L’eau à Paris : petite histoire de sa gestion… petite histoire de la privatisation
Aujourd’hui, je vais vous parler d’Anne Le Strat, l’un des deux élus du 18e arrondissement avec qui je partage le bureau à l’Hôtel de Ville. À vrai dire, je ne la croise que dans les jours autour des séances du conseil, car celle-ci est très occupée par une responsabilité des plus vitales dans une société… soit la distribution de l’eau. En effet, Anne Le Strat est aussi la Présidente Directrice Générale de la SAGEP (société anonyme de gestion des eaux de Paris), une société d’économie mixte qui a la mission de produire et transporter l’eau consommée chaque jour par les Parisiens.
Et voici d’ailleurs un fait qui attire mon attention, comment se fait-il que dans le domaine aussi sensible que celui de l’eau, la France fait office d’exception mondiale en délégant au privé une partie du service de distribution de l’eau à Paris ? Or, puisqu’ici je mets le doigt dans un sujet qui pourrait devenir le terrain de bataille mondiale (le statut de l’eau dans le monde) qui confirmera la victoire entre deux modèles de société s’opposant (socialisme vs néolibéralisme), puisque l’eau, source de vie, est LA réelle ressource d’importance à la vie sur terre, puisque la gestion de l’eau (l’or bleu) est finalement d’intérêt géostratégique, puisque le Québec y détient 3% des ressources mondiales d’eau douce… puisque je tiens ici une occasion en or pour en apprendre davantage sur la ravissante élue du 18e qui me prête son bureau pour mon stage, je vous concocte donc ici un autre article fleuve (un article qui débouchera peut-être, je l’espère, vers un entretien plus sérieux avec la présidente d’Eau de Paris).
La SAGEP, une histoire de DSP (Délégation de Service Public)
Dans le domaine de l’eau en France, la délégation de service public (le terme DSP en France est l’équivalant exact de Partenariat Public-Privé au Québec) se fait pour l’essentiel à trois entreprises privées comme la Générale des Eaux (Veolia, ex-Vivendi), la Lyonnaise des Eaux (Ondéo) ou la Saur (BNP Paribas). En France, la production et la distribution d’eau potable, la collecte et l’épuration des eaux usées sont de la responsabilité du Conseil Municipal et du Maire. C’est bien grâce à cette situation nationale très exceptionnelle, et aux bénéfices qu’elles en ont tirés, que ces 3 sociétés sont devenues des multinationales tentaculaires et ont pu prétendre que le “modèle français” de partenariat Public-Privé était une solution universelle au problème d’acheminement de l’eau. Ainsi, en lisant quelques articles ici sur l’excellent site PlanèteBleue.info, il n’est pas difficile à comprendre que ces trois compagnies françaises ont, par la droite politique, manœuvré l’État français pour s’en faire une rampe de lancement mondiale tout en s’enrichissant aux dépens des citoyens de ce pays (comme quoi ici, le néolibéralisme n’est pas que le propre des anglophones, et transcende finalement le concept national). En effet, en France, de nombreux rapports officiels montrent que la délégation de service public, bien que déresponsabilisant pour les élus, est une pratique coûteuse faisant supporter aux seuls usagers la totalité des surcoûts. Ainsi, à l’image de cet exemple, la facturation de l’eau à Paris par Veolia et Ondéo avoisinerait les 40 % de profit en 2001. Plutôt lucratif pour un service qui était supposément déficitaire !
La ville de Paris assume la responsabilité du service public de l’eau à Paris. Afin d’organiser ce service, la ville a confié la production et le transport de l’eau, depuis les captages et les unités de traitement des eaux de rivière, à Eau de Paris, société d’économie mixte de la Ville de Paris. Eau de Paris conduit cette mission dans le cadre d’une délégation de service public. À ce titre, elle assure la production et le transport des 615 000 m3 d’eau consommés chaque jour par les habitants, travailleurs et touristes de la Capitale. Elle est désignée comme “la personne publique ou privée responsable de la distribution de l’eau” et à ce titre, est garante de la qualité de l’eau au robinet du consommateur. Elle recueille et instruit les réclamations des consommateurs sur la qualité et les pressions.
