En mémoire de Stéphane St-Denis
Le 31 décembre était pour Stéphane une date empreinte de double symbolisme. Ce jour, qui marquait son anniversaire, incarnait la promesse d’un renouveau tout en lui rappelant paradoxalement sa solitude au cœur des festivités du Nouvel An.
Tiraillé entre l’ombre et la lumière, Stéphane a mené une existence que l’on pourrait qualifier de… disons, compliquée. Notre rencontre au Conservatoire Lassalle en 1996 fut déterminante : il sortait alors de prison et cherchait à réorienter sa vie. En tant qu’aîné de la classe (pour nous, Stéphane était le « vieux » de 26 ans), son enthousiasme, en particulier pour le théâtre et son rêve de devenir acteur, révélait une ambition enfouie sous des années d’épreuves.
Devenu mon colocataire, il a apporté une forme de stabilité et d’ordre à notre vie rythmée par l’esprit de la fête. Dans notre appartement de la 4e avenue à Rosemont, il a trouvé un havre, un espace aspirant à un avenir meilleur. Stéphane, méticuleux et excellent cuisinier, introduisait une touche de normalité dans notre quotidien agité.
Cette période fut empreinte d’espoir; et d’ailleurs, la sobriété que je lui imposais pour pouvoir habiter avec moi, couplée à son engagement scolaire, reflétant son désir de changement. Parfois, je me dis que ce fut peut-être la meilleure période de sa vie.
Cependant, le destin est capricieux. Notre déménagement et la séparation de nos chemins ont coïncidé avec la résurgence de ses vieux démons. « César », son alter ego, a fait ressortir un aspect plus sombre, symbole de son isolement et de son rejet en tant que cocaïnomane par « la société ».
Parmi nos souvenirs partagés, un reste marquant : nos soirées à regarder « Trainspotting ». Ce film culte à notre époque, où tous voyaient Stéphane dans le personnage de Begbie, reflétait étrangement son existence. Lors de notre dernière rencontre, nous avons partagé un moment de complicité et de nostalgie en revivant ce film pour une dernière fois.
Le Nouvel An 1998 a été un moment de grâce. Invitant Stéphane, toujours « seul » pour son anniversaire, à me rejoindre dans un rave, j’ai vu en lui un bonheur éphémère, loin des ombres de sa vie. Cette nuit-là, il a semblé retrouver une innocence perdue, un temps où il était libre et joyeux. Loin de ses tourments, il était momentanément heureux. Je garde précieusement en mémoire cette image de lui, riant et insouciant.
Déduisant l’éventualité de son décès après lui avoir souhaité un joyeux anniversaire sur Messenger l’année dernière (Un message, évidement auquel il n’a jamais répondu), j’ai ressenti le besoin de résumer notre brève histoire commune et vous partager mes photos de lui… surtout en cette date qui aurait justement marqué son anniversaire. Ce message, rédigé bien après son départ, est mon hommage à sa mémoire; un rappel que, malgré les tempêtes, il y a eu des moments de bonheur et d’espoir.
Repose en paix cher coloc. Ta quête du bonheur, malgré les chaînes de la vie, demeure un témoignage de la résilience humaine. Ta vie continue de rappeler la fragilité et la beauté de l’existence.
Avec affection et souvenir,
Carl
La vie bat le rythme de l’inattendu
– Haruki Murakami