J’ai finalement trouvé un bon café au Santa Elena Coffee Shop de Monteverde

La route de Monteverde à Quepos, bien que promettant des paysages d’une beauté sauvage et des panoramas à couper le souffle, portait aussi en elle la promesse d’une aventure imprévue. Alors que le soleil commençait sa descente, je me suis accordé une halte à Puntarenas, attiré par la curiosité de découvrir cette ville singulière, étirée sur une péninsule étroite, flirtant avec les vagues du Pacifique.

L’atmosphère de Puntarenas, malgré son surnom de « Perle du Pacifique », tranchait avec l’immensité tranquille de l’océan à ses côtés. La longue plage, qui aurait pu inviter à la sérénité, se voyait ternie par une ambiance que je ne pouvais qualifier que de lugubre. Cette impression fut d’autant plus renforcée lorsqu’un événement inattendu vint bousculer la quiétude du lieu : sous mes yeux ébahis, une arrestation spectaculaire se déroula, mettant en scène des individus que je supposais être des trafiquants, encerclés par des forces de police armées jusqu’aux dents. La scène, digne d’un film policier, soulignait l’autre visage de Puntarenas, celui d’un port stratégique, théâtre d’ombres dans le ballet incessant du trafic entre la Colombie et la Californie.

Finalement, je retrouve l’océan Pacifique. Difficile à croire que quelques heures auparavant, j’étais encore en plein milieu d’une forêt tropicale à Monteverde

Secoué par cette confrontation directe avec la réalité parfois sombre de ces lieux de passage, je reprenais la route, le cœur alourdi mais l’esprit résolu à rejoindre Quepos, là où l’océan Pacifique m’attendait, fidèle et imperturbable. La transition entre les collines embrumées de Monteverde et la vaste étendue d’eau salée fut un périple en lui-même, une traversée à travers diverses strates de la réalité costaricaine, des hauteurs verdoyantes aux eaux profondes du Pacifique, en passant par les récits muets des rues de Puntarenas.

Le soleil amorçait sa descente à l’horizon alors que j’arrivais à Quepos, ville baignée par les derniers rayons dorés du jour. La fin de cette journée était célébrée par la dégustation d’une sopa Azteka sur une terrasse, face à l’étendue infinie de l’océan, capturant ce moment de transition avec mon appareil photo, alors que je naviguais entre deux groupes Facebook dédiés aux Québécois au Costa Rica.

– Québécois au Costa Rica
– Québécois amoureux du Costa Rica

Une photographie digne d’une publicité pour la bière locale Imperial

Malgré ma déception de ne pas trouver refuge au Castillo de la Riviera de la fameuse Julie Vigneault, la soirée trouvait son apogée dans la découverte surprenante de la piscine chauffée sous les étoiles du Teva Hotel & Jungle Reserve, où je m’abandonnais à la contemplation d’un ciel étoilé, étranger et fascinant, loin des constellations familières du 45e parallèle nord.

La soirée prenait une tournure inattendue lorsque Clara, Helena et un quatrième compatriote, Marielle, se joignaient à moi dans cet havre nocturne. Nos échanges, d’abord anodins, révélaient bientôt une coïncidence troublante : Marielle était l’auteure du message lu plus tôt, son appel spontané à l’aventure costaricienne résonnant étrangement avec mon propre périple. Cette rencontre fortuite, sous le voile céleste de Quepos, tissait des liens improbables entre voyageurs épris de liberté, chacun porté par le désir ardent de découvrir et de s’émerveiller, loin de la routine et des attentes.

Le message en question de Marielle dans le groupe Facebook des Québécois au Costa Rica

Le jour 7 se concluait sur une note de communion et de partage, la magie de Monteverde cédant la place à la chaleur humaine et à la promesse d’aventures partagées sur les rives de l’océan Pacifique, illustrant une fois de plus la richesse et l’imprévisibilité de ce voyage au Costa Rica.

