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Posté par le 23 janvier 2011 dans Médias, Politique internationale

Wikileaks, Bradley Manning et le sens de la justice internationale

Wikileaks, Bradley Manning et le sens de la justice internationale

Mais qui sont vraiment « les terroristes »?

Qui sont les vrais criminels devant être jugés internationalement? Bradley Manning, un soldat étasunien de 23 ans suspecté d’avoir fourni au site Wikileaks (spécialisé dans la publication de documents confidentiels) la vidéo d’une attaque d’hélicoptère à Bagdad en 2007?  Où les pilotes de cette hélicoptère ayant exécuté gratuitement une dizaine de civils, dont deux journalistes de l’agence Reuters? Dans les faits, non seulement l’armée étasunienne protège l’identité des assassins qui n’ont toujours pas été inculpés, mais c’est plutôt Bradley Manning qui sera jugé.

Bradley Manning, un prisonnier politique ?

En effet, huit chefs d’inculpation ont été retenus par l’armée étasunienne contre le jeune soldat qui comparaitra devant une Cour Martiale au printemps 2011. Ainsi, ce dernier risque un total de cinquante-deux ans de prison. En attendant son jugement, Bradley Manning est soumis à un isolement carcéral maximum (Maximum Custody Detainee) dans des conditions qui prêtent à controverse.

Free Bradley Manning

Les campagnes en ligne Free Bradley Manning et Bradley Manning Support Network continuent de militer pour sa libération.

Pour la partie de l’opinion américaine alimentée par Fox News, Bradley Manning est un traître qui doit être jugé le plus sévèrement possible. En ce sens, l’ancienne candidate à la présidentielle Sarah Palin aurait déclaré sur sa page Facebook que «cet antiaméricain, dont les mains sont tachées de sang, doit être traité avec la même urgence que le sont les terroristes d’Al Qaeda». Le républicain Mike Huckabee, l’un des favoris à la présidentielle de 2012, a pour sa part rajouté que «le jeune homme doit être condamné à la peine capitale pour haute trahison».

Ce genre de propos barbares ne sont pas sans rappeler ceux proférés par Tom Flanagan à CBC. Cet ancien conseiller politique de Stephen Harper avait alors déclaré qu’il ne serait pas triste de voir le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, disparaître. M. Flanagan est allé jusqu’à dire que le président Obama devrait «placer un contrat» sur sa tête ou «utiliser un drone» pour s’en débarrasser.

Franchement, dans n’importe quelle démocratie devant se respecter, toute incitation à commettre un meurtre devrait être traduite en justice. Mais non, dans notre monde, c’est plutôt Julian Assange qui fait face à un mandat d’arrêt international. Rappelons son crime officiel (qui fait de lui l’un des dix hommes les plus recherchés par Interpol): il aurait violé une loi suédoise en risquant la vie d’autrui par l’entremise de rapport sexuel sans protection. N’importe quoi!

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Julian Assange : donne aux gens un accès gratuit aux informations d’entreprise (Go prison). Mark Zuckerberg : donne aux entreprises un accès payant à vos informations personnelles (Homme de l’année)

Julian Assange

Julian Assange

La relation entre le pouvoir et la démocratie passe par la transparence

Bien sûr, nous comprenons que la presse (au service du pouvoir) se déchaine sur l’existence de Wikileaks et son fondateur parce que les secrets d’État sont maintenant menacés d’être révélés; et surtout, cette dynamique révolutionne radicalement le fonctionnement de la diplomatie internationale. Mais au-delà des manœuvres d’un système qui réagit maladroitement à l’influence de Wikileaks, c’est le choc des valeurs sous-jacent qui m’enrage dans cette histoire.

Car, en appelant à la disparition des personnes et outils révélant des vérités au grand jour, il s’exprime ouvertement un plaidoyer agressif contre la transparence et la libre circulation de l’information. Par opposition, c’est faire ici l’apologie des mensonges d’État et de l’ignorance au peuple. Et plutôt que de questionner le sens moral des actions révélées, il démontre finalement que la justice, voire la vie, sont des éléments secondaires face à la logique guerrière. Bref, dans le cas des victimes innocentes exécutées par l’attaque d’hélicoptère, il faudrait accepter le fait qu’elles ne sont que des dommages collatéraux (issus d’une guerre internationalement illégale et s’appuyant sur des raisons inventées). De toute façon, tous les non-dits quant à la minimisation de ces meurtres transpirent intrinsèquement le racisme (tout le monde devrait savoir que la vie d’un arabe anonyme vaut moins que celle d’un américain).

