La France, tête de pont de la francophonie. La francophonie, espoir d’une autre mondialisation
Il y a un mois, se tenait à Bucarest le 11e somment de la francophonie. Ces sommets, se tenant tous les 2 ans, sont la plus haute instance de l’Organisation Internationale de la Francophonie (l’OIF). Initialement développé après la Seconde Guerre mondiale comme rempart à l’omniprésence de l’anglais dans le monde, la « conscience francophone » est d’autant plus nécessaire aujourd’hui, car elle peut maintenant faire office de contrepoids face à l’influence de la culture anglo-américaine.
Formellement, la langue anglaise est devenue le véhicule de communication par lequel se répandent les dérives du néolibéralisme conquérant, sauvage et destructeur. Or, le français demeure la langue de la Révolution (1789) et de la Commune de Paris (1871), c’est-à-dire la langue de la liberté et de la solidarité qui porte intrinsèquement les valeurs républicaines et celles de la Déclaration des droits de l’homme.
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Les missions de la Francophonie s’articulent autour de quatre priorités :
• La promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique
• La promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme
• L’appui à l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche
• le développement de la coopération et de la solidarité
Ainsi ; À l’heure où le rôle de l’ONU est galvaudé par les guerres israélo-étasuniennes au Moyen-Orient. À l’heure d’un retour en force des arguments religieux pour justifier le renforcement du lobby militaire « anti-terroriste ». À l’heure où la logique de marché prime sur l’environnement et la diversité culturelle. À l’heure ou les médias sont de plus en plus l’apanage des publicitaires plutôt que le rendez-vous de la réflexion collective. La francophonie est plus que jamais porteuse d’une vision alternative de la mondialisation : une mondialisation humaniste, s’appuyant sur des réels fondements de justice sociale et bataillant pour la protection des diversité nationales. Alors, dans cette logique, il apparaît évident que la francophonie, parrainé par son prééminent territoire d’origine, est appelée à jouer un rôle nécessaire sur le plan mondial.
D’ailleurs, récemment, la France en 2003 a bien joué ce rôle humanitaire sur la scène internationale, en prenant le leadership de l’opposition à la guerre en Irak, rendant même celle-ci illégale sur le plan du droit international en menaçant d’imposer son veto sur le conseil de sécurité (Un veto alors soutenu officiellement par ses alliés Russes, Chinois et Allemands. En contrepartie, les Etats-Unis n’en demandait pas mieux pour déprécier le pouvoir du conseil de sécurité de l’ONU en envahissant tout de même l’Irak). Puis, quand les Bush et Berlusconi de ce monde appellent à la guerre sainte contre l’islam, le français, par sa position médiatrice, se confirme comme langue de conciliation entre l’occident et le monde arabe. Toujours dans les relents de ce contexte, cet été aussi, la France aura servi de conciliateur dans le dernier conflit israélo-libanais, initiant d’entrée les appels immédiats aux cessez-le-feu, puis, élaborant les premières pistes de solution pour mettre fin aux hostilités.
Cependant, cette disposion du français d’être un langage diplomatique par excellence n’est pas que le fruit d’une culture démocratique teintée par l’esprit de la révolution, mais bien aussi de la position géostratégique de la France dans l’histoire. En effet, ayant comme voisin immédiat des pays comme l’Allemagne, la Suisse, l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre, c’était une question de conservation élémentaire que de développer des relations complexes et effectives avec ces puissantes nations limitrophes. Toutefois, c’est en entretenant des liens de coopération auprès de ses anciennes colonies autour du globe, que le français s’est vu concrétisé comme un vecteur de communication internationale. Bref, la longue histoire du français agit comme une fondation pour justifier son rôle humanitaire, une implication nécessaire pour notre évolution sur le plan international.
Dans cette perspective aussi, resserrer les liens avec la « conscience francophone » peut constituer une assistance contre toute régression démocratique. Il n’est donc pas étonnant que l’Organisation Internationale de la Francophonie (63 pays membres) compte à chaque sommet de nouveaux pays observateurs (signe équivoque d’un rayonnement croissant de la langue française). D’ailleurs, au dernier sommet à Bucarest, cet intérêt s’est particulièrement manifesté par des pays d’Europe de l’Est. Toutefois, comme le cite, l’ex-ministre péquiste des Relations internationales, Louise Beaudoin, il est vrai que la priorité pour ces pays était, et demeure, leur intégration dans l’Union européenne et leur adhésion à l’OTAN. Alors, dans le cas des pays d’Europe de l’Est, même si nous sommes bien loin ici des préoccupations quant à l’avenir de la langue française, nous pouvons quand même constater que la Francophonie est perçue comme un pôle supplémentaire d’ouverture au monde. Or, c’est ici, exactement dans les négociations entourant les modalités d’intégration à l’Union européenne, que s’effectue, par pays interposé, une réelle lutte diplomatique entre la France et les Etats-Unis.
