Pages Menu
Menu catégories

Posté par le 29 mai 2008 dans Cinéma, Evénements, Musique

Dédé, à travers les Brumes

Sébastien Ricard

Il y a déjà 8 ans que Dédé Fortin s’est fait Seppuku. Or, bien que son souvenir se dissipe tranquillement dans les brumes du temps, l’image d’André Fortin et des Colocs se recomposera bientôt à travers un film. En effet, Jean-Philippe Duval est actuellement en train de réaliser : Dédé, à travers les brumes; un film qui nous transportera, entre autres, dans l’espace-temps où Dédé Fortin et ses Colocs se retirent pour composer leur dernier album, Dehors novembre. Cependant, afin de reproduire des extraits «live» des spectacles, la production recherche présentement des figurants pour composer l’assistance.

Pour ma part, puisqu’au référendum de 1995, j’étais alors en fonction comme scrutateur, je n’avais pu me rendre au lancement d’Atrocetomique au Medley. Mais aujourd’hui, le destin me permettra de me rattraper en allant rejoindre l’évocation de ce mythique moment… et par le fait le fait même, de revivre l’état d’esprit du référendum.

Des fois, je pense que Dédé Fortin symbolise quelque part l’agonie du rêve collectif des Québécois. Mais puisque ce rêve n’est pas encore mort, puisque nous sommes tous un peu Dédé… et que Dédé vit toujours parmi nous, j’irai donc retrouver l’extraordinaire énergie qu’il nous aura transmise au cous de sa vie… et qu’il nous transmet encore.

Le 12 JUIN 2008
Endroit: Medley (Montréa)
Heures: 12h à 19h
Âge: 18 à 50 ans, Hommes & Femmes
Dans cette scène, nous reproduirons ce qu’aura été pour Les Colocs le lancement du disque ATROCETOMIQUE le soir du référendum au Medley.
Chanson: Atrocetomique

En passant, dans un article intitulé Les derniers mots de Dédé Fortin sur le site de Radio-Canada, on retrouve un texte, sans titre, de Dédé Fortin. Le titre laisse croire que ce serait l’un des derniers écrits de l’artiste. Le voici en primeur.

Comme le temps est pesant en mon âme escogriffe
Un grand ciel menaçant, un éclair qui me crie
Ton cœur est malicieux, ton esprit dans ses griffes
Ne peut rien faire pour lui et tu es tout petit

Les nuages voyageurs font des dessins abstraits
Ils me parlent de bonheur que jamais je n’entends
Je pourrais faire comme eux et partir sans délai
Léger comme une poussière transportée par le vent

Et dans la solitude de ma danse aérienne
Le courage revenu, je trouverais les mots
Je réciterais sans cesse des prières pour que vienne
La douceur du silence d’un éternel repos … mais

Épuisé que je suis je remets à plus tard
Le jour de mon départ pour une autre planète
Si seulement je pouvais étouffer mon cafard
Une voix chaude me dirait : tu brilles comme une comète

Comme la lune est moqueuse quand elle s’empare du ciel
Elle me regarde aller comme une lampe de poursuite
Je voudrais la détruire ou me poser sur elle
Étourdi par son charme qui jamais ne me quitte

Et dans la solitude de ce nouveau départ
J’aurais tout à construire pour accueillir la paix
Et tout mon temps aussi pour prévenir l’univers
Que la joie est revenue et qu’elle reste à jamais mais

Condamné par le doute, immobile et craintif,
Je suis comme mon peuple, indécis et rêveur
Je parle à qui le veut de mon pays fictif
Le cœur plein de vertige et rongé par la peur


En attendant le film, je vous laisse avec la lettre que j’avais composée à la mémoire de Dédé, une lettre qui a été publiée dans le courrier des lecteurs du journal Ici la semaine après sa mort.

Dédé Fortin

Ou comparer ci-bas avec la version intégrale

Novembre interne

La vie est parfois amère et bizarre. Quand j’ai appris ton départ Dédé, je venais tout juste d’arrêter d’écouter ton dernier album, «Dehors Novembre», que j’avais finalement arrivé à louer à la Phonothèque la veille. La nouvelle me fit un véritable choc, un coup de poing en pleine figure qui m’envoya au tapis. J’ai beau dire que je ne suis pas croyant, des fois on pourrait se laisser dire qu’il y a des signes équivoques. Moi qui venais pour la première fois de palper l’état d’esprit de ton dernier disque, je devais conceptualiser avec résistance ta disparition. Je remis consterné le son de ta conscience dans le lecteur CD, et j’y ai bu en larmes chaque parole avec réflexion. De cette deuxième écoute je discernai un autre son de cloche: tu regardais directement dans le fond de l’abysse… mais l’abysse aussi regardait au fond de toi. Quand on regarde la mort dans les yeux, la vie peut y perdre son sens.

