Le village gaulois de la blogosphère québécoise
Ces derniers jours, étant aux prises avec un **** de virus informatique, mon temps libre est plutôt investi à la réinstallation de mon système plutôt que dans la rédaction d’articles. Toutefois, j’ai ainsi profité de ce répit d’écriture pour me consacrer à la visite de mes blogues préférés. Évidemment, je n’ai pas pu ignorer la tempête (dans un verre d’eau) qui sévit présentement dans la blogosphère québécoise : cette polémique autour d’un nouveau blogue souverainiste opéré en anglais. Or, dans ce mélodrame, je suis autant attristé par le ton employé des protagonistes que des conséquences relationnelles sur les blogueurs souverainistes et leurs lectorats inhérents. Mais sociologiquement, qu’y-a-t-il de nouveau à constater la propension des libres-penseurs à se déchirer entre eux… tandis que les forces de l’ordre en place (la droite) demeure d’une rigoureuse discipline?
Pour ma part, quand j’ai découvert le blogue AngryFrenchGuy via le palmarès des blogues politiques; franchement, je suis demeuré indifférent. Et si je trouve toujours sa formule originale (admettons-le), les propos d’un souverainiste écrit en anglais ne m’interpellent simplement pas. Toutefois, mon manque d’intérêt à lire AngryFrenchGuy ne me conduit pas à répudier pour autant son existence. En effet, si ce blogue amène les anglophones à échanger et à comprendre les souverainistes québécois, je ne vois pas de problème avec sa formule (on s’entend, si elle ne devient pas la norme).
Vraisemblablement, ce ne fut pas le sentiment de Louis, le blogueur principal d’Un homme en colère. En effet, selon ses perceptions, le concept d’AngryFrenchGuy serait au contraire dangereux puisqu’il mènerait les francophones à intégrer l’utilisation de l’anglais entre eux (il faudrait trancher la question à savoir la langue principale de son lectorat). Puis, l’axe central de son argumentation étant qu’il est indéfendable de promouvoir la langue française dans une autre langue que le français, Louis n’hésitera pas à employer une panoplie de qualificatifs disgracieux envers l’auteur d’AngryFrenchGuy. Or, vous l’aurez deviné, le débat aura vite tourné au vinaigre en se répendant à d’autres blogues (aux grands plaisirs de nos adversaires politiques).
Sincèrement, si je respecte (et admire) Louis pour son franc-parler, son honnêteté intellectuelle, sa spontanéité sans compromis et l’investissement intégral de sa personne dans ses articles; je pense toutefois qu’il lui arrive de manquer de tact. Dans ce cas, si dans le fond, Louis amène plusieurs points justes, dans la forme, je ne pense pas approprié d’invectiver personnellement des «collègues idéologiques».
En politique, malheureusement, puisque le commun des mortels adhère aux groupes idéologiques sur des critères secondaires aux idées en elles-mêmes (proximité sociologique, sentiment d’appartenance, alliance personnelle, intérêts économiques, mode), la diplomatie s’avère donc une dynamique nécessaire afin d’agrandir son bassin porteur (et faire gagner ses idées). Dans cette perspective, il faut garder l’objectif du rassemblement, puis parallèlement désamorcer la virulence de ses adversaires via les divers ponts de communications que nous pouvons utiliser.
Je sais, Louis voudra certainement me répondre qu’il est un esprit libre de toute organisation politique, qu’il ne craint pas de provoquer des débats pour attirer l’attention sur ses légitimes opinions. Toutefois, les sujets abordés par ses propos étant en soi des plus politiques, parce ses idées sont pratiquement les miennes aussi, je porterai à son attention le sens diplomatique d’éviter les divisions inutiles. Comme une personne allergique, à force de lutter contre le non-soi (qui est potentiellement un ennemi), le système immunitaire finit des fois par tirer sur tout ce qui bouge. Or, celui de Louis est tellement développé, que de temps en temps, comme n’importe quelle nation qui se défend, il souhaite détruire une cible inutile… et s’en retrouve pénalisé. D’ailleurs, dans cette histoire, la conséquence directe est bien démontrée par le départ du talentueux Renart l’éveillé d’UHEC (ce dernier, dans la foulée, ayant même évacué ses affiliations officielles aux blogueurs souverainistes et gauchistes).
En terminant, je vous laisserai avec cette réflexion : sommes-nous simplement souverainistes pour défendre la langue française au Québec ? Or, si ce n’est pas le cas, si la souveraineté du Québec est aussi un projet de société appelant à la solidarité tout azimut, il est parfaitement acceptable que l’idéal souverainiste puisse aussi s’exprimer dans divers langages. Même si l’anglais est présentement la langue de l’ordre néo-libérale, les valeurs, les idées, les opinions et les perceptions politiques peuvent très bien se traduire d’une langue à un autre. À cet effet, la meilleure preuve étant certainement dans les articles de Josée Legault écris en anglais; cette dernière est-elle pour autant moins indépendantiste, voire, traître à la cause du français ?!?
Universellement, il n’y a pratiquement rien d’immobile dans l’espace et le temps. Les langues n’échappent pas à cette règle : elles sont vivantes et évolue au rythme de leur utilisation. Malheureusement pour l’œuvre de VLB et la pérennité de nos écrits bologosphériques, dans quelques générations, nous serons tous des fossiles numériques associés à notre époque. Et dans l’éventualité que l’humanité arrive à survivre, seule une poignée de spécialistes s’intéresseront aux traces de notre passage terrestre.
Si bien que dans cette perspective, la différence entre les traces du français et de l’anglais ne se démarquera que par quelques années d’utilisation (l’anglais disparaitra lui aussi, remplacé graduellement par le globish). Bien sûr, en perdant le français au Québec, la nation québécoise y perdra aussi son identité propre et la maitrise de son destin socio-politique. Mais une langue, c’est avant tout un véhicule de communication; or l’important ici, n’est-il pas simplement de se comprendre afin de vivre ensemble dans un monde meilleur ?
En terminant, j’espère que Louis me pardonnera mon ton moralisateur. J’espère surtout que ses batailles inter-blogue ne lui perdront pas le goût de continuer à bloguer. J’espère que Renart ne demeurera pas en froid avec ce dernier. J’espère que le PQ fera campagne sur le pays à faire plutôt que de stationner sur le simple concept d’identité nationale. J’espère qu’AngryFrenchGuy convaincra vraiment des anglophones à la cause du Québec indépendant… j’espère que la vitalité de la blogosphère souverainiste ne sera pas trop atteinte par ce dernier épisode.
… et pendant que nous nous lançons entre nous des poissons à la figure, les Romains eux, ont déjà commencé le partage des ressources sur notre territoire. Heureusement, nous avons encore le français pour résister à l’envahisseur, cette potion magique nous protégeant encore quelque temps de l’assimilation totale à son système. Mais par définition, une résistance ne pouvant que se fatiguer dans le temps… il nous faudra bien un jour gagner notre liberté si nous voulons vivre, chez nous, comme nous l’entendons. La question se pose maintenant, trouverons-nous la force nécessaire afin de nous rassembler pour le pays à faire ? Peut-être aussi serait-il temps d’inviter quelques Romains à notre table, paraîtrait-il que certains sont sympathiques à nous aider; voire… voudraient vivre avec nous dans notre village indépendant.
Autant l’union fait la force, autant la discorde expose à une prompte défaite
de Esope
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=joUeMoDDcYM[/youtube]
C’est vrai Renart, je suis attristé de te voir quitter UHEC; j’adorais la formule de votre collectif : complémentaire dans vos talents, mais concentrant les points communs dans le faisceau de la première page. D’un autre côté, je comprends parfaitement aussi tes raisons… d’autant plus que tu as maintenant fait tes marques par ta constance; ton blogue est totalement autonome. Assurément, les lecteurs d’UHEC continueront à te lire.
Lutopium, nouvelle recrue d’UHEC, tu fais preuve aussi d’une constance de production qui force à l’admiration. D’ailleurs, éventuellement, je te répondrai à propos de mes perceptions sur le nationalisme… un sujet toujours malaisant chez les gauchistes.
Alain B. Si je demeure un partisan du travail de Louis, saches que je ne partage pas pour autant sa réaction à ton égard. Bien sur, nous nous jugeons tous les uns les autres; c’est une dynamique fondamentale que nous devons assumer lorsque nous décidons de partager nos opinions. Si bien que chaque blogue à sa formule; la tienne à ce mérite de mettre en relation des idéologies très différente.
Cependant, comme Louis, je ne me sens pas obligé d’être un modèle de probité quant au respect de mes adversaires idéologiques; or je ne crains pas non plus d’utiliser quelques insultes pour provoquer des réflexions. J’execre aussi les traîtes, et méprise les colonisés. Toutefois, je sais ménager mes alliés… et respecte profondément l’honnêteté intellectuelle, peu importe la vision des choses.
C’est le trait que nous partageons Alain. Et bien que militant quant à l’avancement de mes opinions, j’ai aussi une démarche intellectuelle quant à ma recherche de vérité. (D’ailleurs, en passant, ce n’est pas une caractéristique appréciée dans les sphères politiques). Depuis l’émergence du Petit Émerillon, tu as ouvert plusieurs canaux de communications entre des idéologies très distinctes. À ta façon, tu amènes des univers différents à tenter de se comprendre; si bien que dans la blogosphère politique du Québec, je te considère comme un entremetteur, voire un arbitre.
Un jour, je me prêterai à ta principale réflexion et tenterai à mon tour de nous expliquer les fondamentales différences entre la gauche et la droite.
Plus que jamais, je nous souhaite une bonne continuité à tous.
Très bon billet. Je tiens à saluer ton regard serein sur toute cette histoire. Beaucoup de sagesse. j’approfondirais mais je suis pressé. Je tenais quand-même à te remercier et te féliciter.
Alain B.— voir ici son dernier article : Passage à WordPress
Excellent billet. Vraiment. Je te rejoins entièrement dans tes propos. Louis a « pêté une coche », fidèle à son sobriquet, et je pense qu’il le sait très bien. Mais, en quelque part, ça fait partie du personnage. Et, finalement, un peu comme l’admiration inconditionnelle que je peux avoir pour un Pierre Bourgault ou un Michael Moore, je dois dire que je l’aime bien ce type, peu importe les excès.. Espérons que nous soyons tous solidaires et pardonnions les écarts de language dont nous avons été témoins. Quelques blogueurs ont cependant été écorchés au passage. C’est dommage… J’espère qu’ils en ressortiront encore plus forts.
Dommage pour UHEC de perdre Renart comme collaborateur. Mais nous avons toujours le grand plaisir de le retrouver sur ses propres pages, qu’il cultive avec une attention que je jalouse. Quel talent il a!
J’ai finalement laissé un commentaire sur le blogue de Louis et je pense que ça rejoint un peu ta façon de voir les choses. Lorsque tu nous rappelles qu’il ne faudrait pas être aveuglé par le débat linguistique mais être constamment sur nos gardes face aux Romains qui saccagent nos ressources, je crois que tu as mis le doigt sur un bobo…
Finalement, je prédis que l’aventure d’angryfrenchguy sera éphémère. Après avoir connu une certaine popularité – peut-on l’associer à la réaction de Louis? – l’idée ne fera pas long feu. À moins qu’il soit en mesure d’y attirer des anglophones du ROC et des américains intéressés par le contexte unique de notre beau coin de pays.
« Le patriotisme, c’est aimer son pays. Le nationalisme, c’est détester celui des autres. »
Salutations,
lutopium— voir ici son dernier article : L’OTAN doit se retirer de l’Afghanistan
Salut!
La diplomatie, voilà le point le plus important.
Je viens ici prévenir le coup, puisque Louis s’est essayé ailleurs à faire croire qu’il m’avait forcé la main. Je suis parti de mon propre chef d’UHEC et le seul froid qu’il y a entre nous deux, s’il y en a réellement un, est en lien avec sa position par rapport à AndryFrenchGuy, et ta position décrite de manière claire dans ce billet rejoint absolument la mienne.
Je vois du positif dans ce blogue anglophone et, surtout, je ne crois pas avoir le monopole de la façon de promulguer les idées indépendantistes. Donc, je me dresse contre sa pensée absolutiste à ce sujet. Sinon, je continue à apprécier le travail général de Louis et de son blogue, parce que c’est bien son blogue à la base : mes billets servaient à sa dynamique temporelle et stylistique (de par ma personnalité différente, comme celle de Jimmy et plus récemment Lutopium), son blogue servait à diffuser mes idées, incarnées dans mes textes, et en fin de compte, c’était un échange de bons procédés.
Mais bon, je ne suis pas Louis et cette histoire a fait apparaître ma limite, qui a fait que je ne pouvais plus me sentir bien à endosser UHEC. Pour ce qui est des regroupements gauchistes et souverainistes, je l’ai assez bien expliqué dans mon billet de désaffiliation.
Renart L’éveillé— voir ici son dernier article : Il n?est jamais trop tard Monsieur Gendron