La Voix manquante dans le dialogue de Jonathan Durand Folco : Plaidoyer pour le centre-gauche
Préambule
Dans le contexte politique actuel, marqué par une polarisation croissante et une montée de l’anti-wokisme, il est crucial d’examiner les dynamiques internes de la gauche. Mon précédent article, « Quand le wokisme pousse la fenêtre d’Overton vers la droite« , abordait déjà ces enjeux. Aujourd’hui, je souhaite poursuivre cette réflexion en réponse à l’article de Jonathan Durand Folco, « L’affaire Bouazzi, entre Habermas Machine et Full Woke Machine« , où il propose un dialogue platonicien explorant différentes stratégies pour la gauche.
J’ai constaté avec préoccupation que sa proposition omet une perspective essentielle : celle de la gauche social-démocrate critique envers certaines dérives du mouvement woke. Dans certains milieux woke, toute divergence, même minime, par rapport à la doxa dominante est rapidement étiquetée de manière binaire comme relevant de la droite réactionnaire, voire du fascisme. Cette exclusion, souvent motivée par des dynamiques partisanes, entrave la diversité des opinions au sein du débat démocratique.
Cette omission n’est pas anodine, surtout lorsque la gauche social-démocrate est en pleine croissance, comme en témoigne la montée du Parti Québécois sous la direction de Paul St-Pierre Plamondon. Avec son positionnement social-démocrate renouvelé, notre parti est d’ailleurs en bonne voie pour remporter la prochaine élection provinciale.
C’est pourquoi j’ai ressenti la nécessité de répondre à Jonathan Durand Folco en m’imposant dans sa discussion par la création d’un nouveau personnage, Athéna, dans son dialogue platonicien. Athéna incarne une voix raisonnable et sage, prônant une approche équilibrée et inclusive, en opposition à la radicalisation proposée par d’autres. Mon intention est de mettre en lumière l’importance de reconnaître et de valoriser la diversité des opinions au sein de la gauche pour enrichir le débat démocratique et renforcer notre mouvement collectif.
Ce qui suit est une adaptation du dialogue original, mais avec l’ajout d’Athéna, reflétant cette vision social-démocrate.
Enrichir le dialogue sur les stratégies de la gauche face à l’anti-wokisme
La réflexion de Jonathan Durand Folco sur les stratégies que la gauche devrait adopter face à la montée de l’anti-wokisme est stimulante et ouvre un débat nécessaire. Dans son article récent, il propose un dialogue platonicien pour explorer différentes perspectives au sein de la gauche. Ayant lu attentivement sa proposition, je souhaite partager quelques idées pour enrichir cette discussion, car il me semble qu’une perspective essentielle manque pour représenter pleinement la diversité des positions au sein du mouvement progressiste.
Une voix du centre-gauche social-démocrate
Il me semble en effet qu’il manque une voix incarnant une position comme la mienne : celle d’un centre-gauche social-démocrate, critique envers plusieurs aspects du mouvement woke. Je comprends que Jonathan propose de déplacer la fenêtre d’Overton vers l’extrême gauche avec une « Full Woke Machine ». Cependant, il m’apparaît important de considérer, tant politiquement que socialement, l’impact que cette radicalisation peut avoir sur l’électorat modéré et, par extension, sur l’ensemble de notre société.
L’expérience récente, notamment la réélection de Donald Trump, démontre que lorsque la gauche est perçue comme trop radicale, cela peut pousser une partie de l’électorat du centre vers la droite. La radicalisation woke peut ainsi déplacer la fenêtre d’Overton vers la droite, rendant les idées conservatrices plus acceptables et mainstream. J’ai d’ailleurs écrit un article intitulé « Face à Trump et au wokisme : le Québec en quête de son propre chemin« , où j’analyse comment le mouvement woke aux États-Unis a pu pousser des électeurs modérés à voter pour Trump.
La nécessité d’un point d’équilibre
Je pense qu’il est crucial pour une société de chercher un point d’équilibre vers le centre, là où se trouve la majorité démocratique, en convergeant un maximum de positions, d’opinions et d’intérêts a priori divergents. En proposant des solutions progressistes mais pragmatiques, la gauche peut se reconnecter avec la classe ouvrière et la majorité des électeurs modérés.
