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Posté par le 27 novembre 2007 dans Entomologie, Interpersonnel, Photographies, Souvenirs

Nouvelles observations sur des araignées du Québec

araignées Je l’admets… je n’ai pas touché à la section photographique de mon blogue depuis mon retour d’Europe (début 2007). Mais étant un photographe amateur prolifique (mon appareil photo ne me quitte jamais), je compte bien arriver ici à déposer méthodiquement certaines photos issues de mon quotidien. Alors, cet article relatant mes dernières observations sur des araignées québécoises sera un prétexte idéal pour réactiver mon webalbum.

Par ailleurs, bien que je catégorise ce blogue dans le domaine politique, je constate cependant que sa relative popularité est finalement issue de ma spécialité entomologique. Formellement, si mes articles politiques peuvent (tout de même) susciter rapidement l’attention, leur achalandage s’épuise dans le temps. Or, contrairement à ma catégorie prioritaire, mes articles entomologiques, eux, sont intemporels. Si bien que ces derniers entretiennent un trafic constant vers mon blogue. D’autre part, ayant donc des sujets spécialisés (voire unique), je constate (via Google Analytics) que Google priorise ainsi mon blogue lorsque certains mots-clefs entomologiques sont saisis. Parallèlement, cette dynamique fait accroître la valeur de l’ensemble de mon contenu… ainsi, concrètement, mes insectes tirent vers le haut la cote globale de mon blogue.

Or, parlant d’envol, justement, j’ai un article entomologique qui caracole présentement en tête de mes articles le plus visionnés. Formellement, l’article sur l’araignée jaune Chiracanthium mildei a dernièrement dépassé les 2000 visionnements (une première dans mon cas). À ce sujet, il faut dire que depuis son jour de parution au mois de juin, quelques internautes y ont sporadiquement déposé une dizaine de commentaires (ce qui contribue à l’amélioration des références enregistrées par Google). Si bien que cet article est littéralement en train devenir un miniforum à propos des hypothétiques morsures nocturnes. Sincèrement, si je ne sais toujours pas quoi penser sur cette hypothèse, il demeure indéniable que nous sommes sur la bonne voie pour résoudre ce mystère. Donc, en attendant de nouvelles observations des internautes à ce sujet, je vais aujourd’hui m’attaquer à la tâche de répondre aux commentaires de l’article en question… D’autant plus que j’ai moi-même de nouvelles observations sur certaines espèces d’araignées du Québec à vous faire part.

La partie dans cet article sur l’araignée Chiracanthium mildei est la suite directe de mon article : Cette année à Montréal, il y aura des morsures… soyez attentifs à l’araignée jaune “Chiracanthium mildei”

Mais avant d’enclencher le sujet, je dois vous avouer une évolution personnelle depuis ce premier article sur les araignées. Effectivement, je me suis vraiment découvert une réelle passion pour ces petits arthropodes. Bien que je suis toujours réticent à manipuler les araignées avec mes mains, je les trouve désormais plus sympathiques, voire, peut-être… quasiment jolies (si on ne les regarde pas de trop proche quand même). Par ailleurs, puisque ma phase d’observations actives des araignées coïncide avec les débuts de ma relation avec ma nouvelle compagne, il est vrai que ces dernières symbolisent aussi les fils s’étant depuis tissés entre nous. Maintenant, laissez-moi donc vous raconter les prémisses de notre toile d’araignée.

Suivre le fil d’Ariane… ou plutôt, le fil d’Anne-Marie.

J’ai rencontré Anne-Marie dans un party à la fin de juillet. À dire vrai, l’hôtesse de la soirée étant dans le domaine de la coiffure, les convives dans cette fête étaient franchement gais. Or, histoire de tout de même garder un intérêt pour la fête, je m’octroyai rapidement le rôle de barman attitré. Ainsi, non seulement je pouvais pratiquer l’une de mes passions aisément, mais avouons-le aussi, être barman est toujours un poste stratégique dans un party. Si bien que durant cette soirée, soyez assurés qu’Anne-Marie fut, bizarrement, la cible de divers cocktails spéciaux.

