Sébastien de Survivor Québec : de la jungle urbaine à la jungle tropicale
S’il y a bien une chose que je n’aurais jamais imaginée, c’est de me retrouver un jour devant ma télé, à suivre avec passion la saison 3 de Survivor Québec — et encore moins parce que mon collègue jardinier au Parc Jean-Drapeau y participe comme joueur ! Oui, Sébastien, le même avec qui je travaille depuis quatre ans dans l’équipe A, se retrouve maintenant torche à la main sur une île tropicale, le corps trempé, le regard alerte, en train de manœuvrer entre deux alliances comme s’il planifiait la plantation d’une plate-bande sous haute tension.
Et pourtant, nous voilà.
Je repense à cette fameuse fin de semaine où nous étions les deux seuls jardiniers de garde, assignés à arroser en boucle les pelouses du circuit Gilles-Villeneuve — la tourbe fraîchement posée en prévision du Grand Prix, qui devait absolument rester verte coûte que coûte. On passait notre temps à tourner en rond dans un pick-up grincheux, abrutis par la chaleur et le vacarme ambiant.
Jamais je n’aurais pu deviner que ce gars énergique à mes côtés, toujours en mouvement, toujours à lancer une blague entre deux « sprinklers » capricieux, allait un jour devenir l’un des joueurs les plus fascinants de cette saison de Survivor Québec.
Dans les coulisses du Parc Jean-Drapeau :
Retour en images sur les meilleurs moments de l’équipe A en 2022 — entre sueur, fous rires, floraisons éclatantes… et l’énergie contagieuse de Sébastien, bien avant qu’il ne devienne un joueur redouté à Survivor Québec, saison 3.
Une énergie de jungle… cultivée au Parc
Pour comprendre Sébastien, il faut d’abord savoir que c’est un tourbillon d’énergie — parfois même une tornade. Depuis quatre ans, je partage avec lui les matins brumeux, les canicules de juillet, les urgences horticoles improvisées… et le plaisir de jardiner sur une île en plein cœur de Montréal. Une île, oui. Ou plutôt deux : l’île Sainte-Hélène et l’île Notre-Dame, reliées et cloisonnées à la fois par le vaste territoire du Parc Jean-Drapeau. Deux mondes encerclés d’eau, parsemés de raccourcis oubliés, de secteurs méconnues, peuplés d’animaux plus ou moins sauvages, de festivals tonitruants, de camions de livraison qui surgissent sans prévenir, et d’une galerie de personnages hauts en couleur. Un microcosme avec ses propres règles. Ses propres tribus.
Et selon Sébastien lui-même, c’est le meilleur terrain d’entraînement pour Survivor. Car vivre et travailler là, avec une météo capricieuse et une cohabitation parfois chaotique, c’est déjà s’exercer à survivre. Il y a certes moins de noix de coco — mais les défis y sont bien réels.
Et il n’a pas tort. Le vrai test, ce n’est pas l’exotisme du décor, c’est le quotidien : bosser dehors sous la pluie, le soleil, le vent — des journées de 10 heures à se dépasser, à coopérer, à improviser. Un terrain rude, et surtout humainement complexe : collègues de tous horizons et de toutes humeurs, touristes égarés à la recherche d’un selfie floral, bénévoles enthousiastes (ou complètement à côté de la plaque), techniciens de scène qui montent des structures entre deux arbres, artistes en quête de spectateurs, familles de pique-niqueurs étalées dans nos jardins, joggeurs qui slaloment entre nos brouettes, organisateurs d’événements au bord de la crise de nerfs, employés saisonniers formés la veille, groupes scolaires bruyants comme une envolée de bernaches, âmes errantes cherchant un coin d’ombre, cyclistes en course contre eux-mêmes, TikTokeurs en trottinette qui filment leur vie en zigzag, citoyens frustrés venus parler de leurs taxes, et policiers qui patrouillent mollement entre deux stationnements, l’air de rien.
Bref, un véritable laboratoire social, où les habiletés humaines comptent autant que la force physique. Et là-dedans, Sébastien navigue comme un poisson dans l’eau : avec aisance, charisme, répartie et une remarquable capacité d’adaptation. Tout un candidat… même sans collier d’immunité.