Jour 8 – Tous les chemins mènent au sud

Le huitième jour de mon périple me voit tenter une incursion matinale vers le célèbre Parc Manuel Antonio, réputé pour sa faune abondante et ses plages idylliques. Cependant, à peine arrivé aux abords du parc, je me trouve confronté à une situation inattendue et quelque peu décourageante : des individus se faisant passer pour des préposés aux stationnements m’assaillent, tentant de m’orienter vers des places de stationnement douteuses. Face à cette pression et à l’ambiance qui s’en dégageait, je choisis de faire demi-tour, préférant éviter toute complication.

Cette mésaventure matinale me pousse à revoir mes plans pour la journée. Sur les conseils de Marianne Girard, une figure bien connue des groupes Facebook dédiés aux Québécois au Costa Rica, je mets le cap sur Dominical et son marché bio. Marianne, par ses échanges et conseils avisés sur la plateforme, avait su capter mon intérêt pour les lieux authentiques et riches d’échanges culturels.

Le marché bio de Dominical se révèle être une véritable célébration de la communauté locale et de ses produits. Entre les étals colorés, je découvre une variété de fruits et légumes frais, d’artisanat local et de délices culinaires, le tout dans une ambiance conviviale et accueillante. C’est ici que je ressens pleinement la chaleur de la communauté expatriée et des locaux, unis par une passion commune pour le respect de la nature et des produits sains.

Guidé par les recommandations de Marianne, j’atteins vers 14h ma destination à Ojochal : un Airbnb tenu par une compatriote québécoise prénommée Isabelle. L’accueil y est chaleureux, et je me sens immédiatement intégré dans une petite communauté de voyageurs et d’expatriés. La chambre offre le confort nécessaire pour une nuit de repos bien méritée, après un périple riche en émotions et découvertes.

Cependant, j’ai à peine le temps de poser mes affaires qu’un autre résident, Louis-Paul, m’accueille avec entrain. Depuis plusieurs semaines, il semble avoir élu domicile ici, et sa familiarité avec les lieux transparaît immédiatement. Sans préambule, il m’introduit à une requête quelque peu inattendue : pourrait-il compter sur moi pour aider Chrystalyne, une autre résidente, dans son périple vers Uvita ? Tout comme Moran auparavant, Chrystalyne s’apprête à rejoindre les rangs des bénévoles au festival Envision, une aventure qui commence par un dépôt de bagages essentiel pour garantir sa place de couchage durant l’événement.

Saisi par l’esprit de « pura vida » qui caractérise mon voyage, je n’hésite pas. « Embarque, » lui dis-je, voyant dans cette requête impromptue une nouvelle facette de mon aventure costaricaine qui se dévoile naturellement à moi. Uvita, à une trentaine de minutes au nord, m’offre ainsi l’opportunité inattendue de découvrir un nouveau village, un détour imprévu sur mon chemin.

En reconduisant Chrystalyne au festival Envision, un sentiment étrange m’envahit, comme si Moran, cette compagne d’un segment de mon aventure, n’était pas loin, peut-être déjà immergée dans les préparatifs du festival. Cette pensée fugace de proximité avec Moran, avec qui j’ai partagé un moment significatif de mon voyage, me pousse à envisager de lui envoyer un signe, un petit message, juste pour dire « coucou ».

Cependant, après une courte réflexion, je choisis de résister à cette impulsion. Je me rappelle l’importance de respecter le cours naturel de nos chemins, qui se sont croisés puis séparés, chacun poursuivant sa propre quête. C’est dans cet esprit que je décide de laisser cette page de notre histoire telle quelle, un chapitre complet et précieux, pour me tourner résolument vers le présent qui s’offre à moi.