Mon artillerie de la soirée :  

cosmo.jpg

Le Cosmopolitan est présentement dès plus à la mode (m’a t’on dit, à cause de la télé-série Sex and the city), idéal pour briser la glace

Pink Lady .jpg

Il ne faut jamais abuser du Pink Lady (excessivement sucré), mais assurément, sa frappante couleur flattera votre « prospect » de la soirée. Mise en garde ici : Pensez-y deux fois avant d’offrir ce drink à un homme 😉

gin tonic

Le Gin Tonic est facile à boire et ne donne pas la gueule de bois le lendemain. Rafraîchissant, il est aussi l’un des seuls cocktails à pouvoir être consommé à plusieurs reprises durant une soirée entière.

De la sorte, disons que le lendemain matin… je me suis retrouvé dans la chambre d’Anne-Marie; une pièce s’avérant dans un demi-sous-sol à Repentigny. Or, ce genre d’environnement est aussi très propice pour rencontrer les colocataires à huit pattes.

C’est donc ainsi qu’Anne-Marie a découvert la présence d’une «grosse» araignée maraudant dans les draps du lit. Formellement, si cette situation se profilait comme un premier test de virilité, ma réaction ne sera ni la panique, ni l’écrabouillement de l’intrus… j’accourrai plutôt chercher mon appareil photographique. En effet, si j’ai rapidement identifié l’araignée comme un banal membre de la famille des tégénaires (grâce aux nombreux commentaires générés par cet article, il s’avère plutôt ici d’une araignée-loup), le spécimen en question se démarquait alors par son abdomen boursouflé de plusieurs petites bosses. Concrètement, c’était la deuxième fois que j’observais cette caractéristique… caractéristique, quand nous y regardons de plus près, qui s’avère finalement être les bébés de l’araignée accroché à son abdomen. Voilà donc qui démontre clairement le fort instinct maternel de cette espèce d’araignées… voilà qui relance mes interrogations sur le cannibalisme supposé de certaines araignées. Effectivement, la rumeur quant au fait que les bébés-araignées puissent délibérément dévorer leur génitrice m’a souvent été évoquée. Mais, à bien y penser, cette image horrifique me vient peut-être simplement du film Blade Runner. Vous savez, dans ce film, une androïde relate son souvenir (implanté) d’apercevoir, dans sa fenêtre, une araignée se faire dévorer vivante par sa progéniture. Comme quoi, d’ailleurs, toute croyance collective peut s’appuyer sur des perceptions erronées. Peu importe, après avoir ainsi photographié le spécimen en question, j’ai évacué évidemment l’indésirable famille de squatteurs de la maison. Ensuite, grâce au zoom de l’écran LCD sur mon appareil photographique, j’ai démontré à Anne-Marie le gros plan de la famille en question.

araignée-loup

La photo en question

Évidemment, en focalisant ainsi sur les bébés-araignées, je lui ai parlé de mes questionnements sur le supposé sacrifice maternel de cette espèce d’araignée. C’est à ce moment, pour constater la suite des choses, que j’ai réalisé qu’il aurait été intéressant d’élever quelque temps ce spécimen. Toutefois, en repérant les prochaines photos qui iront dans ma galerie entomologique, j’ai remarqué un élément de réponse dans le décor de cette fameuse tégénaire araignée-loup de Repentigny… un détail qui s’avère aussi quelque peu troublant. Effectivement, en prêtant notre attention aux alentours de l’araignée, nous pouvons y apercevoir quelques bébés…. Vraisemblablement lâché dans les draps du lit d’Anne-Marie.

bébés tégénaire

La même photo… mais avec un peu de recul cette-fois

En toute logique, nous seulement nous comprenons ici que nous avions alors dormi en bonne compagnie, mais dans une optique plus entomologique, nous déduisons aussi que la tégénaire femelle doit plutôt rependre sa progéniture que de se laisser dévorer. À bien y penser, sur un plan évolutif, déplacer ici sa descendance aux quatre coins de son environnement s’avère une pratique très avantageuse; d’autant plus que cela minimise la compétition des petits pour le territoire à occuper.

