Quand les rats quittent le navire
On dit souvent du Parti Québécois (PQ) qu’il est le navire amiral de l’indépendance, un navire devant conduire le Québec à sa destination historique, sa terre promise : le pays. Depuis sa fondation, le PQ est une coalition de gens et de groupes de diverses tendances réunis dans le but de réaliser l’indépendance d’un nouvel État, le Québec. Il s’agit là de l’article premier de son programme.
Aujourd’hui encore, on retrouve, au PQ, une pluralité d’idées parfois difficiles à concilier, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit du seul parti qui puisse aspirer faire du Québec un pays. Ainsi, on retrouve des gens plus à droite, des gens plus à gauche, des environnementalistes, des nationalistes, qui se regroupent les uns avec les autres sur la base du fait qu’ils sont tous indépendantistes; sur la base du fait que tous jugent l’indépendance nécessaire à la réalisation de leurs objectifs spécifiques. Le PQ n’est parfait aux yeux de personne, mais quoiqu’on en dise, ce parti a des structures démocratiques où quiconque peut s’exprimer, faire valoir son point de vue et espérer le faire adopter par les membres du parti.
Au-delà de la question nationale, la coalition formée au PQ est cimentée par le bipartisme qu’entretient notre mode de scrutin uninominal à un tour propre au parlementarisme britannique. Historiquement, au Québec, les luttes électorales se sont menées à deux. La montée du PQ, dans les années 70, allait consolider davantage cet état de fait. Depuis 1970, aucun autre parti que le Parti Libéral du Québec (PLQ) et le PQ n’ont été élu. Ces deux partis s’affrontent donc élection après élection avec la question nationale pour toile de fond. Sur le plan socio-économique, le PQ est au centre-gauche du spectre alors que le PLQ est plutôt centre-droit. Ça ressemble à ce que l’on peut observer dans d’autres États qui vivent le bipartisme. Les tendances prononcées sont marginalisées.
Cette fois-ci, la lutte va se faire à trois. L’ADQ représente maintenant, semble-t-il, une option valable pour les électeurs québécois. Avec sa position autonomiste, l’ADQ se place entre PQ et PLQ sur la question nationale. Au niveau socio-économique, l’ADQ n’est pas au centre, mais davantage à droite que le PLQ, ce qui place le PQ comme la seule véritable alternative aux deux partis fédéralistes. Puisque deux des trois partis qui aspirent former le prochain gouvernement sont de tendance néolibérale, on aurait pu croire que le PQ serait en mesure de rallier les progressistes et les environnementalistes avec un programme social-démocrate et résolument tourné vers le développement durable. Ça ne semble pas être le cas, Québec Solidaire (QS) et le Parti Vert (PV) récoltent chacun plus de 5 % des intentions de vote, sondage après sondage. Si cette prévision se concrétise, ce sera plus de 10 % des suffrages exprimés qui ne serviront pas à contrer la montée de la droite.
Bien entendu le PQ n’est pas aussi à gauche que Québec Solidaire et pas aussi vert que les verts. Il y a des progressistes aux PQ, il y a aussi des environnementalistes, cependant ils ont choisi de faire partie d’une coalition politique. Ces gens ont choisi d’unir leurs efforts au sein de ce parti pour que le Québec devienne un jour effectif dans toutes les sphères de compétences normalement dévolues à d’État. Ils ont délibérément fait le choix d’un parti qui n’est pas homogène à bien d’autres égards. Ils doivent donc promouvoir leurs idées à l’intérieur du parti et tenter de les faire adopter par les instances. Bien sûr il faut parfois faire des compromis ou même laisser tomber une idée, mais c’est le prix à payer pour avoir une chance de réaliser l’indépendance d’un nouvel État. Pour ça, en effet, l’exercice du pouvoir est absolument nécessaire. Pour ça, en effet, il faut gagner le pouvoir.
Que des progressistes et des environnementalistes fédéralistes ne soient pas au PQ est tout à fait normal. Que des indépendantistes soient à Québec Solidaire ou chez les verts est tout à fait navrant. C’est navrant parce qu’en plus de ne pas voter pour le seul parti qui puisse faire l’indépendance rapidement, ils s’apprêtent à voter pour un parti qui aura moins de 10 % des suffrages alors que pour être élu, il en faudra 30 % au bas-mot. C’est navrant parce qu’en plus de ne pas voter pour le seul parti qui puisse faire l’indépendance, ils garantissent, en divisant le vote indépendantiste, l’échec total et permanent du seul projet qui soit susceptible de permettre la mise en oeuvre concrète du programme progressiste qu’ils défendent : la réalisation de l’indépendance d’un nouvel État au Québec. Présentement, le PLQ, le PQ et l’ADQ sont à près de 30 % des intentions de vote. Pour ne pas laisser le Québec encore quatre ans avec à sa tête un tenant de la droite conservatrice, le PQ doit prendre le pouvoir. Les indépendantistes doivent voter et ils doivent voter pour que ça compte! Les supporters de QS et du PV doivent prendre une décision importante. Nous n’avons pas un mode scrutin proportionnel, c’est peut-être souhaitable, mais il faut vivre dans la réalité.
L’on peut dire et penser bien du mal du Parti Québécois, l’on peut le trouver trop à droite, trop à gauche, trop près des syndicats, trop favorable au patronat, pas assez ci ou pas assez ça. L’on peut aussi cesser de seulement le dire et le penser et investir le Parti Québécois. Le MES n’est pas d’accord en tout point avec la plate-forme du PQ, mais nous nous y rallions. Nous sommes derrière le PQ, nous oeuvrons à son élection. Nous le faisons parce que nous voulons l’indépendance, nous le faisons parce que nous ne voulons ni Charest, ni Dumont à la tête du Québec. Mais surtout, si nous sommes derrière
le PQ, c’est que nous croyons que les idées que nous défendons n’ont plus de chance de se concrétiser que dans un État indépendant, et, pour ça, l’on doit les défendre dans un parti qui a une chance légitime de prendre le pouvoir. Nous aurions pu quitter lâchement le PQ, mais nous avons choisi d’y rester. Ce n’est pas en quittant le navire qu’il pourra aller dans la bonne direction.
Félix Pinel
Mouvement pour une élection sur la souveraineté