Brouhaha sur le Plateau-Mont-Royal
Définitivement, nous sommes entrés dans l’ère des communications 2.0 en politique. En effet, quelle ne fut pas ma surprise de voir l’un de mes propos écrits sur Facebook mentionné dans le texte Silence, Montréalais! paru simultanément dans les sections opinions du Devoir et de La Presse. Que Renaud Plante exporte notre débat dans Facebook sur la place publique est de bonne guerre. Que ce «spécialiste en communication» parle de lui-même à la troisième personne en omettant de mentionner qu’il soit le Rosemontois cité dans son article l’est beaucoup moins. Mais bon, la méthode est à l’image de son texte opportuniste. Car, si Renaud Plante inscrit son initiative dans la polémique du moment (à propos de la nouvelle réglementation sur les nuisances sonores que s’est dotée le Plateau-Mont-Royal), il s’agit formellement d’une critique sur la décentralisation des pouvoirs accordés aux arrondissements. Si bien qu’en sourdine, nous y entendons le discours centralisateur de Vision Montréal.
Pourtant, en juin 2008, par l’entremise de son maire dans Ville-Marie, Vision Montréal avait exactement voté les mêmes modifications apportées au règlement sur le bruit de la Ville de Montréal. Concrètement, cela veut dire de faire une distinction entre les personnes morales (entreprises, associations et groupes) et les personnes physiques, afin d’y indexer le montant des amendes en conséquence. En ce moment, non seulement il n’y a pas eu de tollé médiatique, mais personne n’aura claironné que le centre-ville s’isolait sur lui-même en déclarant la guerre au monde culturel. Deux poids, deux mesures donc. Car, voyez-vous, c’est la tendance lourde du moment: lorsqu’il est question du Plateau-Mont-Royal, tout est matière à devenir un débat médiatique et à casser du sucre sur notre dos.
Qu’à cela ne tienne, je me servirai moi aussi de l’occasion pour, finalement, recentrer l’attention sur les objectifs de notre réglementation.
D’entrée, loin d’être une lubie « des bourgeois du Plateau », vous devez savoir que cette mesure émane originellement du SPVM. En effet, croulant littéralement sous une avalanche de plaintes concernant le bruit (plus de 3000 plaintes au cours des cinq derniers mois), nos policiers ne répondent plus à la demande. Ainsi, cette situation affecte les patrouilles courantes puisqu’elle nous coûte davantage d’heures-personnes par mois de travail par nos policiers. Cependant, sur les centaines d’établissements ayant un permis d’alcool dans le quartier (250 dans le poste #38 à lui seul), ce n’est qu’une minorité de bars qui suscite la majorité des plaintes. Ainsi, malgré des centaines d’avertissements et des dizaines d’amendes aux tenanciers concernés, ces irréductibles délinquants sociaux persistent à défier l’ordre public. Vraisemblablement, les amendes antérieures étaient trop basses pour avoir un effet dissuasif.
En augmentant drastiquement les amendes aux personnes morales, l’objectif tient à forcer un dialogue avec la les institutions fautives et faire ainsi respecter l’aspect résidentiel du quartier. Pour les cas à l’extérieur de cette minorité de récidivistes, les policiers ont toujours la discrétion d’imposer une première amende contre une personne physique (donc d’imposer une amende beaucoup plus basse). Ici, la stratégie du SPVM est donc de rechercher la collaboration, puis d’appliquer une gradation dans l’imposition des amendes.
Maintenant, comprenez bien que notre objectif politique est d’éviter que l’Avenue du Mont-royal, cet axe à vocation mixte au centre socio-économique de notre quartier, ne se change en une deuxième rue Saint-Laurent. Car, en effet, il s’avère que nos pubs traditionnels se transforment graduellement en «discothèques». Subséquemment, en important dans nos rues une faune tapageuse toute droite sortie du film fast and furious, ces nouveaux roitelets de la nuit augmentent le sentiment d’insécurité des citoyens et chassent des résidents de leur quartier. Le but n’est donc de transformer le Plateau en quartier-dortoir, voire de s’en prendre à la scène culturelle (!?!), mais bien de préserver notre tissu sociologique.
