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Posté par le 3 septembre 2007 dans Cinéma

Critique du film Alien vs Predator

Alien vs Predator poster

… Ou vraisemblablement plutôt : Predator 3, la victoire commerciale

Que ce soit pour la simple curiosité de constater l’évolution des séries Alien et Predator ou par l’inquiétude de voir ce mélange altérer l’histoire de ces séries légendaires, aucun adepte de ces séries ne peut être indifférent à la venue de ce nouveau chapitre entremêlant ces deux mondes. En effet, le pari est de taille. Soit que AVP (Alien vs Predator) arrivera à donner un nouveau souffle enrichissant à ces séries appartenant au passé, soit il en détruira l’essence même.

Pour ma part, je ne ressors pas déçu de l’expérience, (À quoi pouvait-on vraiment s’attendre d’innovateur ?) mais finalement plutôt frustré. En effet, j’ai toute l’impression que la série Predator s’est accaparé un gros monstre sacré du cinéma en incorporant les Aliens à son propre monde, et cela, en épurant la complexité du bagage historique de la série Alien. Dans ce film, les Aliens ne sont que des faire-valoir du super prédateur de la galaxie, ils sont des deuxièmes rôles sans réelle profondeur (tout comme les personnages humains d’ailleurs). Or la raison d’être des Aliens sur la Terre n’est du qu’à la volonté des Prédateurs de faire joujou avec eux, si bien que presque tout le long du film, les Aliens ne se retrouveront confinés qu’aux zones dictées par les Prédateurs.

Ainsi, l’histoire de ce film tourne autour du rituel initiatique et guerrier des Prédateurs. Fait intéressant aussi, nous apprenons davantage sur leur relation historique avec l’humanité et la dévotion que certaines civilisations disparues leur vouaient. Une forme de culte sacrificiel consacré à l’espèce qui atteint une perfection mystique par la force pure, l’épreuve ultime étant ici de battre un Alien. Or, l’être humain n’est intéressant aux yeux des Prédateurs que dans la mesure ou nous servons à les divertir par une bonne partie de chasse, ou dans le cas de ce film, à générer une « proie » plus évoluée. Pour eux, je crois comprendre que toute vie est un combat que nous devons être dignes de gagner. C’est un peu le darwinisme poussé à l’extrême, ou la suprématie d’une espèce donnée dépend de sa conquête physique sur les autres espèces prédatrices (de quoi faire plaisir à la politique étrangère étasunienne).


Seul passage intéressant de ce navet, cette scène résumant l’histoire des Predators sur Terre

Mais peu importe ce décor intrigant, il ne sert que de fond pour meubler l’action, car disons le bien, AVP n’est finalement qu’un film d’action dans la lignée des deux premiers volets de la série Predator. Mais à la différence du premier opus, nous n’avons plus grand-chose à découvrir des Prédateurs, sinon une timide évocation de leur culture et religion. En conséquence, le concept du Prédateur est dorénavant démystifié. Alors, exit le mystérieux suspense, l’horreur énigmatique, l’ambiance musicale chargée et les interactions psychologiques entre les personnages. AVP est un film allant droit au but, expéditif et tapageur, qui en définitive est bâti tel un scénario de jeu vidéo. Il s’avère en effet que l’héroïne (pâle émule de Ripley aux allures de Lara Croft) doit avant tout survivre, puis sortir du labyrinthe pour sauver le monde, cela, sans avoir préalablement confronté la reine Alien (encore) dans une finale autant mécanique que totalement clichée. Irrémédiablement, le scénario est linéaire, tout est prévisible, rien ne nous surprend réellement.

Le rythme est donc brutal et excessivement rapide, les scènes d’action y sont stroboscopiques et déroutantes, tout va trop vite, nous n’arrivons pas à nous situer dans l’espace du film. D’une simplicité déconcertante, jamais ce film ne nous laissera le temps de nous mettre dans la peau de ses personnages, lancés ici dans un spectacle tel de vulgaires victimes désignées d’office au Colisée de Rome. Nous regardons donc AVP comme un match à la télévision, cela, sans réelles attaches émotionnelles auxquels nous pouvons nous identifier. Or contrairement aux premiers films de la série Alien, nous ne vivons pas réellement l’univers du film; et nous observons à distance la mésaventure des protagonistes sans trop croire à leur réalité. Pourtant, avec l’ambiance glauque, claustrophobique et sournoisement mystique dans la pyramide, ce film aurait pu réussir à nous effrayer, mais la cadence empressée du film et la surabondance d’action interfèrent sérieusement l’effet dramatique de l’histoire.

