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Posté par le 24 septembre 2006 dans [référence à un livre], Histoire, Politique municipale, Politique nationale

Changer le nom du Boulevard Saint-Joseph pour celui de Robert Bourassa : hors de question!

Une excellente caricature de Serge Chapleau

Une excellente caricature de Serge Chapleau

Le boulevard Saint-Joseph est l’axe le plus large Est-Ouest traversant le Plateau Mont-Royal à Montréal. Sincèrement, si les noms de rues portant le préfixe « saint » me laisse indifférent, je trouve totalement subversive l’idée de donner le nom de Robert Bourassa à l’une des rues du Plateau. En effet, cristalliser la mémoire de l’ancien premier ministre libéral au sein même du quartier de Montréal qui a définitivement rejeté celui-ci lors de l’élection historique du PQ en 1976, c’est un déni de l’histoire qui ne peut être poussé que par des forces fédéralistes. Ainsi, cette idée, logiquement politique, se veut quelque part la revanche ultime de l’entourage de feu Robert Bourassa pour réorienter subtilement l’identité du Plateau Mont-Royal. Voici donc l’occasion de se rafraîchir la mémoire.

Robert Bourassa et ses démons internes

Robert Bourassa… et ses démons internes

Rappels historiques de quelques faits qui démontrent l’évolution sociopolitique du Plateau Mont-Royal:

Gérald et Pauline

Gérald Godin et sa femme Pauline Julien dans leur maison du Plateau

  • 1976 (15 novembre) : Le Parti Québécois est élu une première fois au pouvoir, René Lévesque devient Premier ministre. Dans Mercier, Gérald Godin bat Robert Bourassa, alors premier ministre, et contraint celui-ci à un premier retrait de la vie politique.
  • 1976 à 1994 : Gérald Godin, représentera de façon interrompue le comté Mercier à l’Assemblée nationale; il sera élu, puis réélu à quatre reprises sous la bannière du Parti québécois, soit en 1976, 1981, 1985 et 1989.
  • 1985 à 1993 : Robert Bourassa est réélu Premier ministre, il siégera dans le comté de Saint Laurent, dans l’ouest de Montréal.
  • 1990 (23 juin) : Terre-Neuve et le Manitoba ayant refusé de le signer, l’Accord du lac Meech,projet fétiche piloté par Robert Bourassa, est officiellement mort. L’option souverainiste atteint dans les sondages un sommet historique.
  • 1991 (20 juin): L’Assemblée nationale du Québec, alors à majorité libérale, adopte une loi qui prévoit la tenue d’un référendum sur la souveraineté du Québec avant le 26 octobre 1992.
  • 1992 (3 septembre) : L’Assemblée nationale amende la loi 150 pour que le référendum prévu sur la souveraineté du Québec devienne un référendum sur l’accord de Charlottetown. Bourassa déclarera « ce n’est pas tout à fait le Lac Meech mais nous avons fait des gains substantiels ». Jean Allaire, Mario Dumont (président de l’aile jeunesse du Parti) et plusieurs militants, quittent le Parti libéral et fondent un nouveau parti: l’Action démocratique du Québec (ADQ). Les partisans de la souveraineté du Québec descendent dans la rue pour exiger un référendum sur la souveraineté.

Boubou

  • 1992 (26 octobre): Tous les Canadiens votent par référendum sur l’accord de Charlottetown. Résultats canadiens: NON à 56,7%. Résultats québécois: NON à 57%. Les Québécois votent majoritairement NON parce qu’ils comprennent bien que cet accord ne satisfait même pas les revendications dites «minimales» du Québec énoncées en 1987. Les Canadiens anglophones votent aussi NON pour la raison contraire; selon eux, l’accord fait trop de concessions au Québec. Une fois de plus, les Québécois et les Canadiens auront été incapables de s’entendre… et la seule voie qui semble alors ouverte au Québec est la souveraineté politique.
  • 1994 (24 octobre): Robert Perreault, le successeur péquiste de Gérald Godin, est élu dans Mercier avec 8044 voix de majorité. Il siégera dans Mercier jusqu’à sa démission à la fin de l’an 2000.
  • 1995 (30 octobre): Référendum sur la souveraineté du Québec. L’option indépendantiste est défaite par quelques poussières (à vrai dire, se sera plutôt par l’entremise de plusieurs fraudes électorales). Cependant, le comté de Mercier votera pour le OUI à 63%, le deuxième meilleur résultat à Montréal après Hochelaga. Une caractéristique incroyable pour un quartier cosmopolite.
Le référendum volé

Un livre incontournable

Aujourd’hui : Le Plateau est toujours le bastion de la gauche souverainiste, le cœur artistique du pays, un espace de réflexion à l’avant-garde du débat sociopolitique au Québec. Ainsi, l’histoire le démontre explicitement : la population de Plateau Mont-Royal ne partage pas la vision fédéralisante que Robert Bourassa avait du Québec… nous nous sommes même donné l’honneur de le rejeter définitivement du quartier en 1976 au profit d’un poète souverainiste. Par ce fait d’arme historique, le Plateau s’est trouvé une identité, une identité qui rayonne toujours sur tout le Québec. Vouloir nous imposer le nom de Robert Bourassa comme axe majeur dans notre quartier, alors que nous avons toujours combattu ses idées politiques, c’est une arrogante insulte qui nie intrinsèquement le Plateau comme société distincte (sans jeu de mots). En définitive, je souscris totalement à ce que mentionne notre ancien député, Robert Perreault, dans le Journal Le Plateau de cette semaine : le nom de Robert Bourassa n’a pas sa place sur le Plateau.

