Municipales Paris 2008 : Mises en perspective
C’est maintenant officiel : À Paris, socialistes et Verts fusionnent leur liste respective pour le deuxième tour des élections (aujourd’hui). Si cette manœuvre était prévue et annoncée par les deux groupes; la voilà maintenant confirmée (après plusieurs soirées de négociation). Cependant, le fait saillant entre les deux tours n’est pas le maintient de l’alliance Vert/PS, mais bien l’écartement de toute alliance formelle de ce couple avec le MoDem. Effectivement, même si le parti centriste à terminé avec davantage de voix que les Verts au premier tour (9,06% contre 6,78%) le PS (ayant 41,6%) aura finalement préféré les Verts comme partenaire plutôt que de forcer un ménage à trois (Les Verts excluant préalablement toute alliance avec le MoDem pour fusionner de nouveau avec le PS). Or, quoiqu’en dit Bertrand Delanoë sur sa volonté de bâtir «un partenariat original» avec le MoDem… mais seulement après le second tour, comprenons plutôt que le MoDem se retrouve ainsi repoussé… hors-jeu.
Tout est en donc en place pour une nouvelle mandature sous la tutelle du maire Delanoë. Mais cette fois, pour une première dans l’histoire, le PS obtiendra certainement la majorité absolue au Conseil de Paris. Ainsi, en considérant la réduction de l’influence des Verts (qui perdent la balance du pouvoir), en considérant que le MoDem sera pratiquement éliminé du conseil de Paris… permettez-moi de penser que tout se déroule comme le planifiait Bertrand Delanoë. Encore une fois, je ne peux que constater le talent stratégique de cet habile politicien. En 2008 à Paris, à force d’astuces, l’Âge d’or des socialistes pourra donc vraiment commencer.
Le rêve de Bertrand
Le maire de Paris devrait donc sortir renforcé de cette élection. Pour la gauche, dimanche, l’enjeu sera ainsi d’atteindre la majorité absolue en parvenant à gagner des sièges supplémentaires par des scores très hauts dans les XIIIe, le XVIIe, le XVIIIe, le XVe et IIe. Ensuite, l’apport du vote vert à la liste de gauche pourra s’avérer déterminant pour faire basculer les Ier, Vème et XVe arrondissements (du jamais vu). Finalement, Bertrand Delanoë pourra gouverner en maitre absolu sur Paris; et quoi qu’en dise le principal intéressé, ce dernier se positionne comme un prochain challenger socialiste à la présidence de la France. Vue sous cet angle, l’ascension politique de Bertrand Delanoë s’avère très intéressantes en tant qu’antidote international au cancer Sarkosiste.
Bien que durant mon stage à l’Hôtel de Ville (dans un état d’esprit totalement partisan) j’étais personnellement très critique à propos des machiavéliques techniques de Bertrand Delanoë (ce qui m’a barré plusieurs portes); aujourd’hui cependant, je vous admettrai avoir été très impressionné par son intelligence. Afin de vous évoquer davantage le charisme exceptionnel du maire de Paris, je vous laisse donc ci-joint l’un de ses discours que j’ai filmé… toujours une expérience en soit.
En effet, en s’imposant naturellement par la fluidité de ses paroles, ce maître de la communication arrive à captiver n’importe quel auditoire. Par ailleurs, durant ses discours, j’ai été frappé par les regards personnalisés qu’il arrive à porter (la communication non verbale). Bref, au plan technique, Bertrand Delanoé est un vrai spectacle; le genre de «performeur» qui fait présentement défaut à la cause souverainiste du Québec. Finalement, mon seul gros «bug» avec lui, c’est son attachement inconsidéré pour les religions (je n’ai vraiment pas apprécié l’utilisation redondante de son expression «laicard»).
La fin de l’ère verte parisienne
Internationalement, donc, si je me réjouis de la montée des socialistes à Paris, si je me régale des déboires de l’UMP, si j’applaudis la leçon donnée aux impertinents centristes du MoDem… je demeure toutefois inquiet par la marginalisation progressive des Verts. En effet, bien que le résultat de la liste Verte mené par Denis Baupin (maire adjoint au transport depuis 2001) soit arrivé à sauver les meubles, je m’inquiète toutefois pour la suite des choses. Formellement, en vertu de l’accord de fusion des listes, les Verts devraient obtenir 9 conseillers si la gauche l’emportait dans les Ier et Ve arrondissements. En comparaison avec le premier tour des élections en 2001, grâce à 12,35% des voix, les Verts avaient négocié 23 conseillers et six maires adjoints. De la sorte, face à l’absolue majorité socialiste, ainsi domestiquée, quel sera le réel pouvoir politique du groupe vert… si ce n’est qu’en formulant des vœux (pieux) au conseil de Paris.