Avec un rendez-vous fixé à 18h30 pour le retour de Chrystalyne vers notre « casa », j’ai devant moi quelques heures libres à Uvita, un interlude imprévu dans ma journée. Ce temps « à tuer » se transforme rapidement en une chance inespérée de finalement assister à un coucher de soleil mémorable. La plage d’Uvita, avec sa silhouette étirée et son horizon dégagé, devient le théâtre parfait pour une salutation au soleil, dans une symphonie de couleurs qui se fondent dans les vagues du Pacifique.

Ce cliché des voyages au sud a pris ici une dimension inattendue, se transformant en l’apogée de mon aventure costaricaine. Les pieds ancrés dans le sable tiède, j’ai savouré cet instant non pas comme une simple fin de journée, mais comme un rituel spirituel.

Car ce moment imprévu mais ô combien bienvenu, marque non seulement la fin d’une journée mais aussi un des derniers chapitres de mon voyage au Costa Rica… c’est à dire une conclusion symbolique à mon aventure impulsive, bercée par l’esprit du Pura Vida.

Chaque rayon qui s’éteint dans l’océan est une mélodie visuelle qui vient apaiser l’âme, un moment de grâce qui résume la beauté et la sérénité que ce pays a à offrir. Ce spectacle céleste a éveillé en moi une poussée existentielle, un frisson de vie dans toute sa fugacité. Face à cette immensité, j’ai pris conscience de ma propre trajectoire, désormais inclinée vers l’horizon de l’existence. Cet instant, baigné dans l’or du crépuscule, m’a rappelé que la lumière de ma conscience, tout comme celle du soleil, plongerait inéluctablement sous l’horizon de la vie terrestre.

Plus qu’une simple dégradation de couleurs dans le ciel, ce coucher de soleil s’est révélé être une métaphore puissante de l’existence humaine : un éclat de lumière éphémère, un moment de pleine conscience, suspendu entre les ombres du crépuscule et celles de l’aube à venir.

Après ce moment suspendu à Uvita, l’heure du retour sonne, et je retourne comme convenu chercher Chrystalyne au festival Envision. Durant notre trajet de retour à la casa d’Ojochal, elle partage avec moi des fragments de sa vie : son récent voyage au Guatemala, sa dernière expérience d’ayahuasca, et sa résidence actuelle près de Brisbane en Australie. Son rôle de bénévole à Envision, axé sur le bien-être par des massages et soins, m’intrigue et me touche.

Alors que la conversation glisse vers des sujets plus personnels, je remarque un tatouage intrigant sur sa jambe – une rose d’un bleu profond. Intrigué, je lui demande, « Pourquoi une rose bleue ? » Elle me répond avec une douceur empreinte de mélancolie, expliquant que cette rose symbolise la mémoire de son père, décédé lorsqu’elle était encore jeune. « C’est un rappel que même dans la tristesse, il peut y avoir beauté et unicité. Le bleu représente l’amour éternel que j’ai pour lui, un amour qui ne fanera jamais, comme cette rose.

De retour à la casa d’Ojochal, l’atmosphère y est empreinte d’une convivialité rappelant celle des maisons de vacances familiales, où chaque invité apporte son histoire et son énergie unique. La configuration de la maison, avec ses multiples chambres ouvertes aux voyageurs de tous horizons, me transporte instantanément dans le souvenir d’une villa mexicaine, où j’avais séjourné durant un voyage avec la blonde de mon père durant mon adolescence. Ce parallèle entre le passé et le présent souligne le sentiment universel d’appartenance et de partage qui caractérise les lieux de rencontre pour voyageurs.

Portés par cet esprit de communauté, nous décidons de prolonger ces moments d’échange autour d’un repas dans un restaurant local, où les discussions se font plus profondes et les liens se renforcent. La simplicité et l’authenticité du lieu ajoutent à la magie de la soirée, rendant chaque bouchée et chaque gorgée partie intégrante de notre expérience partagée. Louis-Paul, avec son entrain contagieux, m’initie au michelada, une façon locale de déguster la bière qui ajoute une touche plus salée à mon aventure.