Donc, c’est la SAGEP (une société d’économie mixte de la Ville) qui vend l’eau en gros aux distributeurs privés que sont la Compagnie des eaux de Paris (Veolia), pour la rive droite et Eau et force (Lyonnaise des eaux) pour la rive gauche.
L’évolution du service public de l’eau à Paris (1985-2001)
C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner l’évolution du service public de l’eau à Paris. Jusqu’en 1984, Paris possédait un service des eaux qui fonctionnait totalement en régie municipale avec un prix de l’eau particulièrement bas (DSIC). Malgré ce prix très bas, la production et la vente d’eau potable représentaient à cette époque une véritable manne financière qui servait essentiellement aux élus à combler régulièrement les déficits financiers de nombreux domaines de la gestion municipale. Cette manne était devenue tellement indispensable que le service des eaux n’a pas pu bénéficier, pendant les années Chirac et Tibéri, de l’investissement minimum nécessaire à maintenir les installations techniques en bon état malgré le dévouement et la créativité technique des personnels municipaux. La conséquence directe de ce sous-investissement a été l’accroissement des fuites du réseau parisien. C’est en ce basant sur ce niveau élevé des fuites du réseau public et pour remédier à ce problème à peu de frais, qu’au premier janvier 1985, Jacques Chirac, un des fondateurs du RPR avec Jacques Monod P.D.G. de la Lyonnaise des Eaux, ont débuté le démantèlement du service des eaux en confiant par affermage la distribution et la facturation de l’eau à deux sociétés privées. À la Compagnie des Eaux de Paris (CEP), filiale de Veolia, fut attribuée la rive droite et à Eau et Force–Parisienne des Eaux, (EFPE) filiale de la Lyonnaise des Eaux, fut confié là rive gauche. Plus tard, en 1987, les installations techniques et les usines de production d’eau de la Ville de Paris sont privatisées par la création de le SAGEP. Alors que la Ville de Paris détient 70 % du capital de cette société, la Compagnie Générale des Eaux et la Lyonnaise des eaux doivent se contenter tout de même chacun de 14 %. En définitive, ce qui précède montre clairement que la distribution de l’eau à Paris, telle qu’elle a été organisée sous la mandature de Jacques Chirac en 1985, ne s’est pas faite dans l’intérêt de l’usager, mais qu’elle a plutôt servi à remplir les coffres de Veolia et de la Lyonnaise des eaux. Cependant, le contrat par lequel la Ville de Paris concède à la SAGEP l’ensemble des installations techniques et la production arrive à échéance en 2009. Dossier très explosif à l’horizon.
