Une mise au point nécessaire. Pour un débat civique à la hauteur de l’enjeu

À l’approche d’échéances politiques majeures, la qualité du débat public devient un enjeu en soi. Dans un climat marqué par les amalgames, les citations approximatives et les campagnes de discrédit, cette mise au point appelle à la rigueur, à la responsabilité et au refus des tactiques qui abîment durablement la démocratie.
Petite réflexion sur la rigueur et la responsabilité dans le débat public. Plus largement, je lance un appel à monter le niveau du débat démocratique au Québec. À l’approche d’échéances qui pourraient mener jusqu’à un référendum, nous devons être exemplaires, d’abord et avant tout dans le camp du OUI, en refusant les raccourcis, les citations approximatives et les tactiques qui abîment la démocratie.
Après vérification, une image que j’ai récemment partagée dans Facebook attribuait à Manon Massé une citation qui ne correspondait pas textuellement à ses propos réels. Il s’agissait d’une interprétation. Or, dès que l’on utilise des guillemets, on change de registre. On ne commente plus, on cite. On laisse entendre que l’on rapporte des paroles exactes. Dans un contexte politique saturé d’images approximatives, cette distinction est fondamentale.
Les propos réels de Manon Massé sont déjà suffisamment préoccupants pour la convergence souverainistes pour être analysés et critiqués tels quels. Il n’y a aucun besoin de les reformuler, de les durcir ou de les réinterpréter afin d’en amplifier artificiellement la portée. La rigueur factuelle ne fragilise jamais une critique. Elle lui donne au contraire sa force et sa légitimité.
Les citations fabriquées et leurs dégâts réels
Je soulève cet enjeu parce que nous avons déjà vu, très concrètement, où mènent les citations fabriquées ou approximatives. Un exemple éclairant demeure l’ancienne page anonyme Le Revoir, qui s’acharnait à déformer et à fabriquer de fausses citations attribuées à des personnalités publiques avec un acharnement obsessionnel typique envers Mathieu Bock-Côté. Sous couvert d’humour ou de satire, ces montages visaient à lui faire dire des propos racistes et répugnants qu’il n’avait jamais tenus. Repris massivement, souvent au premier degré, certains de ces contenus circulent encore aujourd’hui comme s’ils relevaient de faits établis.
Cette pratique s’inscrit dans une culture militante propre à une frange radicalisée de néo-progressistes, davantage portée sur la désignation d’ennemis symboliques et l’entretien de l’indignation moral dans leur chambre d’écho que sur l’affrontement au pouvoir réel. Dans cette logique, Le Revoir s’attaquait presque exclusivement aux nationalistes québécois, tout en laissant largement intacte la droite fédéraliste, alors même que c’est elle qui détient pourtant l’essentiel du pouvoir politique et économique au Canada. Qu’elle prenne la forme du néolibéralisme économique de Mark Carney ou du conservatisme décomplexé de Pierre Poilièvre, la droite fédérale demeure l’ordre politique dominant au pays et perpétue des mécanismes d’assimilation coloniale bien réels envers le Québec. Ce déséquilibre n’a rien d’accidentel. Il traduit une préférence de cette engeance militante pour des cibles idéologiquement désignées comme légitimes par le système en place, plus faciles à combattre que les structures concrètes du régime fédéral.
Or, ceux qui prétendent vouloir faire de la politique autrement devraient être les premiers à refuser les raccourcis, les citations inventées et les procédés trompeurs, même lorsque ceux-ci semblent servir leur cause à court terme.
À l’aube de la prochaine campagne électorale au Québec, il serait naïf de croire que ces méthodes ne referont pas surface. Tout indique au contraire qu’une stratégie démocratiquement répugnante de salissage systématique sera remise en service pour tenter de corrompre l’image de l’homme fort du moment, Paul St-Pierre Plamondon, précisément parce qu’il ramène l’option indépendantiste à l’avant-plan et qu’il la rend à nouveau crédible.
Soyons lucides. Le régime fédéraliste n’a rien à offrir de collectif et de mobilisateur aux Québécoises et aux Québécois. En l’absence de projet politique porteur, il se replie sur une logique de gestion, de stabilité apparente et de clientélisme assumé. Subventions puisées à même l’impôt des Québécois, programmes conditionnels, financement indirect d’organismes et, plus trivialement, petits avantages matériels distribués pour entretenir une armée de bénévoles partisans dociles. Les fameux brownies ne tombent pas du ciel. Ils sont payés, eux aussi, par les contribuables.
Dans ce contexte, la campagne négative devient un réflexe. Lorsqu’on n’a plus de projet à défendre, il faut bien acheter la loyauté des siens et salir ceux qui menacent l’équilibre du système. On ne débat plus des idées. On s’emploie à fragiliser celles et ceux qui les incarnent.
C’est précisément pour cette raison que le camp du OUI doit s’élever moralement. Parce que nous nous adressons à des citoyennes et des citoyens capables de jugement, et non à des foules à manipuler. Parce que notre projet de pays repose sur des faits vérifiables, des paroles assumées et des arguments exposés à visage découvert, dans une logique qui accepte le débat plutôt que la caricature. En somme, il repose sur une confiance réelle dans l’intelligence démocratique du peuple québécois, dans sa capacité à comprendre, à décider et à s’autodéterminer politiquement sans qu’on ait besoin de le guider par la peur ou par le mensonge.
À l’inverse, le camp du NON s’inscrit dans une logique profondément différente. Il s’adresse à des administrés, pas à un peuple souverain. Il méprise, parfois inconsciemment mais souvent très consciemment, l’idée même que les Québécoises et les Québécois puissent un jour s’autogouverner pleinement, en toute indépendance de son agenda politique, économique et idéologique. Cette défiance envers notre capacité collective à nous autodéterminer explique en grande partie le recours récurrent aux campagnes négatives, aux amalgames et aux stratégies de disqualification morale.
Une exigence simple, et non négociable
La qualité du débat public repose sur une exigence simple et fondamentale. Rapporter ce qui a réellement été dit, distinguer clairement la citation de l’interprétation, et assumer pleinement ses positions sans travestir les faits. C’est à cette condition seulement que le débat démocratique peut demeurer un espace de confrontation politique légitime, plutôt qu’un terrain de manipulation.
Texte à venir : cette mise au point sert aussi de seuil. Lorsqu’un projet politique redevient crédible, ce n’est pas seulement l’idée qu’on attaque, c’est souvent la personne qui l’incarne. J’y reviendrai dans mon prochain texte : Qui veut la peau de Paul St-Pierre Plamondon.
La politique authentique est un service rendu à la vérité
-Vaclav Havel
