L’influence des Verts existera, j’ai toujours dit que leurs convictions et leurs compétences m’importaient, mais je pense que leur influence sera moins grande dans la prochaine mandature. Cela ne m’amène absolument pas à négliger l’apport extraordinairement important des Verts… la dynamique sera simplement différente
– Bertrand Delanoë
Ainsi, l’écologie et le développement des transports à Paris ne seront plus nécessairement une priorité pour la prochaine mandature socialiste. Pire encore, maintenant qu’il s’est octroyé l’ensemble du crédit des réalisations positives de Denis Baupin (Tramway, Vélib’), il est probable que Delanoë déplace ce dernier vers de nouvelles responsabilités. Bref, les socialistes peuvent maintenant freiner à leur guise la révolution des transports à Paris. Or, si le tandem Delanoë-Baupin passe à d’autres priorités… est-ce donc dire ici que l’heure du bilan a sonné pour les Verts parisiens?
Bien sûr, Denis Baupin affirme vouloir «poursuivre la transformation écologique de Paris». Puis, dans la foulée de l’accord de fusion des listes, les Verts auraient réussi à enrichir le programme des socialistes (mise en place d’une carte fruits et légumes, prolongation des tramways sur les boulevards des Maréchaux, avenir du périphérique, logement social). Mais concrètement, puisque les Verts ont perdu leur rapport de force numérique, nous n’avons plus aucune garantie politique que ces derniers arriveront à convaincre les socialistes de réaliser leurs idées. Concrètement, la majorité socialiste sera libre de faire ce qu’elle voudra bien elle-même réaliser. Alors maintenant, la question sous-entendue : faisons-nous confiance au parti socialiste… c’est-à-dire concrètement, à la structure politique d’un parti majoritaire au pouvoir ?
Les tactiques d’un couple politique
Durant la première mandature Delanoë 2001-2008, le maire avait quand même le beau rôle avec ses partenaires Verts. Ces derniers, responsables des transports par le cabinet Beaupin, instiguèrent une série de changements révolutionnaires (zone réservée aux transports alternatifs, revitalisation des axes rouges, quartier vert, PDP, réseau de tramway, Vélib); mais puisqu’ils étaient également chapeautés par la majorité du maire, Delanoë pouvait aussi s’accaparer le crédit des réalisations. Or, bien que le maire de Paris fût indéniablement le plus grand allié socialiste de la révolution des transports, il était aussi à son avantage de caricaturer ses partenaires écologistes… pour mieux se distancer devant les critiques inhérentes aux changements provoqués. Voyez-vous, c’est un principe élémentaire de la politique, si vous voulez amener le centre (la majorité) sur votre position, il s’avère opportun de vous développer une aile radicale et «autonome» qui s’antagonisera directement avec votre adversaire principal. De la sorte, en repoussant les limites idéologiques de votre programme sur votre allié, vous arriver à vous présenter comme le modéré rassembleur au centre. Bref, les Verts ayant été à l’avant-garde des changements majeurs de la dernière mandature à Paris, leur côte politique s’est ainsi abimée sur la ligne de front (contre les forces de droite). Ensuite, puisqu’il y a un effet de vases communicants entre les électorats socialistes et Verts, les sympathisants écologistes doivent avoir été globalement satisfaits des résultats de la dernière mandature… au point de pouvoir voter socialiste et sanctionner au passage la politique nationale de Sarkozy. Mais la question demeure maintenant, les Verts dorénavant affaiblis… seront-ils jetés après usage par leur «allié» socialiste?