Le combat d’Anne Le Strat, allégorie moderne de David contre Goliath
Après son élection en 2001, Bertrand Delanoë veut réorganiser le service de l’eau et tirer au clair les relations contractuelles de la ville de Paris avec les deux compagnies délégataires. Pour ce faire, une série d’audits seront réalisés; et de fait, celles-ci dévoileront les marges substantielles perçues à divers titres par la CEP et EFPE. En effet, les études révéleront que la facture d’eau parisienne a augmenté de 123 % depuis 1990 et estiment que « seule la volonté des deux multinationales de réaliser d’énormes bénéfices et l’absence d’intervention des autorités politiques est en cause ». (À quoi fallait-il s’attendre de plus d’une privatisation !). L’étude de Service Public 2000 indique pour sa part que « les recettes ont enregistré une progression moyenne supérieure à celle des dépenses, permettant ainsi au gestionnaire de dégager une marge importante sur la période 1985-2001, cette somme avoisinant les 40 % en 2001 ». Ce sont ces rapports qui serviront de base à la renégociation des contrats. Toutefois, durant cette première série de négociation sous le règne du maire Delanoë, aucune association du secteur en question n’est invitée, et bizarrement… les élus communistes et Verts en sont tout simplement écartés. Anne Le Strat, qui est tout de même concernée en tant que présidente directrice générale de la SAGEP, témoignera : «J’ai participé à des réunions en juin, mais, de fait, c’est une petite équipe d’administratifs qui a négocié sous la tutelle du secrétariat général adjoint. Et je considère qu’il n’y a jamais eu de débat politique autour de ces négociations, malgré les grandes déclarations de transparence et de concertation sur l’eau». De la sorte, s’en suivra un vote du conseil de Paris qui modifiera le contrat. La Ville pourra donc récupérer une partie des sommes encaissées par les délégataires, soit 163 millions d’euros pour la période 2004-2009, mais surtout, Anne Le Strat obtient le départ, à court terme, de la CEP et d’EFPE du capital de la SAGEP dont elles détenaient 14 % (et d’autres mots ici, la reprise par la Ville du contrôle du service de l’eau). Toutefois, les communistes et les Verts estiment que la commune aurait pu obtenir beaucoup plus des distributeurs, qui ne se sont tout simplement pas acquittés de leurs obligations contractuelles. C’est pourquoi, Anne Le Strat ne voit pas de “victoire” dans ce premier round de négociation… il faut dire aussi que celle-ci ne s’est jamais cachée de souhaiter un retour complet de la gestion de l’eau à Paris au domaine public. Pour ces raisons, la majorité des élus écologistes se sont alors abstenus de voter cette délibération.
L’eau doit être un bien commun de l’humanité, l’accès à l’eau potable est un droit pour tous et elle doit être gérée sans recherche de profits et en toute transparence, dans le cadre d’une structure publique. Comme le demande un appel lancé par de nombreux élus, je souhaite un retour de la gestion de l’eau en île de France dans le domaine public. Pour Paris, je défendrai l’objectif que la distribution en 2009 revienne dans le secteur public.
– Anne Le Strat
Alors que la société d’économie mixte Eau de Paris tente de réhabiliter l’eau du robinet dont la qualité est comparable à celle des eaux minérales, la société Vittel, filiale de Nestlé, organise, avec l’accord de la Mairie de Paris, une campagne publicitaire en s’accaparant l’espace public. 7 milliards de bouteilles plastiques sont commercialisées chaque année en France et seules 50% sont réellement recyclées. Avec un prix du baril de pétrole à plus de 70 dollars, le gaspillage des ressources énergétiques pour un produit polluant dégageant de la dioxine lors de son incinération la bouteille plastique est totalement illogique. L’action, en présence d’Anne Le Strat, présidente d’Eau de Paris, organisée par Agir pour l’Environnement, le CNIID (Centre National d’Information Indépendant sur les Déchets) et RAP (Résistance à l’Agression Publicitaire) sera reproduite prochainement.
Et maintenant
À Paris, en 2007, le prix de l’eau va augmenter de façon exceptionnelle. En effet, même si l’eau restera moins chère qu’ailleurs, pour la première fois, le conseil de Paris votait le 14 novembre dernier une augmentation de 3 % (+ 1,8 euro sur la facture) de la redevance prélevée par la SAGEP. Jusqu’ici, la société d’économie mixte avait maintenu ses prix à un niveau constant. Mais, puisqu’il y a dorénavant une baisse de consommation de l’eau à Paris, la SAGEP vend conséquemment moins d’eau. S’il n’existe pour l’instant aucune étude pour expliquer scientifiquement le phénomène, plusieurs théories sont avancées :
• Les appareils électroménagers sont plus économes.
• Les hôpitaux, les hôtels, les entreprises sont plus parcimonieux.
• Les travaux sur les 1 800 km de conduites parisiennes ont réduit les fuites.