En effet, bien que les Etats-Unis et leur extension militaire en Europe, l’OTAN, a tout intérêt d’intégrer de nouveaux pays à celui-ci pour accroître sa suprématie militaire, il ne souhaite pas pour autant que l’Europe s’unifie autour d’un réel projet politique, ensemble qui pourrait moralement défier son hégémonie. Déjà que l’Europe, unifié économiquement, rivalise sérieusement le dollar américain sur ce terrain, il ne faudrait pas non plus pour les Etats-Unis permettre l’émergence d’un réel rival politique en occident. D’un côté, nous avons donc l’axe franco-allemand, réel architecte du projet d’union européenne, (cette alliance s’est toutefois refroidie avec l’élection d’Angela Merkel à la tête de l’Allemagne et la défaite du OUI au dernier référendum en France), de l’autre, les États-Unis et leur courroie de transmission européenne qu’est l’Angleterre. Par ailleurs, un épisode intéressant de cette dynamique, fut la tentative des USA d’entraîner l’OTAN dans la guerre en ouvrant un front en Turquie, un pays membre de l’OTAN, pour envahir l’Irak. En effet, lors d’une réunion de l’OTAN le 12 février 2003, l’Allemagne et la France rejoints par la Belgique s’opposèrent à l’initiative de l’OTAN visant à préparer la défense de la Turquie en cas d’attaques venues de l’Irak. Les trois pays avaient opposé leur veto à ce sujet au motif qu’une telle décision plaçait l’OTAN dans une « logique de guerre ». La procédure bloquée devait permettre l’envoi en Turquie d’avions de surveillance et de batteries antimissile ainsi que des unités spécialisées dans la guerre bactériologique et chimique. En réaction, la Turquie, forte d’une promesse étasunienne d’éponger sa dette d’une quarantaine de milliards à celui-ci, avait officiellement invoqué l’article 4 du traité fondateur de l’OTAN. Un article selon lequel, les membres de l’Organisation se consulteront lorsque « selon l’opinion de l’un ou l’autre de ses membres, il apparaîtra que l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’un ou l’autre des parties est menacée »… c’était la première fois que cet article était invoqué depuis 53 ans. Ainsi, face à l’opposition franco-germano-belge, la Turquie demandait l’ouverture d’urgence de ces consultations. L’interruption de la procédure a donc constitué un obstacle pour les États-Unis dans ses préparatifs de guerre contre l’Irak. Officieusement, certaines rumeurs laisse planer que la France aurait menacé la Turquie de faire le deuil de son intégration à l’Union européenne ci celle-ci s’engageaient dans le jeu guerrier des Etats-Unis. Voilà donc une toile de fond du contexte de l’Union européenne.
Pour plus d’information sur cette crise diplomatique, lire ici l’évolution du face à face entre le tandem franco-allemand et les Etats-Unis sur le désarmement irakien.
D’ailleurs, j’ai toujours pensé que pour les Etats-Unis, le deuxième objectif de la guerre en Irak (après ceux militaires qu’était la conquête brute des ressources pétrolières et de l’installation géostratégique de l’armée étasunienne au milieu du Moyen-Orient) était d’ordre «diplomatique». En effet, dans un premier temps, cette invasion allait mettre à mal l’unité et la cohérence des pays européens entre eux, (les USA n’ayant pas hésité ici à acheter l’appui de certain pays européens comme la Pologne, l’Espagne et la Bulgarie pour les disposer dans la «coalition» de la guerre), puis, envahir l’Irak (ironiquement désarmé préalablement par l’ONU) démontrera que la force militaire prime encore sur le droit international… de quoi, donc, affecter ici la crédibilité du pouvoir de l’ONU et entraver son évolution politique.