Évidemment de son côté, Fox News tente de programmer le peuple étasunien à considéré Bradley Manning en tant que traitre à la nation, puis Assenge comme un dangereux terroriste international. Finalement, c’est carrément émettre le concept au peuple que la vérité ne lui est pas nécessaire et que le vrai patriote est moralement sans jugement quant aux actions de son armée. Et parce que la sécurité nationale se trouverait dans l’ignorance et le conformisme, les héros modernes s’avèrent ces pantins enveloppés de drapeau et défendant la patrie des méchants terroristes (en tuant des civils à l’étranger) plutôt que ces humanistes épris de justice internationale et révélant de grandes vérités diplomatiques. Ironiquement, au pays de la soi-disant liberté et de la démocratie, je trouve particulier que l’accès populaire à l’information ne soient pas considérés comme une liberté fondamentale aux citoyens de la nation.


Hommage aux Héros! Dennis Madalone’s America: We stand as one

Au nom des ces vies éliminées sans raison et dépossédées de toute forme de droit, prenez le temps de regarder la vidéo de leur assassinat. Et lorsque vous verrez ces innocents sommairement abattus comme dans un jeu vidéo, quand vous constaterez la désinvolture des commentaires émis par ces soldats durant cette opération impromptue, méditez bien sur le sens de la justice pour l’armée étasunienne. Car du plus profond de sa prison, c’est le soldat Manning qui est condamné d’avoir amené cette vérité jusqu’à vous.


Mais qui sont vraiment « les terroristes »?

Pour l’ordre du pouvoir obscurantiste, celui qui oeuvre dans l’ombre, il est manifeste que l’ignorance populaire est plus importante que la vérité. Alors, en condamnant la vérité plutôt que l’injustice, on dérive assurément vers la logique du despotisme. En conclusion, ce n’est pas Bradley Manning que l’on jugera dans cette histoire, mais bien le système de valeur sur lequel notre monde se base pour s’organiser.

Wikileaks

Le réel pouvoir du peuple en démocratie s’acquiert par la libre circulation de l’information, or l’accès universel à celle-ci y est fondamental; d’autant plus quand il est question de provoquer des guerres. En ce sens, il faudra comprendre que la transparence impose l’objectif du bien commun aux intérêts privés tapis dans l’ombre des mensonges d’États. Éclairer les coulisses du pouvoir, voilà le rôle international de Wikileaks pour nos démocraties. La preuve, dites-vous que si Wikileaks avait existé en 2003, l’argumentaire fallacieux des faucons néo-conservateurs contre l’Irak ne se serait probablement pas concrétisé en guerre… et les victimes de cette attaque d’hélicoptère Apache seraient toujours en vie aujourd’hui. Maintenant, combien de vie Wikileaks aura t’il sauvé en désamorçant des amorces de conflits par l’objectif public?


Comme les Américains l’ont appris si douloureusement au dernier siècle terrestre, la libre circulation des informations est le seul rempart contre la tyrannie. Les peuples autrefois enchaînés dont les dirigeants ont enfin perdu leur emprise sur le flux d’informations, vont bientôt déborder de liberté et de vitalité. Mais la nation libre qui restreint progressivement le discours public a commencé son glissement rapide vers le despotisme. Méfiez-vous de celui qui vous refuse l’accès à l’information, car dans son cœur, il rêve déjà être votre maître. — Préfet Pravin Lal, »Déclaration des droits des Nations Unies » (Dans le jeu Alpha Centauri)

A chaque fois que nous sommes témoins d’une injustice et que nous n’agissons pas, nous formons notre caractère à être passifs… Nous finissons alors par perdre toute capacité à nous défendre, ainsi que ceux que nous aimons.
– Julian Assange

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7 Commentaires

  1. Rien à dire sur le sujet, mais il fallait que je vous dise que ça fait chaud au coeur de lire un bon article comme celui là. J’ai par contre quelques aigreurs face aux gens qui estiment que ce qui est important dans l’article est leur statut de consommateurs de jeux vidéos. Tout ceci est une histoire de priorité et c’en est encore un exemple. Le pétrole représente une ressource éphémère qui ne profitera à personne très longtemps, et pourtant on peut lancer n’importe quelle guerre pour ça, est-ce que notre consommation est la priorité? C’en est presque palpitant pour la plupart des gens: ça donne à la vie un côté dur et fatal, un coût ou une valeur, dont on se sent presque fier « l’homme est fait pour la guerre », « c’est lui ou toi ». Si bien des combats sont à mener, la véritable guerre ne profite quasiment jamais à personne.