Au fil du souper, Isabelle nous plonge dans l’histoire intrigante de l’afflux de Québécois à Ojochal, éclairant d’un jour nouveau les liens tissés entre cette région et notre contrée lointaine. Elle évoque avec une pointe de mystère les récits des années passées, où des motards québécois, attirés non seulement par l’appel de l’aventure mais aussi par des « affaires » moins avouables, avaient jeté leur dévolu sur ce coin paisible du Costa Rica. Selon Isabelle, ces pionniers de la route auraient vu dans l’achat de propriétés une opportunité double : celle de s’ancrer dans un paradis tropical et, plus subtilement, de légitimer des gains d’origine douteuse. Ces demeures, acquises dans l’ombre de transactions nébuleuses, seraient devenues les fondations d’une communauté québécoise insoupçonnée, perpétuant le souvenir de ces premiers jours teintés de liberté et d’intrigues, et reliant à jamais Ojochal au Québec par des histoires à demi-mot.

De retour à la casa, la soirée trouve son apogée dans le calme enveloppant du spa sous les étoiles. Louis-Paul me rejoint, prolongeant cette journée riche en partages par un moment de détente dans l’eau chaude. Entre deux éclats de rire et des gorgées de bière locale, il me pose une question inattendue : quelle note, en pourcentage, donnerais-je à mon voyage ? Après une brève réflexion, je réponds 75% : bien que j’aie largement atteint mes objectifs, une part de moi reste inassouvie, comme si le voyage extérieur n’avait pas totalement comblé un vide intérieur.

Je me tourne alors vers Louis-Paul, curieux de son vécu ici, au Costa Rica. « Et toi, quel a été le moment le plus intense de ton voyage ? », je lui demande, l’eau chaude frémissante autour de nous, reflétant la lueur des étoiles.

Louis-Paul, prend une profonde inspiration avant de plonger dans son récit. Il évoque sa rencontre avec un shaman, un tournant décisif dans son périple. « C’était le rituel du kambo », commence-t-il, sa voix mêlant respect et émerveillement. Il me parle de la cérémonie, un défi personnel autant qu’un rite de passage. « J’ai dû boire deux litres d’eau, puis le shaman a appliqué le venin sur de petites brûlures sur ma peau. » Sa description des sensations qui suivirent – la chaleur envahissante, le cœur battant à tout rompre, le monde tournant autour de lui – peint un tableau d’un voyage intérieur tumultueux, où le corps et l’esprit sont mis à l’épreuve. « Et puis, l’enfer s’est déchaîné », dit-il avec un sourire teinté d’ironie. Les vagues de nausée, la purge violente, un nettoyage profond et déstabilisant. Il décrit ce moment avec une vivacité telle que je peux presque sentir l’intensité de son expérience. Malgré la peur, le doute, le défi physique et mental, il parle d’une renaissance, d’une clarté retrouvée après avoir traversé cette tempête intérieure.

Cette expérience du kambo, selon ses mots, a été un moment de transformation profonde, un point d’inflexion où il s’est senti purifié, renouvelé, reconnecté à la vie d’une manière qu’il n’aurait jamais imaginée. Son récit, raconté avec tant de passion et d’authenticité dans l’intimité de notre sanctuaire aquatique, ajoute une couche de profondeur à notre lien, un partage d’expériences humaines qui transcende les mots.

Dans l’intimité de ce moment de détente, Louis-Paul se livre, partageant la raison profonde de son séjour au Costa Rica : une quête de guérison et de renouveau après une douloureuse rupture amoureuse. Son histoire, marquée par la recherche d’une paix intérieure et la volonté de redonner un sens à son existence, résonne en moi. Je lui confie alors mes propres intentions d’immortaliser mon aventure costaricaine à travers un article dans mon blogue, envisageant subtilement d’y intégrer des récits comme le sien, des fragments de vie qui se croisent et se recroisent, enrichissant le tissu de cette expérience collective.

