L’Odyssée de mes parents en canot jusqu’à Percé
Aujourd’hui, je partage avec vous une histoire qui a commencé comme un exercice pour un cours d’anglais. L’objectif était d’interviewer un membre de ma famille et de créer un exposé oral basé sur cette discussion. Cela m’a amené à passer un moment spécial avec ma mère, où elle m’a partagé l’incroyable histoire de l’expédition en canot qu’elle a vécue avec mon père en 1974.
Cet exposé oral, conçu pour durer cinq minutes, intégrait des techniques de narration que nous avions apprises en classe, telles que le foreshadowing (présage) et le symbolisme. De la sorte, je vous propose ici une adaptation de cette histoire pour mon blogue, et je laisserai également à la fin de ce billet la version originale de mon exposé en anglais.
Laissez-moi donc vous emmener en 1974, lorsque mes parents ont entamé une aventure éprouvante, qui a mis à l’épreuve non seulement leur endurance face à la nature sauvage du Québec, mais aussi la solidité de leur chaotique relation. Leur périple a ainsi débuté au printemps, sur les rives de l’Île Sainte-Hélène à Montréal. Leur objectif ? Rejoindre Percé en canot, pour y commencer un emploi d’été dans l’auberge de jeunesse locale.
Ma mère, une femme mystique et profondément connectée à son héritage familial, possédait depuis sa jeunesse un esprit intrépide et avide d’aventure. Mon père, lui, affichait déjà un caractère affirmé, prenant le commandement de tout ce qu’il entreprenait, avec une assurance parfois teintée d’imprudence. Leur amour partagé pour l’aventure les a unis, mais cette expédition représentait bien plus : une quête pour tisser des liens plus forts, un effort pour guérir le fossé croissant qui menaçait leur relation passionnée.
Ils ont ainsi suivi le courant du Fleuve Saint-Laurent jusqu’à Sainte-Anne-des-Monts, puis se sont aventurés au cœur du Parc de la Gaspésie, jusqu’aux Monts Chic-Chocs. La nature sauvage qui les entourait alors reflétait l’état sauvage et indompté de leur relation tumultueuse. Leur parcours à travers le parc était semé de défis. Ces moments, bien que dangereux, étaient empreints d’un sentiment d’émerveillement et de respect devant la beauté du monde naturel.
Mais les défis extérieurs n’étaient pas les seuls à les mettre à l’épreuve. Au fil des jours, la tension du voyage commençait à peser lourd sur leur relation. Des disputes éclataient pour des broutilles, alimentées par des tensions plus profondes et non résolues. La nature dominante de mon père se heurtait au désir de collaboration de ma mère, creusant un fossé qui semblait s’élargir à chaque coup de rame.
Le point culminant de leur voyage, et de leur relation, est survenu alors qu’ils approchaient une section particulièrement périlleuse de la rivière Cascapédia. C’était un tronçon désignée de niveau R4 qui devait s’entreprendre avec prudence par les canoéistes expérimentés. Ma mère, consciente du danger, supplia mon père d’éviter le rapide. Mais lui, résolu à relever chaque défi, insistait pour qu’ils le franchissent ensemble.
Dans cet épisode, les guides apprennent l’art du canot sur la rivière Cascapédia.
Dans ce moment de peur et de désespoir, alors que leur canot s’approchait d’un seuil menaçant, ma mère a fait quelque chose d’inattendu. Elle a murmuré une prière à sa grand-mère récemment décédée, une femme qui avait toujours été sa source de force et de guidance. Elle demandait protection, un signe pour les guider en toute sécurité à travers ces eaux périlleuses.
Miraculeusement, comme si sa prière avait été entendue, le canot s’est soudainement et inexplicablement arrêté juste avant le début du seuil dangereux. Ils ont ainsi pu contourner le rapide, évitant une fin potentiellement catastrophique à leur périple.
Ce moment a marqué un tournant pour eux. C’était comme si la rivière elle-même était intervenue, les obligeant à affronter la réalité de leur situation. Ils ont continué leur voyage avec un nouveau respect pour la nature et une gratitude pour la chance de vivre pleinement dans ce décor majestueux.