  2. Bradley Manning inculpé de «collusion avec l’ennemi»

    Agence France-Presse
    Washington

    Le soldat américain Bradley Manning, incarcéré pour avoir fourni à WikiLeaks des milliers de documents confidentiels américains, a été inculpé par la justice militaire pour 22 nouveaux chefs d’accusation mercredi, dont «collusion avec l’ennemi», a annoncé le Pentagone.

    Ce chef d’accusation est passible de la peine de mort mais les procureurs ont décidé de ne pas la requérir, a précisé John Haberland, porte-parole de la juridiction militaire de la région de Washington, dans un communiqué.

    Il a ajouté que le jeune soldat de 23 ans risquait la prison à vie.

    Le jeune analyste de renseignement en Irak avait déjà été inculpé de douze chefs et est enfermé à l’isolement depuis juillet dans une prison militaire de Virginie.

    Il est soupçonné d’avoir fourni à WikiLeaks, qui les a ensuite rendu publics, des documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan et des milliers de câbles diplomatiques du département d’Etat.

    Le soldat «s’est introduit dans un logiciel interne du système informatique du gouvernement afin d’y consulter des informations confidentielles», a expliqué M. Haberland. Il les a ensuite «illégalement téléchargées, conservées et transmises en vue d’une diffusion publique et d’une utilisation par l’ennemi», a-t-il énuméré.

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    Bradley Manning

    «Les nouveaux chefs d’inculpation reflètent mieux la grande portée des crimes» dont Bradley Manning est accusé, a-t-il encore ajouté.

    Seule personne au monde à l’heure actuelle poursuivie pour les fuites orchestrées par WikiLeaks, le jeune homme fait en ce moment, à la demande de ses avocats, l’objet d’une évaluation psychologique et psychiatrique qui a retardé l’ouverture des audiences préliminaires à un procès.

    Sur le site internet consacré au soldat par son avocat David Coombs, celui-ci a dit ne pas être surpris de l’impositions de nouveaux chefs d’accusation. Mais il a rappelé que seul un jury militaire «déterminerait au final quels chefs, seront retenus devant la cour martiale, si certains le sont».

    WikiLeaks a de son côté estimé sur Twitter que l’accusation de «collusion avec l’ennemi» était une «agression revancharde visant Manning parce qu’il exerce son droit à garder le silence». «Collusion avec l’ennemin suggère que WikiLeaks serait défini comme l’ennemi», a encore analysé WikiLeaks.

    Bradley Manning a porté plainte contre ses conditions de détention. David Coombs demande pour son client des conditions de détention moins draconiennes, notamment qu’il soit retiré de sa cellule à l’isolement, où il est surveillé en permanence, pour l’empêcher de se suicider ou de se blesser.

    Dans la plainte, il explique que plusieurs experts psychiatres ont recommandé qu’il ne soit plus détenu dans des conditions de sécurité maximale.

    Le fondateur de WikiLeaks, l’Australien Julian Assange, fait de son côté l’objet d’un mandat d’extradition du Royaume-Uni vers la Suède, où la police veut l’interroger dans une affaire de viol.

  3. voilà Fabrice, juste pour toi, j’ai enlevé le mot « vulgaire ».

  4. Héhé gros quiproquo, j’aurai du préciser que le passage qui me chicotte est le suivant :
    « ces innocents abattus comme dans un vulgaire jeu vidéo »

  5. Fabrice, Alpha Centauri est carrément mon jeu vidéo culte.
    S’avérant un simulateur politique par excellence, cette référence a pour but de rendre hommage à ses créateurs, une oeuvre ayant finalement participé à ma réflexion politique.

    Faudrait-il transformer Alpha Centauri en film pour pouvoir devenir à tes yeux une source de référence convenable? 😉 😛

  6. Dans notre belle province, toujours dans son faux rôle d’objecteur de conscience à contrecourant, Richard Martineau applique sa recette habituelle en condamnant Wikileaks… par une anecdote boiteuse à propos du comportement de son fondateur. Wow, mais quel magnifique travail de journalisme! Ainsi, j’imagine que Riri se perçoit dans la gang idéologique de Fox New et cie. Simplement petit, minable et pathétique.

    http://blogue.canoe-inc.com/martineau/2011/01/15/l_arroseur_arrose_1

    http://martineau.blogue.canoe.ca/2010/12/11/le_secret_pour_moi_oui_mais_pas_pour_les

  7. Est ce qu’on pourrait pas remplacer la référence au jeu vidéo par quelque chose de plus général ? Ou de rappeler que ce qu’affiche un jeu est le fruit d’une SIMULATION, contrairement au cinéma ou -j’y viens- la télévision.
    #marredesefairepointerdudoigt

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