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=1kMAjXf4lDk[/youtube]Voir ici la dynamique pub de campagne du Parti socialiste pour Paris
Vert le Montréal de demain
Avec du recul, je considère aujourd’hui que l’influence politique des Verts à Paris fut un concours de circonstances exceptionnelles. Mais heureusement, il demeure que depuis 2001, les réalisations engendrées par ces derniers sont des exemples concrets à reproduire internationalement. D’autre part cependant, l’expérience des Verts parisiens me démontre aussi que Projet Montréal ne devra pas se laisser peinturer (marginaliser) dans le coin vert. Effectivement, si nous occupons déjà la dimension écologique, Montréal n’a toutefois pas la chance d’avoir présentement un parti socialiste pour compléter le programme «transport/urbanisme» de Projet Montréal. Si bien que pour devenir la réelle alternative (de gauche), notre parti devra développer de nouveaux champs de compétences. Ainsi, dans la lignée des idéaux qui avaient engendré le RCM à l’époque, le logement social, la démocratie participative, la transparence politique et le développement communautaire devraient prochainement être des axes privilégiés par Projet Montréal.
En conclusion, histoire de garder le point de vue des Verts parisiens, je vous invite à suivre le blogue de Jacques Boutault. Effectivement, en vertu de l’accord passé avec les socialistes, le seul maire Vert de Paris conduira aujourd’hui la liste commune… et conservera vraisemblablement son poste dans le 2e arrondissement. C’est donc avec un certain soulagement que je considère la continuité de son travail… à commencer par le maintien de son blogue pour les six prochaines années. D’ailleurs, puisque ce maire est un nouveau modèle de politicien en soit, d’autant plus correspondant à la culture de mon quartier, je souhaiterais un jour vous le présenter à Montréal. Assurément, la visite du «maire-vert» à Montréal, voire carrément de Denis Baupin, donnerait un petit coup de pouce à la promotion de nos projets écologistes.
Mais bon, trêves d’applaudir les réalisations de nos confrères internationaux, il est aussi l’heure d’en faire autant chez nous; et savez-vous quoi… j’appréhende déjà la prochaine élection montréalaise.
« Les Verts ne parlent que de moi et ils ne disent jamais rien sur la droite. Un jour, Denis Baupin finira par s’apercevoir qu’il y a une droite à Paris. »
– Bertrand Delanoë
Décevant Delanoë qui joint socialisme… et libéralisme.
Une chance qu’en France, la vrai gauche (anti-libérale) s’organise
Wow. Merci poir avoir pris le temps d’écrire tout ça. Voilà un sujet sur lequel je ne connaissais rien! Palpitant, une alliance verts-PS. Pas pour demain une telle coalition au Québec!
lutopium— voir ici son dernier article : La défaite de Scott MacKay
Putain que la couverture de ces élections au Québec sont pathétique : hier aux nouvelles (même à la SRC), ils ont juste parlé de la neige sur les toits et de la course de formule 1.
Comme au premier tour, le seul topo qui est arrivé jusqu’à nous n’en avait que pour un petit camouflet à Sarkozy… mais soyons-heureux, son fils à quand même été élu. Le mot « socialiste » n’a même pas été mentionné.
En tout cas, voici ici la carte des résultats à Paris :
Avec un score record de 57,7 % , la gauche amplifie son score du premier tour (41, 6 %) et Bertrand Delanoë est confortablement réélu à Paris. Mais la gauche ne gagne aucun arrondissement de plus dans la capitale française.
Aucun des quatre arrondissements susceptibles d’échapper à l’UMP n’a basculé. Il s’en est fallu de peu dans le V e mais 225 voix d’avance ont offert à Jean Tiberi un quatrième mandat. Idem dans le I e r , où 350 voix ont donné la victoire au sortant UMP Jean-François Legaret. Dans le XV e , Anne Hidalgo (PS) réalise un score historique (47,4 %), mais ne parvient pas à évincer Philippe Goujon. Même « sursaut » pour Annick Lepetit qui, dans le XVII e , progresse de 12 points… mais laisse la mairie à Panafieu.
Un seul siège pour le MoDem. Malgré leurs 9 % au premier tour, les centristes n’enverront qu’une seule élue au Conseil de Paris. La chef de file parisienne, Marielle de Sarnez, a sauvé de justesse son siège dans le XIV e avec 14,5 % des voix.
Les Verts eux, compteront finalement dans la prochaine mandature 9 conseillers de Paris : Jacques Boutault, (2e arrdt) ; Véronique Dubarry, (10e arrdt) ; Christophe Najdovski, (12e arrdt) ; Yves Contassot, (13e arrdt) ; René Dutrey, (14e arrdt) ; Sylvain Grarel, (18e arrdt) ; Danielle Fournier, (18e arrdt) ; Denis Baupin, (…)
La gauche avance à Paris… mais pas de quoi faire la fête comme il y a sept ans donc.