Gros plan sur l'araignée Loup

Gros plan sur l’araignée loup

L’araignée jaune à pieds noirs (Chiracanthium mildei)… la suite

fiche chiracanthium

Quelques jours après ma rencontre avec la tégénaire, j’ai finalement rattrapé un spécimen Chiracanthium mildei qui rôdait dans mon logement (probablement le même individu qui avait instigué mon premier article sur le sujet). Mais cette fois-ci, plutôt que d’éliminer le squatteur, je lui aménageai un vivarium afin d’en apprendre davantage sur sa biologie.

chiracanthium_mildei

Ma captive en train de siroter les fluides d’une pyrale de la farine. Ici, vous remarquerez que ces deux espèces d’arthropodes se retrouvent fréquemment dans nos habitations.

Décidément, des plus mobiles, Chiracanthium mildei ne semblent pas apprécier la captivité : en effet, recherchant le moindre interstice afin d’échapper de sa prison, le spécimen passera ses périodes d’activités (des heures entières) à faire le tour de son vivarium (ainsi, la Chiracanthium mildei est virtuellement en mesure de parcourir plusieurs kilomètres par jour). Puis, quand elle décide d’aller finalement dormir dans son cocon blanchâtre, elle peut y demeurer ainsi, complètement immobile, durant plusieurs jours entiers (pas très intéressants à observer pour l’éleveur).

cocon de chirancanthium

Un abris typique de chiracanthium… décidément sa marque de commerce

Ah oui, fait à noter, je ne sais pas si c’est à cause de l’éclairage artificiel dans ma chambre qui l’aurait désynchronisé, mais mon spécimen n’a jamais semblé suivre un cycle distinct entre le jour et la nuit (ce qui remet nettement en question mes théories émises lors de mon article initial). D’une adhérence hallucinante, cette espèce d’araignée semble totalement échapper aux lois de la gravité (il faudrait étudier davantage l’agent adhésif au bout de ses pattes). Ensuite, chirancanthiul Mildei semble finalement aveugle (ou presque). En effet, l’araignée jaune ne semble pas réagir visuellement aux mouvements, mais plutôt, spécifiquement aux vibrations physiques. De la sorte, mon spécimen ne m’a pas démontré de grandes aptitudes de chasse, ignorant durant des heures entières les proies offertes dans son vivarium. Bref, la technique de chasse de Chiracanthium mildei semble être de marcher aléatoirement jusqu’à rencontrer un contact physique… et là, clac… morsure assurée!!! Et non, la grande question : je n’ai pas testé les conséquences d’une morsure (pourtant, il faudra bien un jour qu’un humain tente l’expérience).

Bon, fort de ces nouvelles observations, je vais maintenant répondre aux commentaires des internautes m’ayant écrit à ce sujet.