Résultat, la quantité d’eau vendue a baissé de 20 % depuis 1990 et le chiffre d’affaires de la SAGEP a chuté de 8 millions d’euros en 2004. De plus, ses charges ont grimpé du fait des nouvelles normes sanitaires en matière de traitement des eaux souterraines notamment. Et pendant que les distributeurs privés font des profits faramineux en facturant les consommateurs, la SAGEP elle, éprouve des difficultés de trésorerie. En définitive, la SAGEP (le service public) s’occupe de l’entretien du réseau et garantie la qualité de l’eau au domicile des consommateurs, tandis que le privé, lui, s’occupe de faire du profit en revendant aux usagers la même eau qui lui est vendue en vrac par le service public (SAGEP). C’est vraiment à se demander pourquoi les Parisiens tolèrent pareil intermédiaire inutile, littéralement ici, un vol institutionnalisé.
Paradoxalement, vous auriez dû voir en séance du conseil certains élus de l’UMP (opposition de droite) hurler comme des cochons égorgés pendent qu’Anne Le Strat défendait la hausse proposée. Il y a même eut un pour évoquer une privatisation totale du réseau d’eau afin de se débarrasser de l’incompétence financière de la gestion publique. Plaidant la saine concurrence qu’offrirait un marché libre, celui-ci, totalement enragé, a même martelé qu’Anne Le Strat méprisait l’intérêt public. Que d’arrogances, de mépris et de mensonges! Comme quoi, les paroles en politique peuvent être totalement détournées de la vérité (Il est difficile de moralement accepter ici que pareils guignols s’amusent à jouer une incommensurable quantité de millions d’euros des Parisiens). D’autre part, où est la concurrence ici quand deux entreprises se partagent le marché sans appel d’offres préalables?
En définitive, l’eau redeviendra-t-elle 100% publique à Paris en 2009? Les nombreux scandales survenus dans sa gestion, révélés aux citoyens dans l’Eau de Vivendi, les vérités inavouables, font pencher la balance vers cette solution. Mais l’exemple de la première ronde de négociations sous la mandature Delanoë montre que la transition ne va pas de soi, même quand c’est la gauche qui dirige Paris. Ainsi, malgré les louables efforts de transparence de l’actuelle mandature, force est d’admettre que le système est encore opaque (n’est-il pas logique que là où il y a du profit à faire, ça ne pourra jamais être clair). Le maire actuel de Paris, qui veut “le meilleur service au meilleur prix”, n’a pas encore décidé s’il choisissait ou non de créer une régie municipale. La question sera bientôt tranchée. Espérons pour les Parisiens, que d’ici là, Anne Le Strat soit encore en poste à la tête des eaux de Paris.
Mais franchement, le vrai débat n’est pas la question de la meilleure gestion possible, mais bien le statut de l’eau dans le monde. Effectivement, l’eau est-elle la source du droit à la vie pour tous… ou plutôt, un bien de consommation soumis aux lois de l’économie de marché ? Mais sincèrement, capitalistes de ce monde, trouvez-vous consciencieux de remettre notre destiné dans les mains d’intérêts qui priorisent le profit sur la vie ? Par ailleurs, au nom de quelle morale les ressources vitales sur la Terre appartiendraient-elles à un groupe de vie plus qu’à un autre ? L’eau est un composé essentiel pour tous les organismes vivants connus, elle est en quelque sorte le berceau de la vie sur Terre. Tant qu’à y être aussi, dans cette logique absurde de vouloir contrôler globalement la vie, à quand la proposition d’une taxe sur l’oxygène ? N’oubliez pas, le corps humain est constitué à 70% d’eau… accepteriez-vous vraiment que votre corps soit privatisé à 70% ? Assurément, accepter cette perspective est en quelque sorte vendre son âme au diable. À vous maintenant de choisir le monde dans lequel vous voulez vivre.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières
– Ovide
Publié le 12 mars 2009 à 07h09 | Mis à jour le 12 mars 2009 à 13h42
Une crise mondiale de l’eau se dessine
L’humanité est dépendante de l’eau et pourtant, elle représente une menace croissante pour cette fragile ressource. Dans le plus important rapport jamais réalisé sur l’eau, qui dévoilé aujourd’hui, l’ONU tire la sonnette d’alarme et en profite pour montrer le Canada du doigt.