Et comme dans Survivor, le Parc est structuré en tribus — parfois sans jamais vraiment se croiser. Nous, on fait partie de l’équipe A. Et même si on aime bien nos collègues de l’équipe B, il faut bien avouer que, comme dans le jeu, les vraies alliances se tissent sur le terrain, entre ceux qui partagent les cafés du matin, la sueur, les potins… et les moustiques. Il manque juste les flambeaux — et encore, on a déjà eu droit aux brûlures de soleil.
Un joueur social… et stratégiquement comique
Dès les premiers épisodes, on a vu le vrai Sébastien émerger. Vif, rassembleur, expressif, il aime rire et faire rire. Son sens de l’humour est sa signature, et un véritable outil de survie sociale dans un jeu où la tension monte vite et où les personnalités explosent à la moindre friction.
Mais sous ce vernis sympathique, il y a un stratège. Il a été le premier à tisser des liens solides, à former une sous-alliance dès les premiers jours — l’alliance du soleil ? du cœur ? ou un peu des deux, je ne sais plus… mais ce que je sais, c’est que ça ne s’invente pas. Il sait insuffler des idées avec doigté, orienter les discussions sans en avoir l’air… et Jérémie, un autre joueur fort dans la tribu Ugat, s’en est d’ailleurs rendu compte trop tard. Leur duel d’influence dans leur premier conseil de tribu s’est soldé par le départ de Jérémie. Sébastien 1 – Monsieur Parfait 0.
Trop fort pour le décor ?
Ce qui frappe — et désarme un peu — cette saison, c’est la rapidité avec laquelle les joueurs les plus dominant tombent les uns après les autres. On l’a vu dès le départ avec Jérémie, athlétique, habile, stratégiquement affûté, qui a tenté un do or die contre Sébastien… et en a payé le prix. Mais c’est surtout dans la tribu Malaki que le phénomène saute aux yeux : Huggens, le leader désigné, rapidement évincé, puis Kevin, exilé seul sur une île — une sanction qui, ironiquement, s’est révélée plutôt providentielle.
Chez Malaki, on semble appliquer une stratégie de ménage préventif : éliminer les éléments forts avant qu’ils ne deviennent une menace. Un réflexe dicté par la peur de la domination, ou simplement par un instinct de survie collectif. Et c’est là que le cas de Sébastien devient fascinant. Car il ne correspond pas aux codes classiques du mâle alpha. Il est drôle, attachant, un brin énervé, toujours dans l’action — mais sans jamais paraître dangereux aux yeux des joueurs plus passifs.
Et pourtant, à mesure que les jours passent, il s’impose discrètement comme un pilier. Autant dans les épreuves physiques que dans les interactions sociales. Et maintenant que les autres commencent à le réaliser, il devra affiner son jeu, moduler sa visibilité, peut-être même laisser pousser ici et là quelques mauvaises herbes… juste assez pour détourner les regards de ses racines les plus profondes.
Le jardinier qui savait attendre
Sébastien, c’est aussi un gars qui connaît le rythme naturel des choses. Il sait que pour récolter, il faut semer patiemment, ne pas brûler les étapes… ni les ponts. Il est capable d’attendre, d’écouter, d’observer, et de frapper au bon moment — comme quand il taille un arbuste à la perfection.
Mais cette patience, il ne l’a pas acquise par hasard. Participer à Survivor Québec, c’est un rêve qu’il cultive depuis longtemps. Dès qu’il a entendu parler de l’émission, il s’est mis en mode préparation : réveil avant l’aube pour pratiquer le Qi Gong, cet art chinois ancestral centré sur la respiration, la concentration et l’ancrage corporel — parfait pour développer le calme intérieur et la maîtrise de soi. Séances de natation à la piscine olympique après le travail, lecture stratégique, analyse des saisons passées… il ne laissait rien au hasard. Et aujourd’hui, on sent que cette discipline lui sert : dans ses postures, dans son regard, dans sa capacité à observer et à rester ancré, même quand la tension monte.
