Le transit automobile, Luc Chartand et l’embourgeoisement du Plateau
Histoire de vous remettre en contexte, Projet Montréal a gagné les sept postes électifs du Plateau-Mont-Royal en frôlant 50% du suffrage exprimé à la dernière élection municipale. Ce mandat démontre clairement une volonté de changement politique; nous sommes en phase avec nos concitoyens et nous souhaitons, en autre, résoudre nos problèmes de circulation. Cependant, si nos idées pour l’apaisement de nos rues ne sont plus une nouveauté pour les gens de mon quartier, force est de constater que leur mise en place suscite l’attention des journalistes. (De toute façon, puisque le Plateau est toujours une matière à faire parler au Québec, la simple évocation de son nom fait vendre du papier journal… il faut donc apprendre à vivre avec cette dynamique).
C’est ainsi qu’en juin dernier, nous avons présenté en conférence de presse la première phase de nos mesures d’apaisement de la circulation… et de facto, nous avons officiellement lancé le débat dans l’opinion publique.
Dans un premier temps, fort de l’appui immédiat de nos concitoyens, la réception médiatique fut nettement favorable. En effet, nous sentions alors une compréhension de notre politique et une réelle volonté des journalistes d’expliquer objectivement la situation en cause. (Il faut dire que ce sujet est captivant, car il retourne de mesures locales s’inscrivant en concordance avec des solutions globales).
- Visionnez, ici, la conférence de presse de l’arrondissement du Plateau Mont-Royal du 21 juin 2010 présentant les premières mesures d’apaisement de la circulation
- Lire ici, le communiqué de presse officiel de Projet Montréal
- Voir ici, l’entrevue de Luc accordé à la SRC
- Lire, ici, l’excellent article de François Cardinal dans La Presse: Anti-auto, le Plateau?
- Lire, ici, l’article de Jeanne Corriveau dans Le Devoir: La circulation sera restreinte sur le Plateau (Trois secteurs deviendront plus conviviaux pour les piétons et pour les cyclistes)
Puis, la politique ayant horreur du vide, parce que tout changement suscite des réactions, des journalistes ont naturellement soulevé des critiques. Mais ne soyons pas pour autant naïfs ; parce notre politique heurte aussi des intérêts particuliers, d’autres journalistes se sont aussi fait la voix d’une opposition à créer. De la sorte, Daniel Audet au JDM avait démarré les hostilités en jouant coup sur coup les cartes du «gros bon sens» puis celle de l’âgisme (!?!). Ensuite, il y a eu ces deux petits articles de Stéphanie Saucier dans le quotidien 24H, dont ce deuxième article qui empruntera l’axe audacieux de la pollution atmosphérique que généreront nos mesures (!!!). Bon, jusqu’ici, tout s’explique. De par ses fonctions à l’Institut Économique de Montréal, Daniel Audet est en conflit d’intérêts quant à ses perspectives idéologiques. De l’autre côté, la pigiste Stéphanie Saucier semble formater ses textes dans l’optique que ses articles soient relayés au Journal de Montréal (via l’agence de presse QMI, fondée par Quebecor juste avant la mise en lock-out de ses journalistes). Or, le Journal de Montréal s’adressant à des intérêts externes au Plateau, il n’est pas étonnant que notre point de vue n’y soit pas pris en considération.
Mais voilà qu’un certain Luc Chartrand (un journaliste de la SRC… mais utilisant ici la section opinion de La Presse pour s‘exprimer) mêlera les cartes en associant notre formation politique à l’embourgeoisement du Plateau. Bien que la gentrification du quartier soit un fait indéniable, et déplorable, il est d’une malhonnête intellectuelle que d’en responsabiliser notre plan d’apaisement de la circulation. En effet, pour l’instant, notre plan a simplement été annoncé et ne peut donc pas être mis en cause parce qu’il n’est pas encore effectif. Dans un même ordre d’idée, il est abusif, voire mensonger, d’annoncer à tout le Québec que le transit est désormais complètement freiné dans le Plateau. Voici la phrase en question.