En définitive, Renaud Plante ne s’est pas donné la peine de comprendre les réels enjeux sociaux avant de soumettre son texte précipité. Et dans ce procès d’intention où il tente d’expliquer la préséance de tous les Montréalais (et autres visiteurs nocturnes) sur les attractions du Plateau, nous entendons avec cette arrogance, que les nuisances sous-jacentes, elles, n’appartiennent qu’aux résidents. Qu’importe l’endroit ou nous sommes et les quartiers ou nous habitons, ne devrions-nous pas avoir, tous et chacun, la responsabilité de respecter l’environement sonore d’autrui, d’autant plus lorsque la raison du bruit est inutile ou gratuite?
Une société intelligente sait se projeter dans l’avenir; pour après se donner les moyens d’intervention adéquats afin d’influer positivement son environnement. Face à l’individualisme primaire s’exprimant à travers l’impunité accordée aux nuisances sonores, notre responsabilité d’administration municipale est de ramener un équilibre pour protéger notre milieu de vie. Or, que cela déplaise au «lobby des clubs», aux centralistes de Vision Montréal et autres adeptes du Plateau bashing, il était de notre devoir politique d’utiliser les moyens à notre disposition pour réajuster le contrat social quant à la gestion du bruit en ville.
Ce sont les tonneaux vides qui font le plus de bruit
-Proverbe français
Question : Si l’application du règlement sur le bruit concerne surtout les « party animals » de « the fast and the furious », alors pourquoi la police dit-elle sur la page du dit règlement, que :
« Saviez-vous que la majorité des plaintes reçues dans les postes de quartier vise les bruits excessifs dans un immeuble ? »
Ah bon?!
L’établissement où je travaille collabore depuis toujours avec les autorités sur cette question, travaille à mieux insonoriser ses locaux, etc. Nous ne nous sentons pas menacés par ce nouveau règlement. Toutefois, mon intuition me dit qu’il y a quelque chose d’étrangement bâclé dans la gestion de ce dossier. Notamment, sur la responsabilisation des personnes morales à propos du comportement de personnes réelles. Ça n’a aucun sens. C’est infantiliser la population pour éviter de la paperasse et gonfler les amendes. C’est déléguer des responsabilités policières aux citoyens/entrepreneurs. Déjà que les portiers doivent procéder à des « arrestations » lorsque ça brasse, même à l’extérieur des établissements et immobiliser parfois 10-15 minutes un mec violent après un appel au 911. Allez-vous donner aux commerçants des retours de taxe pour leur assistance aux policiers (les patrouilleurs, par ailleurs, sont très très courtois et nous expliquent bien souvent que les ordres viennent d’en haut…ooops)?
D’autre part, quand les politiciens comprendront-ils que la mixité, quellle qu’elle soit, n’est qu’un beau rêve, du wishful thinking. Les pauvres et les riches, les « purs-laine » et les immigrants, les jeunes et les moins jeunes, commerçants bruyants et amateurs de silence, ça ne se mélange pas naturellement, et ça se mélange généralement mal lorsqu’on le leur l’impose.
Il est clair que l’arrondissement doive séparer les choses qui ont à l’être plutôt que de chercher des compromis entre belligérants braqués sur leurs positions. Par exemple, protéger les très très nombreuses artères tranquilles du bruit et de la circulation intense. Mais en contrepartie, délimiter clairement la vocation des secteurs commerciaux, culturels, etc. pour responsabiliser le futur résident à mieux choisir son « spot » en fonction des zones de l’arrondissement.
L’autre hic, dans ce débat, c’est l’argumentaire des élus (et des cadres de la police), que les commerçants viennent s’établir sur l’Avenue pour profiter de la super clientèle, alors que, dans les faits, si on regarde les 15 dernières années, c’est l’inverse qui s’est produit. La gentrification du Quartier s’est faite PAR l’ouverture de nouveaux commerces (des jeunes entrepreneurs à la recherche de locaux abordables). La revitalisation d’un quartier ne se fait généralement pas par le résidentiel en premier lieu, mais par l’augmentation de l’activité culturelle, commerciale, communautaire. Qu’on vienne me contredire là-dessus. Quand Wired a placé le Plateau en 3è place sur sa liste des quartiers les plus « hip », les agents d’immeuble ont commencé à solliciter les babyboomers et les jeunes familles aisées pour leur vendre des condos qui, assurément, prendraient plus de valeur qu’un compte d’épargne stable. Et vlan, on mélangea l’inmélangeable et on croit à tort que le consensus viendra, avec un coup de pouce législatif.