J’ai encore souvenance de mon premier contact avec ton esprit. C’était en 95 dans le studio d’une émission culturelle animée par René Homier-Roy à radio-canada. Tu avais été invité en tant que représentant de la génération X à t’exprimer sur le sujet. Ainsi par ton franc parlé, ta lucidité, ton courage, ta sensibilité, ton authenticité et ton dévouement, tu fus pour moi une heureuse révélation. Je fut séduis de voir en toi la même énergie qui m’anime, cette rage de vivre de l’homme en quête d’absolu, ce désir de prendre sa place au monde avec ses valeurs… nos valeurs. Tu mérita de la sorte ma compréhension, mon plus grand des respects et mon approbation totale. Je pense que tu le perçus par le regard profond que nous nous échangeâmes pendant une pause publicitaire. Par ta présence, je pouvais enfin me sentir représenté sur la scène sociale québécoise, et jamais tu me déçut.

Je n’oublierai jamais que tu as eu la force de relancer notre moral en démarrant le party au Medley lors de la défaite référendaire, je n’oublierai jamais d’avoir dansé comme le feu pendant tes prestations, je n’oublierai jamais tes nombreuses implications sociales pour répandre un peu de bon sens en ce bas monde, je n’oublierai jamais tes adieux à l’ADISQ ou tu nous confiais que le fait de t’écouter t’empêchait de devenir fou.

Mais maintenant nous sommes orphelins dans ta folie Dédé. Non tu n’étais pas tout seul, y fait frette actuellement dans nos p’tit cœurs. Ton départ a transformé notre mois de mai en novembre.

Pourtant je respecte ta décision. Tu as fais plus que ta part, davantage que n’importe quel de nos carriéristes de politiciens. Dans un contexte culturel aliénant ou nous sommes voués à n’être que des récepteurs relégués à une image autre que la nôtre, tu as su diffuser ton énergie et faire ta place dans ce monde ou tout ce qui compte n’est que pouvoir et profit. Tu étais l’un des rares à considérer ton public comme une opinion plutôt qu’un marché. En refusant de te complaire dans le confort et l’indifférence, de jouer le jeu des exploiteurs endimanchés aveuglant la population d’artifice et de bonheurs préfabriqués, tu as pris fait et cause pour ton peuple mésadapté et rêveur. Ce peuple, si souvent traité à tort de raciste par ses détracteurs, que tu démontra finalement chaleureux et ouvert d’esprit par tes alliances et ta musique multiculturelles. Comme tu me rendais fier d’être québécois Dédé. Bref, tu t’en étais mis beaucoup sur les épaules, le poids de nos espoirs, de notre combat. Tu t’es offert corps et âme. La vie, tu t’y ai donné à fonds.

Ton combat de vie doit continuer. Après ton passage, ton essence est toujours encore en nous, nous ton public. Et ta mort c’est un peu la nôtre. Je ne peux donc pas accepter ta disparition sans rien faire… ce serait hisser le drapeau blanc, d’accepter ta mort spirituelle; notre reddition. Si t‘étais pas fait pour vivre dans ce monde, ben moi non plus je ne le suis pas. Tu ne me laisses aucun choix. Je dois aller au front compenser la perte de ton talent, ce générateur d’énergie; ton souvenir me poussera à m’accrocher à nos rêves, à me dépasser pour survivre.

Le lendemain de l’annonce de ton trépas, je ne pus dormir. La vie est un long voyage et j’avais toujours cru qu’un jour on allait se croiser en tenant une bonne discussion. C’est ainsi, histoire de finalement m’entretenir avec toi, qu’à 3 heures du matin je pris la direction de ta demeure en t’apportant une bière. Bien que je sois resté jusqu’à 6 heures, je ne pus me recueillir seul avec toi tellement le deuil est grand dans notre communauté. En cette soirée cependant, j’y ai constaté la naissance d’un symbole éternellement jeune, d’une légende bien québécoise.

C’est pourquoi aujourd’hui je t’écris: pour te dire adieu et t’assurer que la relève est là. Ton œuvre reste inachevée, mais elle poursuivra son évolution dans la conscience des citoyennes et citoyens de ton pays fictif.

Ton étoile vient peut-être de s’éteindre dans le ciel du Québec, mais ta lumière elle brillera encore longtemps en nous. Le rayonnement de ton âme va survivre dans la mémoire de ceux qui t’ont aimé, et crois moi, nous sommes beaucoup plus que tu pouvais le penser.

Merci Dédé de nous avoir si intensément éclairé. J’en garderai à jamais la mémoire au cœur.

Carl

7 042 visionnements
Article précédent «

» Article suivant

4 Commentaires

  1. je ne fait que penser a lui et que jaurais aimer le conaitre plus que cest musique de tout facon je vais pouvoir le connaitre plus dans mes reve et un jour que mon tour va etre desider a venir chercher mon ame . xxx

  2. J’ai beaucoup apprécié lire le texte que tu as écrit à la suite du décès de Dédé. J’ai assisté à une soirée de tournage du film la semaine dernière et j’en suis sortie avec un grand sentiment de deuil. De voir Sébastien Ricard ressembler et chanter tellement comme ce grand homme m’a virée toute à l’envers. Il a chanté ‘Le répondeur’ pendant une pause (j’avais vu le clip du Festival d’été de Québec en 99 sur youtube) et c’était surréel… J’imagine que d’avoir les deux mêmes chansons jouer en boucle pendant plusieurs heures, d’applaudie la performance pendant tout ce temps a laissé une empreinte profonde dans mon esprit… Ca me fait du bien d’en ‘parler’…

  3. 8 ans plus tard, ce texte est aussi touchant… Merci Carl, merci Dédé!

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *