La présence du Grand porte-queue à Montréal : un signe des temps modernes
Ceux qui connaissent mon blogue la savent déjà, je porte un intérêt notoire aux insectes et je fais sporadiquement état de certaines observations ici. Il y a 5 ans d’ailleurs, j’avais consacré un article évoquant l’hypothèse que l’apparition d’un nouveau papillon au Québec, le Sphinx d’Abott, pouvait être en relation avec le réchauffement climatique. Or, depuis, il se confirme que les changements climatiques provoquent l’apparition des plus en plus de papillons au Canada.
Par exemple, à Montréal, un nouveau papillon tropical a fait son arrivée cette année. En effet, les chenilles du grand porte-queue (Papilio cresphontes Cramer) ont été découvertes pour la première fois dans ma ville au Jardin botanique. Il faut dire ici que je n’ai pas été surpris de lire ce fait… puisque j’avais par moi-même observé ce papillon un peu plus tôt ce printemps, exactement au Marché Central dans un kiosque de plantes tropicales.
Or, étant donné la spécialisation du commerce où j’étais, j’avais alors conclu que la présence du papillon exotique était un cas isolé issu d’une plante importée. Aussi, si je n’ai pas pris la peine d’essayer de capturer le spécimen afin de le faire recenser, j’ai toutefois eu l’initiative de le photographier, puis de le filmer.
Preuve à l’appui ci-dessus, se pourrait-il maintenant que je sois le premier québécois à avoir filmé un grand porte-queue au Québec?
Ainsi selon le Jardin botanique, nous apprenons que cette année des grands porte-queue ont survécu à l’hiver (historiquement plus doux que jamais au Québec) et colonisé de nouveaux habitats à une vitesse 15 fois plus élevée que la moyenne.
Dans un même ordre d’idée, les épisodes de redoux sporadiques au printemps dernier nous ont aussi amené pour la première fois une migration hâtive de vulcains (Vanessa atalanta). Bien qu’indigène à notre territoire durant l’été, cette migration provenait cette fois du sud des États-Unis. Or cette année, il y aurait eu 10 fois plus de vulcains que normalement au Québec.
Pour le plaisir des collectionneurs de papillons, c’est donc un phénomène qui implique plusieurs espèces de lépidoptères. En effet, selon le spécialiste, Maxim Larrivée (postdoctorant à l’Université d’Ottawa et chef des collections et de la recherche à l’Insectarium de Montréal), l’Amérique du Nord connait, cette année, la plus grande migration printanière de papillons de son histoire. L’hiver doux et un taux de survie hivernale nettement au-dessus de la moyenne sont des facteurs évoqués pour expliquer ce phénomène qui touche essentiellement au Canada le Manitoba, l’Ontario et le Québec.
Les entomologistes canadiens demandent à la population de signaler leurs observations de papillons sur le site eButterfly (http://ebutterfly.ca/, en anglais seulement). Les scientifiques souhaitent examiner comment les papillons réagissent aux changements de leur environnement et comment ils s’y adaptent.
Une preuve de plus pour faire état du phénomène, la semaine dernière, mon père m’a téléphoné de Verchères pour m’informer de la présence de milliers de papillons «belles dames» (que mon père dénomme «Vanesse de Virginie»). Il faut dire que lorsque mon père et moi collectionnons les papillons, nous pouvions attendre des années avant de voir un seul individu de cette espèce.
Et aujourd’hui, en pleine pause de rédaction de cet article au retour de mes emplettes, un dernier signe manifeste m’est apparu en la présence d’un Grand porte-queue aperçu sur ma rue. C’est quand même particulier de voir se matérialiser le sujet de son article. Si j’étais croyant, je pourrais presque penser que ce papillon est venu à moi pour me faire un clin d’œil.
On dit que le battement d’ailes d’un papillon peut engendrer un typhon à l’autre bout du monde
– Evan Treborn (L’effet Papillon)
Vers un Québec au climat transformé
http://www.lapresse.ca/environnement/dossiers/changements-climatiques/201402/03/01-4735109-vers-un-quebec-au-climat-transforme.php