Sous l’effet de la surpopulation, de l’augmentation du niveau de vie et des changements climatiques, les réserves d’eau subissent des pressions sans précédent partout sur la planète, ce qui met en péril la paix et la croissance à long terme.
Voilà le cri d’alarme que lancera l’ONU ce matin, à son quartier général de New York, en dévoilant le plus important rapport jamais réalisé sur la situation de l’eau dans le monde.
Obtenu par La Presse, le troisième rapport triennal des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau se distingue des précédents par son envergure, son caractère militant, mais surtout son ton alarmant. Notons que la coordination du projet a été menée par l’ancien président du BAPE, William J. Cosgrove.
«Il est clair que l’on doit agir de toute urgence pour éviter une crise mondiale de l’eau, écrit d’entrée de jeu le grand patron de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura. Malgré le caractère vital de l’eau pour la vie humaine, le secteur est victime d’un manque chronique de soutien politique, d’une mauvaise gouvernance, et de sous-investissement.»
Forum mondial de l’eau
Élaboré par plusieurs groupes d’experts rattachés aux 24 agences des Nations unies, le document de près de 350 pages s’intitule L’eau dans un monde qui change. Il servira de base au 5e Forum mondial de l’eau, qui s’ouvre à Istanbul lundi prochain.
«Le message principal du rapport n’est pas tant que l’eau existe en quantité limitée, mais plutôt que les fonds consacrés à cette ressource, tant publics que privés, sont nettement insuffisants», explique en entrevue l’un des principaux auteurs du rapport, le chef scientifique du groupe québécois Unisféra, Richard Connor.
On note ainsi que l’argent investi dans la lutte contre les changements climatiques ne sert qu’à réduire les gaz à effet de serre, non pas à s’adapter à un climat en bouleversement qui menace, justement, les ressources en eau. «Les fonds consacrés aux problèmes liés à l’eau sont minuscules en comparaison des sommes investies pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre ou contre la crise économique actuelle», se désole-t-on.
On déplore ainsi qu’à peine 6% de l’aide internationale soit consacrée à l’eau, alors que cette ressource est au coeur de la plupart des problèmes vécus dans les pays les plus pauvres du globe.
«Le rapport montre que certains pays ont réagi. On constate certains progrès dans la distribution d’eau potable, par exemple. Mais bien d’autres secteurs ont été négligés, et après des décennies d’inaction, les problèmes reliés à l’eau sont énormes et s’aggraveront si rien n’est fait», prévient-on.
Surpopulation
On précise que toutes les crises vécues ces dernières années, alimentaire, énergétique, environnementale ou économique, ne pourront être réglées qu’à condition d’efforts supplémentaires de la communauté internationale dans le dossier de l’eau. Cela est d’autant plus vrai, note-t-on, que de nombreux problèmes pourraient bien provoquer une crise mondiale de l’eau, à commencer par la surpopulation. Plus de 80 millions d’habitants s’ajoutent chaque année sur la planète, un problème accentué par l’augmentation de la qualité de vie dans plusieurs pays émergents.
Selon des données publiées hier par l’ONU, la population mondiale devrait atteindre les 7 milliards d’individus en 2012, puis dépasser les 9 milliards en 2050. Il y a actuellement 6,8 milliards d’humains sur terre.
Cela ajoute nécessairement de la pression sur l’eau et ce, de différentes façons. La nourriture consommée par les populations plus aisées, par exemple, exige de plus grandes quantités d’eau. La production d’un kilo de blé peut nécessiter jusqu’à 2000 litres d’eau, alors que celle d’un kilo de viande, 20 000 litres d’eau.
