À la défense de Patrick White : Une réflexion sur les dilemmes du journalisme moderne
Introduction : Les enjeux d’une affaire médiatique
L’affaire Patrick White, qui semble susciter un écho certain aujourd’hui, m’interpelle pour des raisons personnelles. En tant que modeste pionnier du journalisme citoyen au Québec et gestionnaire de mon propre blogue depuis 2006, j’ai dû moi-même réfléchir aux questions éthiques liées à la publicité dans un paysage médiatique en constante mutation. Patrick White, en tant que directeur du programme de journalisme à l’UQAM, se trouve au cœur des enjeux actuels qui secouent le monde du journalisme, tels que l’intégration des IA, la concentration des médias, la montée des fake news, la censure de l’actualité nationale sur Facebook et le désengagement de l’État dans le financement des médias. Ces défis illustrent la complexité de sa situation et les dilemmes auxquels les journalistes modernes sont confrontés.
Ma décision de défendre White est également motivée par son courage face au wokisme ambiant. Son comportement contre la culture d’annulation, si souvent valorisée par les partisans de cette idéologie, m’inspire à soutenir la solidarité et la présomption d’innocence, trop souvent éclipsées par des jugements populaires alimentés par des propos édulcorés.
Analyse critique : Le Montréal Campus et La Presse
Parlant de journalisme, la couverture de l’affaire White par le Montréal Campus, un journal étudiant, apparaît plus comme une tentative de règlement de comptes qu’un journalisme équilibré. Le parti pris dans l’article est évident, tant dans son ton sensationnaliste que dans sa structure et le choix des informations. L’ancien politicien en moi perçoit une « job de bras ».
En effet, la nomination de Jean-Hugues Roy au poste de White à l’UQAM, l’acteur clé de cette « révélation » présenté dans ledit article, ajoute une couche de complexité et de conflit d’intérêts à l’affaire. Cette situation, ignorée par les auteurs du Montréal Campus, puis aujourd’hui par celle qui lui donne une portée nationale Isabelle Hachey dans La Presse, renforce paradoxalement le cynisme envers le journalisme dans son ensemble.
Ainsi, ce faux scandale semble davantage axé sur la recherche de clics – et la destruction d’une carrière – plutôt que sur un rapport objectif et nuancé des faits. Si bien que face à cette lacune, je me sens poussé par l’urgence et la responsabilité d’apporter une perspective critique et nécessaire à cette histoire complexe. Ironiquement, d’ailleurs, il devrait incomber aux journalistes professionnels, et non à un simple blogueur comme moi, de fournir des nuances et de révéler les conflits d’intérêts. Ce procédé toxique de mise en exergue d’une histoire médiatique dans l’objectif de s’approprier un poste rémunéré est, à mon avis, plus grave en termes d’éthique que ce qu’on reproche à Patrick White. Mais d’ailleurs, que lui reproche-t-on exactement ?
Content Farms : Comprendre le cœur du problème
La question des « content farms » est centrale dans l’affaire Patrick White. L’absence d’explication claire sur leur fonctionnement dans les articles accusateurs souligne un manque de compréhension… voire de mauvaise foi. Encore une fois, on se devra ici de faire le travail que ces journalistes n’ont pas fait, et d’expliquer ce procédé. À cet effet, je vous invite à lire un excellent article des Décrypteurs sur le site de Radio-Canada, qui prend justement la balle au bond de cette affaire aujourd’hui pour remettre les pendules à l’heure. L’article met en lumière la stratégie de backlinking en y révélant que l’utilisation des content farms pour intégrer des liens vers des casinos en ligne n’est pas limitée au blogue de Patrick White… mais est une pratique courante dans plusieurs médias québécois.
Parallèlement, l’expert en sécurité informatique Luc Lefebvre souligne que l’intégration de ces articles automatisés sur le blogue de White, donnant l’impression qu’il en était l’auteur, constitue une faute d’intégration plutôt qu’une grave faute éthique. Cette situation doit être mise en perspective avec d’autres problèmes plus sérieux dans le journalisme, comme les conflits d’intérêts et le harcèlement, souvent négligés. La réaction disproportionnée à cette affaire met en lumière une certaine hypocrisie dans le milieu médiatique.
Alors, aux belles âmes qui se sont offusquées à l’unisson aujourd’hui en exigeant promptement l’annulation sociale de Patrick White, j’espère que vous serez cohérent avec votre jugement moral et que vous demanderez le même châtiment public à tous les autres acteurs médiatiques qui utilisent ce procédé.
Pour un journalisme plus éthique et équilibré
En conclusion, il est crucial de défendre une couverture médiatique juste et équilibrée. Bien que Patrick White ait commis une erreur de jugement dans l’intégration d’un content farm sur son blogue personnel, cette faute ne devrait pas être disproportionnellement amplifiée au point de remettre en question sa carrière entière. Il convient de considérer cette affaire dans son contexte global, en tenant compte des pratiques courantes dans le domaine des médias.
Par ailleurs, je trouve malheureux qu’il faille utiliser aujourd’hui un simple blogue indépendant pour mettre en lumière des nuances ignorées dans les médias traditionnels. Or, cette affaire, avec ses multiples facettes, démontre finalement le besoin impératif de pluralité, de nuance et d’intégrité dans notre approche journalistique en général.
Parlant de blogue, outre le poste de Patrick White, l’autre victime de cette affaire est justement son propre blogue. Son annulation de l’espace publique n’est pas une victoire pour le journalisme, l’éthique ou la diversité d’opinions, mais simplement pour la culture d’annulation… voire au successeur du poste de Patrick White. Pire encore, alors que cette tempête se dissipera, des grands médias continueront d’utiliser des « content farms »… sans pour autant susciter l’indignation soulevée par cette affaire.
Bref, cette histoire laisse malheureusement transparaître une hypocrisie collective qui mérite une introspection profonde sur le rôle des journalistes dans la société… justement le genre de défi que le prochain directeur du programme de journalisme à l’UQAM devrait devoir relever avec zèle. Or, parions ici que Jean-Hugues Roy est l’homme de la situation pour ramener l’enseignement du journalisme dans le droit chemin.
Le journalisme, c’est imprimer ce que quelqu’un d’autre ne veut pas imprimer. Tout le reste, ce sont des relations publiques
– George Orwell
Je suis le directeur de l’École des médias, et je comprends votre position qui est bien argumentée. Toutefois, laisser entendre (comme de plus en plus de gens semblent tenter de le faire dans cette histoire) que Jean-Hugues Roy « profite » du départ de Patrick White à la coordination du programme de journalisme n’est tout simplement pas vrai. Jean-Hugues y était (à la coordination) avant Patrick, et aurait très bien pu y rester s’il avait voulu. Il n’y a aucun avantage (en terme financier ou de prestige) associé à la fonction, c’est essentiellent une tâche cléricale et somme toute assez fastidueuse.