La représentation des extraterrestres au cinéma
S’il y a un genre que je suis à la trace au cinéma, c’est bien celui de la science-fiction. Disons que j’aime bien réfléchir à ce que pourrait être le futur et je suis fasciné par tout ce qui touche l’exploration spatiale. Mais à la question intrinsèque de savoir si la Terre est le seul endroit de l’univers à héberger la vie, notre cinéma répond selon les limites de ses propres concepteurs. C’est-à-dire, la plupart du temps, grossièrement.
À vrai dire, dans le domaine de la science-fiction au cinéma, les chefs-d’œuvre se comptent sur les doigts de la main. (Par exemple, notons : l’Odyssée de l’espace, Alien, Blade Runner). Si bien que dans notre projection collective en science-fiction, ces exceptionnels classiques sont littéralement des piliers fondateurs. Or, s’il est ardu pour les scénaristes de s’éloigner des modèles afin de «faire du nouveau», il est encore plus difficile de ne pas utiliser des clichés référant à ces classiques, voire carrément effectuer des emprunts à ces derniers (la recette alpha des films de série B). Alors en science-fiction, il y a des émules à profusion et finalement peu de nouveauté radicale. Mais j’en conviendrai, avec ce genre de film, ce n’est pas évident de sortir des sentiers battus.

Humanoïde, vert et vilain : la caricature type de l’extraterrestre
De la sorte, je suis tellement avide du moindre nouveau concept en science-fiction que je visionne tout ce qui arrive de disponible sur mes écrans radars. Et plus souvent qu’autrement, je dois ainsi regarder plusieurs films «moyens» avant d’en trouver un seul méritant une place dans ma collection. Mais pour les amateurs du genre voulant découvrir des idées originales, l’effort en vaut la peine… même si le traitement cinématographique n’est pas assez souvent au rendez-vous.

Le terme Petit-Gris désigne une espèce hypothétique d’extraterrestres humanoïdes qui sont à l’œuvre dans les cas d’enlèvements par les extraterrestres relatives aux oeuvres de science-fiction contemporaines.
Cela dit, il y a un élément fondamental en science-fiction que je tolère de moins en moins: C’est celle de la représentation anthropomorphique que nous faisons des extraterrestres. Là aussi, je comprends le défi d’imaginer des «formes de vie» s’éloignant de ce que nous connaissons sur Terre. Le défi est grand; peut-être autant que d’inventer une nouvelle couleur primaire! Mais en contrepartie, disons ici qu’il y a généralement une paresse intellectuelle à les illustrer, au point que «nos» extraterrestres sont la plupart du temps cousus de fils blancs terriens et bien plus humains qu’une quelconque forme possible de conscience inconnue. Autrement dit, notre conception de la vie est basée sur nos observations effectuées sur Terre.

Cela me fait d’ailleurs penser à un échange que j’avais provoqué avec mon professeur d’astronomie en 1994 au CEGEP St-Laurent. Quand fut venu le temps d’évoquer l’hypothèse d’une forme de vie extraterrestre, ce dernier était incapable d’accepter qu’elle puisse se développer sans la présence d’eau. Pour lui, l’émergence de la vie était confinée à des conditions similaires à l’environnement terrestre.
En tout cas, moi je suis toujours plus intéressé par des scénaristes suggérant des formes d’intelligence extraterrestre inusitées. D’ailleurs, pourquoi ne pas évoquer une intelligence spectrale, tels des flux d’énergie inconnus évoluant dans d’autres dimensions (genre en concordance avec la théorie des cordes). Pourquoi ne pas transposer au cinéma des formes minérales douées de conscience, tel un type de cristal télépathe? Et que dire du potentiel cinématographique d’une nanoparticule virale arrivant de l’espace. Je ne sais pas moi, mais place à l’originalité que diable!

Le film «2001, l’Odyssée de l’espace» à le mérite de nous faire poser des vrais questions existentielles tout en maintenant plusieurs mystères sur l’origine de la vie sur Terre
L’exemple de Star Trek
Bien sûr, notre représentation des extraterrestres est souvent un prétexte dont le but n’est autre que de grossir les problématiques de notre monde pour mieux les montrer. À titre d’exemple, dans la série Star Trek, il était très progressiste pour les années 60 d’illustrer un pont d’équipage constitué d’un russe (Pavel Chekov), d’une noire (Nyota Uhura), d’un japonais «homosexuel» (Hikaru Sulu)… et d’un extraterrestre vulcain (M. Spock).