La demande en énergie augmente aussi au rythme de la démographie, et avec elle les prélèvements d’eau nécessaire à la production énergétique. Pour générer 1 MWh d’électricité à partir du charbon, il faut 2 m3 d’eau, à partir du nucléaire 2,5 m3 et du pétrole, 4 m3. Le pétrole bitumineux? De 20 à 45 m3 d’eau (voir autre texte).
[ 9 h
25 ] HAE – Environnement
L’eau en péril
L’ONU a dévoilé ce matin le rapport sur la situation de l’eau dans le monde. Intitulé L’eau dans un monde qui change, ce troisième rapport publié à tous les trois ans sera l’analyse mondiale la plus complète jamais réalisée. Et le constat est alarmant.
Le document de quelque 350 pages servira de base au Forum mondial de l’eau, qui s’ouvre la semaine prochaine à Istanbul, en Turquie. Une vingtaine d’agences de l’ONU ont collaboré à la réalisation de ce document.
Malheureusement, le rapport intégral n’est pas encore sur Internet, mais l’UNESCO présente tout de même les principales conclusions de l’étude.
Le Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau (le principal programme d’ONU-Eau) permet de consulter les deux rapports précédents. Le troisième rapport devrait être disponible au cours des prochains jours.
En substance, selon le rapport, le statu quo met en danger le développement humain et économique ainsi que la stabilité politique de plusieurs coins du globe.
Quelques faits saillants:
(Toutes les affirmations qui suivent sont des citations du rapport.)
– On estime à plus de cinq milliards (67% de la population mondiale) le nombre de personnes qui ne disposeront pas d’un accès à des installations sanitaires décentes en 2030.
– En Afrique sub-saharienne […] 340 millions d’Africains ne bénéficient pas d’un accès à une eau potable salubre.
– Le lien entre pauvreté et ressources en eau est évident : le nombre de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour coïncide approximativement avec celui des personnes qui n’ont pas accès à une eau potable salubre.
– On estime en effet que dans les pays en développement, 80% des maladies sont liées à l’eau et causent la mort prématurée de trois millions de personnes chaque année. A titre d’exemple, 5 000 enfants meurent chaque jour de diarrhée, soit un toutes les 17 secondes.
– La croissance de la population (la population mondiale, actuellement de 6,6 milliards, augmente de près de 80 millions de personnes chaque année) «se traduit par une demande supplémentaire en eau de 64 milliards de mètres cube par an. Or, 90% des trois milliards de personnes supplémentaires qui viendront grossir la population d’ici 2050 vivront dans des pays en développement».
– L’agriculture demeure le secteur le plus gourmand en eau puisqu’il représente à lui seul 70% de l’ensemble de la consommation (contre 20% pour l’industrie et 10% pour les besoins domestiques).
– La production de biocarburant, qui s’est intensifiée ces dernières années, a également pesé de manière significative sur la demande en eau. La production d’éthanol, soit 77 milliards de litres en 2008, a triplé entre 2000 et 2007 et devrait atteindre 127 milliards de litres en 2017.
– En Afrique, entre 75 et 250 millions de personnes seront confrontées en 2020 à des pénuries croissantes liées au changement climatique. La pénurie que connaîtront certaines régions arides et semi-arides aura un impact décisif sur les migrations. On estime de 24 à 700 millions de personnes qui pourraient être forcées de migrer pour des raisons liées à l’eau.
D’autres sites sur l’eau
ONU-Eau (disponible en anglais) présente des rapports sur l’eau de même que des statistiques illustrées sous forme de tableaux.
Le Monde offre un résumé du rapport de même qu’une infographie sur les régions exposées aux pénuries d’eau d’ici 2020.
Le World Water Council, disponible en français malgré son nom, trace le portrait de l’eau dans le monde: crise de l’eau, nature, approvisionnement, etc.
Le site Global Risks de Maplecroft présente une carte interactive sur les catastrophes naturelles «hydro-météorologiques».