Saisissant l’opportunité de cette conversation, Louis-Paul exprime son désir, un jour, de mettre en mots sa propre saga, de narrer l’odyssée de sa transformation personnelle au gré des paysages et des rencontres costariciennes. Son périple, après trois mois d’immersion, s’apprête lui aussi à toucher à sa fin. Il évoque son projet de céder sa moto, compagnon de route fidèle, à un jeune voisin québécois, comme un symbole, un legs empreint d’énergie positive, un passage de témoin à un autre aventurier en quête d’évasion et de sens au cœur du Costa Rica.

Une fois seul dans le spa, le silence nocturne m’offre un espace pour la réflexion. La convivialité et les échanges de la journée laissent place à une introspection plus profonde. Face à ce ciel étoilé, si différent de celui que je connais, je réalise que mon aventure, malgré sa richesse, n’a pas entièrement comblé un certain manque. L’expérience, aussi intense soit-elle, semble incomplète sans quelqu’un à mes côtés pour la partager, pour contempler ensemble cette voute céleste et trouver un écho commun à nos émerveillements.

Cette prise de conscience, sous le firmament d’Ojochal, m’amène à questionner la quête solitaire que j’ai entreprise. Ai-je traversé ces paysages, rencontré ces âmes, surmonté ces défis, uniquement pour découvrir que le voyage le plus significatif est peut-être celui que l’on partage ? Ce sentiment de plénitude éphémère, au cœur de la nature et parmi des compagnons de passage, souligne un désir plus profond : celui de la complicité, du partage d’un chemin de vie, de perspectives croisées sur le monde qui nous entoure.

Plongé dans l’abîme tranquille du spa, je sens l’eau envelopper mon corps, effleurant chaque pensée, chaque souvenir de ce voyage. Inspiré par les derniers propos de Louis-Paul, cette immersion sous le ciel d’Ojochal devient plus qu’un simple bain ; c’est peut-être aussi un rite de passage, un baptême émotionnel où l’eau, élément si central à mon périple, sert de catalyseur à une métamorphose intérieure. De la fraîcheur des cascades d’Arenal à la sérénité de l’océan à Uvita en passant par la rafraichissante piscine à Quepos, l’eau a été le témoin silencieux de mon évolution, une présence constante m’invitant à la réflexion, à la purification.

Ce soir, alors que l’eau tourbillonne autour de moi, je perçois son rôle symbolique dans mon voyage : une source de vie, de guérison et de renaissance. Chaque goutte semble emporter avec elle les résidus d’une solitude longtemps portée, laissant place à une nouvelle compréhension de moi-même et de mes aspirations. Ce n’est plus seulement le voyage d’un homme en quête d’aventures, mais celui d’un esprit cherchant sa véritable essence au contact de l’élément primordial.

Dans ce sanctuaire aquatique, je me sens renaître, prêt à accueillir une nouvelle phase de ma vie. L’eau, dans sa sagesse infinie, m’a enseigné qu’il ne suffit pas de traverser les océans ou de se baigner dans les fleuves lointains pour se découvrir pleinement. La véritable exploration commence au creux des vagues de l’existence partagée, dans le partage d’un regard complice face à l’immensité de l’univers. Ce n’est que dans cette communion, dans le partage de l’expérience humaine, que le voyage prend tout son sens, se transformant de quête solitaire en aventure partagée, de parcours individuel en chemin de vie à deux.

Alors que l’eau s’évapore lentement, laissant ma peau rafraîchie et mon âme apaisée, je réalise que cette dernière immersion est le symbole d’une certaine transformation. Loin d’être le terme de mon voyage, elle marque le début d’une nouvelle exploration, non plus dans la solitude des chemins lointains, mais dans ce que je souhaite la richesse de l’expérience partagée, où chaque coucher de soleil, chaque étoile dans le ciel, trouvera un écho dans un autre cœur.