Les conflits et les dimensions politiques de Star Trek forment des allégories pour des réalités culturelles contemporaines ; la série télévisée originale de Star Trek aborde les questions des années 1960, tout comme, plus tard, des séries dérivées ont reflété des questions de leurs époques respectives.
En ce sens, la série se base sur l’idée que l’espèce humaine a pu régler toutes ses querelles internes, elle est désormais unie, indivisible (et américanisée) à l’image de l’équipage de l’Enterprise qui regroupe un casting international. Toutefois, que l’on parle des Klingons, Romuliens ou autre Vulcain, le sujet central est, que ce soit de manière déguisée ou pas, toujours l’espèce humaine. Or, dans ce cas précis, se sont les extraterrestres qui deviennent les représentants de toutes nos questions sociétales. Au point où les inégalités raciales entre les humains sont remplacées par les inégalités inter-espèces.
Mais voilà justement ce que je trouve «gna-gna» dans Star-Trek, cet anthropomorphisme burlesque des extraterrestres. Comme dans la majorité des films de science-fiction, ces derniers sont pratiquement toujours des humanoïdes, bipèdes, d’une taille similaire aux humains, partageant nos même cinq sens, communiquant par la parole… voire parlant naturellement l’anglais. Comment expliquer scientifiquement que le cheminement de la vie extraterrestre suivrait EXACTEMENT toujours le même développement évolutif que celui ayant prévalu sur Terre?

L’anthropomorphisme est le procédé qui consiste à attribuer des caractéristiques morphologiques ou comportementales humaines à des êtres vivants, objets ou phénomènes.
Puis comme si ce n’était pas assez d’humaniser physiquement les extraterrestres, nous leur projetons systématiquement aussi des motivations humaines :
Les jeux de séduction propre à notre genre de sexualité. Les volontés de puissance et de richesse. La quête du contrôle des ressources naturelles. Les conspirations d’invasion. Les guerres d’expansion territoriale, voire d’extermination des autres espèces. La conquête du monde. Tout ça, c’est de la logique d’humains… et rien ne prouve que d’éventuelles formes d’intelligence extraterrestre seraient animées par les mêmes dynamiques que nous. Pourquoi diantre, les extraterrestres poursuivraient-ils toutes les mêmes convoitises inhérentes… à la nature humaine? Mais bon, je comprends toutefois que pour des raisons évidentes de compréhension narrative et scénaristique, il faut simplifier les interactions entre humains et extraterrestres.
Du «racisme» intrinsèque dans la science-fiction ?
Comme l’exprime encore l’auteur de l’analyse ici, l’autre raison de cet anthropomorphisme apparaît évidente tellement elle est simple: c’est-à-dire l’identification. En effet, que ce soit au cinéma (ou prochainement dans la réalité), il semble impératif que nous puissions nous identifier un minimum aux extraterrestres, faute de quoi il nous sera difficile de comprendre leurs enjeux et points de vue; et encore moins d’être en empathie pour eux. Or, devons-nous y déduire ici que nous n’accepterons jamais de partager le pouvoir, voire «notre» monde, si la forme d’intelligence extraterrestre n’est pas conforme à notre image ?
En ce sens, pour une série promouvant l’antiracisme comme Star Trek, n’est-il pas justement paradoxal de considérer l’intégration des extraterrestres (dans Starfleet) que s’il s’avère être des humanoïdes poursuivant une logique d’humain? Finalement, les seules différences physiques avec notre espèce que nous sommes enclins à accepter (et ne pas exterminer) c’est la couleur de peau et la forme pointue des oreilles… puis encore là, c’est borderline.
À défaut d’être télépathes, il semble que la capacité des extraterrestres à pouvoir communiquer en anglais est une prérogative pour pouvoir vivre en paix avec notre espèce.
Alors dans Star Trek, tout en faisant l’éloge pompeux de l’union des espèces sous l’égide de la Fédération des planètes unies, l’agenda politique de l’espèce humaine s’avère pourtant d’assimiler les différences extraterrestres à nos intérêts. Pas étonnant d’ailleurs que la capitale de la fédération soit sur Terre, à San Francisco aux États-Unis, et que le langage universel que nous imposons soit l’anglais.