«Monsieur Bourassa n’a pas été un des grands premiers ministres du Québec. Avec l’échec de Meech, il aurait eu l’occasion de poser un geste pour l’avenir du Québec. Il a plutôt cédé à ses peurs. Il a toujours surfé sur l’air du temps. Velléitaire, il ne croyait pas à l’avenir du Québec. Bourassa a eu la chance de faire l’indépendance du Québec au lendemain de Meech. Il avait affirmé que le Québec ne serait plus jamais le même et qu’il formait une société distincte. Le moment était venu de faire un référendum. Il n’a pas osé».
Robert Perreault

De mon côté, je pense que Robert Bourassa représente à lui seul, l’un des pires attributs en politique, soit l’ambiguïté à l’état pur. Une caractéristique qui nous aura fait socialement perdre beaucoup de temps (quatre mandats), une caractéristique que les forces fédéralistes ont tout intérêt d’ailleurs à nous faire valoriser. Par ailleurs, Bourassa aura toujours fait preuve d’une mollesse et d’un aplatventrisme inégalable face au gouvernement fédéral canadien ; l’apothéose en ce sens étant la mis en branle de l’accord de au profit d’un référendum sur la souveraineté comme cela avait été démocratiquement décidé par l’Assemblée nationale. (Pour des informations détaillées sur cet épisode politique, lire les deux livres de l’ex journaliste Jean-François Lisée : Le Tricheur, puis Le Naufrageur

Le Naufrageur

Robert Bourassa n’aura jamais rien réalisé de concret pour les Québécois (Jean-François Lisée tient des propos plus mesurés sur le personnage dans cet excellent article Robert Bourassa, 10 ans plus tard). Sa seule grande action historique aura été de manoeuvrer pour torpiller lâchement le mouvement souverainiste qui s’emparait de son propre parti après l’échec de l’accord du Lac Meech. Il aura même échoué la négociation de notre reddition constitutionnelle auprès des Canadiens anglais (référendum sur l’accord de Charlottetown). En définitive, il est l’incarnation de nos pires faiblesses, le symbole vivant du Québec résigné à se fondre dans le Canada… mais de surcroît, rejeté par celui-ci. Alors, est-ce vraiment la volonté des citoyens du Plateau de glorifier la mémoire de Robert Bourassa dans le quartier… ou plutôt, celles de forces fédéralistes externes qui veulent briser subtilement l’esprit de résistance des Québécois ?

À ce sujet, comparez bien l’article complaisant du journal «La Presse» annonçant le sujet comme étant déjà décidé. En effet, il y aurait supposément « une énorme pression » sur la Ville de Montréal pour changer le nom du boulevard St-Joseph ; et ici, la population locale n’aurait pas grand-chose à dire semble-t-il (c’est très symbolique tout ça !). La réponse à cet article, c’est celui d’Alain Perron, notre unique journaliste de quartier pour le compte du journal «Le Plateau». Dans cet article, les bases de notre défense sont en effet bien exposées.

Franchement, je trouve pathétique la volonté d’honorer la mémoire de ceux qui symbolisent notre soumission, voire notre défaite collective. C’est par ce genre d’indice social, justement, que je trouve les Québécois colonisés et moribonds (D’ailleurs, pouvez-vous m’expliquer pourquoi la statue de l’amiral Nelson tient toujours debout au cœur de la place Jacques-Cartier?). Vous savez, d’où je suis présentement à Paris, tout rend hommage à ceux qui se sont battus pour la France, voire vaincus pour celle-ci. Il est totalement incongru dans un pays indépendant de glorifier les traîtres, les soumis et les conquérants; par définition, je conclus donc que le Québec est loin de son indépendance.

Nelson Column at Montreal

Statue de l’amiral Nelson à Montréal, devant la mairie ?!?

Allez, il est encore temps, dans le Plateau, de réaffirmer notre souveraineté d’esprit. Bien que je suis partisan d’une rue à l’hommage de Gérald Godin (Pontiac ou Gilford), je préconise tout de même l’initiative de donner aussi de façon simultanée une rue à Robert Bourassa (après tout, il était l’homme du compromis et de la concession). Alors, que diriez-vous de lui donner le nom de «la ruelle Bureau», vous savez, le sinueux chemin juste en arrière de la rue Rachel. En effet, non seulement cette ruelle est à la grandeur de l’homme en question, mais elle rend aussi parfaitement hommage à la tradition politique de l’ancien premier ministre libéral : une opération discrète, coordonnée « par la porte d’en arrière ».