Pareille situation barbare ne devrait plus se reproduire, nous devons apprendre de nos erreurs, nous devons évoluer. La communauté internationale doit donc rebondir au plus vite, et réaffirmer sa volonté de renforcer les capacités politique de l’ONU pour éviter les injustifiables agressions militaires. En effet, la stabilisation des conflits internationaux passe par le développement d’un espace de communication collectif, un espace ou la compréhension des intérêts de tous sont pris en compte, un espace de concertation qui a le pouvoir d’appliquer des solutions politiques dans l’optique d’un esprit global. Alors, pour des raisons de justice, de démocratie, de stabilité, d’harmonie entre les peuples, de paix, de diversités culturelles et d’écologie, nous devons résister à l’hégémonie militariste étasunienne en revalorisant le rôle de l’ONU.
Le projet de l’union européenne étant déjà, à moindre échelle, une vision fonctionnelle de collaboration politique entre un ensemble de peuples distincts, il s’offre aussi en tant que schéma concret de ce que devrait devenir l’ONU dans quelques décennies. Toutefois, pour s’assurer que la voix de tous (les pays indépendants) soit pris en compte, il m’apparaît impératif de se donner un nouvel outil de communication… soit d’internationaliser officiellement, après l’anglais, une deuxième langue. Nécessairement, Cette deuxième langue fera résistance à l’uniformisation culturelle, et offrira un espace de communication distincte de celle du pouvoir financier et de l’actuelle hégémonie étasunienne. Par ailleurs, cette deuxième langue pourra devenir ce véhicule tant souhaité qui transportera une réelle mondialisation des esprits. Or, la langue française : par sa grande histoire, sa forme aux milles nuances, sa richesse culturelle inhérente, m’apparaît le choix naturel pour devenir la langue officielle de la diplomatie internationale. D’autant plus que l’actuelle mission déjà engagée par l’Organisation Internationale de la Francophonie pousse déjà dans ce sens.
Mais ici, bien que nettement francophile (vous l’aurez remarqué), je ne parle pas pour autant de détrôner l’anglais comme premier mode d’expression internationale… au contraire, je parle de lui confirmer un complément palliatif. En effet, dans un premier temps, l’humanité avait bien besoin de se trouver un langage universel, l’idée étant de permettre à tout le monde de se comprendre élémentairement, de se rapprocher et d’échanger. Or l’anglais, langue expansive du pouvoir financier, langue pratique et relativement simple à apprendre, s’imposait logiquement comme premier langage. Ainsi, nous avons déjà à notre disposition une langue internationale pour commercer et s’administrer… l’idée est maintenant de s’en confirmer une autre pour réfléchir, discuter et politiser. Je sais, certains intégristes de la langue française seront heurtés par ma position d’accepter l’anglais comme principale langue internationale. Cette position de ma part est en premier lieu pragmatique, et s’inscrit dans une logique de faire avec la réalité. Mais sincèrement, je plains les unilingues anglophones de voir leur langue maternelle être utilisée comme premier langage universel.
Si à prime abord il est intéressant de naître avec la langue passe-partout, il est finalement plus avantageux d’avoir culturellement un langage maternel différent de celui qui est du marché international… d’autant plus que l’anglais risque fort bien de se faire standardiser vers le plus petit dénominateur commun de compréhension. Ainsi, en définitive, il m’apparaît bien plus intéressant d’être francophone, puis d’apprendre l’anglais, que de naître d’entrée avec la langue universelle. En effet, prenez pour exemple le cas du Québec : comparez-y des articles de presse, sur un même sujet, d’un média anglophone à celui d’un média francophone (et je ne parle pas ici des éditoriaux de la presse anglophone jamais signés par convention). Vous constaterez que les journalistes francophones sont généralement plus libres dans leurs réflexions, voire carrément, plus objectifs dans le traitement de l’information. A mon avis, la principale raison de cette différence réside simplement dans le fait que la pensée francophone, au Québec, est moindrement surveillée par le pouvoir anglophone. En effet, l’espace de communication offerte par une langue décale, dans le temps, le transfert de l’information de celle-ci vers une autre langue. Subséquemment, l’énergie ici prise par l’intérêt anglophone pour décoder, traduire, puis recomposer vers sa volonté l’information en français, permet à l’information initialement émise en français d’avoir une marge de manœuvre en terme de liberté d’expression. Donc, le français au Québec agit non seulement comme un filtre (très perméable, soit-il) à l’américanisation, mais il est aussi une fréquence donnant accès au réseau de réflexion européen. Ainsi, le Québec est la plus grande porte d’entrée de l’Europe vers les Amériques ; autant géographiquement (par le fleuve Saint-Laurent), que culturellement, par la compréhension du français et des valeurs européennes inhérentes. Et comment dire ici, c’est justement la convergence des courants européens et américains qui donne au Québec son originalité… et cette position géostratégique exceptionnelle.