Je souligne que c’est la décennie de l’eau. Le site onusien Eau, source de vie, donne plus de détails sur cette décennie et sur les enjeux auxquels nous sommes confrontés.
La journée annuelle de l’eau sera célébrée le 22 mars.
On aura donc amplement l’occasion de reparler de l’eau au cours des prochains jours.
Pour me joindre, vous pouvez m’écrire à cette adresse:
sophie-helene.lebeuf@radio-canada.ca.
Publié le 02 mars 2009 à 05h00 | Mis à jour le 02 mars 2009 à 05h00
Un monde sans eau
En Australie, la sécheresse extrême qui sévit depuis 2002 et la rareté de l’eau ont favorisé la propagation d’incendies apocalyptiques dont celui qui a coûté la vie à 200 personnes, il y a deux semaines.
Éric Moreault
Le Soleil
(Québec) La nouvelle est passée inaperçue ici, mais ses implications toucheront bientôt tout le monde : Los Angeles manque d’eau. L’Australie aussi. Il ne s’agit pas, comme en Afrique ou en Asie, de manque de fonds et d’infrastructures, mais de pénuries qui risquent de devenir permanentes. Le XXIe siècle sera celui de l’eau ou ne sera pas. Le Québec doit-il s’en inquiéter?
Dans ce contexte, les pressions sur les réserves d’eau douce québécoises iront certainement croissantes. D’accord, les États-Unis n’envahiront pas le pays demain – les Chinois non plus. Mais attendez-vous à un intérêt renouvelé pour les Grands Lacs, la source du fleuve Saint-Laurent. Et comme cet incroyable écosystème, le cinquième des ressources d’eau potable mondiale, risque de pâtir d’un réchauffement climatique…La bonne nouvelle, c’est que le président Barack Obama semble déterminé à préserver les Grands Lacs. Son budget 2010 contient d’ailleurs une enveloppe supplémentaire de 475 millions $ pour réhabiliter les cinq mers d’eau douce : décontamination des sédiments, réduction des sources de pollution et barrière aux espèces envahissantes.
Mais Obama sera là au maximum huit ans. L’explosion de la population, l’exploitation agricole et industrielle maintiennent une pression croissante sur les ressources mondiales d’eau potable (3 % de l’eau de la planète). L’homme en utilise actuellement la moitié.
Bien que l’eau soit, en théorie, une ressource renouvelable, des changements dans l’exploitation et la dégradation de sa qualité (pollution aux pesticides, sulfates, métaux lourds, pétrole, etc.) va rendre son traitement plus ardu et dispendieux, prévient le rapport annuel du Pacific Institute, en Californie.
Les répercussions sont déjà tangibles dans les États américains de la côte Ouest. «Les pénuries d’eau se transforment en réalités permanentes», a déclaré le maire de L.A., Antonio Villaraigosa. Des décennies de gaspillage et de croissance illimitée ont fini par empêcher le renouvellement de la ressource. Un nombre croissant de scientifiques pointent aussi les changements climatiques qui font diminuer les couverts glaciers en montagne et assèchent les rivières comme la rivière Colorado, à moitié de son débit normal.
En Australie, la sécheresse extrême depuis 2002 et la rareté de l’eau ont favorisé la propagation d’incendies apocalyptiques qui ont causé la mort de plus de 200 personnes, des dommages considérables à la nature et plus de 2 milliards $ de dégâts, il y a deux semaines. «Il s’agit d’un signal d’alarme sur les changements climatiques», ont écrit les pompiers australiens au premier ministre en l’invitant à des actions plus musclées de lutte au gaz à effet de serre (GES). Sinon, disent-ils, il y aura des catastrophes à répétition.
Changements climatiques ou pas, on comprend leur stress : l’Australie manque cruellement d’eau. En ce moment, les trois quarts des 4000 puits nationaux gaspillent 90 % de l’eau par évaporation en raison de la chaleur.
