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Posté par le 12 septembre 2008 dans Arts et Culture, Mobilisation politique, Politique nationale

Mal de bloc

Bloc Québécois

Vraisemblablement, les Canadiens se réveilleront bientôt avec une éprouvante migraine collective. En effet, selon les prévisions des sondages, «nous» élirons un gouvernement conservateur majoritaire le 14 octobre prochain. VOUS EN RENDEZ VOUS COMPTE ?!  Cinq années à la merci du pouvoir de cette droite rigide et arriérée, ce réformateur vent d’ouest déferlant sur les fondations progressistes du Canada. Et croyez-moi, non seulement la majorité en chambre permettra la libre expression de la réelle idéologie de Stephen Harper, mais cinq années… cela sera largement suffisant pour façonner un nouveau Canada.

Car oui, au-delà la devanture du nom conservateur, il est bien question ici de l’idéologie de son ancêtre fondateur, le Reform Party. Et rappelez-vous, le Parti réformateur changea une première fois de nom pour celui de Canadian Alliance, un nom délibérément choisi dans l’optique d’absorber le vieux Parti conservateur… et prendre son «branding» au passage. Alors, il faut comprendre que devant nous présentement, il n’est plus question du Parti de Joe Clark, Brian Mulroney et Kim Campbell… mais bien de celui des néoconservateurs. Or, l’utopie des néoconservateurs est bien de transformer le Canada en une émule des États-Unis de Georges Bush… Entendez-vous le rêve de Preston Manning cogner à la porte de notre réalité ?

Politique étrangère collée sur celle des États-Unis, militarisation du Canada, ingérence militaire à l’extérieur du pays, retour en force des valeurs religieuses,  exposition du créationnisme (peut-être même de son entrée à l’école publique), retour de la censure gouvernementale, coupure du financement culturel, investissement dans les forces policières, contrôle sur les médias, dénigrement des intellectuels, éloge du conformisme, valorisation de la femme-objet au foyer, freins de l’accès à l’avortement, privatisation de la santé, retrait du rôle social de l’État, laissez-faire écologique, libéralisation de l’accès aux armes à feu, consécration de l’individualisme triomphant, anglicisation tranquille.

Un beau programme en perspective… Je ne peux croire que c’est ce que souhaitent réellement les électeurs du Parti conservateur au Québec ? En tout cas, si tout cela n’est pas un retour en arrière, je vous demande qu’est-ce que c’est ? Quoi qu’à bien y penser, c’est vraisemblablement la recette d’un beau système de contrôle politique; une formule au service du capital (et de sa basse-cour politique) afin de consacrer sa prédominance sur les classes populaires. Et, à la différence des néolibéraux (tout aussi économiquement à droite), ces derniers utilisent l’instrument religieux (droite morale) à leur arsenal de contrôle. Bref, un gouvernement néoconservateur majoritaire… et il en sera fini du modèle social-démocrate canadien et de ses prétentions à servir l’intérêt de ses citoyens.

De notre côté au Québec, non seulement ce sera le glas définitif de la Révolution tranquille (si ce n’était pas de l’Internet, ce serait le retour de la grande noirceur)…  mais le plus pathétique c’est que le (petit) peuple québécois sera grandement responsable de cette situation.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=Nkb_GgsOD4Q[/youtube]Le Parti Conservateur – La publicité (excellente) du NPD
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=6kvmApqlMcc[/youtube]Publicité 2006 du PLC à propos des Conservateurs
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=uMsqEph7a8I&feature=related[/youtube]Publicité 2006 (négative) du PLC à propos de Stephen Harper

Le problème québécois

En effet, bien que l’idéologie néoconservatrice nous vient d’Alberta, c’est maintenant le Québec qui s’apprête à lui donner la majorité nécessaire à sa consécration canadienne. Or, nous ne pouvons plus imputer la responsabilité de cette situation à la seule raison du carcan fédéral et de ses soi-disantes «valeurs canadiennes» imposées. Soyons directs toutefois, dans cette responsabilité québécoise de l’appui au Parti conservateur, précisons que c’est principalement dans la région de Québec que ce mal s’est enraciné. D’autre part, puisqu’il est fort à parier qu’aucune des trois grandes métropoles du Canada (Vancouver-Toronto-Montréal) ne donnera encore un seul siège au Parti conservateur, ce ne pas à Montréal ni aux bloquistes de la région qu’incombera la responsabilité d’une majorité conservatrice.