Jour 9 – Retour au Nord

Le neuvième jour, mon alarme de réveil ne sonne pas. Le chargeur de mon téléphone, mal branché la veille, me laisse débuter cette ultime journée avec un appareil complètement déchargé. Heureusement, c’est le vrombissement de la moto de Louis-Paul qui me sort de ma torpeur. Rapidement, je réalise que je suis en retard pour mon rendez-vous avec Marianne Girard au restaurant Citrus, une rencontre essentielle pour la préparation de mon futur voyage au Costa Rica.

L’urgence de la situation me pousse hors du lit, et sans prendre le temps de regretter mon réveil tardif, je déjeune en trombe, dit adieu à Chrystaline et me précipite vers le lieu de ma rencontre. Marianne, avec qui j’ai échangé de nombreux messages, m’attend déjà, accompagnée de Melanie, propriétaire d’un autre Airbnb à Ojochal, et d’un couple de Montréalais séjournant chez elle. L’idée est de se laisser guider par nos deux hôtes qui commencent à bien connaître les lieux d’intérêt de la région.

Notre conversation s’oriente rapidement vers la planification de mon retour en 2025. Ojochal, avec son atmosphère sereine et ses paysages encore largement inexplorés, se dessine comme le point de départ idéal pour cette future expédition. Encouragé par les conseils de Jeff Macaron, JF Groulx, et Geneviève Tardy sur mon mur Facebook, et inspiré par cette position la plus australe que j’ai jamais atteinte dans ma vie, je suis déterminé à recommencer mon prochain périple ici, à l’extrémité sud du Costa Rica, loin de l’agitation de San José. Parallèlement, je me donne pour mission de trouver des lieux où ma mère et son conjoint pourraient séjourner, espérant les convaincre de troquer leur traditionnelle destination hivernale mexicaine pour la richesse du Costa Rica.

La matinée passe rapidement, entre les cascades cachées dans la forêt que nous visitons et les plans d’avenir que nous tissons. La visite des cascades, bien que féerique, est teintée d’une pointe de frustration : mon téléphone déchargé me prive de la possibilité de capturer ces instants magiques. Cet obstacle inattendu me conduit à une réflexion plus profonde : l’importance de s’immerger pleinement dans le moment présent, au-delà de l’obsession de tout « immortaliser » en images.

Conscient de mon vol le lendemain matin et de la longue route vers San José qui m’attend, je dois écourter cette exploration, laissant le couple de Montréalais poursuivre l’aventure vers le Piedras Blancas National Park pour une session d’observation d’oiseaux.

Après des adieux chargés de promesses, Marianne et Melanie m’encouragent à prendre la route côtière pour rentrer à San José, délaissant ainsi les virages serrés de celle traversant les montagnes. Leur conseil, teinté de prévoyance et de nostalgie, me prépare à un dernier ballet visuel avec le Pacifique, un enchaînement de paysages côtiers époustouflants qui marqueront le final de mon aventure. Embrassant leur recommandation avec gratitude, je réalise que ce trajet, jalonné de panoramas maritimes, reflète l’essence de mon voyage : une voie fluide et ouverte sur l’horizon, riche de nouvelles rencontres et d’émotions intenses, transformant chaque adieu en une prometteuse invitation au retour.

À 14h, je m’accorde une ultime pause de ravitaillement dans un soda local, non seulement pour savourer un dernier repas typique mais aussi pour redonner un peu d’énergie à mon téléphone/GPS. Cet intermède est l’occasion de méditer sur les leçons inattendues du jour : l’importance de l’adaptation et la richesse des expériences vécues, bien au-delà des écrans.

