LaRoy, Texas : Une comédie noire déjantée
Dans son premier long métrage, Shane Atkinson installe d’emblée LaRoy, Texas dans une Amérique périphérique, fatiguée et légèrement poisseuse, où la petitesse des ambitions contraste avec l’ampleur des catastrophes morales. La ville fictive du titre devient rapidement un terrain de jeu pour une galerie de personnages minables, lâches ou simplement dépassés par les événements. Le film s’appuie sur une distribution étonnamment solide pour un projet de cette envergure. Steve Zahn y est particulièrement savoureux en détective amateur aux airs de cowboy fatigué, tandis que Dylan Baker, en tueur à gages contrarié, impose une présence aussi menaçante qu’absurde. La scène d’introduction, qui présente ce dernier dans toute sa froide bizarrerie, donne le ton avec une efficacité remarquable et annonce clairement l’univers moralement bancal dans lequel le spectateur est invité à plonger.
Le récit s’ouvre sur Ray, interprété par John Magaro, un homme ordinaire broyé par une vie sans éclat et par l’infidélité de sa femme. Prêt à en finir dans un stationnement anonyme, il voit son destin basculer lorsqu’un inconnu, visiblement aussi confus que lui, lui remet une enveloppe remplie d’argent accompagnée d’une adresse. À partir de ce moment, le film s’engage dans une mécanique de quiproquos et de décisions stupides où chaque tentative de reprendre le contrôle ne fait qu’aggraver la situation. Ray, incapable de refuser cette occasion inespérée de se sentir enfin exister, s’enfonce dans une spirale mêlant meurtres, chantages et course absurde autour d’un butin de 250 000 dollars. Cette trajectoire rappelle ces récits où le hasard agit comme révélateur cruel des failles humaines, à la manière de Fargo ou de Blood Simple, où une simple erreur initiale suffit à déclencher une cascade irréversible.
L’influence du cinéma des frères Coen est ici évidente, tant dans l’esthétique que dans le regard ironique posé sur des personnages convaincus d’être plus intelligents qu’ils ne le sont réellement. Toutefois, LaRoy, Texas évite le simple pastiche grâce à un ton qui lui est propre, misant davantage sur une comédie noire presque tendre envers ses losers magnifiques. Le film joue constamment avec les codes du Film noir, tout en les désamorçant par un humour sec et parfois cruel. Si l’on peine à réellement s’identifier à ces figures volontairement caricaturales, c’est précisément ce qui permet au film de maintenir une distance satirique efficace. À ce titre, l’approche évoque davantage Burn After Reading que les œuvres les plus sombres des Coen, privilégiant la farce morale à la tragédie existentielle.
Visuellement, la mise en scène reste modeste mais cohérente, exploitant intelligemment les décors poussiéreux et les espaces vides du Texas pour souligner l’isolement et l’insignifiance de ses protagonistes. Atkinson ne cherche jamais la virtuosité formelle, préférant une réalisation fonctionnelle qui sert avant tout le rythme et les dialogues. Cette retenue contribue paradoxalement à l’efficacité comique du film, chaque explosion de violence ou de bêtise survenant dans un cadre presque banal, comme si l’absurde faisait partie du quotidien.
En somme, « LaRoy, Texas » ne se prend pas au sérieux. Son objectif réside moins dans la crédibilité de l’intrigue que dans sa mise en scène globale, qui illustre une vision sombre et ironique du genre humain livré à lui-même dans un village quelconque du Texas. Sans révolutionner le genre ni laisser une empreinte durable dans l’histoire du cinéma, le film demeure un divertissement solide, sincère dans sa modestie et étonnamment attachant dans sa noirceur ludique. Une proposition imparfaite mais efficace, à laquelle j’accorde 6 étoiles sur 10, un bon moment pour les amateurs de comédies noires à l’américaine.
LaRoy
- -Quand Ray découvre que sa femme le trompe, il décide de mettre fin à ses jours. Il se gare sur le parking d’un motel. Mais au moment de passer à l’acte, un inconnu fait irruption dans sa voiture, pensant avoir affaire au tueur qu’il a engagé.