Alors la grande question maintenant, pourquoi 30% des Québécois en arrivent-ils à voter pour le parti conservateur? Franchement, dans mon entourage à Montréal, nous saisissons très mal les raisons d’une pareille aberration. D’ailleurs, les conservateurs n’ont (pour l’instant) aucune présence dans ma métropole. Or, ce n’est donc pas un hasard si le Parti au pouvoir n’a toujours pas affiché ses pancartes à Montréal. Bref, les raisons de cet appui ne se trouvent pas dans mon environnement immédiat. Allons donc plutôt regarder du côté de Québec city (il faut dire le mot «city» maintenant, ça flatte l’égo des colonisés de notre capitale).

Rapidement, je pourrais énumérer pêle-mêle ces «raisons» :
  • le bête retour d’ascenseur politique de l’organisation adéquiste (qui lui-même compte sur le réseau conservateur)
  • l’exploitation de la grogne populaire envers les élites et la métropole
  • le sentiment de revanche  sur Montréal  (!?!) et l’illusion de faire partie du pouvoir
  • une volonté pathétique d’absolument se différencier de Montréal (mais en prenant les États-Unis  comme modèle)
  • l’aliénation culturelle, la perte des valeurs collectives et l’essoufflement de l’idéal souverainiste

Bon, il y a déjà beaucoup sur la table ci-dessus ! Or puisque ce sujet en soi sera l’essence d’un prochain article (le problème québécois), je n’effleurerai ici que l’aspect du nationalisme dans l’appui des Québécois aux conservateurs. En effet, la culture étant l’un des thèmes actuels de cette élection (de par les coupures conservatrices), Stephen Harper surfant sur le nationalisme québécois (!?!), il devient impératif de comprendre la relation entre ces deux sujets. Car dans les faits, il est totalement paradoxal que le Parti s’attaquant à la production culturelle puisse avoir la faveur du vote des nationalistes québécois.

De la relation entre nation et culture

Bien sûr, les Québécois ont le droit de préférer les carottes conservatrices au bâton libéral, (même si la plupart ne se reconnaissent pas dans leur idéologie de droite). Mais qu’en est-il vraiment de la reconnaissance de Stephen Harper à la nation québécoise (purement en parole) ? D’entrée, il est vrai que l’actuel premier ministre a su tirer une leçon de l’arrogance hautaine des Libéraux envers les revendications nationales des Québécois. Si bien que ses fabricants d’images ont visé dans le mille avec cette  approche mielleuse pour le Québec. Toutefois, cette soudaine reconnaissance SYMBOLIQUE de la nation québécoise n’est qu’électoraliste…  et finalement factice.

Rappelons-nous que Stephen Harper est l’un des fondateurs du Reform Party, ce dernier était ainsi un ardent pourfendeur du concept de «société distincte» durant les pourparlers constitutionnels (accord du lac Meech, accord de Charlottetown). Effectivement, il faut dire que depuis le tout début de la Confédération canadienne, le Canada anglais avait toujours nié l’existence de la nation québécoise. Or depuis sa création en 1990, le Bloc Québécois a logiquement poussé pour que le Québec soit reconnu pour ce qu’il est.  Sur ce sujet, par son simple rapport de force électorale à la chambre des communes, le Bloc aura forcé l’évidence… et le Québec aura finalement eu gain de cause. Or selon Stephen Harper, ce serait aujourd’hui grâce au Parti conservateur !!! :shock:

[youtube]http://ca.youtube.com/watch?v=GJf9YFNieFY[/youtube]Première publicité télé du Bloc en dans la campagne 2008

Puis, «reconnaitre la nation québécoise», cela devrait équivaloir aussi à reconnaitre la langue française en son cœur. Donc, comment expliquer le blocage des conservateurs à ce projet de loi bloquiste : vous savez, celui qui  ferait appliquer la loi 101 aux entreprises canadiennes et internationales soumise au Code du travail canadien en sol québécois? Est-ce parce que durant sa présidence de l’organisme National Citizen Coalition, Stephen Harper finançait les opérations juridiques de Brent Tyler afin de démolir la loi 101 au Québec ?

La « reconnaissance de la nation », tant claironnée par les conservateurs, est devenue une authentique illustration du néant politique. Visant les seuls Québécois francophones et, sitôt proclamés, elle n’est restée qu’un insignifiant symbole d’ordre ethnique. Un jeu de mots sans aucune conséquence positive concrète pour le Québec sur le plan du partage des pouvoirs. Une coquille vide à laquelle, en contradiction avec la logique de l’opération, le gouvernement Harper a toujours refusé de donner de la substance.