Lors de leur arrivée à Percé, quelque chose d’irréversible s’était produit en eux. Bien loin d’être une solution magique à leurs problèmes de couple, cette expédition avait néanmoins créé un lien éphémère mais intense. Elle les avait rapprochés, fusionnant leurs cœurs et leurs esprits, et leur avait offert une vision commune, emplie d’un nouvel espoir pour l’avenir.
Ainsi, dans l’effervescence de cette aventure hors du commun, niché au sein du village pittoresque de Percé, cette perle enveloppée de mystère de la Gaspésie, les premiers fils de mon existence ont commencé à se tisser. Ma naissance, telle qu’imaginée par ma mère, ne relève pas du simple hasard, mais serait plutôt le fruit d’un dessein mystique, orchestrant avec finesse la rencontre de deux âmes destinées à insuffler la vie à un nouvel être. Cette conception résonne comme l’héritage d’une union improbable, celle de deux personnalités dissonantes, liées pourtant, l’espace d’un instant, par un amour commun pour l’aventure et l’appel envoûtant de la nature indomptée de la Gaspésie. Ma présence en ce monde est alors bien plus qu’un simple écho de leur odyssée singulière ; elle incarne le témoignage vivant que le destin, parfois capricieux, sait unir des êtres que tout oppose, afin de voguer ensemble vers la création d’une nouvelle vie.
En somme, c’est le récit d’une aventure extraordinaire qui aura été à l’origine de ma propre histoire.
La vie est une aventure audacieuse ou rien du tout.
– Helen Keller
In the early spring of 1974, my parents embarked on a journey that would not only test their endurance against the wilds of nature but also the strength of their own relationship. Their adventure began on the shores of Île Sainte-Hélène in Montreal, with a simple yet daunting goal: to navigate by canoe to Percé, in time to start summer jobs at a local hostel.
My mother, a woman of quiet strength and deep connection to her family’s heritage, had always possessed an adventurous spirit. My father, on the other hand, was a man of assertive character, often taking the lead and making decisions with a confidence that sometimes bordered on recklessness. This expedition was their attempt to find common ground, to bridge the widening gap in their tumultuous relationship.
As they set off into the heart of the Gaspésie Park, the wilderness around them mirrored the untamed nature of their partnership. The journey through the park was fraught with challenges. They encountered curious bears and were once surprised by a whale that emerged beside their canoe in the St. Lawrence Estuary. These moments, though fraught with danger, were also filled with a sense of wonder and awe at the beauty of the natural world.
But it was not just the external challenges that tested them. As the days passed, the strain of the journey began to wear on their relationship. Arguments arose, often sparked by trivial matters but fueled by deeper, unresolved tensions. My father’s dominant nature clashed with my mother’s desire for collaboration, creating a rift that seemed to grow with each paddle stroke.
The climax of their journey—and their relationship—came as they approached a particularly dangerous section of the river. Known as an R4 rapid, it was a stretch of water that even experienced canoeists would approach with caution. My mother, sensing the danger, pleaded with my father to portage around the rapid. But he, determined to conquer every challenge the river presented, insisted they navigate it together.
In that moment of fear and desperation, as the canoe edged closer to the churning waters, my mother did something unexpected. She whispered a prayer to her recently deceased grandmother, a woman who had always been her source of strength and guidance. She asked for protection, for a sign to guide them safely through the perilous waters.
Miraculously, as if in answer to her prayer, the canoe came to a sudden and inexplicable stop just before the rapid’s most dangerous point. They were able to navigate around it, avoiding what could have been a catastrophic end to their journey.
This moment marked a turning point for them. It was as if the river itself had intervened, forcing them to confront the reality of their situation. They continued their journey with a renewed sense of respect for each other’s strengths and weaknesses.
As they reached their destination in Percé, their relationship had been irrevocably changed. The expedition had not been a magical cure for all their problems, but it had brought them closer, allowing them to see each other in a new light. The shared experience of facing and overcoming such formidable challenges had given them a new perspective on their relationship.
And so, in the aftermath of this adventure, in the small coastal town of Percé, I was conceived. My existence is a testament to that journey, to the resilience and courage of two people who, despite their differences, managed to find common ground in the wilderness of Gaspésie. It’s a story that speaks to the unpredictable nature of life, the power of faith, and the enduring strength of familial bonds.
Bien, bravo Carl, un bonjour autour de toi…