Et pourtant, malgré tous ces efforts, sa première tentative pour être sélectionné dans cette téléréalité n’a pas abouti. Mais plutôt que de se décourager, il est revenu à la charge, plus motivé que jamais, encore mieux préparé, encore plus affûté. C’est là qu’on reconnaît un vrai joueur : pas seulement dans la victoire, mais dans sa façon de digérer l’échec pour en faire du compost fertile.
Il sait aussi que dans un jeu où les joueurs sont manipulés autant par la production que par les autres concurrents, la flexibilité est une vertu. Et ça, c’est une autre compétence qu’on cultive bien au Parc Jean-Drapeau : s’adapter, toujours. Savoir quand parler. Quand se taire. Quand fleurir… et quand rester en dormance.
De l’île Sainte-Hélène aux Philippines : même combat, moins de moustiques (ou pas)
Ce qui me touche personnellement, c’est de voir ce gars que je connais depuis quatre ans, avec qui je partage le café du matin, les remorques trop pleines… et les mille et un potins du Parc Jean-Drapeau, devenir une figure aimée à la télé. D’ailleurs, l’une de nos collègues dans l’équipe A nous surnomme affectueusement “les mémères” — et à bien y penser, elle n’a peut-être pas tort. On commente tout : le choix des plantes, les horaires, les anecdotes improbables, la tenue des citoyens… et, évidemment, les moustiques.
Ah, les moustiques. Sébastien se décrit lui-même comme un buffet à volonté pour eux. Et je dois dire, travailler à ses côtés en pleine saison estivale, c’est franchement avantageux : pas besoin de chasse-moustiques quand on l’a dans son équipe. Je lui répète souvent qu’il les imagine, que c’est dans sa tête… mais les piqûres bien visibles (et jamais sur moi) lui donnent amplement raison.
Et pourtant, même avec les bébittes, la sueur, les journées de 10 heures et les défis imprévus, il garde son entrain, son humour, son intensité. Ce n’est pas un personnage fabriqué : c’est le vrai Sébastien. Celui qui enchaîne les projets, qui a mille idées à la minute, qui déstabilise un peu tout le monde par sa vivacité d’esprit… mais qui, malgré tout, prend toujours le temps de rigoler.
Cela dit, je ne peux m’empêcher de sourire en le voyant à l’écran : aussi attachant soit-il dans la vraie vie, Sébastien semble vraiment très gentil à la télé… presque trop parfait. Peut-être est-ce simplement l’effet du format, ou le reflet d’une dynamique qui s’est imposée naturellement au fil du montage. Après tout, chaque saison construit ses propres repères, ses contrastes, ses figures rassurantes. Et peut-être que cette année, le “Sébastien lumineux” s’est naturellement inscrit dans le récit au bon moment.
Mais ceux qui le connaissent savent qu’il y a plus que ce sourire énergique. Le Sébastien du terrain est vif, allumé, parfois un peu provocateur — jamais malveillant, mais toujours en mouvement. Un gars capable de couper net dans une discussion ou de relancer une idée avec aplomb. Et c’est peut-être là la beauté du jeu : quand les caméras se ferment, que les lumières s’éteignent et que la stratégie reprend dans l’ombre, Sébastien retrouve un autre genre de vérité. Moins mise en scène. Peut-être même que c’est là qu’il est le plus proche de lui-même.
Et cette dualité, entre l’image publique et le joueur réel, fait aussi partie de Survivor. C’est un jeu de perception, d’édition, de récits mouvants… où le montage est parfois le plus rusé des stratèges.
Le premier conseil de la tribu Ugat a été un électrochoc. À un vote près, Sébastien quittait l’aventure. Devant l’écran, l’ambiance était tendue — comme une fin de match de football où tout se joue sur un botté. Mais ce moment a marqué un tournant. Ce duel d’influence avec Jérémie — tendu, silencieux, stratégique — a confirmé qu’il n’était pas là pour faire de la figuration. Il connaît déjà les mécaniques du jeu. Il a tenu bon, et il en est ressorti non seulement intact, mais renforcé. Affûté. Peut-être même un peu plus redouté.