Coquille d’ailleurs si vide que, de connivence avec son pendant provincial Charest, il a tout fait pour que le 400e anniversaire de la fondation de Québec ait le moins de rapport possible avec la réalité historique, de peur que l’événement donne prise à un réflexe patriotique au sein de la « nation québécoise ». Au point aussi, sans rire, mais se moquant de tous, qu’Harper a présenté Champlain comme le prédécesseur de la gouverneure générale du Canada, notre «mini-reine» !

Claude Morin, aujourd’hui dans le texte : Mystifications conservatrices

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=X6BwUealIio[/youtube]
Après avoir lu l’excellent texte de Claude Morin ci-dessus (un texte qui n’est pas d’intérêt public selon La Presse), comparez-le avec les propos conservateurs dans cette publicité attaquant le Bloc au Québec

Par ailleurs, qui s’attaque à notre production culturelle s’attaque aussi à l’âme d’un peuple. Car en effet, dans le contexte où nous n’avons toujours pas de pays, les artistes du Québec sont en quelque sorte nos ambassadeurs et les gardiens de notre réelle liberté d’expression.

« Voter pour les conservateurs de Stephen Harper, c’est d’être profondément inculte ».
–    Gilles Vigneault, ici dans cet article


La résistance s’organise

Si le Canada est aujourd’hui menacé par l’arrivée des néoconservateurs à sa pleine direction,  c’est bien parce que les forces de droite se sont unies dans un seul et unique Parti. D’un autre côté, la gauche plurielle (la majorité) se divise entre les libéraux, le Bloc, le NPD et les Verts. Vraiment, c’est ici que nous voyons les limites de l’actuel système démocratique… vivement, IL NOUS FAUT UN SYSTÈME DE REPARTITON PROPORTIONELLE. Toutefois, pour cette prochaine élection, rien ne sert de s’apitoyer sur cet handicap démocratique. Mais quand même, un minimum de pourparlers devrait cependant s’enclencher entre les partis de l’opposition.

La campagne qui se dessine sous nos yeux, sans aller jusqu’à dire qu’elle est la plus importante de l’histoire du Canada, offre non seulement des styles de leadership différents, mais surtout, des programmes différents. Cette campagne s’articule de plus en plus clairement sur l’axe classique gauche-droite, reléguant loin derrière le débat souveraineté-fédéralisme. D’où le problème majeur pour Stéphane Dion: la droite est unie, mais la gauche est actuellement éclatée en trois pôles (PLC, NPD, verts).

Stéphane Dion n’a pas l’ascendant pour unir cette gauche. Il n’a pas le temps non plus et son parti n’est pas prêt à tendre la main aux autres partis. Coalition signifie compromis et trop de libéraux pensent encore que le PLC est le «parti naturel de la gouvernance» au pays. Ils pensent que ce n’est qu’un mauvais moment à passer et qu’ils retrouveront vite le pouvoir. De plus, au Québec, toute alliance formelle des libéraux avec le Bloc est impossible. Ailleurs, une alliance serait plus naturelle avec le NPD, mais les quatre dernières années de gouvernement minoritaire à Ottawa ont démontré que les deux partis n’ont aucun projet en ce sens.
–    Vincent Marissal, aujourd’hui dans La Presse

De la sorte, Libéraux et Verts ont déjà montré l’exemple. De l’autre côté, le NPD et le Bloc tarde les rapprochements. Il faut dire que le Bloc ne veut pas se faire trop peinturer à gauche (afin de garder son électorat nationaliste). Puis, les prétentions électoralistes du NPD  amènent ces derniers à snober leurs compétiteurs Verts ; et par son opposition fondamentale au nationalisme, la gauche fédéraliste au Québec comprend toujours mal le lien entre le nationalisme et la culture au Québec. Mais si les conservateurs ont réussi à s’allier aux «nationalistes» québécois de l’ADQ, il serait peut-être temps que le NPD en fasse autant au Québec avec les nationalistes de gauche.

Mais bon, peu importe le jeu des alliances entre les Partis, puisque cette fois-ci la menace est sérieuse, les citoyens n’attendront pas après les politiciens afin de coordonner une résistance face aux conservateurs. Car, s’il y a un concept fondamental en politique, c’est bien la mobilisation issue d’un adversaire commun. D’ailleurs, Steve Proulx nous apprend aujourd’hui l’existence de ce groupe facebook afin d’empêcher les conservateurs de former un gouvernement majoritaire le 14 octobre prochain. Le concept : se baser sur les sondages et les résultats des dernières élections afin d’indiquer dans quelles circonscriptions les libéraux, le NPD ou les Verts ont besoin de votes. Mais au Québec, les Canadiens devraient bien comprendre que seul le Bloc Québécois peut «bloquer» la majorité aux conservateurx (à l’exception d’Outremont semble-t-il).