Côté scénario maintenant, tout va pour le mieux au début. L’introduction est originale, et s’ancre à merveille dans la chronologie… de la série Predator. En contrepartie, il s’avère qu’en déroulant l’action en 2004, ce film devient par le fait même le précurseur de la série Alien, ce qui amène son lot de perplexité. D’ailleurs, l’utilisation de l’acteur Lance Henriksen (Bishop, les androïdes dans Aliens et Alien 3) dans le rôle de Weyland est des plus maladroite; se voulant probablement une tentative d’explication pour l’intérêt que porte aux Aliens la compagnie Weyland-Yutani. Mal à propos, ce Weyland humaniste et courageux n’a rien à voir avec la future philosophie de sa compagnie, qui, recherchant obsessionnellement le profit en manipulant allègrement dans l’ombre à distance, sera dans la série Alien des plus fourbes et capitalistes. D’autre part, dans le premier épisode Alien se déroulant en 2122, comment expliquer la méconnaissance totale de la Weyland-Yutani pour les Aliens, ceux-ci ayant eu directement affaire à ces extra-terrestres sur Terre en 2004? Par ailleurs, en rapport aux précédents volets de la série Alien, pourquoi avoir drastiquement réduit dans AVP le temps de gestation de l’Alien dans l’hôte… si ce n’est que pour le bête besoin de compression de l’histoire du film? Le scénario de AVP est donc cousu de fil blanc, et rend finalement celui-ci discordant avec les précédents opus de la série Alien. Or il y a, quant à moi ici, profanation de l’origine des Aliens dans l’histoire.

Il faut dire que nous pourrions penser que l’origine de mêler le monde imaginaire d’Alien à celui de Predator nous vient du petit clin d’œil fait par le film Predator 2 (1990), nous laissant entrevoir rapidement un crâne d’Alien parmi la collection de trophées du Predateur. Toutefois, il n’en ai rien, la genèse de cette idée étant bien expliquée dans le dernier fascicule du comic Aliens vs Predator. C’est donc cette première série de comic AVP, écrit en 1989 aux éditions Dark Horse (soit une année avant le film Predator 2), qui est à l’origine du mélange. D’ailleurs, toutes les grandes lignes scénariques de notre film AVP y sont déjà présentées : Les Prédateurs implantant sur d’autres mondes des œufs d’Aliens pour leur chasse initiatique, le marquage du visage de l’héroïne à l’acide d’Alien par un Predator reconnaissant… et ce même personnage central (Machiko, alias Lex dans AVP le film) qui s’intégrera éventuellement à un clan de Predator grâce à ce marquage. Or, étant donné que maintenant les humains sont introduits à la culture des Prédateurs, qu’il eut plusieurs comics AVP depuis la série initiale de 1989, et surtout, que la fin du film AVP et des plus ouvertes, nous pouvons fort parier pour un éventuel AVP 2 dans un proche avenir. Voilà qui commence à bien expliquer la logique derrière ce mélange… une logique commerciale.

En effet, si ce film ne s’est pas simplement appelé Predator 3 comme il aurait dû, c’est qu’il allait être doublement rentable en utilisant l’Alien comme tête d’affiche. (Pauvre bête si subtile réutilisée de façon abusive dans un scénario on ne peut plus caricatural). Et que dire du nom Alien versus Predator, une décision marketing où le sujet du film est présenté comme un vulgaire match de lutte sensationnaliste. Nous comprenons ici une volonté de cibler une nouvelle clientèle beaucoup moins mature et critique que les adeptes des séries originales, particulièrement la nouvelle génération qui fréquente davantage les cinémas. D’ailleurs, les choix de faire un film court et de dérouler son action en 2004 vont dans ce sens. Ainsi, plus accessible que jamais (13+) et apprêté aux goûts du jour, AVP aura donc tout pour gagner sa part de recettes aux guichets. Cependant, AVP risque fort bien de diminuer la valeur cinématographique de la série Alien, ou pire, de perdre les vrais amateurs du genre qui ont maintenant vieilli (mais ça c’est comme l’ordre 937 dans le premier Alien … toute autre considération est secondaire et l’équipage peut être sacrifié). Voilà donc l’odeur de la recette du film vite fait et impérativement rentable.

Alien vs. Predator – Official Movie Trailer

En conclusion, j’aurais à la rigueur accepté ce film s’il avait assumé son titre de Predator 3, quitte, pour les besoins du scénario, à faire l’emprunt attentionné des Aliens. Mais d’imposer par le titre le nivellement de la série Alien à celle de Predator, c’est un envahissement du deuxième sur le premier. Par les Aliens, la série Predator s’est donc appropriée des monstres de choix pour relancer sa notoriété, quitte à sacrifier au passage celle de sa victime. Finalement, nous pouvons donc affirmer que dans AVP, le Prédateur aura eu la tête de l’Alien. Mais, comme le dit si bien le sous-titre de AVP, peu importe dans cette histoire qui sera le vainqueur, nous perdons… car nous irons par troupeaux contribuer aux guichets de la 20TH Century Fox.

Ma note sur 10
7.5 dans la perspective Predator
2.5 dans la perspective Alien
5 dans la perspective néophyte

« L’ennemi de mon ennemi est mon ami »
– proverbes arabe

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