  • @Jessica: En effet, cette araignée peut vraiment faire des bonds spectaculaires lorsqu’elle est en mode d’alerte. D’ailleurs, une petite anecdote ici. Lors d’une escapade chez ma blonde en octobre dernier à Sherbrooke, dans la nuit, j’ai dû tuer une première araignée jaune qui dévalait, directement sur nous en ligne droite, le mur perpendiculaire à nos oreillers. Le lendemain matin, découvrant un cocon d’une deuxième araignée jaune, j’ai tenté d’écraser le spécimen à l’intérieur… mais comme c’était (évidemment) dans un recoin et que je ne voulais pas exécuter l’opération avec mes doigts, je n’arrivais pas à trouver un objet convenable pour l’écrabouiller. Alerté par une première tentative infructueuse, le spécimen est promptement sorti de son cocon… pour directement bondir sur mon visage. Ici, croyez-moi, la surprise m’a littéralement fait crier comme une fillette (pas fort pour un exterminateur en devenir). Par ailleurs, durant cette période d’octobre, Anne-Marie m’a confié avoir découvert plusieurs spécimens dans son logement, une observation qui corrobore le fait que cette araignée d’origine méditerranéenne s’introduit dans nos demeures en automne pour hiverner. Alors, logiquement, l’intrusion doit arriver par le pourtour des portes et des fenêtres.
  • @Jeff: Ton commentaire me permettra de raconter la suite de mon anecdote ci-haut. En effet, un peu avant le fameux bond d’une araignée jaune sur mon visage, j’avais remarqué une petite boursouflure sur l’une de mes mains en me levant. Le sujet de l’heure étant alors la potentielle morsure de cette araignée, il était évident pour Anne-Marie que Chiracanthium mildei était la responsable… ce qui me ramène donc au point de départ de mon article initial. Ainsi, j’ai répondu alors à ma compagne que je doutais toujours de la véracité de cette hypothèse. Premièrement, si morsure d’araignée il y avait, il devraient apparaître deux petits points au milieu de la plaie (car il est bien question de morsure plutôt que de piqûre). Puis, j’ai lu quelque part sur le net (je ne sais plus où) que la sensation d’une morsure de Chiracanthium était similaire à celle d’une piqûre de guêpe (ce qui est très douloureux pour ceux qui l’ignoreraient). Alors, non seulement pareille douleur a matière à réveiller un mort, mais nos petites boursouflures matinales n’ont rien à voir avec cette description. Alors, le mystère demeure, car si ce n’est pas l’araignée jaune le responsable de ces lésions nocturnes, quelle est donc l’identité du coupable ?
  • @Anne: C’est alors qu’Anne-Marie a enchaîné ici d’une nouvelle observation, à savoir qu’un arthropode l’a blessée à trois endroits rapprochés durant une nuit (comme la blonde de Jeff). La «piqûre» a cette fois 2 points dans le centre de la boursouflure… comme une morsure d’araignée et non pas une piqûre de moustique. Voilà donc un témoignage équivoque allant vers la thèse de la morsure d’araignée, mais comme l’exprime elle-même Anne-Marie, le bémol est que cette «morsure-piqûre» ne fait pas aussi mal que celle d’une guêpe.
  • @Tof: Merci beaucoup d’avoir apprécié mon article. D’ailleurs, comme vous, j’avais toujours lutté contre le “mythe de la piqûre d’araignée”, d’autant plus que je n’arrive toujours pas à expliquer fondamentalement les raisons qui motiveraient les araignées à nous mordre durant notre sommeil. Non seulement, cela me semble insensé, mais pourquoi diantre le méfait surviendrait-il toujours lorsque nous dormons. Alors, comme vous, je recherche encore un ouvrage qui trancherait définitivement la question. Tenez-moi au courant si vous trouvez un jour la réponse.
  • @JoeMaster: He bien, sincèrement, de mon côté, je ne sais trop comment j’arrive à spécifiquement identifier une espèce d’une autre… disons que j’ai probablement un sens naturel pour ce domaine. Toutefois, comme n’importe quel sujet d’étude, l’expérience cumulée permet toujours d’accroitre son niveau d’expertise; d’autant plus que dorénavant avec l’Internet, il est d’autant plus facile d’identifier les diverses espèces d’insectes. Cependant, désolé pour ta requête MSN, depuis la création de mon blogue et l’arrivée de Facebook, je n’utilise plus ce logiciel que pour le travail de groupe. J’espère que ce nouvel article répondra à quelques-unes de tes interrogations; mais n’hésite pas à revenir me commenter pour des réponses plus pointues.
  • @Cali: Votre témoignage est le premier à clairement évoquer l’aspect de la douleur. Évidemment, puisque je recherche toujours des preuves quant à la responsabilité de l’araignée jaune à cet effet, j’aimerais avoir plus de détails concernant cette expérience. Formellement, avez-vous vu une araignée vous mordre, et si oui, dans quel contexte cela s’est-il passé. Bien sûr, une photo de la blessure nous serait aussi d’une grande utilité.

Voilà donc où nous sommes rendus avec le dossier de la Chiracanthium mildei et des mystérieuses «piqûres-morsures» nocturnes.

La dolomède

fiche dolomedes

Bon, maintenant, je vais vous introduire à une espèce que j’étudie activement. En effet, j’élève présentement quelques spécimens de l’araignée Dolomedes scriptus. Bien qu’il s’avère que les dolomèdes sont définitivement l’espèce d’araignée la plus volumineuse que nous pouvons trouver au Québec, n’ayez crainte toutefois. Du fait qu’elle évolue dans un environnement semi-aquatique, la dolomède ne devrait jamais se retrouver dans nos habitations (cependant, il y a une espèce, la Dolomedes tenebrosus, qui pourrait évoluer dans un environnement complètement terrestre). Pour ma part, j’ai trouvé mon spécimen en août dernier, aux abords du lac Rossi dans le Parc national du Mont-Tremblant. Effectivement, histoire d’aller faire du canot-camping et voir les étoiles, Anne-Marie et moi étions alors partis fuir la ville quelques jours.

