Quand la polarisation internationale détourne les Québécois de leurs priorités
Aujourd’hui, les électeurs de LaSalle–Émard–Verdun se prononcent dans une élection partielle marquée par plusieurs débats, notamment la position du candidat néo-démocrate, Craig Sauvé, sur la question palestinienne. Ayant travaillé avec Craig à l’époque où j’étais conseiller municipal et lui attaché politique pour Projet Montréal, je respecte profondément ses valeurs et son engagement politique. Je n’ai aucun doute sur la sincérité de ses intentions et je partage plusieurs de ses préoccupations.
Cependant, en tant que membre du Bloc québécois, parti pour lequel j’ai toujours voté lors des élections fédérales, je m’interroge sur l’introduction d’enjeux internationaux, comme le conflit israélo-palestinien, dans une campagne fédérale canadienne. Bien que la situation à Gaza soit tragique et mérite une attention mondiale, les priorités locales, telles que le coût de la vie, le logement et la santé, devraient rationnellement primer dans cette élection.
Je ne comprends pas la stratégie électorale du NPD de centrer une partie de leur campagne sur une question internationale aussi polarisante, sur laquelle les citoyens de LaSalle–Émard–Verdun n’ont pratiquement aucune influence. Craig, qui connaît bien les défis locaux de sa circonscription, aurait tout intérêt à plutôt mettre en avant ses forces et son expertise sur ces enjeux.
Pour ma part, bien que touché par le conflit au Moyen-Orient et souhaitant une mobilisation internationale pour la paix et la reconnaissance d’un État palestinien, j’ai choisi, il y a quelques années, d’éviter le plus souvent possible d’exprimer publiquement mes opinions sur ce sujet. En tant que Québécois, je ne vois pas l’intérêt de nous diviser sur des questions internationales sur lesquelles nous n’avons aucune influence directe.
Il est inquiétant de voir à quel point nous, Québécois, laissons des enjeux internationaux dicter nos débats et nous diviser. Bien que ces questions aient leur importance, elles ne devraient pas détourner notre attention des priorités nationales. Nous voyons cela avec le conflit au Moyen-Orient qui polarise inutilement notre société, alors que les enjeux locaux, sur lesquels nous pouvons réellement agir politiquement, sont relégués au second plan.
Ce phénomène dépasse cette élection. Il se manifeste également par l’intérêt disproportionné des Québécois pour la politique américaine, notamment durant l’actuelle élection présidentielle. Que ce soit pour ou contre un candidat atypique comme Donald Trump, cette polarisation nous absorbe totalement. Pourtant, ces débats ne concernent pas directement notre réalité québécoise.
Je remarque aussi que beaucoup de mes contacts « à gauche », y compris des figures populaires du mouvement woke, soutiennent avec passion Kamala Harris. Bien que la nécessité de s’opposer moralement à un personnage aussi inquiétant que Trump soit compréhensible, peut-on vraiment considérer le Parti démocrate, avec Harris comme représentante de l’establishment en place, comme une option de gauche ? Sommes-nous arrivés au point où de simplement s’opposer à Trump suffit à se faire qualifier de gauche ?
Le Parti démocrate n’incarne pas des idées véritablement socialistes ou révolutionnaires. Se contenter de les soutenir uniquement parce qu’ils s’opposent à un populiste illuminé est une simplification dangereuse. Cela crée une illusion de choix idéologique, alors que la véritable gauche est largement absente du paysage politique américain.
Tout cela reflète une incapacité croissante à nous concentrer sur notre propre avenir. Faute de pouvoir nous projeter comme une nation distincte, nous nous tournons vers des causes et des luttes qui ne sont pas les nôtres. C’est un symptôme de l’assimilation de notre inconscient collectif. Sous la gouvernance d’un État fédéral canadien qui ne sert pas nos intérêts, nous perdons de vue nos propres enjeux nationaux. Plutôt que de nous unir autour d’un projet pour l’avenir du Québec, nous détournons stérilement notre énergie vers des débats internationaux qui ne font que nous diviser davantage.
Je m’interroge profondément sur l’état de notre conscience nationale. Nous nous sommes tellement éloignés de nos propres luttes que nous adoptons celles d’autres pays, au détriment de nos besoins en tant que peuple. Cette dérive est préoccupante et révèle une forme d’assimilation insidieuse. Nous nous laissons distraire par des enjeux extérieurs, incapables de nous recentrer sur ce qui nous concerne vraiment : notre propre avenir collectif.
Les événements actuels, qu’il s’agisse de cette élection partielle ou de la polarisation autour de l’élection présidentielle américaine, mettent en lumière une aliénation profonde. Se diviser sur des questions échappant à notre contrôle direct ne fait que nous éloigner de notre véritable objectif : construire un avenir national fort et indépendant, ancré dans nos valeurs et nos intérêts propres. En continuant à ignorer nos besoins spécifiques au profit de causes étrangères, nous risquons de perdre de vue l’essentiel et de compromettre notre capacité à façonner notre propre destin.
C’est pourquoi j’invite mes concitoyens de LaSalle–Émard–Verdun, ainsi que tous les Québécois, à voter pour le Bloc québécois, non seulement lors de cette élection partielle, mais aussi aux prochaines élections fédérales. Nous devons nous recentrer sur nos priorités et nos intérêts en tant que nation, plutôt que de nous laisser distraire par des enjeux internationaux qui ne reflètent pas nos réalités.
On ne peut bâtir un avenir sur l’oubli des réalités présentes
– Pierre Bourgault