Come on…
Et pour votre information, les locaux commerciaux vacants sur l’Avenue sont en grand nombre. La SDC ne cesse de le répéter… Alors cette super clientèle, elle a perdu de son charme ou quoi?
C’e n’est sûrement pas en lèchant les bottes du directeur de police et en prenant ses théories pour du cash (30 plaintes par jour, j’en recevais plus que ça comme attaché politique et, à 20$ de l’heure, je prenais mon trou). Si on vivait dans le Bronx, ou même dans Côte des Neiges ou Rivière des Prairies, je serais bien d’accord à soulager les policiers de cette charge de travail. Mais sur le Plateau, les agents sont bien, ne risquent pas leur vie à chaque quart de travail, font face à une clientèle plus aisée, éduquée, tranquille, bien élevée et qui collabore avec eux lorsque nécessaire. Alors quand on critique Union Montréal ou Vision Montréal, il faut faire attention : le nouveau règlement reflète plus la continuité philosophique des vieux partis que le progressisme : serrer la vis pour économiser des coûts, me semble qu’on en a l’habitude.
D’autre part, n’est-ce pas un peu démagogique que de ne parler que de la quantité de plaintes, et non de la quantité de plaignant-es? Je suis prêt à parier, après 20 ans à participer à différentes SDC (SIDAC), à démarrer des entreprises et à observer la vie de l’arrondissement, comme citoyen et comme gérant de commerces, que les « hargneux-chiâleux » sont souvent les mêmes qui portent plainte à répétition, et ils sont connus dans le quartier. On pourrait sûrement réduire le nombre de plaintes à moins de 1000 si on les calculait par plaignants. Avez-vous, à Projet Mtl, la réponse à ce questionnement?
Pour terminer, j’adore de façon générale comment l’arrondissement gère ses dossiers. Cependant, je sens une grosse tendance à la facilité dans ce dossier-ci. Je me demande souvent, d’ailleurs, quelle est la moyenne d’âge et la provenance des gens sur votre comité des relations entre résidents et commerçants. Au dernier conseil d’arrondissement, la porte-parole a fait preuve exemplaire de mauvaise foi, lors de sa présentation des « délinquants de la livraison ». Le coup du 18 roues ne contenant que 2 barils de bière méritait à tout le moins un rappel à l’ordre. Aucun fournisseur n’est assez con pour envoyer un 18 roues sur la route pour 2 barils! Et votre équipe, la plus brillante que le Montréal Politique ait eue, semble être tombée dans le piège comme des novices.
D’ailleurs, y a-t-il des représentants de commerçants sur ce comité? Et qui sont-ils? Et reste t-il de la place, parce que ça commence à me démanger. Je trouve ce comité un peu 1)biaisé 2)démagogique 3) Aux orientations qui ne réflètent en rien l’image que j’ai de la population du Plateau/Mile-End. Je ne peux, comme résidant et travailleur de l’arrondissement depuis 1984, permettre à une minorité venue s’installer pour profiter de la spéculation immobilière (c’est mon sentiment) de dénaturer la jeunesse et le dynamisme que ma génération a réinsufflé la vie dans ce quartier où, en 1982, je venais au cinéma (avant qu’il ne ferme et ne devienne un magasin à 1$ jouxté à une esthéticienne…) et participais à la vente-trottoir (qui ressemblait bien plus à un marché au puces cheap). À ce que je peux constater, on se dirige peut-être vers la fin de l’âge d’or du Plateau… Déjà, les jeunes entrepreneurs lorgnent Masson et Villeray. Pas bon pour le Plateau, ça, vraiment pas bon…
Tous ces arguments militent en faveur d’une réflexion sur l’urbanisme, l’échec de la mixité, de nouveaux points de vue sur l’atteinte de l’équilibre communautaire dans un monde individualiste.
Voilà…