Alors, comme le cite le nouveau délégué général du Québec à Paris, monsieur Wilfrid-Guy Licari : « Le prochain Sommet de la Francophonie, qui se tiendra à Québec en 2008 à l’occasion du 400e anniversaire de cette ville, capitale nationale des Québécois, sera une occasion idéale pour faire de la diversité linguistique la priorité francophone des prochaines années. En prenant la pôle dans ce dossier, le Québec démontrerait encore une fois qu’il est un des animateurs incontournables de la Francophonie, laquelle demeure (malheureusement) toujours le seul forum international où le Québec a véritablement voix au chapitre ». Mais pour moi, l’occasion sera surtout de faire comprendre au peuple Québécois (à commencer par les villageois de la ville en question, qui ont voté pour les Conservateurs de Stephen Harper aux dernières élections fédérales ?!?) que la francophonie est une richesse nécessaire en Amérique pour la sauvegarde de la diversité culturelle dans le monde. Les québécois doivent concevoir cet enjeu; et dans ses racines historiques, dont il a gardé le langage, le Québec doit retrouver sa fierté nationale.
Et la France, elle, doit comprendre le potentiel que peut lui rapporter d’investir dans ses relations avec le Québec… son enfant retrouvé. En effet, nous sommes au Québec un pont entre l’Europe et l’Amérique, un merveilleux territoire géoculturel par lequel transitent les idées d’une part à l’autre. Assurer l’équilibre de ce pont, en stabilisant la survie du pole francophone en Amérique, c’est faire le minimum pour empêcher ce pont de s’écrouler. Nous sommes, au Québec, le ballant nécessaire pour assurer l’influence euro-française dans le monde… et que serait le rôle de la France dans l’union européenne sans sa courroie de transmission en Amérique ? D’autre part, le débat que nous menons au Québec pour notre survie culturelle et notre indépendance politique, est peut-être aussi le prélude de celui de la France dans une Europe éventuellement anglicisée.
Le projet d’indépendance au Québec, contrairement à ce qu’arguent ses détracteurs fédéralistes, est un projet d’ouverture au monde et non de repli sur soi. Le repli, c’est plutôt le nivellement des diversités culturelles, voire leur négation jusqu’à l’extinction. Nous voulons, au Québec, s’ouvrir, pour : parler en notre nom à l’ONU, signer des traités internationaux en fonction de nos intérêts, signer l’accord de Kyoto, participer à la paix dans le monde, administrer tous nos impôts en fonction de nos valeurs sociales-démocrates, développer notre démocratie par l’émergence de partis politiques idéologiquement définis… aider la francophonie pour le développement mondiale de la diversité.
Allez, il est encore temps de prendre notre destin en main… à l’endroit même, ou, un certain jour de septembre 1659, s’est joué la bataille pour le contrôle de l’Amérique. Mais la question préalable, qui se pose maintenant : combien de temps tolérerons-nous le cheval de Troie étasunien, Stephen Harper, saborder les efforts d’évolution de l’Organisation Internationale de la Francophonie ? D’autant plus que les villageois de la ville de Québec… ont élus des Conservateurs canadiens comme représentant 🙁
Quand nous défendons le français chez nous, ce sont toutes les langues du monde que nous défendons contre l’hégémonie d’une seule
– Pierre Bourgault
De l’Algérie à la Chine, en passant par la France et Haïti, la planète célèbre aujourd’hui le 20 mars la Journée de la Francophonie.
De multiples manifestations sur les cinq continents. Au Québec et ailleurs au Canada français, la Francofête se poursuit jusqu’au 25 mars.
Un rapport rendu public par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) montre que, pour la première fois, 200 millions de citoyens du monde parlaient français en 2006.
Le rapport précédent 2004-2005 de l’OIF chiffrait à 175 millions le nombre de francophones, dont 115 millions parlaient couramment le français.
Je vous laisse ici un podcast vraiment pertinent sur le sujet :
http://212.77.1.235/podcast/00072626.MP3