Les champignons mortels au Québec
Parmi les milliers d’espèces de champignons décrites à travers le monde, seules, quelques-unes sont associées aux intoxications; et parmi ces espèces toxiques, la majorité des empoisonnements suite à l’ingestion de champignons ne sont pas fatals. Cependant, il est d’intérêt public de savoir que la plupart des cas extrêmement graves sont spécifiquement attribués au champignon Amanita phalloides.
Le syndrome phalloïdien, nommé ainsi car l’amanite phalloïde en est la cause la plus fréquente, est donc responsable de 90 à 95 % des ingestions fatales de champignons dans le monde. Son principal constituant toxique est une amatoxine, l’alpha-amanitine. Répertoriée dans plusieurs pays d’Europe ainsi qu’aux États-Unis, l’Amanite phalloide n’a pas encore été retrouvée au Québec; et c’est bien heureux ainsi.
Toutefois, nous ne sommes pas à l’abri du syndrome phalloïdien pour autant puisqu’il est possible de retrouver des amatoxines dans certains de nos champignons tels que d’autres amanites, des galérines et des lépiotes. Or, puisque la cueillette de champignons sauvages est une pratique à la hausse, le nombre d’intoxications est parallèlement en augmentation. (Depuis 2005 au Québec, deux décès ont été rapportés après ingestion de champignons amanites). Il est donc important de reconnaitre nos champignons mortels, d’autant plus ceux pouvant être confondus avec des champignons comestibles… à commencer par nos amanites blanches.
Les Anges de la mort
Au tout premier rang des trois amanites blanches mortelles au Québec, le plus fréquent à rencontrer est l’Amanite vireuse (l’Amanita virosa). Étant le champignon mortel le plus commun dans le monde entier, il est pratiquement aussi dangereux que son réputé confrère Amanita phalloides, même à petite dose. En effet, ces derniers contiennent des doses létales d’amatoxines. Et croyez-le, le programme est infernal si vous en ingérez. Dans un premier temps 6h après l’ingestion, les symptômes d’un syndrome phalloïdien s’introduisent avec des crampes, du délire, des convulsions, des vomissements et des diarrhées. Puis, si les toxines en arrivent à être absorbées par l’organisme, elles provoquent la destruction irréversible du rein et des tissus hépatiques. À ce stade, une greffe du foie est la seule option pour survivre.
Au Québec, Amanita virosa a aussi deux confrères tout aussi toxique et difficiles à différencier les uns des autres. L’Amanite bisporigère (Amanita bisporigera) est de plus petite taille que l’amanite vireuse et sa stature élancée la distingue des autres amanites du groupe blanche. Son identité peut être confirmée par l’observation des spores et des basides au microscope. L’Amanite à grand voile (Amanita magnivelaris), elle, est de plus grande taille que les deux autres. En effet, son nom magnivelaris signifie grand (magni) + voile (velaris), et décrit très bien l’anneau ample de cette belle espèce.
En conclusion, puisque la chair des anges de la mort est blanche et molle, ils peuvent être confondus par les amateurs de champignon avec bon nombre d’espèces comestibles au Québec, notamment des agarics, la Lépiote lisse (Leucoagmlcus leucothites) et le Tricholome colombette (Tricholoma columbetta). Bref, l’élément essentiel à garder en mémoire est qu’étant la toxicité et les risques de confusion associés aux amanites blanches, le débutant devrait carrément s’abstenir de consommer les champignons sauvages blancs.
La Galérine marginée
Comme l’écrit Jean Després dans son excellent livre «les Champignons comestibles du Québec», on entend parfois dire, par des cueilleurs qui se prétendent spécialistes, que tous les champignons qui poussent sur le bois sont comestibles. Cette généralité, comme toutes les autres qui circulent, est fausse. Il faut espérer que notre « prétendu spécialiste» ne rencontre jamais la Galérine marginée (Galerina marginata) – autrefois appelée Galérine automnale (Calerina autumnalis). En effet, si cette espèce de champignon saprophyte croît sur le bois mort, elle contient elle aussi l’infâme amatoxine. Donc, si vous tenez à garder votre foie, restez éloigné de la galérine marginée.
