Carambolage onirique
Ouf, hier soir, j’ai fait un long rêve comme on arrive rarement à se souvenir; littéralement un scénario plongeant sous la surface de mon quotidien… tout droit vers les profondeurs de mon être.
Je suis donc avec mon père à bord de sa camionnette sur le côté passager. Mon père me conduit à Mont-Laurier, car j’ai un rendez-vous pour un congrès important de mon Parti Projet Montréal (ben oui, un congrès de Projet Montréal à Mont-Laurier !?!). Rendu en banlieue de Mont-Laurier, mon père fait une manœuvre inusitée afin de pouvoir conduire à reculons… (!?!) Or, j’ai beau lui dire que c’est inutilement dangereux de conduire ainsi, mon père s’entête à définitivement conduire de cette manière pour le restant de la route 117. Je suis gêné, tout le monde nous regarde croche et klaxonne à notre attention, mais mon père ne semble pas en être conscient. Si j’ai toujours considéré mon père comme un bon conducteur, cette fois, je juge qu’il perd la tête en risquant ma propre vie. Mais plutôt que de m’obstiner à tenter de le raisonner, je décide simplement de quitter son camion afin de conduire par moi-même.
C’est ainsi que je me retrouve seul au volant de ma propre voiture. Bien que je considère moi-même conduire lentement, je suis devant la camionnette de mon père, car ce dernier conduit toujours à reculons. Évidemment inquiet, j’essaye tout de même de garder le contact visuel avec lui dans mon rétroviseur.
C’est alors que je rentre au centre-ville de Mont-Laurier. Je suis vraiment stupéfait par l’ampleur de son développement. L’atmosphère ressemble au centre-ville de Québec et la route principale est y aussi achalandée que sur le boulevard René-Levesque à Montréal. D’ailleurs, me voilà même pris dans une congestion de voitures. Devant, ma vue est obstruée par un énorme camion-remorque transportant des arbres coupés, et derrière, il y a un flux de voitures continu. Les automobilistes derrière moi ne semblent pas réaliser que nous sommes au cœur d’une ville, car nous circulons toujours à la même vitesse que sur l’autoroute. Puis, je me fais klaxonner en arrière par deux Honda Civic voulant me dépasser, car elles se font une course entre elles. Plutôt que d’accélérer, je leur laisse le champ libre en me disant que ces «douchebags» inconscients finiront bien par ralentir à cause du camion-remorque devant… mais c’est alors que ce camion freine brusquement, puis sa remorque s’étale horizontalement coupant de bord en bord la route. La collision avec les deux Honda Civic est inévitable et un carambolage y s’ensuit. Pour ma part, j’ai tout juste le temps d’éviter l’impact en tournant brusquement vers le terre-plein… mais je perds le contrôle, capote, et tombe inconscient.
Pour sûr, mon rêve s’est inspiré de cette scène hardocore du film Final Destination 2
Quelque temps plus tard, j’entends des sirènes et des gens hurler partout autour. Ouf, je suis toujours en vie et j’ouvre les yeux. Mais je souffre de partout et j’ai du sang dans la bouche. Toutefois, je suis convaincu que ma vie est hors de danger. Je m’extirpe alors laborieusement de ma voiture bousillée et je constate avoir de la misère à marcher. Les voitures autour de moi sont calcinées dans un amas de ferrailles monstrueux dont il se dégage une chaleur intolérable. Il y a carrément des morceaux humains ici et là; mais je n’ose pas fixer les morceaux de cadavres tellement les images sont inimaginables. Les témoins courent dans tous les sens en criant, c’est la cohue générale.
La seule chose qui me vient à l’esprit est de retrouver mon père qui était quelque part derrière moi. Je marche donc à la recherche se sa camionnette bleue. Le carambolage s’étire à perte de vue; cet accident est d’une ampleur hors du commun. Bien que je soi moi-même un survivant, personne ne me prête la moindre attention tellement tout le monde est accaparé à essayer de sauver les victimes agonisantes. Au long de la route, je constate que plusieurs corps sont déjà recouverts par des couvertures … mais je n’ose pas essayer d’identifier ces cadavres, car j’ai peur d’y découvrir mon père. Or je préfère ainsi poursuivre mon chemin et continuer à rechercher ailleurs (ferais-je de la fuite en avant?).