Il y a 2000 ans, la bible disait que l’Homme fut créé à l’image de Dieu. Il y a 500 ans à peine, nous pensions que le soleil tournait autour de la Terre. Encore aujourd’hui, l’ensemble des religions met l’espèce humaine au centre de l’univers. Franchement, je ne comprends pas notre besoin inconscient à nous donner autant d’importance. Dès fois, à l’instar des bébés se voyant être le centre du monde, j’ai l’impression que l’humanité est toujours prise à un stade immature.
L’humanité n’est pas prête à un contact extraterrestre
En définitive, mon point ici c’est qu’à l’intérieur de notre projection collective des extraterrestres… il se manifeste un rejet de la diversité potentielle du vivant. Devrions-nous en déduire que nous sommes une espèce incapable d’empathie pour la différence? (Je parle ici de la différence fondamentale, pas la différence cosmétique).
Contact !
Et pendant que dans notre cinéma anthropocentriste nous nous imaginons négocier la paix universelle en anglais avec des humanoïdes aux oreilles pointues… on détruit aveuglément des écosystèmes de notre propre planète à une vitesse inégalée dans l’histoire. Or en rayant de la carte des biotopes complets sous l’effet de l’urbanisation et des changements climatiques, nous éliminons ainsi des espèces vivantes que nous n’avons même pas encore recensées. D’après de nombreux spécialistes en biologie d’ailleurs, la sixième vague d’extinction massive serait ainsi en cours. La sixième dans l’histoire de la Terre… mais la première issue de l’action d’une espèce animale sur son environnement.
Comment alors imaginer que nous pouvons vivre en harmonie avec d’éventuelles formes de vie extraterrestre quand nous ne sommes mêmes pas en mesure de protéger les écosystèmes naturels de nos frères et sœurs d’évolution sur Terre ?
Dans une perspective que la Terre serait un organisme vivant… notre espèce est certainement un virus planétaire
Car oui, dites-vous bien qu’il est absolument improbable qu’une éventuelle forme de vie extraterrestre puisse davantage ressembler à une espèce animale issue de notre berceau terrien. Alors, saisissez-vous vraiment notre proximité génétique avec le moindre mammifère (séparé des humains à moins de 70 millions d’années) en comparaison avec ce que pourrait être une forme de «vie» X n’étant pas issue de notre planète ?