Pour favoriser cette ouverture vers le centre (ce que Jonathan dénomme ironiquement l’« extrême-centre », il me semble), je lui suggère d’ajouter un personnage à son dialogue, qui pourrait s’appeler Athéna, en référence à la déesse de la sagesse et de la stratégie. Athéna représenterait une militante social-démocrate engagée pour la justice économique, la conciliation travail-famille (par exemple via une semaine de quatre jours) et la valorisation du rôle social de l’État. Elle se considère universaliste et humaniste—davantage anti-raciste que les wokes qu’elle juge fondamentalement racialistes. Elle combat les sectarismes et l’obscurantisme religieux de tout acabit et est fermement laïque, ce qui la place en opposition frontale sur cette question avec les wokes.
Athéna : une voix rassembleuse
Ainsi, Athéna serait en compétition avec le wokisme pour l’espace politique à gauche, mais ne perdrait pas de vue que les blocs conservateurs et néolibéraux demeurent son principal adversaire. Elle défend un État plus fort qui nationalise des ressources pour mieux protéger les citoyens face à l’économie de marché—un idéal d’État-providence—tout en soulevant des questions sur la stratégie de radicalisation woke, plaidant pour une approche plus inclusive, démocratique et modérée.
En intégrant Athéna à son dialogue, Jonathan offrirait une perspective qui reflète une partie significative de la gauche aspirant à des changements sociaux profonds, mais par des moyens qui rassemblent plutôt que divisent. Cela permettrait d’enrichir le débat et de mieux représenter la diversité des opinions au sein du mouvement progressiste.
Conclusion
Il est essentiel de reconnaître que la diversité des opinions au sein de la gauche est une richesse qui peut renforcer le mouvement progressiste si nous savons en tirer parti. En privilégiant une approche équilibrée qui évite les extrêmes, nous avons l’opportunité de construire une société plus juste tout en évitant de repousser ceux que nous cherchons à convaincre. C’est en adoptant une stratégie qui allie sagesse et pragmatisme—à l’image d’Athéna—que la gauche pourra réellement progresser et éviter de tomber dans les pièges de la polarisation qui ne servent qu’à affaiblir notre cause commune.
Au plaisir d’échanger davantage sur ces questions.
Ajout d’Athéna au dialogue platonicien : « La fenêtre d’Overton brisée »
Personnages :
- Sophia : Philosophe et militante, elle cherche à comprendre comment reconstruire une gauche efficace face à la montée du fascisme.
- Demos : Un citoyen pragmatique, préoccupé par les crises politiques et économiques.
- Kleon : Stratège politique, adepte de discours incisifs et radicalement progressistes.
- Hermès : Observateur neutre, il pose les questions et anime la discussion.
- Athéna : Militante social-démocrate, incarnant la sagesse et la stratégie. Elle prône une approche équilibrée pour reconstruire la gauche.
Hermès : Nous voilà réunis dans des temps sombres. La victoire écrasante de Trump a enflammé le nationalisme en Amérique du Nord. Au Québec, le Parti Québécois s’impose avec un discours identitaire, tandis que les conservateurs dominent au niveau fédéral. Québec solidaire semble paralysé, stagnant dans les sondages. Alors, dites-moi : quelle stratégie peut sauver la gauche ? Peut-elle encore faire bouger la fenêtre d’Overton vers des idéaux progressistes ?
1. Le constat : Une gauche en crise
Demos : (lourdement) La gauche est en morceaux. QS est devenu un spectateur. Les électeurs voient ses querelles internes et sa posture défensive. Pendant ce temps, le PQ et les conservateurs dictent le débat : immigration, identité, et « lutte contre le wokisme ». La droite écrase tout.
Sophia : Une fenêtre d’Overton verrouillée par la peur et le ressentiment. La droite a su manipuler les angoisses économiques et identitaires pour légitimer ses discours réactionnaires. Mais la gauche, au lieu de répliquer, se divise ou s’adoucit. Elle semble hésitante.
Kleon : (souriant) Hésitante ? Non, Demos, Sophia, soyons francs : Québec solidaire est incapable de définir son propre récit. On n’avance pas en s’excusant. On n’écrase pas les discours réactionnaires avec des demi-mesures. La gauche doit oser être combative, voire radicale.
Athéna : (calmement) Je comprends votre frustration, Kleon, mais est-ce que la radicalisation est vraiment la solution ? Nous risquons d’éloigner davantage l’électorat modéré en adoptant des positions perçues comme extrêmes.