Mais nulle part, je ne retrouve le moindre morceau de métal bleu. Alors, je vais à l’hôpital pour y vérifier la présence de mon père. Son nom n’est pas dans la liste des occupants. J’essaye alors de rencontrer un médecin pour moi-même, mais la réceptionniste m’explique que toutes les places sont réservées aux grands blessés de l’accident. J’accepte la situation, puis je téléphone à ma mère pour lui dire que je suis en vie.
Ma mère me dit qu’elle attendait mon appel, car elle avait la certitude que j’étais toujours en vie, mais elle n’a malheureusement pas le même sentiment pour mon père, car «le contact est coupé avec sa fréquence» depuis plusieurs années (!?!). Ma mère me dit regarder en direct les images de l’accident à CNN; les médias parlent déjà de 42 morts. Toute la planète parlerait donc de cet accident. À l’instar de toutes les familles des défunts, ma mère m’annonce donc partir me rejoindre pour Mont-Laurier. Je réserve alors ma chambre d’hôtel pour une semaine.
Le soir venu en attendant ma mère, je passe devant la salle où se déroule le congrès de Projet Montréal. Richard Bergeron et notre directeur de cabinet y sont à l’extérieur en fumant une cigarette. Mon chef politique me dit alors de rentrer à l’intérieur, car il compte sur moi pour faire passer une proposition importante. Je suis choqué par son insouciance quant au carambolage et continue mon chemin silencieusement. Je viens de perdre mon père, je viens donc de perdre tout intérêt pour l’avenir de Montréal. En agissant ainsi, je sais que je ne pourrai jamais plus revenir en arrière.
Au lendemain de l’accident, je déjeune avec ma mère. Personne n’a pu retrouver officiellement le corps de mon père, mais plusieurs corps n’ont pu être identifiés… ainsi, nous acceptons que mon père puisse être l’un de ceux-ci. Alors, c’est vrai, je ne retrouverai plus jamais mon père en vie.
Ma mère et moi assistons donc à des funérailles collectives et nationales. Toutes les familles éplorées sont à l’Église de Mont-Laurier. Mais puisque mon père n’a pas de tombe officielle et qu’il a été enterré dans la fosse commune, il n’aura droit qu’à une minute de présentation. C’est Denise Casavant du PQ (?!?) et ma tante Lise qui résumeront sa vie. C’est court et formaté; il me semble que cela aurait du être à moi de faire cette présentation. Je suis triste que sa vie finisse ainsi, dans le quasi-anonymat.
Après la cérémonie, ma mère et moi allons ensemble prendre un café. Puisque personne ne l’a fait durant l’enterrement, nous parlons ensemble du parcours de mon père. Je réalise vivre un moment important de ma vie, car c’est une page qui se tourne, plus personne ne reparlera de sa vie… et je ne verrai plus jamais mes parents ensemble, pour le peu qu’ils ont déjà été ensemble. Ma mère me dit alors qu’elle vivra toujours avec mon père en moi.
Maintenant que mon père est mort, elle me dit qu’elle est libre de retrouver un amour perdu vivant à la Baie James. Je la laisse partir, mais je garde le sentiment de la perdre elle aussi à jamais. Je regarde à travers une fenêtre: il pleut à l’extérieur et tout est embrumé. En sourdine, il joue une musique d’Ennio Morricone, le genre de musique que mon père écoutait quand il m’amenait en direction de Percé… l’endroit où je suis né. Je me sens plus seul que jamais.
Je ne savais pas encore parler, mais durant les long voyage en direction de Percé ou mon père travaillait, la musique d’Ennio Morricone jouait en boucle dans la voiture. À chaque fois que j’entends l’une des 12 chansons ce cette fameuse cassette 4 pistes, je tombe littéralement en transe… cette musique est une porte menant aux origines de ma vie.
Peu importe ma feuille de route, je risque de mourir anonyme moi aussi. Il est arrivé un accident dans mon parcours politique, ma vie vient d’y perdre son sens… car je viens d’enterrer ma vie politique; l’héritage de mon père.
Plus jamais, je ne veux embarquer dans une voiture et être pris dans le trafic. Je veux être libre et loin du bruit en ville. Ma vie est donc ici, dans le Nord du Québec… je ne retournerai plus à Montréal. Il est temps de vivre une existence plus spirituelle en harmonie avec la nature et de passer à d’autre chose. De laisser les humains à leur folie et de tout recommencer à zéro.
La vie est certainement un accident, car au final, personne ne s’en sort indemne
moi-même