Quand le pétrole s’accroche aux poteaux
Ce billet agira en tant que liaison entre mon précédent article (sur l’image en politique) et un éventuel article que j’écrirai (sur le support physique de ces images). En effet, j’ai un sentiment bien paradoxal quant aux pancartes politiques : autant elles choquent ma conscience environnementale quant à la pollution qu’elles génèrent… autant elles captivent l’infographiste que je suis.
Assurément, l’éclosion des pancartes politiques sur les poteaux est la manifestation par excellence que des élections se déroulent. Mais si cette méthode publicitaire demeure efficace afin de rejoindre visuellement la population, je la trouve cependant archaïque.
Franchement, plus de 2000 ans après l’invention de la démocratie à Athènes, il est pratiquement imbécile d’encore utiliser ce superficiel média afin d’influencer le vote des citoyens.
Bien sûr, vous me direz que les pancartes électorales sont politiquement rentables. Suivant en effet les mêmes principes que ceux exercés par la publicité, une majorité (attardée) de la population ne se fie qu’à l’image et à la répétition de celles-ci pour déterminer l’orientation de leur vote. Mais en présentant ainsi nos choix démocratiques au même niveau que les produits publicitaires, cette formule suggère plutôt à l’électeur qu’il consomme un produit quelconque. Si bien que l’omniprésence des pancartes électorales ne stimule pas l’intelligence du citoyen ; elle s’avère ainsi une nuisance à la démocratie.
D’ailleurs, il est fascinant de constater l’efficacité de cette formule. Pourquoi diantre autant de personnes se laissent influencer par le nombre de pancartes? Serait-ce parce que la débauche d’énergie à mettre des affiches partout démontrerait le pouvoir de l’organisation qui les déploie? Et suivant cette hypothèse, en quoi la manifestation du pouvoir d’une organisation politique devrait s’attirer la faveur populaire ? (Moi, justement, à croire que je ne suis pas comme tout le monde, je me méfie des organisations surutilisant l’image dans l’espace public). Serait-ce que le fait de démontrer son pouvoir de dépenser de l’énergie «sécuriserait» l’inconscient de l’électeur moyen ? Puis, expliquez-moi, en quoi il devrait être valorisé populairement de polluer l’environnement de pancartes en coroplaste?
En tout cas, moi je pense que nous devrions casser ce paradigme inintelligent avec une règlementation. Effectivement, en tant que société démocratique, il n’est pas responsable de laisser les firmes de marketing influencer (voire déterminer) nos choix politiques. Ensuite, la débauche de pancartes électorales favorise les organisations les plus nanties et prête ainsi flanc à la propagande. Il ne faudrait pas perdre de vue qu’une pancarte ne demeure qu’une image, et qu’une image politique c’est toujours modulable en fonction des stratégies de communication déterminées par les partis. Bref, en rien le jugement électoral de la population ne devrait être lié à la présentation visuelle des partis. Ici, c’est comme choisir un cadeau de Noël en fonction de son unique papier d’emballage. Alors, durant les élections, plutôt que de consacrer l’emphase de l’image (slogans, couleurs, personnalité des candidats), nous devrions plutôt favoriser des mesures qui mèneraient la population à s’intéresser aux contenus des partis (idées, projets, programme). La réelle démocratie, c’est de débattre collectivement des vrais enjeux de société… pas un vulgaire concours de popularité. De la sorte, je suis convaincu que l’interdiction d’afficher des pancartes électorales sur les poteaux publics favoriserait l’intelligence du débat démocratique.
D’autre part, à l’heure du réchauffement climatique, n’est-il pas imbécile de dépenser de l’énergie (du pétrole) à polluer l’espace public de pancartes en coroplaste (encore du pétrole) ? Puis, à 10$ la pancarte de coroplaste, je crois que nous sommes en droit d’exiger une autre façon de dépenser nos fonds publics (octroyés aux partis politiques via leurs résultats électoraux). Bref, enlevez les pancartes, et l’énergie normalement consacrée à les déployer sera logiquement injectée ailleurs… peut-être même ainsi dans la qualité du débat démocratique.
A chaque société ses choix de valeur. À vous, donc, de choisir. Devrions-nous demeurer des unités de consommation normalisant la publicité comme agent de communication (néolibéralisme), ou une société démocratique qui fait appel à l’intelligence de ses citoyens (social-démocratie) afin de définir le meilleur avenir.
La propagande ne se pose pas de questions morales
– Noël Mamère
Tiens tiens, les mœurs semblent évoluer.
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/environnement/200811/11/01-38721-moins-de-pancartes-par-souci-ecologique.php
Moins de pancartes par souci écologique
Annie Morin
Le Soleil
(Québec) Les partis politiques provinciaux invoquent leur conscience environnementale pour expliquer la rareté et la petitesse des pancartes électorales dans les rues de Québec, une semaine après le déclenchement des élections.
«Tout le monde a essayé d’être plus écologique cette fois-ci», laisse tomber Marie-Ève Lemay, porte-parole de l’organisation régionale de l’Action démocratique du Québec (ADQ). Au bureau national, sa collègue Sophie Doucet précise que les circonscriptions sont «libres de commander le nombre de pancartes voulues, selon leur budget ou la notoriété du candidat». Celle-ci refuse de dire s’il y en a plus ou moins qu’en 2007. «Ce sont des informations stratégiques.» Toujours est-il que plusieurs grandes artères de Québec ne comptent pas une seule affiche aux couleurs des candidats locaux.
Au Parti libéral du Québec, qui mène le bal de la publicité à Québec, Michel Rochette confirme «avec grande fierté» que son organisation a réduit de presque 50 % le nombre d’affiches en circulation à travers la province par rapport à la dernière campagne électorale. Celles qui restent ont vu leur format réduit et sont entièrement recyclables. Elles sont d’ailleurs les seules à arborer le logo caractéristique. Seul le Parti vert a fait de même lors de la campagne électorale fédérale.
Maintenant recyclables
Jusqu’à tout récemment, le Coroplast, support privilégié en raison de sa grande résistance aux assauts de la météo, devait prendre le chemin de la poubelle dès lors qu’il était imprimé. Mais un nouveau type d’encre permet désormais de l’envoyer au bac bleu.
M. Rochette admet que le poste budgétaire dédié à la publicité de bord de rue a fondu en même temps et dans la même proportion que le nombre et la taille des pancartes. Mais il ne veut surtout pas donner de montant global pour éviter d’ameuter les autres partis.
Brann Blanchette-Émond, porte-parole du Parti québécois dans la région de Québec, explique que de banals délais d’impression ont retardé la pose des affiches des péquistes locaux. L’image de Pauline Marois, elle, est bien présente aux endroits stratégiques.
Si les organisations de Louis-Hébert et de Taschereau ont commandé autant de minois qu’en 2007, les autres circonscriptions ont volontairement réduit leur consommation de 20 %. M. Blanchette-Émond avance lui aussi des considérations environnementales, bien que l’aspect financier ne soit pas à négliger. «Dans Jean-Talon, par exemple, où on vient de sortir d’une partielle, c’est évident qu’on a un peu moins de moyens», dit-il.
Le PQ se targue d’avoir aussi deux voitures hybrides aux couleurs des candidates Françoise Mercure et Agnès Maltais, prêtes à prendre la route, ce qui vaut bien quelques pancartes.