Le lac Rossi dans le Parc national du Mont-Tremblant

la sainte-paix

Par ailleurs, ce qui est anecdotique ici, c’est que deux jours avant de capturer la dolomède en question, j’avais parlé de cette espèce lors d’un party-barbecue dans les Laurentides. Formellement, une certaine Karine, affolée, prétendait avoir été «attaquée» par une énorme araignée en allant aux toilettes du chalet. Après vérification, «l’araignée» en question était finalement qu’un vulgaire faucheux. Or, non seulement le faucheux est totalement inoffensif pour les humains, mais ce n’est pas vraiment une araignée.

faucheux

En effet, cette espèce d’arachnide n’a pas un céphalothorax comme les araignées : les pattes du faucheux sont donc directement incrustées dans l’abdomen.

Étant donné la frayeur de Karine à la vue d’un simple faucheux, je ne pus m’empêcher de lui dire qu’elle devrait prier pour ne jamais rencontrer une dolomède. En effet, moi-même, la première fois que j’ai vu cette sorte d’araignée, j’avais du mal à croire à la situation tellement j’étais surpris par la grosseur de la «bête». Auparavant, je ne croyais simplement pas les témoignages concernant ce genre d’araignée au Québec. Or, c’est ainsi que je racontai à Anne-Marie l’anecdote (ci-dessous) à propos de ma rencontre initiale avec la Dolomède.

une dolomède, oui c'est gros !!!

les dolomèdes peuvent atteindre des proportions impressionnantes

C’était donc au début des années quatre-vingt-dix. J’étais alors dans la région de Lachute sur un terrain sauvage appartenant à ma tante Lise, terrain, sur lequel cette dernière avait planté une roulotte. À ce moment, élevant à Montréal diverses sortes de poissons indigènes (ce que nous appelons «ménés» en bon québécois), je suis allé ainsi à la chasse aux petits poissons. Alors équipé d’un simple filet fabriqué en moustiquaire et d’un pot vide de la marque Rougemont, je me suis dirigé ainsi vers un vieux quai délabré aux abords d’un lac noirâtre. Et là, une fois arrivé à destination, le fameux face à face : au bout du quai, une énorme araignée se retourna directement dans ma direction.

fishing_spider_Dolomedes

Gros-plan sur la bête

Totalement ahuri par la surprise (je me rappelle très bien de m’être parlé à moi-même «tu me niaises!» ), je me suis immobilisé pour mieux réfléchir à la situation. En effet, la bête était tellement impressionnante que je pensais avoir affaire à une espèce inconnue, voire, un truc exotique échappé d’un zoo. Or, étant un chasseur d’arthropode aguerri, il n’était pas question de repartir sans la preuve physique de cette rencontre. Évidemment, puisqu’il m’était inimaginable de toucher ce «monstre» avec les mains, je savais d’emblée que mes chances de capture étaient très réduites… si bien que je me posais beaucoup de questions quant à la procédure pour y arriver. Ainsi, chacun a une extrémité du quai, tel un duel dans un film western, l’araignée et moi nous observâmes durant de longues secondes. Mon opposant et moi étions pratiquement immobiles; la seule partie de mon corps trahissant mon anxiété étant mes doigts se serrant autour du filet. Je pouvais presque deviner mon reflet reluire dans ses gros yeux noirs globuleux. Puis, j’ai dégainé mon filet, et j’ai approché tranquillement de ma proie… et là, tout s’est joué sur une question de réflexes. Subitement (le mot est faible), l’araignée a sprinté à une vitesse complètement ahurissante jusqu’à faire un hallucinant bond en direction de son plan d’eau salvateur… malheureusement pour cette dernière toutefois, puisque je suis avant tout un chasseur de papillons, j’ai eu cet habile réflexe d’attraper mon adversaire au vol. Toutefois, même si le gros arachnide était dans le fond de mon filet, la partie n’était pas jouée, car celle-ci escaladait en ligne droite la couture centrale du filet… et je n’ai eu donc que quelques secondes pour y apposer le minuscule orifice du pot Rougemont. L’araignée croyant ainsi avoir découvert un abri, s’inséra elle-même dans l’entrée du piège. Bingo ! Levant le pot au ciel, j’ai réclamé victoire aux spectateurs imaginaires de la scène. Cependant, si cette araignée a justifié mon premier contact à l’insectarium, j’y ai toutefois appris que la Dolomède était finalement une espèce aussi commune que bien indigène au Québec.