Petite mise en perspective temporelle pour considérer la relation de la distance avec la proximité physique dans l’évolution.
Dans un même ordre d’idée, réalisez que tout insecte terrien sera toujours plus proche des humains que le moindre extraterrestre éventuellement découvert? En définitive, si un jour notre espèce rencontre une forme de vie, ou d’intelligence, extraterrestre, ce sera forcément en terme de ressemblance à des années-lumière de la moindre espèce vivant sur Terre.
Mais si des civilisations plus avancées existent, cela ne signifie pas qu’elles peuvent nous rendre visite. La théorie de la relativité montre en effet qu’il existe une vitesse limite (la vitesse de la lumière), et même si la contraction des durées (dont l’exemple le plus célèbre est le Paradoxe des jumeaux) montre que pour le voyageur, le temps de parcours peut être très bref, cela ne rend pas forcément une exploration à grande échelle possible
Alors, observez bien la prochaine mouche qui viendra à vous, ou cette méduse échoué au bord de la mer, voire la bactérie qui s’anime sous l’objectif de votre microscope… et réalisez que tout cela sera toujours plus terrien que ce que nous pourrons trouver ailleurs dans l’espace. Vous trouviez les insectes inutiles et les végétaux extérieurs à votre identité… il serait plutôt le temps de les considérer intégralement dans votre sphère identitaire.
Comment pourrions-nous partager des ressources naturelles avec des extraterrestres quand nous sommes incapables de les partager équitablement sur Terre entre les membres de notre propre espèce ? Comment pourrions-nous protéger d’autres mondes si nous ne sommes même pas en mesure ici de réaliser notre lien vital avec la biosphère terrestre ? Comment pourrions-nous vivre en paix avec des extraterrestres quand nous sommes perpétuellement en guerre entre nous-mêmes ?
Animation de Steve Cutts réalisé en Flash exprimant la relation de l’Homme avec son environnement.
Religieusement égocentriques, généralement incapables d’empathie avec les animaux et de respect envers son propre environnement, nous formons collectivement une espèce irresponsable! Or, non seulement nous n’avons pas l’intelligence nécessaire pour survivre à long terme, mais actuellement nous ne sommes pas dignes d’être l’espèce dominante de la Terre et d’en être ses gardiens.
Visionnez ici le film HOME
Bref, nous ne sommes vraiment pas en mesure de fondamentalement accepter la différence et donc de moralement rencontrer des formes de vie extraterrestre… à l’instar de notre cinéma.
Présentement sur Terre. Nous sommes en train d’échouer le test d’intelligence collective. En êtes-vous conscients ?
Deux possibilités existent : soit celle que nous sommes seuls dans l’univers, soit celle que nous ne le sommes pas. Les deux hypothèses sont tout aussi effrayantes
-Arthur C. Clarke
Mon top 10 des films de science-fiction
Lorsque vous dites que n’importe quelle mouche sera toujours plus proche de nous que n’importe quelle forme d’extraterrestre, je comprends votre développement, mais je pense que vous vous êtes égaré en chemin. Il serait bon de se garder une petite gène, car si vous faites des simulations de création de vie dans des jeux et programmes d’ordinateur, vous vous rendrez compte qu’il n’y a pas 56 façons pour un organisme vivant de faire de la locomotion sur la terre ferme. C’est habituellement à quatre pattes que ça s’effectue, et si les astres sont bien alignés, l’espèce en viendra possiblement ou inévitablement à se développer sur deux pattes comme nous l’avons fait. Il faut que vous vous rendiez compte que le tout, part d’une soupe de microbes dans l’eau, et que diverses modèles d’organismes commencent à se développer à partir de là. Certains sont ces crustacés, d’autres des céphalopodes, et d’autres des vertébrés. La question est ensuite de savoir laquelle des espèces gagnera la course à l’évolution, que ce soit dans l’eau, sur la terre ou dans les airs. Sur des exoplanètes mi-terriennes ni-aquatiques, il est difficile d’imaginer d’autres cheminements que ceux-là. Si vous faites des tests dans des simulations informatiques, vous vous en rendrez compte. Je trouve donc que des bestioles comme celles qu’on retrouve dans Star Wars, à la différence de Star Trek, sont vraiment très, très plausibles et susceptibles de nous donner un aperçu assez réaliste de ce que l’on pourra rencontrer un jour dans la réalité. Oui, j’accorde bel et bien du mérite à une partie de votre théorie, car oui, moi aussi je pense que plusieurs formes extraterrestres pourraient effectivement dépasser de loin tout ce qu’on aurait pu imaginer, voir ici le film Titan après la Terre, où les extraterrestres envahisseurs sont une forme de vie entièrement électrique, mais je pense qu’on pourra fréquemment être surpris de rencontrer des êtres qui sont bipèdes comme nous, et qui ont, comme nous, une colonne vertébrale, une bouche, des poumons et des yeux.
J’approuve complètement votre raisonnement. C’est pas ce qui s’appelle avoir une haute estime de notre société ni de notre avenir. Mais c’est réaliste. J’espère sincèrement que cette société qui réagit comme un adolescent borné et entêté, aussi esthétique et fermé d’esprit qu’une carte postal vernit, va grandir avant de se tuer à coup de pétrole dans les veines.
Pour la petite histoire, je conseille à qui veux de lire ou de voir La stratégie Ender. C’est vachement plus constructif qu’un bête film de SF pour adolescent.
Voilà, merci pour l’article 😉 il réveille vraiment les neurones !
@Nicolas, c’est plutôt vous, l’intolérant, à voir votre réaction…
» Religieusement égocentriques, généralement incapables d’empathie avec les animaux et de respect envers son propre environnement, nous formons collectivement une espèce irresponsable! Or, non seulement nous n’avons pas l’intelligence nécessaire pour survivre à long terme, mais actuellement nous ne sommes pas dignes d’être l’espèce dominante de la Terre et d’en être ses gardiens. » Pessimisme primaire couplé a un manque de tolérance, je ne fréquenterais plus votre blog.
vous dites « cet anthropomorphisme burlesque des extraterrestres. Comme dans la majorité des films de science-fiction, ces derniers sont pratiquement toujours des humanoïdes, bipèdes, d’une taille similaire aux humains, partageant nos même cinq sens, communiquant par la parole… « ….. désolé, dans un épisode de la première saison, l’équipage est confrontée à une forme de vie minérale (gros tas de pierre en fusion). Dans le pitch de fin, le héros (ou la voix off, je ne sais plus) insiste sur le fait qu’il ne faille pas se laisser tenter par des schémas tout fait concernant les formes de vie dans l’univers. Je crois que c’est quasiment la seule oeuvre de SCI FI qui s’est écarté des carcans habituels pour ce sujet. C’était une précision à apporter (d’ailleurs dans la série enterprise, des animaux aquatiques doués d’intelligence voyagent dans des vaisseaux).
Pour des E.T. moins anthropomophiques, il y avait l’Excellente série Babylon 5…