Je vote pour Mario Bellavance à la présidence du Bloc québécois
En tant que membre du Bloc québécois depuis 1993, j’ai longtemps tergiversé pour André Beaulieu… mais j’opte finalement pour la fusion des deux candidats à la direction. Blague à part, parce que je juge actuellement la situation critique pour la continuité du mouvement souverainiste, je me refuse d’alimenter la partisanerie entre les deux camps. On est, les indépendantistes, déjà assez divisés ainsi sur la scène provinciale, faudrait quand même pas maintenant se sous-diviser dans le seul niveau pouvant encore nous unir sous la même bannière.
Ceux qui ont croisé mon parcours savent à quel point le sectarisme et la partisanerie m’horripilent dans tous les domaines de la société. Or, en politique, je suis davantage un homme de parti qu’un homme de clan, puis davantage un homme d’objectif qu’un homme de parti. Le sens de mon engagement au Bloc québécois prend sa source dans le but ultime d’atteindre l’indépendance nationale du Québec. Alors, tenez-vous-le pour dit, mon «clan» ici ce n’est pas un sous-groupe quelconque, mais la cause du Québec libre. Ainsi, je suis particulièrement sensible aux formules que je juge en meilleure disposition pour nous faire avancer et éventuellement gagner l’indépendance du Québec. De la sorte, je suis naturellement attiré par les dynamiques qui ouvrent les cercles de discussions, intègrent des nouveaux membres, puis évoluent toujours plus à l’externe vers des coalitions. Oui, pour redémarrer le mouvement indépendantiste, ma bannière est celle de la convergence nationale… et je m’investis actuellement au Bloc parce que ce parti s’avère pour moi un véhicule idéal pour nous rassembler.
Réaliser l’ultime fenêtre à l’horizon
Regardons maintenant la réalité en face. Le Bloc a chuté à 4 députés en 2011 et les coffres du parti sont dorénavant quasiment vides. Puis, le PQ a lui aussi mordu la poussière le 7 avril dernier. Depuis la démission de Pauline Marois, il n’y a plus de chef souverainiste au plan parlementaire. Bref, nous sommes actuellement dans un état de crise existentielle à laquelle deux issus sont possibles : soit nous nous désintégrons dans la confusion ambiante, soit nous nous reconstruisons sur des nouvelles bases. Or, justement, l’élection d’un nouveau chef au Bloc québécois samedi prochain devrait être la première étape de notre relance. Car, pendant que le PQ s’enlise en coulisse dans une éprouvante course à sa direction (une dynamique imprévisible pouvant exploser dans toutes les directions), pendant que nous subissons la méthodique déconstruction de notre société par le PLQ durant un mandat complet, le Bloc peut être là pour maintenir le fort et préparer le retour en force de notre option nationale. Bref, je souscris à la thèse que le mouvement souverainiste jouera son vatout à la prochaine élection fédérale.
Dans un premier temps, le nouveau chef du Bloc aura donc la lourde tâche historique d’organiser les troupes afin de franchir le cap fatidique de l’élection fédérale en 2015. En ce sens, par rapport à un PQ sans chef, il lui faudra donner une cohérence au mouvement, puis une direction avant de coaliser les souverainistes œuvrant sur la scène provinciale. (Ici, l’objectif d’atteindre le plancher de 15 députés pour retrouver notre reconnaissance officielle est un seuil minimum, mais nous pouvons réalistement viser atteindre 40 députés). En second lieu, face au gouvernement Couillard projetant de nous faire signer la constitution canadienne, le prochain chef du Bloc devra non seulement mener la résistance nationale à cet assaut, mais surtout, «préparer la table» en vue de la prochaine élection provinciale dans quatre ans.
Un ami me disait récemment : je suis certain de ne pas voir l’indépendance de mon vivant. Il est à la mi-quarantaine. Je me suis réfugié dans une banalité pour lui répondre, mais elle ne me semblait pas sans valeur. Qui, en 1980, ou même, en 1985, pouvait prévoir la chute du mur de Berlin ? Et pourtant, en 1989, il tombait, et cela, dans une paix relative que personne n’aurait pu prévoir. Et qui, en 1985, pouvait prévoir que le nationalisme québécois qu’on disait agonisant connaîtrait une renaissance exceptionnelle cinq ans plus tard avec l’échec de Meech ? L’histoire est faite d’imprévus. Il faut se garder des prophéties décourageantes qui masquent derrière les apparences d’une logique implacable et froide une forme de résignation, de consentement à la fatalité. – Mathieu Bock-Côté
L’heure du choix entre Mario et André
Maintenant, la question qui tue : Qui de nos deux candidats est le mieux disposé à porter cette mission? Évidemment, je sais bien qu’il faut faire un seul choix par vote téléphonique. Toutefois, dans mon âme et conscience, pour notre avenir national, je ne veux pas avoir à choisir pour l’un ou pour l’autre… mais pour les deux.