Les pressions successives de la nouvelle clientèle aisée du Plateau auront réussi au fil des ans à freiner la circulation de transit jusqu’à, désormais, l’empêcher complètement
-Luc Chartand
Par ailleurs, il faudra peut-être rappeler à M. Chartrand que Projet Montréal est un petit parti financé par et pour les citoyens, appuyer de surcroit par la majorité des organismes sociaux de notre quartier. En comparaison, les partis classiques sont principalement financés par des lobbys; celui du maire étant même sous l’objet de plusieurs enquêtes pour fraude, pots-de-vin et trafic d’influence. Or, avant d’affirmer que nous, Projet Montréal dans le Plateau, serions au service des riches, il faudrait quand même avoir l’honnêteté d’évoquer les forces économiques auxquelles nous nous opposons.
À Projet Montréal, parce que nous avions compris qu’il était impossible de réaliser des grands projets de société dans le contexte ou notre métropole est gérée par/pour des intérêts privés (une logique de gestion à court terme), le mode de financement des partis municipaux est devenu l’un de nos chevaux de bataille électorale. Ainsi, fort du support officiel de juge Gomery, nous avons révélé la liste de nos contributeurs sur notre site Web. Une initiative qui devrait, normalement, nous faire cheminer vers le plafonnement des dépenses électorales… voire une loi encadrant mieux le financement des partis politiques.
Sociologie 101
Utilisant un ton professoral, «ce transiteur» d’un quartier voisin se permettra même de nous donner une leçon sociologique quant à ce que nous sommes sensés être. Sa comparaison est forte : selon Chartrand, la situation de mon quartier correspond à (la très riche) Ville Mont-Royal. Ici, c’est carrément comparer des pommes à des patates. D’entrée, non seulement la géographie des deux quartiers est très différente, mais Ville Mont-Royal est une enclave naturelle dans laquelle ses rues forment un labyrinthe. A contrario, le Plateau est un quartier central qui est traversé de partout par des rues perpendiculaires; c’est-à-dire, concrètement, des dizaines d’axes de transit.
D’autre part, dois-je vraiment apprendre à M. Chartrand que nos maisons sont toutes collées les unes sur les autres, que le Plateau est le quartier le plus densément peuplé au Canada, qu’il est autant à vocation commerciale que résidentielle et que la mixité sociale est le fondement de sa culture progressiste. De son côté, VMR est pratiquement résidentielle, la majorité des maisons comporte de beaux terrains verts, puis sa renommée sociologique tient surtout par la mise en place d’une clôture rhodésienne qui sépare sa population de Parc-Extension. Ah oui, la langue majoritaire de VMR étant l’anglais, ces derniers votent systématiquement pour des politiciens fédéralistes… ai-je vraiment à dire que ce n’est pas pour demain l’élection de Québec solidaire à Ville Mont-Royal .
Luc Chartrand, à la défense des pauvres du Plateau!
Sous-entendant que le plan de mon administration est « d’accaparer le territoire pour les bien nantis » (?!?), Luc Chartrand plaide ainsi le statu quo au nom de « l’intérêt général de la Cité ». Comme c’est grossier. Notre transiteur se prétend mieux comprendre l’intérêt des citoyens que les élus qui les représentent. Puis, de toute façon, en quoi l’augmentation de la circulation automobile serait un avantage pour « les moins nantis » de mon quartier? La question M. Chartrand, n’est pas de savoir pourquoi certains quartiers, riches ou pauvres, s’organisent pour améliorer leur environnement. La question est plutôt: pourquoi les gouvernements actuels, au nom de la circulation automobile débridée, ne peuvent-il pas prendre en compte la dégradation de nos conditions de vie, rendues exécrables par le bruit, la pollution, le danger et le stress urbain?
Subséquemment M. Chartrand, comment trouvez-vous le culot d’évoquer le bien commun quand votre seul intérêt est de traverser le plus rapidement possible notre milieu de vie en voiture? Comment osez-vous parler pour nos moins nantis quand vous élidez complètement de l’équation l’amélioration du transport en commun? Parce que, voyez-vous, ces moins nantis comme vous dites, ne se déplacent pas en voiture vous savez. Puis franchement, puisque vous habitez dans l’arrondissement au nord du Plateau et que vous travaillez dans celui à notre sud, il serait peut-être temps d’envisager de prendre le transport en commun. Mais avouez, votre solidarité avec nos pauvres n’ira pas jusqu’à vous faire partager physiquement leur présence quand même.
