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Posté par le 26 mai 2012 dans Philosophie-politique

Le politicien idéal

Le politicien idéal
En ces moments de crise sociale au Québec où la classe politique est corrompue par le monde financier, les politiciens n’ont évidemment pas la cote populaire. Mais si la corruption de la classe politique alimente le cynisme ambiant, le cynisme amplifie à son tour le désintéret populaire envers les affaires publiques. Bref, force est de constater que nous sommes pris dans un cercle vicieux. Or, si nous voulons renverser la tendance et s’investir dans la démocratie, il faudra bien se poser la question sur quel  type de politicien nous voulons avoir avant d’aller voter.

Cette question, était celle posée par l’animateur Stéphane Pageau durant son émission de web-télé sur Douteux.tv dénommé la cour du roi Pataud. Je vous offre donc ici un résumé de la réponse que j’ai donnée en tant qu’invité.

En guise de postulat pour casser la glace, Stéphane Pageau s’exprime d’entrée sur la question. Selon lui (il est doctorant en sciences politiques), il existe deux idéaux types de la représentation politique. D’un côté, nous avons ce que la science politique appelle les « trustees ». Ce serait des politiciens qui verraient le mandat qui leur est octroyé comme une marque de confiance. « J’ai des projets, vous m’accordez votre confiance, laissez-moi faire ». On les connait beaucoup sous le vocable des Rois philosophes parce qu’en général, ils proviennent de l’élite intellectuelle. Des exemples? Bien sûr. Nul autre que Jacques Parizeau ou bien Pierre-E. Trudeau. De l’autre côté, nous avons les « délégués ». Ceux qui sont représentants du peuple, dont le mandat n’est que de servir de courroie de transmission aux idées qui émanent du peuple. Le meilleur exemple est certainement Maxime Bernier qui lors de la campagne a dit : « Je n’ai pas de programme à vous proposer, c’est à vous à me proposer un programme ». C’est le cas de le dire, un contenant vide. Un autre très connu aujourd’hui est Gabriel Nadeau-Dubois, qui ne se donne même pas le droit de condamner la violence parce qu’il n’a pas eu le mandat. La seule qualité de ces gens serait alors d’être capables de bien vendre les idées de leurs partisans. On verra alors l’importance du charisme, de la beauté physique, du bien parlé face à d’autres qualités comme l’intelligence.

En suivant ce préambule, Pageau amène aussi plusieurs sous-questions. Les grands hommes politiques ont-ils tous la marque de « trustees » plutôt que de délégués? Comment les politiciens peuvent faire la balance entre les deux pôles? Constamment rechercher le juste milieu ne nous amène-t-il pas nécessairement à avoir des politiciens conservateurs? Où placer quelqu’un comme Amir Khadir dans ce cas; car il propose des changements majeurs en restant délégué ou « porte-parole » des membres de son parti? Est-ce que l’on peut simplifier en disant que la droite préfère l’un et la gauche préfère l’autre? Ces politiciens qui « mettent leurs culottes » et qui font les choses « nécessaires » malgré les « résistances » des lobbys, on les place où? À quoi peut mener un trop fort penchant vers le « trustee »? À quoi peut mener un trop fort penchant vers la délégation? Quel serait votre politicien idéal?

De mon côté, il va sans dire que j’ai beaucoup cheminé sur la question depuis mon élection comme conseiller municipal. Suivant ainsi la définition de Pageau, il est clair que le maire de mon arrondissement, Luc Ferrandez, est définitivement un «trustees ». C’est un homme d’action qui, pour le meilleur et pour le pire, fonce comme une locomotive pour réaliser le plus rapidement possible notre programme politique. Pour ma part, étant en première ligne de contact avec les citoyens, je me révèle de plus en plus comme un « délégué ». En effet, non seulement je porte en moi la mémoire du quartier, mais en tant que représentant d’une communauté, j’essaye d’être au service de tous mes citoyens… à commencer par ceux qui m’interpellent davantage. Comme ceux ayant des problèmes avec la Ville… voire notre administration. Or ce désir de concilier les citoyens et de prendre en compte leurs doléances fait-il de moi un moins bon politicien?

