Je pollue donc je suis
Je ne devrais pas devoir vous présenter le Hummer. Ce grotesque véhicule initialement conçu pour l’armée étasunienne… mais qui serait maintenant adapté à la conduite urbaine parce qu’il peut se faire peinturer en toutes les couleurs. Alors, je ne m’étalerai pas ici sur les caractéristiques absurdes de l’engin en tant que véhicule urbain (Richard Bergeron évoque très bien le sujet dans son Livre noir de l’automobile, puis le blogue antivoitures exprime déjà bien ce que je pense du Hummer). J’aborde plutôt cette thématique, parce que moi, militant écologiste prétendant à une certaine influence sur son environnement, je dois tolérer la proximité immédiate du Hummer de l’un de mes voisins. D’ailleurs, dans tout mon quartier, je n’ai repéré qu’un seul propriétaire de Hummer (faudrait-il croire que le destin fait bien les choses ?). Or, évidemment, vous vous douterez que j’exècre intrinsèquement ce symbole qui fait l’éloge public de la stupidité en tant que valeur dominante.
Non, mais, c’est quoi l’idée d’utiliser un Hummer en ville, de surcroît, quand tu habites sur l’une des rues les plus étroites du quartier le plus densément peuplé du Canada (dans le Plateau Mont-Royal, nous sommes 16 000 habitants au kilomètre carré). Si bien que ce soit sur le simple point de la gestion de l’espace en ville, posséder un tank (plus de 2,50 mètres de large), c’est incohérent.
Mais pire encore, c’est évidemment la consommation record du monstre en combustible fossile (20 à 25 litres/100 km). À l’heure du réchauffement climatique, à l’heure où le pétrole se raréfie, à l’heure où le prix de l’essence explose, il est complètement illogique de choisir un Hummer comme véhicule urbain.
Puis là, je ne vous parle même pas de l’empreinte écologique que coûte en ressources la construction d’un Hummer.
Au rythme actuel, l’humanité aura besoin d’une deuxième planète au début de la décennie 2030 pour répondre à ses besoins. Du coup, la déforestation, la pénurie d’eau, le déclin de la biodiversité et le dérèglement climatique, provoqué par les émissions de gaz à effet de serre, mettent de plus en plus en péril le bien-être et le développement de toutes les nations.
Alors, à quel besoin répondrait donc la possession de ce véhicule? Pouvons-nous penser que la vraie «valeur» de ce véhicule réside finalement dans l’expression sociale qu’il génère à son propriétaire… c’est-à-dire d’exhiber son surplus économique et sa suposée nature dominatrice ?
Suivant donc cette logique, il faut ainsi déduire que les propriétaires de Hummer considèrent plus «hot» de démontrer leur pouvoir de polluer que de respecter l’environnement. Or, si ce sentiment de puissance (individuelle) s’acquiert en défiant l’intérêt collectif et le développement durable, ai-je vraiment besoin de dire que les propriétaires de Hummer sont des parasites sociaux? Et d’ailleurs, c’est là que réside tout le problème de l’existence des Hummer en ville; un symptôme de la primauté de l’individualisme dégénéré sur l’instinct de survie globale.
Ainsi, je suis donc confronté dans mes valeurs : dois-je, me résigner à accepter faiblement cette menace environnementale (comme l’ensemble des moutons composant la société), ou dois-je mettre en action mes convictions sociopolitiques (au risque de provoquer un conflit avec M. Hummer)? La question donc se formule comme suit, à partir de quel niveau, un individu doit-il réagir pour protéger son environnement? Alors, vous constaterez que ce véhicule trouble ma quiétude d’esprit et provoque chez moi plusieurs interrogations.
De la sorte, avant de planifier la moindre action, j’ai donc cherché à visualiser le propriétaire du Hummer en question. Si bien que lorsque j’ai finalement repéré ma cible, je fus abasourdi de constater sa correspondance avec la caricature que j’appréhendais. Concrètement, mon voisin est un mastodonte portant un veston en cuir de la marque Harley Davidson. Gel luisant dans les cheveux, anglophone, il déambule d’un air patibulaire sur le trottoir flanqué d’un chien doberman.
Mais plus inquiétant que l’allure antipathique du personnage, ce sont les deux caméras de surveillance accrochées à la façade de son domicile. En effet, en braquant directement les passants de ma rue, ces caméras dégagent ainsi la nette impression que nous sommes surveillés par un bunker du crime organisé. À ce moment-là, cette simple histoire de Hummer devenait ainsi un dossier de sécurité publique. Mais après vérification, il s’avère que M. Hummer n’est simplement que le fils d’un riche restaurateur grec… son look de motard étant ainsi du même ressort superficiel que celui de son véhicule.
Franchement, bien qu’il soit attardé qu’un individu valorise ouvertement l’image du crime organisé, le vrai problème de société réside bien plus dans notre tolérance quant aux comportements menaçant l’intérêt collectif. Or, non seulement nos politiciens devraient légiférer afin d’éliminer le droit d’utiliser des 4×4 en ville, mais en tant que société, nous devrions valoriser la conscience environnementale plutôt que la liberté individuelle de polluer (et menacer le monde). Désarmer les imbéciles et les traiter comme tels, voilà la solution. Et maintenant que les barbares sont aux portes de notre civilisation, faudra-t-il attendre leur invasion avant de réagir?
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=tvSH5fYag6Y[/youtube]En toute logique, mon voisin se fait un plaisir de laisser rouler son moteur pour réchauffer son habitacle
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=g3WlGj1kfsU&eurl=http:///webalbum/fuck-you-and-your-hummer[/youtube]H2: Bummer
Nous sommes en train d’agir écologiquement de la même façon que les institutions financières se sont comportées économiquement, cherchant la satisfaction immédiate sans prendre en compte les conséquences.
– Jonathan Loh, Société zoologique de Londres
imbécille, ce 4×4 ne pollue pas plus que les grosses bmw de nos ministres!
Hypothétiquement parlant… si le Québec abritait une usine de Hummers, comment réagiraient les partis politiques, les syndicats, les journalistes et les citoyens face à la fermeture d’une de celle-ci?
lutopium| lire ici le dernier article de son blogue: La vie dans la brousse de fantômes
Excellent article! Je pense la même chose, mais j’ai heureusement la chance de ne pas en voir tous les jours, je pense que ce serait mauvais pour mon coeur!
Tiens, voilà qui pourrait t’intéresser : http://tagadummer.com/
Faut pas lâcher…
Le Détracteur Constructif| lire ici le dernier article de son blogue: Le Rest of Canada va nous mettre à la porte