Une famille qui crie est une famille unie
– Gérald Godin (Extrait de L’ange exterminateur)

Je me souviens de Gérald

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2 Commentaires

  1. Mon cher Robert

    Il semblerait que l’idée circule de renommer une rue à ton nom. Je t’avouerai que je m’en fous complètement. J’imagine que tu ne seras pas le premier être douteux à prêter son nom à une artère quelconque. Cependant, j’espère que ce ne sera pas un sentier trop passant parce que «je me souviens». J’ai souvenance d’un certain mois de juin où l’on avait annoncé la mort de l’accord du Lac Meech. Tu as alors bien parlé. On a su après que tu n’étais pas sincère. Tu avais un carré d’as dans ton jeu et tu t’es lamentablement assis dessus. Tellement pitoyable.

    Un grand leader aurait immédiatement saisi l’occasion, une occasion qui la plupart du temps ne se reproduit pas deux fois dans l’histoire d’un peuple. Mais tu n’étais pas de cette graine là. Tu as préféré louvoyer, tergiverser et temporiser à un point tel que tu as même réussi à confondre ton propre parti. Imagine donc alors comment tu as pû mêler le peuple québécois. Jamais un premier ministre du Québec n’avait bénéficié d’un tel rapport de force avec le reste du Canada et tu as tout gaspillé. Absolument lamentable.

    Un visionnaire aurait vu tout de suite l’opportunité qui s’offrait et aurait mobilisé son peuple pour qu’il profite au maximum de ce rare et fort consensus. Mais de vision, tu n’en avais pas. Tu ne voulais que te maintenir au pouvoir et l’éclosion d’un pays ne faisait pas parti de ton agenda. Tu as donc continué à jouer maladroitement avec le destin de tout un peuple. Tu es toujours resté un provincial comme le disait Bourgault. Tu as préféré continuer à diriger un presque gouvernement plutôt que de chercher à obtenir tous les pouvoirs nécessaires à l’épanouissement de ton peuple. Complètement pathétique.

    Pourtant les Québécois t’ont aimé. J’imagine que tu étais le miroir qui leur renvoyait toutes leurs indécisions, toutes leurs peurs et tous leurs complexes. Tu les guidais dans les méandres de tes hésitations. Tu les dirigeais à contre courant et à l’envers du temps en leur faisant ravaler leur passé et cracher leur avenir. Pour toi, il valait mieux se contenter d’un minuscule petit pain plutôt que de posséder la boulangerie. Profondément navrant.

    Je ne sais pas comment tu te sens du haut de ton nuage quand tu observes patauger ton pauvre Québec dans cette mare canadienne. Imagines-tu tout le temps que tu nous a fait perdre ? Si tu avais porté tes culottes, nous serions un pays depuis plus de 15 ans. Réalises-tu que nous sommes de plus en plus minoritaires à l’intérieur de ce pays ? Bientôt nous ne déciderons plus rien. Ne vois-tu pas que ce pays prend de plus en plus une direction qui n’est pas la nôtre ? Dans peu de temps ce pays ne parlera plus pour nous. Inquiétant n’est-ce pas ? Voilà pourtant ton oeuvre.

    Moi, je t’imagine bien triste sur ton petit cirrus effiloché et ce n’est pas donner ton nom à une rue qui te sortira de ta mélancolie. Je veux bien reconnaître que tes gouvernements ont réussi des réformes importantes mais je ne peux m’empêcher de réaliser que l’essenteil, tu l’as raté. Pour toi, l’heure est mainteanat aux regrets et c’est long l’éternité.

    Que les remords t’accompagnent.

  2. Dans la même édition, Le Devoir publie un article sur la peur légendaire des québécois, et un autre sur Robert Bourassa. Pour moi, les deux articles sont liés.

    Rien ne m’apparait plus révélateur à cet égard que l’écrasement de Robert Bourassa à Charlottetown, en 1990. Soit la décision de ce dernier d’aller négocier quand même, tout en sachant pertinemment qu’à peu près tout déjà avait été décidé, et que la cause était perdue d’avance. Ensuite, les efforts déployés pour présenter cette humiliation comme une grande victoire pour le Québec. « Que voulez-vous, c’est mieux que rien… » Pour moi, Bourassa est tout simplement le premier ministre qui aura fait le plus reculé le Québec.

    Curieux quand même que les québécois aient élu à quatre reprises ce leader si peu charismatique. Cet homme, qui n’est pourtant pas un Phénix, après avoir été déclaré politiquement mort en 1976, a pu renaître de ses cendres quelques années plus tard et rééditer l’exploit de Maurice Duplessis, le seul qui soit parvenu, avant lui, à regagner son poste de premier ministre.

    La triste vérité en ce qui concerne Robert Bourassa, c’est que les Québécois du temps se reconnaissent en lui, de la même façon que ceux des années cinquante voyaient en Duplessis une image rassurante d’eux-mêmes. Autrement dit, et pour reprendre ici les mots d’Yves Beauchemin, Bourassa était alors « notre plus bas commun dénominateur collectif »…

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