- Écoutez ici le reportage de Radio-Canada : Les militants du Bloc québécois choisissent leur chef cette semaine
Le mouvement est présentement dans un état trop critique pour nous permettre de perdre l’un ou l’autre des deux groupes… d’autant plus que Mario Beaulieu et André Bellavance ne parlent pas nécessairement au même électorat. L’un ouvre le parti vers la base en réactivant les convaincus là où l’autre ouvre vers le centre en portant la voix souverainiste au Québécois moyen. Bref, nous avons autant besoin d’une base radicale active auprès des militants que de diplomates adroits auprès des électeurs. Si nous réalisons que nos deux candidats à la direction sont ainsi complémentaires, nous trouverons peut-être ainsi à exploiter leur différence à des positions distinctes dans le parti.
Pour ma part, étant un «radical libre » du Plateau-Mont-Royal, je connais Mario Beaulieu depuis l’époque ou il était président du PQ de Montréal-centre. En ce sens, je peux témoigner que c’est un homme idéologiquement intègre et un politicien persévérant. Au fil des années, et surtout durant son règne à la tête de la SSJB, il a su tisser autour de lui un vaste réseau de nationalistes partout au Québec. D’ailleurs, grâce à cette caractéristique, nous avons pu avoir une course à la direction car, avons-le, les conditions pour briguer la chefferie n’étaient pas évidentes à remplir.
Alors au passage, remercions ici Mario Beaulieu d’avoir instigué une compétition, car je pense que l’exercice culminera vers un succès pour le mouvement. En effet, à travers cette dynamique, nous avons pu débattre, nous écouter, échanger des idées, nous remettre en question et nous réseauter à travers le Québec. Et surtout, dans la foulée de la candidature de Mario Beaulieu, je soulignerai l’intégration du dynamique réseau d’Option nationale au Bloc Québécois. Car, entre vous et moi, étant donné son résultat en dessous le 1 % à la dernière élection, je ne pense pas que ce jeune parti pourra passer à travers l’épreuve du temps. Autant alors, maintenir actif ce jeune réseau de militants via l’intermédiaire du Bloc.
Cela dit, j’ai en parallèle eu la chance de rencontrer André Bellavance au congrès de Rimouski, puis ensuite, à Montréal. Hé oui, oserais-je admettre ici que ce fut une belle révélation. À tout juste 50 ans, le député de Richmond-Arthabaska mériterait d’être connu davantage. Franchement à l’aise en public, il est ainsi un habile communicateur malgré sa modestie inhérente. Pour le meilleur comme pour le pire, il porte aussi intrinsèquement la culture du parti et une expérience parlementaire notable comme député depuis 2004. Puis, en tant qu’ancien journaliste, ce dernier à une bonne plume, et surtout, il est un initié de «la game» politique avec les médias (fédéralistes). Bref, s’il devient chef, il pourra poser régulièrement des questions au gouvernement Harper à la Chambre des communes et jouira ainsi d’une visibilité accrue.
Mais au-delà de ses aptitudes personnelles et de son expérience politique, son principal intérêt stratégique réside dans son emplacement. En effet, je vois d’un bon œil l’arrivée d’un éventuel chef issu de la génération X et géographiquement situé au centre du Québec (Victoriaville). À mi-chemin entre les babyboumeurs et la génération Y, à mi-chemin entre la couronne montréalaise et les régions, cette combinaison d’attributs cible exactement l’électorat pouvant assurer le maintien du Bloc sur la scène politique. Effectivement, sans devoir perdre notre présence dans la métropole, je souscris à l’idée que nous devons prioriser l’enracinement du Bloc dans les régions francophones encore épargnées par les radiopoubelles. Ensuite, il est mathématiquement démontré par les sondages que le fait de parler de «la défense des intérêts du Québec» c’est le meilleur angle pour rapatrier au Bloc les «nationalistes mous» ayant voté pour la CAQ dans les régions visées. (Personnellement, j’en conviens, je préfère entendre parler d’indépendance de manière transparente et décomplexée). Pour ce qui est maintenant du vote davantage progressiste nous ayant trompés pour le NPD à la dernière élection, il faudra moderniser notre message, puis nécessairement tendre la main à Québec solidaire (une donnée capitale pour retrouver notre influence dans le Montréal francophone). Dans un même ordre d’idée, André Bellavance m’a publiquement réconforté quant à l’ouverture qu’il accordera aux sympathisants de Québec solidaire, mais aussi, aux radicaux dans le parti, en me garantissant au passage que s’il devient chef, il ne se mêlera pas du déroulement des prochaines investitures. C’est d’ailleurs peut-être ici que Mario Beaulieu et son réseau ont beaucoup gagné.