Si bien que le surlendemain du party barbecue, à la toute fin de notre parcours en canot sur le lac Rossi, telle une apparition, j’ai aperçu étonnement une Dolomède dans un buisson… concrètement, à quelques pieds d’Anne-Marie. Discernant rapidement que le moment était anthologique, je me suis exclamé théâtralement à Anne-Marie en lui somma de s’immobiliser : «Anne-Marie… STOP!!! Il y a une araignée Dolomède juste à côté de ton pied droit!» lui dis-je à peu près ainsi. Et là, comprenant que ma compagne n’avait probablement jamais vu d’araignée aussi grosse, j’ai eu un malin plaisir en attendant qu’elle fasse le focus sur l’animal.

dolomedes

La Dolomède Scriptus dans son environnement naturel

Ma réaction initiale n’a pas été de penser à capturer l’araignée; à dire vrai, cette perspective me semblait impossible étant donné mon manque d’équipement en ce sens (et ma crainte instinctive des araignées). Toutefois, ma curiosité aura finalement pris rapidement le dessus sur mes appréhensions. Ainsi, après avoir compris que ce spécimen femelle était statique (couvrant sa progéniture dans sa pouponnière grouillant d’une centaine de bébés), j’ai nettoyé notre unique pot hermétique. De toute façon, le contenu de ce dernier était le restant d’une soupe Chunky (un genre de mixture rappelant la nourriture pour chien, mêlée à des morceaux de légumes), je considérais déjà l’intérieur comme un déchet (j’espère ne pas avoir trop créé de mutation génétique en déversant cette mixture dans l’environnement du Parc). À mon grand étonnement, la dolomède en question était vraiment calme, et aucunement agressive. Ce fut donc un jeu d’enfant que de la mettre dans le pot. La Dolomède ainsi capturée, j’ai été capable donc de m’adonner en toute quiétude à l’observation de sa progéniture dans le nid.

pouponnière de la dolomède

à l’intérieur de la pouponnière, il y avait une centaine de bébés

Si bien que j’ai finalement décidé d’y extraire une brindille avec une dizaine de petits bébés (Et là, croyez-moi, une chance que n’ai pris que quelques spécimens… parce qu’aujourd’hui, ce qui était gros comme une tête d’épingle est rendu de la taille d’une tégénaire adulte).

De retour à Montréal, nous avons baptisé la mère araignée Dolorès… et par le fait même, je me suis lancé ainsi dans l’aménagement de deux nouveaux vivariums : l’un pour Dolorès, l’autre pour sa progéniture. (Mais bon, je m’arrête ici d’en parler; car l’élevage des araignées Dolomedes Scriptus sera éventuellement le sujet d’un article consacré). Or, cette entreprise n’a pas été si simple, d’autant plus qu’à ce jour, les informations sur les araignées du Québec ne semblent pas très substantielles (à croire que ce sujet, l’aranéologie, repousse même les entomologistes). Pourtant, au Québec, il y a six espèces qui ont adopté nos habitations comme principal environnement de vie. Ainsi, ne serait-il pas temps d’en apprendre davantage sur ces discrets colocataires ? En conclusion, avant de terminer, je vous laisserai en bonus des petits portrait d’espèces communes à notre territoire.