Le trajet de retour est empreint d’une douce mélancolie, mêlée à l’excitation des projets à venir. Cette journée, marquée par l’absence de photos, me force à graver chaque instant dans ma mémoire, donnant à ces derniers moments une qualité presque onirique. Les discussions avec Marianne et les autres, les paysages traversés, et les plans esquissés pour l’avenir tissent ensemble le tableau d’un séjour qui, loin d’être une fuite, est une quête de sens, d’évasion, et peut-être, de transformation.

C’est à la vue du Mont Chirripó à l’horizon, majestueux et imperturbable, que mes pensées prennent un tournant introspectif. Cette montagne, échappatoire de mon ascension, s’érige en symbole d’un défi personnel inachevé. Jamais je n’avais atteint une latitude aussi australe, jamais je n’avais été si près de toucher les cieux, et pourtant, le sommet m’a échappé. Cet objectif inachevé sème en moi le désir d’un retour au Costa Rica, non plus en tant que simple voyageur, mais en tant qu’explorateur de mes propres limites, aspirant à conquérir ce point culminant qui sera le plus élevé de mon existence. Chaque kilomètre parcouru, chaque silhouette du Chirripó qui se profile à l’horizon, cimente la montagne non seulement comme un objectif géographique, mais comme une quête métaphorique, un appel à l’aventure intérieure et à la découverte de soi. Dans cette contemplation, le Mont Chirripó devient le phare de ma prochaine aventure, symbolisant non seulement un lieu à atteindre, mais un voyage vers une version plus accomplie de moi-même.

Sur cette route côtière, mon esprit vagabonde au rythme des vagues du Pacifique, mes pensées flottant librement comme les nuages dans le ciel azuré. Je me sens porté par le souffle de l’aventure, chaque courbe de la route éveillant en moi l’écho des mots de Kerouac, ce battement incessant de la quête de la liberté. Il y a quelque chose de profondément libérateur dans ce retour, une sensation de rouler sur le fil du destin, avec le soleil en complice et l’horizon comme seul guide. La route se déroule devant moi et je me laisse emporter par la mélodie des éléments, un hymne à l’imprévu et à l’existence brute. Chaque kilomètre parcouru est un accord dans la symphonie de mon périple, une note ajoutée à la partition de cette aventure costaricienne. C’est dans ce mouvement perpétuel, cette danse avec le temps et l’espace, que je trouve un écho à ma propre soif d’infini, une résonance avec l’appel du large qui m’a toujours habité. La route, ce ruban infini, devient ma méditation, mon mantra, me rappelant que chaque fin n’est qu’une ouverture sur de nouveaux commencements, et que le voyage, bien plus qu’une simple traversée, est un état d’être, une façon de respirer l’univers.

Retour à la « civilisation »

Mais trêve de lyrisme maintenant, l’entrée dans San José marquera un tournant abrupt dans cette méditation routière, me plongeant alors dans un chaos urbain qui met à l’épreuve toute la sérénité accumulée. La ville se révèle être un dédale infernal, un « tableau final d’un putain de jeu vidéo » que je hurlerai à moi-même, où chaque obstacle semble conçu pour tester les limites de ma patience et de ma maîtrise au volant. Piétons fantômes émergeant de l’obscurité, voitures en panne muettes comme des spectres sur l’asphalte, chiens errants en quête d’un destin sous les roues indifférentes, et le ballet surréaliste des véhicules blindés de la police, tissant leur chemin dans un slalom de folie pure. Sans mon fidèle compagnon de route, le GPS, réduit au silence par un oubli fatal de charge, je navigue à l’aveugle, ma seule boussole étant l’instinct et une poignée de colones pour franchir les péages imprévus. C’est dans ce tourbillon que je me perds, bifurquant maladroitement à un carrefour crucial, m’égarant dans les veines sombres de la métropole, loin de la route bien tracée vers l’auberge de Marc. Seul dans la nuit, c’est la lueur salvatrice d’un Starbucks qui m’offre un havre, une chance de recharger mon téléphone et, avec lui, un semblant d’orientation dans cette jungle urbaine. Cet épilogue inattendu, loin des paisibles paysages côtiers, grave dans ma mémoire une dernière aventure, un ultime défi imprévu, avant le repos bien mérité dans l’accueil familier de l’auberge, prélude à la conclusion de ce voyage singulier.