Et si vous doutez encore qu’il se rend loin, jetez un œil à son chapeau de paille. Celui-là même qu’il portait fièrement en début de saison. Aujourd’hui, il est effiloché, cabossé, imbibé de sel, d’humidité et d’heures au soleil. Il en dit long. Il témoigne d’un parcours déjà bien entamé, et de la ténacité de celui qui le porte.
Alors oui, je suis fier de lui. Et oui, je continue de croire — depuis le jour 1 — qu’il a tout ce qu’il faut pour gagner ce jeu. Pas parce qu’il écrase les autres. Mais parce qu’il pousse, s’adapte, fleurit… et finit toujours par se démarquer, à sa manière.
Voir Survivor autrement
Avec le recul, je réalise que regarder Survivor Québec, c’est bien plus qu’embarquer dans un divertissement populaire. C’est observer en accéléré — et parfois en caricature — les mécanismes d’une société qui valorise la performance, la compétition, l’agilité sociale. Un monde où il faut s’ajuster sans cesse pour ne pas être mis de côté. Où il faut être utile, visible, stratégique… mais pas trop, sous peine de déranger l’ordre établi.
Pour quelqu’un comme moi, qui n’avait jamais suivi une téléréalité auparavant, c’est une révélation un peu troublante : ce jeu est une métaphore de nos vies anxieuses. Survivre sur une île, c’est aussi survivre dans une société qui pousse chacun à se battre pour garder sa place, monter les échelons, ou simplement rester « dans la game ».
Et peut-être que c’est justement ce qui rend ce genre de format si fascinant : il nous renvoie, malgré nous, à nos propres tactiques de survie.
Au-delà du jeu : l’homme derrière la torche
Et puis, soyons honnêtes : même s’il ne remportait pas le grand prix, son aventure resterait une victoire en soi. Car Sébastien, tel que je le connais, ne vient pas d’un parcours tout tracé. Arrivé du sud de la France il y a une quinzaine d’années, il a dû bâtir sa vie ici, pas à pas, avec détermination et résilience. Issu d’un contexte familial plutôt tumultueux, il a appris très tôt à faire pousser des repères là où la terre était pauvre — parfois même absente. À force d’audace et de débrouillardise, il a exploré mille chemins, trébuché parfois, mais toujours poursuivi sa route avec une énergie contagieuse. Il a su, à sa manière, greffer le rêve à la réalité.
Et rien que d’avoir atteint cette île, torche à la main, avec son accent chantant et son chapeau de paille en bataille, c’est déjà un accomplissement immense.
Sébastien est un survivant, dans tous les sens du terme. Et qu’il gagne ou non, il nous aura fait vibrer jusqu’au bout, dans ce qui demeure — et demeurera — une expérience hors du commun.
Là où l’on sème avec cœur, il finit toujours par pousser quelque chose. Et Sébastien, lui, a semé avec intensité et constance ce petit feu tranquille qui ne demande qu’à grandir. Ce qu’il récolte aujourd’hui, au terme d’un parcours singulier façonné à la main, c’est bien plus qu’un moment de gloire : c’est le fruit d’un long enracinement.
Une chose est sûre : le Québec découvre enfin ce que l’équipe A savait déjà
À tous les collègues du Parc, aux amis, aux téléspectateurs de Noovo : gardez un œil sur Sébastien. Ce n’est pas juste un joueur solide. C’est un vrai survivant qui cultive sa victoire depuis bien plus longtemps qu’on le croit.
Et moi, je garderai toujours ce petit sourire complice : « Vous le voyez, lui ? Celui qui manie le verbe comme un sécateur, c’est mon partenaire de plate‑bande depuis quatre ans ». Le voilà qui se fraye désormais une voie entre les caméras avec la même agilité qu’il zigzague dans les allées du Parc — et, soyons honnêtes, dans les labyrinthes de la vie aussi. Bien enraciné, résistant à la sécheresse… et prêt à fleurir là où tant d’autres se fanent.
« Le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. »
– William Shakespeare