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Posté par le 16 septembre 2024 dans Politique internationale, Politique nationale

Quand la polarisation internationale détourne les Québécois de leurs priorités

Aujourd’hui, les électeurs de LaSalle–Émard–Verdun se prononcent dans une élection partielle marquée par plusieurs débats, notamment la position du candidat néo-démocrate, Craig Sauvé, sur la question palestinienne. Ayant travaillé avec Craig à l’époque où j’étais conseiller municipal et lui attaché politique pour Projet Montréal, je respecte profondément ses valeurs et son engagement politique. Je n’ai aucun doute sur la sincérité de ses intentions et je partage plusieurs de ses préoccupations.

Cependant, en tant que membre du Bloc québécois, parti pour lequel j’ai toujours voté lors des élections fédérales, je m’interroge sur l’introduction d’enjeux internationaux, comme le conflit israélo-palestinien, dans une campagne fédérale canadienne. Bien que la situation à Gaza soit tragique et mérite une attention mondiale, les priorités locales, telles que le coût de la vie, la crise du logement et la dégradation de nos services sociaux, devraient rationnellement primer dans cette élection.

Je ne comprends pas la stratégie électorale du NPD de centrer une partie de leur campagne sur une question internationale aussi polarisante, sur laquelle les citoyens de LaSalle–Émard–Verdun n’ont pratiquement aucune influence. Craig, qui connaît bien les défis locaux de sa circonscription, aurait tout intérêt à plutôt mettre en avant ses forces et son expertise sur ces enjeux.

Craig sauvé et l’audacieuse affiche en question. Si je salut son courage d’afficher sa solidarité avec la souffrance du peuple palestinien, je ne crois pas qu’un simple parti de l’opposition au Canada peut réellement « arrêter le génocide à Gaza »… voyez-vous.

Après réflexion, finalement, je déduis que le NPD mise ici sur une stratégie de « wedge politics« . Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce terme, il s’agit d’une tactique politique visant à polariser une partie de l’électorat en introduisant un enjeu controversé qui divise les opinions de manière marquée. En prenant position sur une question polarisante, comme le conflit israélo-palestinien, le NPD tenterait ainsi de « créer un fossé » entre les électeurs afin de rallier ceux qui se sentent fortement concernés par cette question, tout en acceptant de perdre ceux qui sont en désaccord. Or, cette stratégie de wedge politics pourrait s’avérer particulièrement gagnante dans une course à trois. En effet, dans une telle situation, un candidat n’a pas nécessairement besoin de rallier une majorité, mais plutôt de solidifier une base de soutien passionnée, même si cela signifie polariser l’électorat. Dans une circonscription où les voix peuvent être divisées entre trois partis principaux, il suffit parfois de rassembler un groupe d’électeurs fidèles sur un enjeu précis pour l’emporter. Ainsi, en se concentrant sur une cause qui crée une réaction émotionnelle forte, le NPD espère attirer des électeurs qui se mobiliseront fortement autour de ce message, même si cela peut exclure ceux qui sont moins engagés ou plus modérés.

Cependant, cette approche comporte un risque évident : elle tend à détourner l’attention des enjeux locaux et à reléguer au second plan les préoccupations concrètes des citoyens de LaSalle–Émard–Verdun, qui sont pourtant essentielles pour améliorer leur quotidien. Le résultat est une division de l’électorat sur un enjeu sur lequel, en réalité, ces citoyens n’ont aucune influence directe. En choisissant de mettre l’accent sur le conflit israélo-palestinien, le NPD se retrouve à mobiliser des électeurs sur des bases émotionnelles, tout en prenant le risque de perdre ceux qui auraient préféré que l’on se concentre sur des sujets nationaux et locaux.

Pour ma part, bien que touché par le conflit au Moyen-Orient et souhaitant une mobilisation internationale pour la paix et la reconnaissance d’un État palestinien, j’ai choisi, il y a quelques années, d’éviter le plus souvent possible d’exprimer publiquement mes opinions sur ce sujet. En tant que Québécois, je ne vois pas l’intérêt de nous diviser sur des questions internationales sur lesquelles nous n’avons aucune influence directe.

Il est inquiétant de voir à quel point nous, Québécois, laissons des enjeux internationaux dicter nos débats et nous diviser. Bien que ces questions aient leur importance, elles ne devraient pas détourner notre attention des priorités nationales. Nous voyons cela avec le conflit au Moyen-Orient qui polarise inutilement notre société, alors que les enjeux locaux, sur lesquels nous pouvons réellement agir politiquement, sont relégués au second plan.