Comme beaucoup d’autres champignons vénéneux, ce champignon aux allures inoffensives ressemble à d’autres espèces comestibles. Très commune au Québec, la galérine marginée peut ainsi croitre sur la même souche que des armillaires comestibles et pourrait donc être recueillie par inadvertance en même temps que ceux-ci. Donc, le message ici, évitez les petits champignons bruns (PCB) à lamelle et difficiles à identifier. Si vous ne savez pas exactement ce que vous faites avec les PCB, vous jouez à une variation de la roulette russe. L’audace et la témérité n’ont pas leur place en mycologie.
Les petites lépiotes
Dès le début de l’été, on retrouve des lépiotes en bordure des bois ou dans les prés et les champs cultivés. Parmi ces champignons du genre Lepiota, nous trouvons un groupe de petits champignons, mal connus et difficiles à identifier entre eux, pouvant être toxiques. Dans cette catégorie, la Lépiote de Josserand (Lepiota josserandii) est d’apparition nouvelle au Québec. Or, si cette espèce peut avoir l’air anodine (d’autant plus qu’elle dégagerait une agréable odeur caractéristique de mandarines), elle s’avère aussi contenir de l’amatoxine, à l’instar de la galérine et des amanites mortelles.
En 2009, un décès dans l’État de New York a été attribué à une petite lépiote. Mais l’identification officielle du coupable n’a pas été possible à faire puisque Lepiota jossanderii et Lepiota subincarnata sont deux espèces trop similaires. Alors, en raison de la difficulté à distinguer les petites espèces de lépiotes et les conséquences éventuellement mortelles, nous recommandons d’éviter toutes les lépiotes dont le chapeau a un diamètre inférieur à 10 cm.
Les gyromitres
Les gyromitres, dont le Gyromitra esculenta, peuvent être trouvés dans les forêts de conifères dans toute l’Europe et l’Amérique du Nord. Il faut ainsi savoir qu’il fait partie des champignons causant chaque année plusieurs empoisonnements en Amérique du Nord. Il a aussi entrainé des décès survenus en grande majorité en Europe. On a longtemps cru que ce champignon était comestible, car son taux de toxines est extrêmement variable, voire très faible sous les climats froids. Mais sa toxicité a été démontrée en 1984. Clairement mortel si mangé cru, il peut aussi provoquer des intoxications graves ou des accidents fatals en cas de consommation répétée lorsqu’il est cuit.
Contrairement aux autres champignons ayant été décris ci-haut dans mon article, le syndrome en cause ici n’est pas le phalloïdien, mais le gyromitrien. Elle consiste en une toxine, la gyromitrine, qui devient de la monométhylhydrazine (MMH) durant la digestion, une toxine qui inactive la vitamine B6. Suivant un principe parallèle, les gyromitres séchés resteront légèrement toxiques, car la gyromitrine se transforme aussi en monométhylhydrazine durant le séchage. Cette toxine touchera principalement le foie, mais aussi le système nerveux et parfois les reins. Dans le pire des cas avec ce syndrome, cela finira avec le coma puis la mort dans moins d’une semaine.
Des cortinaires
Les cortinaires constituent un genre de champignon à lames qui compte le plus d’espèces au Québec, probablement plus de 200 (selon les auteurs, de 500 à 2500 à travers le monde). De la sorte, les cortinaires sont tout sauf aisés à différencier entre eux, et la documentation spécifique pour chaque espèce est difficile à trouver, confuse, voire inexistante.
Cette famille de champignon doit son nom au voile partiel filamenteux, semblable à une toile d’araignée, que l’on désigne par le terme «cortine». Ce voile relie le pied et la marge du chapeau chez les jeunes spécimens, mais il disparait parfois complètement avec l’âge. Outre la cortine, les espèces du genre cortinarius ont un chapeau non séparable de leur pied et produisent toutes une sporée brun rouille.