Ensuite, de grâce M. Chartrand, contenez votre registre populiste, arrêtez d’interpeller les réactionnaires et feindre l’ignorance pour nous stigmatiser politiquement. Vous, qui êtes correspondant à Paris pour Radio-Canada, vous devez très bien connaître les enjeux en question (le maire Delanoë compte réduire la circulation automobile de 40% d’ici 2020). Oui, bien sûr, les artères du Plateau sont déjà congestionnées, mais puisqu’il y a toujours plus de voitures, nos rues résidentielles se transforment à leur tour en axes de transit. Et après, vous nous suggérez de ne rien faire… de laisser nos enfants à la merci du flot de voitures s’engouffrant en trombe dans nos ruelles. C’est à se demander si vous n’êtes pas de ceux qui accélèrent aux passages piétonniers.
En conclusion, je donnerai le mot de la fin à votre collègue François Cardinal. Un journaliste, qui contrairement à vous, recherche des solutions lorsqu’il expose des problèmes sociétaux.
Ce débat ne touche pas qu’un arrondissement, pas plus qu’une classe sociale, mais bien l’ensemble de la ville centre. En ce sens, il importe de «déplateauiser» les discussions et de s’interroger sur la place accordée aux automobilistes et sur les alternatives qui leur sont offertes –François Cardinal
Alors, puisqu’il faut bien commencer quelque part, nous on fait notre bout sur les rues locales et collectrices. Or, plutôt que de nous renfermer sur nous-mêmes comme vous le suggérez, nous incitons les autres arrondissements à en faire autant. Maintenant que le débat sur le transport à Montréal est lancé, espérons que la Ville centre et la STM emboite le pas.
Un réactionnaire est un somnambule qui marche à reculons
– Franklin Delano Roosevelt (Extrait d’un Discours – 1939)
http://www.cyberpresse.ca/environnement/201008/03/01-4303474-cinq-jours-sans-voiture-a-montreal.php
Cinq jours de sevrage pour les automobilistes. Ouf ! Ciboulette qu’on en demande à ceux qui ne peuvent vivre sans leur dose quotidienne de marée noire urbaine . 😛
http://www.montrealgazette.com/news/cycling+safety+More+cyclists/3349544/story.html?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+canwest%2FF242+%28The+Gazette+-+News+%2F+Local%29&utm_content=My+Yahoo
Constat social : plus y’a de cyclistes moins il y a d’accidents.
Salutations à tous.
Voici une tribune radiophonique sur le thème du Vélo en ville :
http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2010/CBF/LaTribune201008021215.asx
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/08/02/une-penurie-de-produits-de-base-mine-l-industrie_1394800_3234.html
Ceux qui cherchent des solutions pour un meilleure qualité de vie urbaine regardent du côté du métro, de l’autobus, du train, du tramway, du partage-auto, de l’auto-duo, du vélo. Ils sont multi-pistes dans leurs pratiques quotidiennes.
Ceux qui sont addicts du char, sont «one track mind is one track is mine». Leur vision panoramique du Montréal du futur s’étend du bumber d’en avant au bumber d’en arrière de leur coquille roulante. Leur demander d’avoir une vision plus collective relève, pour eux, de l’utopie et menace profondément leur individualisme motorisé.
Ce qui est fantastique, c’est que malgré l’égocentrisme de plusieurs, des gens osent se présenter en politique municipale, provinciale et nationale pour changer l’ordre des priorités urbanistiques. C’est avec plaisir que ces gens courageux auront l’appui de plus en plus d’individus heureux de vivre en collectivité.
Dans la vie, il y a ceux qui pratiquent auto-dérision, d’autres l’auto-satisfaction, d’autres encore l’auto-destruction. Mais la meilleure solution sera toujours l’autobus. 😉