2. Le rôle des idées radicales
Hermès : Alors, Kleon, tu proposes une stratégie radicale ? Une sorte de Full Woke Machine ?
Kleon : Exactement. Pour déplacer la fenêtre d’Overton, il faut la fracasser. Les idées radicales ne sont pas un handicap ; elles sont un levier. Regardez l’Histoire : ce sont toujours les mouvements marginaux qui ont normalisé les avancées majeures.
Athéna : (réfléchissant) Certes, les idées radicales peuvent initier le changement, mais si elles ne rassemblent pas, elles peuvent aussi provoquer une réaction contraire. La réélection de Trump en est un exemple. Une partie de la population s’est tournée vers la droite en réaction à une gauche perçue comme trop radicale.
Sophia : Athéna a raison. Nous devons trouver un équilibre. Comment proposer des changements profonds sans aliéner ceux que nous voulons convaincre ?
3. La nécessité d’un pragmatisme équilibré
Demos : (sceptique) Alors, quelle est l’alternative ? Continuer avec des demi-mesures ?
Athéna : Je propose une approche social-démocrate, centrée sur des solutions progressistes mais pragmatiques. En nous concentrant sur les préoccupations quotidiennes—le logement abordable, la santé, l’éducation—nous pouvons reconstruire la confiance avec la classe ouvrière et les électeurs modérés.
Kleon : (fronçant les sourcils) Mais cela ne suffira pas à contrer la montée de la droite.
Athéna : Si nous parvenons à unir plutôt qu’à diviser, nous pourrons créer un mouvement solide. Il ne s’agit pas de renoncer à nos principes, mais de les présenter de manière inclusive. En évitant la polarisation, nous évitons aussi de pousser la fenêtre d’Overton encore plus à droite.
4. Intégrer les luttes identitaires dans un projet commun
Sophia : Comment intégrer les luttes identitaires dans cette approche sans les diluer ?
Athéna : En les intégrant aux enjeux universels. Par exemple, en défendant un système de santé accessible à tous, nous aidons les communautés marginalisées. La lutte contre les discriminations doit être menée dans le cadre d’un projet collectif qui bénéficie à l’ensemble de la société.
Demos : (approbateur) Cela permettrait de rassembler plus largement, sans exclure ceux qui se sentent laissés pour compte par des discours trop polarisants.
5. Répondre aux adversaires avec sagesse
Hermès : Et comment répondre aux attaques de la droite sur le « wokisme » ?
Athéna : En évitant de tomber dans le piège de la diabolisation. Plutôt que de réagir avec colère, répondons avec des arguments rationnels et mesurés. Montrons que nos propositions sont bénéfiques pour tous et évitons les étiquettes qui ferment le dialogue.
Kleon : (hésitant) Mais ne risquons-nous pas de paraître trop conciliants ?
Athéna : Pas si nous restons fermes sur nos principes tout en étant ouverts au dialogue. La force réside dans la capacité à convaincre sans imposer. C’est ainsi que nous pourrons réparer la fenêtre d’Overton au lieu de la fracturer.
6. Conclusion : Réparer la fenêtre d’Overton ensemble
Hermès : Il semble que nous ayons deux approches : la radicalisation pour déplacer la fenêtre d’Overton, ou une stratégie centriste pour la réparer. Comment concilier ces visions ?
Athéna : En reconnaissant que la diversité des opinions au sein de la gauche est une force. Plutôt que de fracturer la fenêtre, réparons-la en y apportant les nuances nécessaires. En visant le centre de la fenêtre d’Overton, nous pouvons créer un consensus plus large et durable.
Sophia : (souriante) La sagesse d’Athéna nous rappelle que le progrès peut être atteint par la raison et l’inclusion.
Kleon : (réfléchissant) Peut-être que la radicalité doit être tempérée par le pragmatisme. Après tout, notre objectif commun est de construire une société plus juste.
Demos : (enthousiaste) Alors, unissons nos forces. Commençons par des actions concrètes qui améliorent la vie des gens. C’est ainsi que nous regagnerons leur confiance.
Hermès : (se levant) Il semble que nous ayons trouvé une voie médiane, alliant conviction et ouverture. La fenêtre d’Overton n’est pas brisée ; elle peut être réparée si nous travaillons ensemble. À nous de saisir cette opportunité pour reconstruire une gauche forte et unie.