Mais si on pompe trop, la pression artésienne diminuera au point où l’eau ne remontrera plus à la surface de façon naturelle. Il faudra alors puiser mécaniquement, ce qui augmentera les émissions de GES. On appelle ça un cercle vicieux.
Alors imaginez dans les pays émergents où technologie et financement front cruellement défaut. Les risques de violence, voire de guerre, iront croissant. Selon Dan Smith, de l’organisme International Alert, «l’eau est une condition essentielle à la vie. Sa disponibilité et sa qualité sont fondamentales pour toutes les sociétés. Il y a des endroits (Afrique de l’Ouest, Népal, Bangladesh, Inde, Pérou) où des changements majeurs aux rivières génèrent un risque significatif de conflits.»
Pas convaincu? Une analyse de 8000 guerres au cours des 500 dernières années révèle que le manque d’eau est une cause majeure de déclenchement de conflit. Sans parler des crises sociales appréhendées, notamment en Chine, où pollution et croissance effrénées sont les ingrédients de base d’un cocktail explosif.
L’eau émergera bientôt comme un problème géopolitique prédominant. La volatilité des prix de la nourriture en 2008 en est un signe avant-coureur. En plusieurs endroits, nous avons constamment sous-évalué la valeur de l’eau, entraînant gaspillage et surutilisation. Nous sommes à la veille d’une banqueroute, sans moyen de rembourser. En plusieurs endroits, les conséquences pour l’économie et la stabilité politique seront sérieuses.
Ce n’est pas moi qui le dis. Ni Greenpeace. Ni l’ONU. Qui, alors? Le Forum économique mondial de 2009…
Le plan Obama pour les Grands Lacs : http://www.jsonline.com/news/wisconsin/40357712.html
Le Pacific Institute : http://www.pacinst.org/topics/water_and_sustainability/
La planète manque d’eau : http://www.timesonline.co.uk/tol/news/environment/article5562906.ece
Le rapport du Forum économique mondial : http://www.oieau.org/documentation/spip.php?article680
Le monde risque une «faillite» des réserves en eau
Agence France-Presse
Davos
Le monde risque une grave pénurie d’eau en raison de l’augmentation constante de la demande, plus rapide même que la croissance de la population mondiale, prévient un rapport publié vendredi par le Forum économique mondial à Davos (Suisse).
«Dans moins de 20 ans, la pénurie en eau pourra faire perdre à l’Inde et aux Etats-Unis la totalité de leurs récoltes», s’inquiétent les auteurs du rapport, ajoutant que parallèlement la demande alimentaire devrait exploser.
Selon eux, beaucoup d’endroits dans le monde sont déjà sur le seuil d’une «faillite» des réserves en eau à la suite de «bulles» spéculatives sur cette ressource ces cinquante dernières années.
«Le monde ne peut simplement plus à l’avenir gérer la question de l’eau comme il l’a fait jusqu’à présent», préviennent-ils.
Près de 40% des ressources en eau des Etats-Unis sont utilisées pour la production énergétique. De fait, seuls 3% des réserves en eau sont consommées par des ménages, relève encore le rapport.
Les besoins en eau pour la production d’énergie devraient augmenter aux Etats-Unis de 165% et de 130% dans l’Union européenne, selon le rapport qui s’inquiète de la réduction des ressources pour l’agriculture devant en résulter.
Il souligne encore que la majorité des glaciers de l’Himalaya et du Tibet auront disparu en 2100 au rythme actuel de leur fonte. Ils fourniront malgré tout de l’eau pour deux milliards de personnes. Par ailleurs, quelque 70 rivières importantes dans le monde sont pratiquement asséchées par les systèmes d’irrigation.
Pour le WEF, l’eau deviendra d’ici 20 ans un sujet majeur d’investissements, encore plus que le pétrole.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a estimé lors d’un débat dans les Alpes suisses que le problème de l’eau était «vaste et systémique».