Cela dit, qu’importe où je me situe dans la définition de Pageau, il y a des qualités qui transcendent les catégories; voire les idéologies politiques. À cet effet, détenir une vision de l’avenir, et savoir la communiquer me parait un préalable avant d’avoir la prétention de représenter la population. En effet, puisque la politique est avant tout la gestion du temporel, il m’apparait évident qu’un politicien sans vision de l’avenir n’a pas sa place comme dirigeant. En ce sens, nous recherchons certainement dans notre inconscient des politiciens portant nos rêves, et surtout, des communicateurs qui savent exprimer ces rêves avec génie pour convaincre une masse critique d’électeurs.

Mais de rêver à un monde meilleur n’est peut-être finalement que l’apanage des entités progressistes, car il semble aujourd’hui que les politiciens d’obédience conservatrice se proposent comme gestionnaires (du présent) plutôt que visionnaires (pour l’avenir). Pire encore, certains politiciens élus par des systèmes «clef en main» n’osent, ou ne peuvent, rien proposer du tout.

Car s’il y a une chose que les citoyens reprochent aux politiciens, c’est de ne pas dire les choses comme elles sont. De toujours tenir un langage ambigu, de jouer avec les mots, de ne pas répondre franchement aux questions. Les Québécois ont soif de politiciens qui leur donneraient l’heure juste. Si bien qu’à l’heure de la révolution des médias sociaux, il est manifeste que nous en avons soupé de la langue de bois. Cependant, même si nous voulons entendre nos représentants s’exprimer librement, ce besoin exprime en fait notre recherche d’honnêteté.

D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que René Lévesque est le politicien le plus admiré des Québécois. Certes, pour les souverainistes, il fut le porteur d’un rêve national. Mais quand on évoque le nom de M. Lévesque, les gens nous parlent avant tout de son honnêteté. L’ancien premier ministre a toujours combattu l’influence de l’argent en politique, et ses convictions se sont concrétisées dans la Loi sur le financement des partis politiques. Il fallait de l’idéal et du courage, et les Québécois s’en rappellent.

Le politicien idéal est donc honnête et franc. Il ne fait pas de promesses irréalistes. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne fait pas rêver ses concitoyens. Les gens veulent que les politiciens leur proposent une vision, une direction… un projet plutôt qu’un catalogue de promesses.

Une vision, de la franchise, de l’honnêteté, des promesses réalistes. Quoi encore? Convaincus qu’une fois élus, les politiciens perdent contact avec les préoccupations des gens ordinaires, les citoyens veulent avoir leur mot à dire sur les enjeux importants. Le politicien idéal n’abdique pas face à ses responsabilités pour autant. Il propose des solutions, fondées sur ses convictions, sur ses engagements, sur ce qui est possible. Puis, lorsqu’il s’agit d’une question particulièrement importante ou controversée, il ne craint pas de soumettre ses idées au peuple.

Autrement dit, le politicien idéal fait confiance aux citoyens. Il s’offre ouvertement à leur jugement plutôt que de chercher à les tromper. Il se présente pour ce qu’il est, et non selon les recettes des faiseurs d’image. Il énonce ses idées, ses convictions, ses projets, avec clarté et franchise. Il veut convaincre plutôt que séduire. En somme, le politicien idéal est un démocrate.

à l’heure où la loi 78 menace notre démocratie en nous enlevant des droits et des libertés fondamentales, les valeurs démocrates sont d’autant plus aujourd’hui à l’ordre du jour.

Toutefois, pour pouvoir s’élever au-dessus des divisions partisanes et rechercher le bien commun, pour pouvoir naviguer entre l’aspiration à l’unanimité nationale et l’obligation d’être le chef d’une faction contre une autre, il faut préalablement avoir la dimension des hommes d’États (Ce que Jean Charest n’est manifestement pas). Voilà donc ce qui manque au Québec: il nous faut des politiciens avec une conscience d’État afin de nous sortir de ce système qui entretient la partisanerie crasse; et donc une dynamique socialement stérile. De la sorte, il est temps de repenser à notre démocratie pour retrouver la conscience sociale nécessaire afin de pouvoir nous projeter nationalement dans l’avenir. Si nous voulons évoluer et survivre en tant que collectivité distincte, il faudra nous élever au-dessus des limites imposées par ce minable petit carré de sable canadien qu’il désigne en tant que province. Or, je suis convaincu que l’éveil des valeurs démocrates nous amènera naturellement vers l’état d’un Québec libre et indépendant.

La différence entre le politicien et l’homme d’Etat est la suivante: le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération
-James Freeman Clarke

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