Parmi les cortinaires qui ont été étudiés, il s’en retrouve un en particulier qui vous convaincra d’éviter à votre palet cette famille au complet, le Cortinaire roux (Cortinarius rubellus). Bien qu’en apparence ce champignon ressemble à de nombreuses espèces comestibles (la chair de ce champignon est de couleur jaunâtre à roussâtre), il s’avère toutefois particulièrement toxique.
En effet, le Cortinaire roux contient un alcaloïde, l’orellanine, une toxine qui ne disparait pas à la cuisson. Le syndrome orellanien, donc, se caractérise par une période d’incubation très longue de 3 à 17 jours. L’atteinte est essentiellement rénale avec apparition d’une insuffisance rénale due à une atteinte tubulo-interstitielle pouvant évoluer soit vers la guérison, soit vers l’insuffisance rénale chronique. Le traitement implique une hémodialyse et parfois transplantation rénale.
Le Cortinaire roux est encore rare au Québec (ses observations se comptent sur les doigts de la main), et c’est heureux ainsi. Mais puisque la majorité des espèces nord-américaines n’ont pas été testées, que le genre cortinarius en soit, demeure un médiocre comestible, il est préférable de s’abstenir complètement de les consommer.
En résumé
Les intoxications par les champignons surviennent logiquement en été et en automne, parfois graves surtout chez les enfants. Le genre des amanites blanches est le plus dangereux et provoque chaque année des intoxications mortelles dans le monde. Ces intoxications sont la conséquence, dans la majorité des cas, d’une confusion avec d’autres champignons comestibles, mais, dans certains cas également, de la cueillette par des personnes qui ignorent les risques d’intoxication et en l’absence totale d’identification des champignons. L’Institut de veille sanitaire met en garde les amateurs de cueillette des champignons qu’il est primordial de prendre en compte les recommandations suivantes avant de vous à donner à cette activité :
- Ne ramasser que les champignons que vous connaissez et reconnaissez parfaitement : certains champignons vénéneux hautement toxiques ressemblent beaucoup aux espèces comestibles.
- Au moindre doute sur l’état ou l’identification de l’un des champignons récoltés, ne pas consommer la récolte avant de l’avoir fait contrôler par un spécialiste en la matière. Les pharmaciens ou les associations et sociétés de mycologie de votre région peuvent être consultés.
- Cueillir uniquement les spécimens en bon état et prélever la totalité du champignon (pied et chapeau), afin de permettre l’identification ;
- Éviter les sites pollués (bords de routes, aires industrielles, décharges) car les champignons concentrent les polluants.au moindre doute, jetez le champignon ;
- Déposer les champignons séparément, dans une caisse ou un carton mais jamais dans un sac plastique qui accélère le pourrissement ;
- Séparer les champignons récoltés, par espèce. Un champignon vénéneux peut contaminer les autres ;
- Bien se laver les mains après la récolte ;
- Les conserver dans de bonnes conditions au réfrigérateur et les consommer dans les 2 jours au maximum après la cueillette ;
- Les consommer en quantité raisonnable après une cuisson suffisante, ne jamais les consommer crus.
De tous les champignons, celui d’une voiture est encore le plus mortel
– Jean Rigaux
Excellent article qui résume bien les champignons mortels du QC. J’aurais aimé pouvoir l’imprimer pour le conserver avec mes livres de champignons. Est-ce que votre article serait disponible pour le télécharger afin de l’imprimer. Merci. Lison Chénier
Bonjour Madame Chénier,
Comme il est mentionné tout en bas de ce blogue dans la zone des crédits, le contenu créatif dans ce site Web est mis à disposition du partage sous un contrat « Creative Commons ». Donc, oui, il vous est parfaitement autorisé de pouvoir diffuser mes articles.
Malheureusement, je n’ai pas encore installer une extension permettant l’impression des articles pour la lecture (en PDF). C’est une bonne idée que je vais bientôt envisager. En attendant, vous pouvez toujours essayer de faire un copier/coller à rafistoler dans un éditeur de texte, ou mieux encore, d’installer l’extension Evernote pour Chrome (le Web clipper) afin de pouvoir conserver ce que bon vous semble sur l’Internet.
Au plaisir