L’epeire

fiche epeireL’Epeire est ce genre d’araignée qui tisse une toile circulaire et que l’on retrouve avec son occupante sur les murs extérieurs des bâtiments (particulièrement autour des lumières). Très fréquente et maladroite hors de sa toile, le genre « épeire » désigne toutefois de nombreuses espèces d’araignées (de façon plus ou moins précises) autrefois regroupées sous le genre d’Epeira puis d’Araneus. Sincèrement, j’aimerais bien un jour mettre de l’ordre dans l’identification de cette famille au Québec.

Epeire

Ici, une epeire dans le ciel de Verchères

Le saltique chevronné

fiche Salticus scenicusLe saltique chevronné est cette minuscule araignée qui se déplace par petits bond plutôt que par la marche. En plus de ses dons pour le saut, le saltique bénéficie d’un sens de la vue très bien développé pour capturer ses proies (La famille des Salticides jouit de la meilleure vision dans le monde des araignées).

Salticus_scenicus

Par sa grande réactivité, le saltique est amusant à observer. D’ailleurs, mon frère Oland affirme s’être fait mordre en jouant avec un membre de cet espèce (la sensation serait à peine sensible car ses chélicères sont trop petit pour percer notre peau).

La tégénaire (Tegenaria domestica)

fiche tégénaireLa présence d’une tégénaire domestique se détecte rapidement par sa toile en forme de plateforme souvent triangulaire. La toile comprend un tunnel qui lui permet de se cacher et de guetter ses proies. Les tégénaires errantes que l’on rencontre le soir dans les maisons sont le plus souvent des mâles à la recherche d’une femelle. Enfin, outre le fait que les différentes espèces de Tégénaires peuvent se chasser entre elles, elles ne font en général pas le poids face à une autre araignée très fréquente dans les habitations : le frêle pholque phalangide.

La tégénaire (Tegenaria domestica)

Les femelles adultes suffisamment grandes peuvent mordre l’humain. La morsure est souvent peu douloureuse et bénigne.

Le pholque phalangide

Pholcus phalangioidesLe pholque phalangide est l’araignée typique de nos caves et des sous-sols non aménagés. Elle se reconnaît aisément à ses très grandes pattes fines et son  céphalothorax évoquant la forme d’un crâne humain. Se tenant dans les coins des pièces et en haut des fenêtres, elle tisse une toile irrégulière et s’y tient suspendue tête en bas. Dérangé, l’animal ne fuit pas, mais fait vibrer si bien sa toile, et tremble tellement qu’il en disparait presque de la vue. À l’occasion, il s’attaque aussi à des animaux marchant qui rencontrent les fils de sa toile.

 

Pholcus phalangioides

Étonnamment, le pholque phalangide s’avère l’un des plus grands prédateurs du tégénaire, araignée pourtant plus grosse et d’apparence plus robuste, mais qui paradoxalement, n’a aucune chance contre lui.

Argiope trifasciata

Puis finalement ici, probablement la plus belle araignée du Québec : l’Argiope trifasciata
(photo prise à Sherbrooke en octobre 2007)

En définitive, vous l’aurez remarqué, je me suis littéralement découvert une passion pour les araignées cette année… d’autant plus que ces dernières symbolisent finalement la vitalité de ma relation avec Anne-Marie. Ainsi, peut-être devrions-nous souhaiter longue vie aux araignées…

Carl+ Anne-Marie

Nous tissons notre destin, nous le tirons de nous comme l’araignée sa toile
François Mauriac

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61 Commentaires

    • En fait, je ne peux pas la mettre ici… Y a t il une adresse où je peux vous l’envoyer?

  1. Bonjour…. J’ai découvert une araignée assez bizarre chez moi et je n’ose plus m’installer dehors… Pouvez vous m’aider à l’identifier? Je l’ai prise en photo… Merci!

