Tempête chimérique
Je me trouve dans une modeste cabane de bois, perchée au bord de la mer. À travers la fenêtre, mon regard se perd vers l’horizon où des éclairs zèbrent le ciel. Soudain, le vent s’intensifie… la mer s’embrase, engendrant des vagues de plus en plus imposantes. L’angoisse m’envahit, me laissant me demander si ces vagues menaçantes pourraient atteindre mon refuge.
Alors, un ouragan se lève. La panique m’assaille et je décide de fuir la cabane. Mais juste avant de partir, j’aperçois entre les vagues, gigantesques et terrifiantes, un petit voilier. Sa lutte contre les éléments semble vaine. Hypnotisé par son destin, à chaque assaut des vagues, je crains sa disparition.
Et, inéluctablement, une vague titanesque l’engloutit. Le voilier ne réapparaît pas… Il a sombré.
Soudain, réalisant le danger qui me guette en restant si près de l’océan, je me précipite vers l’extérieur pour m’échapper.
Mais en sortant, je découvre sur la plage les débris du voilier, éparpillés dans un tumultueux mélange d’écume et de sable, la frontière entre l’eau et la terre effacée.
Sans réfléchir, je m’avance vers le rivage, à la recherche d’éventuels survivants. Mais avant que je ne puisse observer correctement, une vague me frappe par derrière, m’entraînant vers la mer. Désorienté, ne distinguant plus le haut du bas, la gauche de la droite, je comprends que la prochaine vague pourrait m’être fatale. Il ne me reste plus qu’à fermer les yeux et me concentrer pour retenir ma respiration aussi longtemps que possible… en espérant pouvoir respirer à nouveau.
C’est à ce moment précis que je me réveille…
Suite du rêve deux nuits plus tard
Revenu à moi, seul sur une rive inconnue, je contemple la mer apaisée. Le vent est frais, le ciel d’un azur immaculé, dépourvu de tout nuage. Je me sens revigoré, empreint d’une liberté nouvelle, malgré mes vêtements déchirés et trempés qui me laissent frissonner de froid. Je ne possède plus rien, perdu dans l’incertitude de ma localisation.
C’est alors que, scrutant l’horizon, je distingue le rocher Percé, symbole immuable de mon lieu de naissance. L’éloignement temporel de cette vision me convainc que je suis face à un signe, un message à déchiffrer. Attiré irrésistiblement, je m’avance vers le rocher, mais suis arrêté par les eaux glaciales qui l’entourent. Assis sur l’ultime pierre du rivage, je fixe le Rocher Percé, cherchant à saisir rapidement le sens caché de cette apparition, conscient que mon rêve ne peut s’achever ainsi.
Soudain, sur l’autre rive à l’horizon, j’aperçois une barque près du trou du rocher. C’est celle que j’avais dessinée dans mon poème écrit à Florence, « (La vielle barque) ». Une vague de bonheur m’envahit, me persuadant qu’elle est là, quelque part dans mon rêve.
De l’autre côté, je l’aperçois, lisant tranquillement, adossée à la barque. Mais le soleil décline rapidement, et l’eau glaciale m’interdit toute traversée à la nage. Je crie son nom à plusieurs reprises, de toutes mes forces, mais en vain. L’obscurité s’installe, et avec elle, la crainte de manquer cette ultime occasion de la retrouver.
Sans plus hésiter, je me lance dans l’océan sombre et glacial, nageant avec frénésie en direction du rocher. Je ne dois pas m’arrêter, sous peine de succomber au froid. Les yeux fermés, je me concentre exclusivement sur ma détermination à la rejoindre.
On dit toujours le calme avant la tempête mais la tempête n’est que le bouillonnement final de tout ce qui a mijoté dans le calme…
– Gilles Abadie