Et encore une fois ici, «le vote stratégique», c’est-à-dire  de voter pour «le moins pire candidat qui a une chance de gagner» plutôt que son réel favori… voilà une autre  limite démocratique de l’actuel système uninominal à un tour.

La suite des choses

Si à court terme notre prérogative est de résister à la vague conservatrice, il faudra quand même un jour regarder l’avenir en face.  Actuellement, partout dans l’occident,  la droite mène le jeu en imposant ses propres règles démocratiques … et malheureusement, elle gagne à chaque fois du terrain. De la sorte, à l’heure de la mondialisation, peut-être que la solution résidera dans la mise en place d’un nouveau parti socialiste qui transcendera les frontières nationales. Mais encore là, le danger du bipartisme (à l’américaine) demeure une formule trafiquable (contrôle des deux Partis par les mêmes intérêts économiques). Alors, il faut bien discerner qu’une coalition sous l’égide d’un éventuel « Parti libéral renouvelé » ou « super NPD » ne peut être une réelle solution. Peut-être même que cette option serait un piège afin de nous américaniser définitivement par l’absence d’un Parti souverainiste.

Bref, si cette fois je pense que le Bloc Québécois sauvera les meubles (car les conservateurs n’obtiendront certainement pas les gains espérés dans la banlieue de Montréal), un jour ou l’autre, les souverainistes  devront réajuster leur formation politique aux nouveaux défis qu’exige l’avenir. En effet,  combien de temps encore pourrons-nous entretenir  cette formation défensive? Un jour, il nous faudra bien maîtriser notre propre agenda politique plutôt que du subir constamment celui des intérêts étrangers… Or, il faudra bientôt choisir entre l’intégration d’une alliance de gauche pan-canadienne ou  faire «bloc» à part en attendant l’écœurement de la population québécoise face à la droite conservatrice. Mais moi, à l’heure du réchauffement climatique, de l’effritement de la sphère sociale et du retour en force des intrigues religieuses…  je ne crois plus que nous ayons encore le luxe de supporter la politique du pire.

D’ici ce choix nationalement fatidique, afin de faire passer ce gros mal de tête collectif, je vous prescrirai donc de prendre quelques aspirines de Bloc québécois. Bien sur, cette solution ne guérira pas le Québec de sa maladie; mais assurément, nous pourrons quelque temps encore utiliser notre tête à bon escient… et qui sait, peut-être en profiter pour définitivement résoudre l’origine de notre grand malaise.

Et dire que la souveraineté du Québec nous aurait épargné pareille situation! Vous êtes pas écœurés de mourir bande de…

Il faut que soient préservés des pans entiers du monde à l’écart du mouvement précipité de l’histoire. Que les gens vivent en marge, au bon sens du terme. On peut être très heureux au bord du chemin. À condition de n’y être pas seul, de faire bloc
-Robert Guédiguian (Extrait d’un article dans Première – décembre 1997)

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2 Commentaires

  1. Ne laissons pas tomber les bras… Voici une belle occasion de protester et de travailler à consolider les efforts des gens « progressistes »…

    Si tu me permet un « spam »:

    Un regroupement ponctuel des blogues politiques québécois qui s’opposent à l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire vient de voir le jour. Je t’invite à visiter cette page régulièrement afin d’accéder à la liste des blogueurs qui ont décidé de s’y joindre et d’expliquer pourquoi, selon eux, il est essentiel d’unir nos efforts pour lutter contre la montée des idées néoconservatrices au Québec et au Canada: http://lutopium.wordpress.com/non-m-harper/.

    Je t’invite également à joindre le groupe! Et désolé pour le copié-collé, je suis débordé avec cette initiative!

    A+

    p.s. t’as l’air dans l’jus… 😉

    lutopium| lire ici le dernier article de son blogue: Harper et la disparition des services publics

  2. Excellente analyse de la situation ! Portrait déprimant au début, mais bon, on a peut-être une aspirine… Mais fiou ! L’Amérique du Nord risque de devenir une terre de droite religieuse extrémiste d’ici novembre. Phoque ! Il va peut-être falloir que les forces de gauche arrêtent de se déchirer comme je le disais sur mon blogue et qu’elle se réunissent contre les forces puissantes de droite.

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