  2. Je peux confirmer que ma femme a été bel et bien mordue par une araignée jaune. Elle somnolait au lit. Elle a senti quelque chose sur sa main, elle a bougé un peu ce qui a peut-être pressé l’araignée contre le drap. Elle a mordu, à la phalange de l’auriculaire. Ca l’a réveillée et elle a mis son autre main dessus et est allée à la salle de bains et on a pu identifier un reste d’araignée jaune. La douleur est devenue intense comme une piqûre de guêpe. Elle a eu une réaction quasi allergique. Enflure autour de la morsure, engourdissement de la main. Ca a duré quelques jours. Il semblait y avoir une petite marque au centre de l’enflure. Au microscope j’ai pu voir que les crocs étaient encore dans sa peau, vu l’enflure et le temps j’ai dû utiliser un pic de dentiste pour les enlever. Le douleur s’est un peu calmée. La semaine suivante, vu que ça démangeait encore, elle en a parlé à son médecin qui l’a regardée comme si elle était folle. Elle a prescrit du benadryl. Et bien sa main s’est remise à enfler, et ça a duré un autre mois avec des démangeaisons. En résumé, oui elle mord. La réaction varie d’une personne à l’autre, un peu comme les réactions aux piqûres de moustiques ou de mouches noires.
    Je n’ai moi-même pas été mordu, mais j’ai eu la désagréable sensation d’en sentir une se promener sur mes jambes, sous les draps. Je suis levé pour la chercher mais ce faisant je l’ai écrasée. De quoi donner l’envie de dormir en bobettes.

  3. voici une araigné trouvé acroché a mon écurie extérieur dos au vent proche de mes framboisiers.

  4. Bonjour; en parcourant le net à la recherche d`images pouvant correspondre à l`espèce qui se retrouve dans notre sous-sol à chaque printemps, je suis tombé sur votre blog.
    Je n`ai malheureusement pu l`identifier nul-part… bien qu`il y ait des ressemblances, je n`ai pas vu mes intruses sur le zoom d`une caméra, et j`ai donc du mal à les comparer.
    J`aimerais beaucoup qu`on puisse m`aider à l`identifier, et à en trouver la possible cause afin que nous puissions s`en débarrasser ! Peut-être qu`en prenant l`une d`entres elles en photo, vous pourriez nous aider ?… j`en trouve de plus en plus tous les jours, et je ne peux absolument plus les tolérer… si vous pouvez le faire, une image ne saurait tarder !

  5. Il y a plein de dolomèdes ténébrosus à notre chalet (basses Laurentides). La première fois que j’en ai rencontré une, j’ai presque fait une syncope! Je me pensais au Costa-Rica…Mais là, je commence à m’habituer. D’autant plus qu’elles sont plutôt calmes et mollo-mollo. J’en ai gardé une dans un grand pot Masson durant 3 jours; elle a mangé tous les insectes que je lui ai présentés! Son diamètre était plus grand que ma main…
    Le croiriez-vous? Auparavant, je souffrais de façon chronique de la phobie des araignées…Comme quoi…Merci pour votre blogue.

  6. Bonjour, Je ne suis pas une passionnée des araignées mais en faisant une recherche sur internet afin de mettre un nom sur l’une d’elle trouvée dans ma cuisine, j’ai été saisie dans la « toile » de votre blogue dont les récits sont « tissés » avec un tel talent d’écriture que je songe à accepter la morsure pour m’informer d’avantage à leur sujet 😉 Félicitations pour vos recherchers, exposés et photos, bonne continuation. Linda, Laurentides

  7. Salut! Je découvre un autre aranéologue dingue comme moi. Plus intéressé par le comportement approfondi de quelques espèces que la connaissance de tout le groupe, je ramène les épeires du parc dans ma cour pour les voir évoluer. En 2009, j’ai rencontré ma première dolomèdes. Une tenebrosus! Elle était immobile sur une toile de gazebo. Je l’ai emprisonné dans mes mains ( je portais des gants ) et l’ai transféré dans un sac de plastique . Je l’ai gardé en vivarium pendant 18 mois et elle a traversé 3 mues que j’ai conservé. Je l’avais appelée DOLORÈS moi aussi. Je lui chantais la toune de Charlebois régulièrement…
    Et bien, je viens juste d’en trouver une autre sur la toile de mon BBQ. Elle a déjà diné d’une grosse mouche! Elle s’appellera…Dolorès II. ( Ça fait un peu égyptien, je vais lui chanter la toune des Bangles: Walk like an egyptian ).

    J’ai hâte d’en savoir plus long sur ton élevage de Scriptus…

    P.S.: J’ai une maman Pholcus qui vient d’accoucher dans le coin de ma salle de bain d’une quarantaine de petits 🙂

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