Ce phénomène dépasse cette élection. Il se manifeste également par l’intérêt disproportionné des Québécois pour la politique américaine, notamment durant l’actuelle élection présidentielle. Que ce soit pour ou contre un candidat atypique comme Donald Trump, cette polarisation nous absorbe totalement. Pourtant, ces débats ne concernent pas directement notre réalité québécoise.

Je remarque aussi que beaucoup de mes contacts « à gauche », y compris des figures populaires du mouvement woke, soutiennent avec passion Kamala Harris. Bien que la nécessité de s’opposer moralement à un personnage aussi inquiétant que Trump soit compréhensible, peut-on vraiment considérer le Parti démocrate, avec Harris comme représentante de l’establishment en place, comme une option de gauche ? Sommes-nous arrivés au point où de simplement s’opposer à Trump suffit à se faire qualifier de gauche ?

Cela m’amène à une autre révélation : les figures de proue du mouvement woke ne sont pas tant des révolutionnaires de gauche, mais plutôt des progressistes qui sont profondément ancrés dans le système capitaliste et néolibéral en place. Elles participent pleinement à ce système, tout en se présentant comme des agents de changement. Leurs discours, bien qu’ils prônent des valeurs progressistes, ne remettent pas fondamentalement en question les structures de pouvoir et les dynamiques économiques qui maintiennent l’ordre établi.
En fin de compte, ces personnalités ne cherchent pas à révolutionner le système, mais plutôt à s’y intégrer et à l’adapter à leur vision du progrès, sans jamais réellement menacer les fondements du capitalisme ou du néolibéralisme. Cette prise de conscience révèle l’écart entre le discours prétendument radical et la réalité plus modérée de leur engagement.

Un autre phénomène que l’on peut observer chez certains politiciens progressistes est leur tendance à mener des campagnes axées sur l’image et l’expression symbolique de leur juste morale, un exercice souvent appelé « signalement de vertus ». Plutôt que de proposer de réels changements structurels dans notre société, ces politiciens préfèrent afficher publiquement leurs valeurs pour démontrer leur bien-pensance. Ce qui est paradoxal, c’est que, sous ces apparences de progrès, peu de choses concrètes changent réellement. Peut-être est-il temps de réaliser que cette nouvelle « gauche » n’est plus tant à gauche qu’elle veut le faire croire, car elle préfère l’adhésion symbolique au changement plutôt que de s’attaquer aux structures qui perpétuent les inégalités.

Le Parti démocrate n’incarne pas des idées véritablement socialistes ou révolutionnaires. Se contenter de les soutenir uniquement parce qu’ils s’opposent à un populiste illuminé est une simplification dangereuse. Cela crée une illusion de choix idéologique, alors que la véritable gauche est largement absente du paysage politique américain.

Tout cela reflète une incapacité croissante à nous concentrer sur notre propre avenir. Faute de pouvoir nous projeter comme une nation distincte, nous nous tournons vers des causes et des luttes qui ne sont pas les nôtres. C’est un symptôme de l’assimilation de notre inconscient collectif. Sous la gouvernance d’un État fédéral canadien qui ne sert pas nos intérêts, nous perdons de vue nos propres enjeux nationaux. Plutôt que de nous unir autour d’un projet pour l’avenir du Québec, nous détournons stérilement notre énergie vers des débats internationaux qui ne font que nous diviser davantage.

Je m’interroge profondément sur l’état de notre conscience nationale. Nous nous sommes tellement éloignés de nos propres luttes que nous adoptons celles d’autres pays, au détriment de nos besoins en tant que peuple. Cette dérive est préoccupante et révèle une forme d’assimilation insidieuse. Nous nous laissons distraire par des enjeux extérieurs, incapables de nous recentrer sur ce qui nous concerne vraiment : notre propre avenir collectif.

Les événements actuels, qu’il s’agisse de cette élection partielle ou de la polarisation autour de l’élection présidentielle américaine, mettent en lumière une aliénation profonde. Se diviser sur des questions échappant à notre contrôle direct ne fait que nous éloigner de notre véritable objectif : construire un avenir national fort et indépendant, ancré dans nos valeurs et nos intérêts propres. En continuant à ignorer nos besoins spécifiques au profit de causes étrangères, nous risquons de perdre de vue l’essentiel et de compromettre notre capacité à façonner notre propre destin.

C’est pourquoi j’invite mes concitoyens de LaSalle–Émard–Verdun, ainsi que tous les Québécois, à voter pour le Bloc québécois, non seulement lors de cette élection partielle, mais aussi aux prochaines élections fédérales. Nous devons nous recentrer sur nos priorités et nos intérêts en tant que nation, plutôt que de nous laisser distraire par des enjeux internationaux qui ne reflètent pas nos réalités.

On ne peut bâtir un avenir sur l’oubli des réalités présentes
– Pierre Bourgault

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