- Si André Bellavance gagne, personne au Bloc ne devrait empêcher des députés d’octroyer une partie de leur salaire annuel (163 000 $) à la promotion de l’indépendance. Pour ma part, disons qu’en période d’investiture, j’ai un net préjugé favorable aux éventuels candidats s’engageant en ce sens.
En effet, même si Mario Beaulieu perd cette course, ce dernier a cependant suffisamment élargi son réseau pour y faire élire plusieurs candidats, dont lui-même. En ce sens, les idées qu’il porte, et qui sont généralement les miennes, ne disparaitront pas avec son éventuelle défaite samedi. Ainsi, je trouve cette configuration comme une plus-value intéressante pour le mouvement souverainiste; meilleure que de risquer la perte de l’aile parlementaire et son expérience… voire carrément la marginalisation du parti et de notre option nationale (!!!)
En conclusion, si je préfère Mario Beaulieu pour le contenu et sa fougue, voire ses idées, je favorise toutefois André Bellavance pour le contenant et son expérience. En ce sens, je suggère fortement la nomination éventuelle de Mario Beaulieu comme responsable de l’organisation et candidat dans la circonscription de son choix. Mais pour devenir notre porte-parole officiel et chef du Bloc Québécois, en première ligne face aux médias et électeurs québécois, je vote pour celui qui me parait «plus lisse» et davantage rassembleur. Alors, oui, dans cette course, André Bellavance m’a convaincu d’être l’homme de la situation pour additionner nos talents et coaliser les Québécois.
On peut marcher et mâcher de la gomme en même temps ! On peut défendre les intérêts du Québec à Ottawa et parallèlement s’activer dans nos circonscriptions respectives à promouvoir notre indépendance. Mais aussi radical que je puisse être, on ne sera pas plus efficace en allant plus vite que la moyenne des Québécois. Tact, nuance et stratégie camarades! Nous gagnerons notre pays en modulant nos discours en fonction de chaque électorat, puis en élargissant constamment la coalition jusqu’à la traverse du Rubicon.
Que pensez-vous de ce texte de Simon-Pierre Savard-Tremblay, ancien président du FJBQ?
« S’il y a bien une chose que je ne suis plus capable de lire au sujet de la course à la direction du Bloc Québécois, c’est que « la souveraineté se fera à Québec, pas à Ottawa ». La répétition ad nauseam une telle évidence -que personne au monde ne saurait nier- éclipse la véritable question : comment le Bloc peut-il contribuer dans les faits à l’indépendance du Québec? C’est là où ceux-ci nous répondent qu’il faut que le Bloc se contente d’une défense des « intérêts » et des « valeurs » du Québec, et que « tant que les Québécois paieront des impôts à Ottawa » la clé résidera dans le jeu de la bonne opposition. Le problème, c’est qu’une telle posture risque bien de faire en sorte que nous paierons éternellement des impôts à Ottawa. En réalité, elle relève bien de la logique catastrophique de l’étapisme, qui consiste à poursuivre sur la voie de la gestion quotidienne en fonction des limites imposées par le régime en estimant que la bonne conduite à la petite semaine mènera un jour, ponctuée de slogan accrocheurs, d’un bon marketing politique et de quelques beaux discours, les Québécois à vouloir l’indépendance en l’espace de 33 jours de campagne référendaire et que cela suffira à convaincre la grande démocratie canadian de se plier au résultat. Mais le messianique Grand Soir est un leurre : l’indépendance n’est pas affaire de ferveur mais de construction effective. Tout comme il est fallacieux de croire que le Bloc peut être la Bonne et Loyale Opposition de Sa Majesté et que le PQ peut être le bon gouvernement d’une province en minorisation croissante et en perte de moyens. Le Bloc ne doit plus être notre protecteur au sein de la politique fédérale mais incarner le procès de celui-ci. La politique fédérale n’est PAS notre politique. Elle repose sur la négation de ce que nous-sommes et sur notre dévalorisation collective. Elle nous condamne perpétuellement à la médiocrité. Il ne sert plus à rien de chercher à s’y intégrer et de prétendre l’améliorer. Nous avons d’ailleurs déjà eu la chance de jouer dans ce film-là, et en avons vu le résultat le 2 mai 2011.
Les beaux discours et les campagnes de promotion ne suffisent plus, c’est la grille d’analyse indépendantiste qui doit servir à l’évaluation des politiques –dans le cas du Bloc- et à la conception de celles-ci -dans le cas du PQ. La doctrine bonne-ententiste de l’attente éternelle des conditions gagnantes et du « fruit qui sera enfin mûr » a perpétuellement montré son échec, particulièrement depuis une dizaine d’années. Peut-être serait-il temps d’en prendre acte, non ? De même qu’il serait bien d’enfin comprendre qu’il y a une différence fondamentale entre vouloir l’indépendance et en faire son horizon de pensée et d’action… »
Je compte sur vous! Continuez de voter en grand nombre jusqu’à demain, 19h!