Pura vida Costa Rica

Alors que l’avion décolle, m’arrachant au sol costaricien, je m’installe confortablement, laissant mon esprit embrasser l’ensemble de mon périple. Les paysages défilent sous mes yeux fermés, une mosaïque vivante de souvenirs, de visages, et de sensations qui ont jalonné ces neuf jours intenses.

De l’iconique volcan Arenal aux vagues éternelles de la côte pacifique en passant la mystérieuse forêt de nuage à Monteverde, ce voyage a réveillé en moi une soif d’immensité, un appel à embrasser l’horizon et à se laisser porter par le rythme des marées. La simplicité des moments partagés, la beauté brute des paysages, et la douceur de l’air salin ont été un baume pour l’âme, un rappel de la puissance tranquille de la nature.

Les rencontres, ces intersections humaines impromptues, ont tissé le fil conducteur de mon aventure. Des figures comme Marc, Moran, Yara, Chrystalyne et Louis-Paul, chacun portant son propre récit, ont enrichi mon voyage de leurs perspectives et de leurs espoirs. Leur générosité, leur ouverture, et leur authenticité m’ont rappelé que, au-delà des paysages et des attractions, ce sont les connexions humaines qui donnent sa véritable saveur au voyage.

La confrontation avec les défis, tant physiques que spirituels, a été un moteur de croissance. Le lumbago, loin de n’être qu’une contrainte, m’a enseigné la résilience, la patience, et la capacité à trouver de la beauté et de la valeur même dans les moments de vulnérabilité. Chaque obstacle surmonté, chaque adaptation forcée a été une leçon d’humilité et de force intérieure, un rappel que le chemin importe autant, sinon plus, que la destination.

Et enfin, le retour à San José, ce dernier ballet urbain, a été une épreuve de feu, une immersion dans le chaos qui contraste si vivement avec la tranquillité des paysages naturels que j’ai explorés. Cette expérience a aiguisé ma résilience, mon sens de l’adaptation, et a ajouté une touche de réalisme à l’aventure, me rappelant que la beauté et les défis coexistent, façonnant ensemble le récit de notre existence.

Alors que l’avion fend les nuages, emportant avec lui les dernières images du Costa Rica, je réalise que ce voyage a été bien plus qu’une simple échappée belle. Il a été une exploration de l’âme, une quête de sens, et une célébration de la vie dans toute sa diversité et sa complexité. Les leçons apprises, les souvenirs chéris, et les liens tissés seront les compagnons de mon retour, les étoiles qui guideront mes prochaines aventures.

Dans ce vol de retour, suspendu entre deux mondes, je m’abandonne à la gratitude pour chaque instant vécu, pour chaque rencontre, et pour chaque paysage qui a marqué mon parcours. Le Costa Rica m’a offert bien plus qu’un voyage ; il m’a offert une vision renouvelée du monde, une soif accrue d’explorer, de comprendre, et de partager. Et alors que les contours du Québec émergent au loin, je sens en moi une certaine transformation, voire une richesse intérieure inestimable acquise. Fort de mon âme d’explorateur et d’un cœur élargi par l’ouverture au monde, je m’apprête maintenant à embrasser les défis à venir… porteur d’un esprit éternellement imprégné de la vibrante essence de Pura Vida.

En el camino aprendemos
– Proverbe costaricien qui signifie « C’est en marchant que nous apprenons »

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Lilianne Lemaitre-Auger
Lilianne Lemaitre-Auger
1 mois il y a

Fabuleux parcours. Captivant et si bien écrit. Mon prochain voyage.

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