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Posté par le 10 août 2024 dans

L’Humanité au cœur de l’apocalypse dans “A Quiet Place: Day One”

Image du film "Sans un Bruit : Jour 1"

A Quiet Place: Day One arrive dans un paysage cinématographique saturé de préquels souvent inutiles, incapables de justifier leur existence autrement que par la logique industrielle de la franchise. Contre toute attente, ce nouveau chapitre parvient pourtant à imposer sa pertinence en déplaçant le centre de gravité de la saga. Réalisé par Michael Sarnoski, le film abandonne les espaces ruraux épurés des volets précédents pour plonger au cœur d’un New York apocalyptique, mais ce déplacement géographique n’est qu’un prétexte. Très vite, le spectaculaire s’efface au profit d’un récit profondément intime, presque minimaliste dans ses ambitions émotionnelles.

Le film nous ramène aux premières heures de l’invasion par ces créatures extraterrestres aveugles mais dotées d’une ouïe surdéveloppée. Le chaos urbain, habituellement terrain de jeu du cinéma catastrophe, devient ici un décor anxiogène, presque abstrait. Plutôt que de multiplier les scènes de destruction, A Quiet Place: Day One choisit de s’ancrer dans le parcours d’un personnage fragile et profondément humain. Samira, interprétée avec une retenue bouleversante par Lupita Nyong’o, n’est pas une survivante archétypale. Elle est une femme condamnée par un cancer incurable, déjà confrontée à sa propre fin lorsque le monde s’effondre autour d’elle. Cette superposition entre fin intime et fin collective donne au film sa résonance la plus forte.

Cette approche rappelle certaines œuvres de science-fiction introspectives comme Children of Men d’Alfonso Cuarón ou Melancholia de Lars von Trier, où l’apocalypse sert avant tout de miroir aux angoisses existentielles des personnages. Chez Sarnoski, la menace extraterrestre devient presque secondaire face au regard lucide de Samira sur sa propre mortalité. Le film ne cherche jamais à transformer son héroïne en symbole héroïque. Il l’observe plutôt dans ses silences, ses hésitations et sa dignité face à l’inéluctable.

L’un des choix narratifs les plus marquants du film demeure la place accordée à Frodo, le chat de Samira. Loin d’être un simple accessoire attendrissant, l’animal devient un véritable personnage de soutien, un prolongement émotionnel de sa maîtresse. Peu de films osent accorder autant d’attention à la relation homme animal sans tomber dans le sentimentalisme. Frodo agit comme un ancrage affectif, rappelant constamment ce qui subsiste d’humanité dans un monde réduit au silence. Cette dimension évoque, toutes proportions gardées, le rapport quasi fusionnel entre Will Smith et son chien dans I Am Legend, ou encore l’importance des figures animales dans des récits de survie comme Life of Pi.

Cependant, cette idée, aussi touchante soit-elle, pose un problème de crédibilité. Le comportement étonnamment discipliné de Frodo, toujours silencieux malgré le danger omniprésent, force parfois la suspension de l’incrédulité. Dans un univers où le moindre bruit est synonyme de mort, cette cohérence approximative peut distraire certains spectateurs plus attentifs à la logique interne du récit. Cela dit, pour qui accepte cette concession narrative, la relation entre Samira et son chat ajoute une couche de tendresse et de mélancolie rare dans le cinéma de genre contemporain.

Visuellement, le film bénéficie d’une direction artistique soignée signée Simon Bowles et d’une photographie de Pat Scola qui transforme New York en un espace spectral. Les rues désertes, les ponts éventrés et les immeubles éventrés composent une ville fantôme impressionnante, mais jamais gratuite. Contrairement à de nombreux films catastrophes, la mise en scène privilégie les espaces vides et les cadrages resserrés, accentuant le sentiment d’isolement. L’utilisation du son, ou plus précisément du silence, demeure au cœur du dispositif. Chaque souffle, chaque pas devient une source de tension, prolongeant intelligemment l’ADN sonore instauré par John Krasinski dans les films précédents.

Lupita Nyong’o livre ici une performance remarquable, toute en nuances et en retenue. Elle parvient à exprimer la fatigue, la peur et une forme d’acceptation sans jamais tomber dans le pathos. Sa relation avec Eric, incarné par Joseph Quinn, apporte une chaleur fragile au récit. Leur lien, construit dans l’urgence et la vulnérabilité, rappelle que même au bord de l’extinction, le besoin de contact et de solidarité demeure irrépressible. Ces moments de connexion humaine contrastent avec la brutalité du monde extérieur et donnent au film ses respirations les plus précieuses.

A Quiet Place: Day One ne se contente donc pas d’étendre artificiellement une franchise à succès. Il détourne habilement les codes du film de catastrophe pour proposer une méditation sur la finitude, la dignité et les liens affectifs. En recentrant le récit sur une femme déjà confrontée à la mort, Michael Sarnoski injecte une profondeur émotionnelle rarement atteinte dans ce type de production. Si certaines facilités narratives, notamment autour du personnage de Frodo, peuvent faire sourciller, l’ensemble demeure cohérent et sincère dans sa démarche.

Au final, A Quiet Place: Day One rappelle que même dans un monde réduit au silence et à la peur, ce sont les histoires humaines qui résonnent le plus fort. En articulant survie physique et survie émotionnelle, le film réussit à offrir une entrée touchante et mémorable dans la saga. Une proposition solide et habitée, qui mérite amplement ses ★★★★★★★☆☆☆ (7 sur 10 étoiles).

Affiche du film "Sans un Bruit : Jour 1"

Sans un Bruit : Jour 1 (2024)

PG-13 99 min - Horreur, Science Fiction, Thriller - 26 juin 2024
Votre note :

Alors que Samira rentre à New York, son simple voyage se transforme en cauchemar suite à l’attaque de mystérieuses créatures attirées par le son. Accompagnée de son chat Frodo et d'un allié inattendu, Samira se lance dans un voyage périlleux à travers une ville où règne le silence. Pour rester en vie, sa seule solution est de ne faire aucun bruit.

Réalisateur :  Michael Sarnoski
Acteurs :  Lupita Nyong'o, Joseph Quinn, Alex Wolff, Djimon Hounsou, Eliane Umuhire, Takunda Khumalo, Alfie Todd, Avy-Berry Worrall, Ronnie Le Drew, Benjamin Wong, Michael Roberts, Gavin Fleming, Elijah Ungvary, Alexander John, Thara Schöön, Thea Butler, Choy-Ling Man, Cain Aiden, Káit Feeney, Malik Jubal, Jennifer Woodward

Photos

Histoire

Alors que Samira rentre à New York, son simple voyage se transforme en cauchemar suite à l’attaque de mystérieuses créatures attirées par le son. Accompagnée de son chat Frodo et d'un allié inattendu, Samira se lance dans un voyage périlleux à travers une ville où règne le silence. Pour rester en vie, sa seule solution est de ne faire aucun bruit.



Slogan : Regardez comment tout a commencé.

Détails

Site officiel : 
Pays :   États-Unis
Langue :  Anglais
Date de sortie :  26 juin 2024

Box Office

Budget :  $67 000 000
Recettes :  $255 926 020

Compagnies

Détails techniques

Durée :  1 h 39 min
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